jeudi 23 décembre 2010

Traduction : Hymne au Sans-pareil



Nāgārjuna est l'auteur d'une série de quatre hymnes (S. catuḥstava) à la conscience éveillée (Buddha) qui n'ont pas été composés comme un ensemble, mais qui ont été regroupés ultérieurement. Les quatre titres que l'on trouve sous cette dénomination en sanscrit ne sont pas les mêmes que ceux que l'on trouve dans la collection canonique tibétaine. La série en sanscrit est : Nirupamastavah (T. dpe med par bstod pa), Lokātītastava (T. 'jig rten las 'das par bstod pa), Acintyastava (T. bsam gyis mi khyab par bstod pa) et Paramārtha stavah (T. don dam par bstod pa).

Dans la série tibétaine, on trouve à la place de l'Acintyastava, le Cittavajrastava (T. sems kyi rdo rje'i bstod pa). Louis de la Vallée-Poussin avait publié la traduction française des quatre hymnes (louanges) de la série tibétaine dans le Muséon.

Les hymnes sont un exercice particulier dans le bouddhisme. Ce genre utilise tous les aspects des hymnes anciens, védiques et autres, où l'on loue les qualités du divin. L'hymne a plusieurs fonctions. En faisant le louange des qualités du divin ou d'un dieu particulier, on accumule du "mérite" (S. puṇya) tout en prenant conscience de ses qualités qui sont accessibles à tous.

Les hymnes de Nāgārjuna contiennent des allusions au Bouddha historique et à ses actes et à son action, mais ils montrent surtout que les véritables qualités et caractéristiques du Bouddha ne se trouvent ni dans son corps, ni dans sa pensée, ni dans aucun attribut (S. dharma), mais dans la substance des attributs (S. dharmatā). En adressant des hymnes au Bouddha historique, puis au "Bouddha universel", nous sommes invités à prendre conscience du Bouddha "intérieur" et à devenir nous-même "Bouddha". Ainsi, la pratique des hymnes permet aussi bien une approche dualiste classique qu'une approche plus mystique. Notamment dans le cas des hymnes de Nāgārjuna.

Hymne au Sans -pareil

En langue indienne : nirupama-stava
En tibétain : Hymne au Sans-pareil

Hommage à Mañjuśrī kumara

1. A ceux qui sont privés de la vue [juste]
Les êtres du monde Tu t'efforces à venir en aide
Tu connais l'absence de substantialité (S. a-bhāva)
Toi qui est sans pareil je t'adresse cet hymne

2. Absolument rien
N'est vu par Ton oeil éveillé
Ta vision est insurpassable
C'est la réalité du principe manifestant (S. tattvārtha) que tu connais

3. Tu es l'essence (S. sattā) de la réalité absolue (S. pāramārtha)
Il n'y a ni quelqu'un qui accède ni quelque chose qui est accédée
Mais merveille, ce qui est extrêmement difficile à accéder
La substance des attributs (S. dharmatā) est accédée par les éveillés

4. Tu n'as généré le moindre attribut (S. dharma)
Ni n'en as tu détruit
C'est par la vision de l'égalité foncière (S. samatā)
Que Tu as trouvé l'état insurpassable

5. Ce n'est pas en t'abstenant de l'Errance (S. saṃsāra)
Que tu as désiré la Quiétude (S. nirvāṇa)
Mais c'est en ne t'appuyant (S. ālambana) pas sur l'Errance
Que tu as accédé à la Quiétude, ô Seigneur (S. nātha)

6. Tu te délectes pareillement des affects (S. saṃkleśa) et
De la purification (S. vyavadāna)
Qui sont indissociables dans l'élément des attributs (S. dharmadhātu)
Et totalement authentiques

7. Toi qui es le premier (S. śreṣṭha)
Tu n'as pas dit une seule lettre
Et pourtant tous les êtres à convertir
Sont continuellement satisfaits par une pluie d'instructions (S. dharma)

8. Tu as un Esprit qui est semblable à l'espace
Les (cinq) groupes d'appropriation (S. skandha), les éléments (S. dhātu), les domaines sensoriels (S. āyatana)
Tu ne t'y attaches pas
Tu ne t'appuies sur aucun attribut (S. dharma)

9. Seigneur tu n'as pas de notion d'êtres vivants
Ni appliques-tu aucune autre notion
Mais envers les êtres qui éprouvent des peines
Tu témoignes de la compassion

10. Bonheur et souffrance,
Permanence et impermanence etc. Toi qui est le premier
Des diverses imaginations de ce genre
Ne trouvent pas d'attache dans ton Esprit

11. Aucun attribut n'arrive de nulle part et ne va nulle part
Ainsi (S. tathā-) en va-t-il de Ton propre passage (S. gata)
Ni les [attributs] se regroupent-ils ailleurs
C'est pourquoi Ta connaissance (S. saṁvedya) est ultime

12. Bien que Tu sois impliqué (T. rjes su zhugs) en tout
Tu n'es apparu de nulle part
Ta naissance, ton Dharma et Tes Corps
Sont d'autant plus inconcevables ô grand Muni

13. Ni identiques, ni différents
Les êtres tels l'écho
Sont libres de transmigration et de destruction
C'est Toi qui est sans blâme qui l'a compris

14. [L'Errance] est exempt d'éternalisme (S. śāsvata) et de nihilisme (S. uccheda)
Rien qui ne soit caractéristique (S. lakṣana) ou caractérisé (S. lakṣya) ne peut la réveler
Prince, semblable à un rêve ou à une illusion (S. māyā)
Voilà comment Tu perçois définitivement (S. vibodhati) l'Errance

15. Ce qui a les empreintes (S. vāsāna) pour fondement et pour fin
Les affects (S. kleśa) et les actes dissociatifs (S. pāpa) Tu les a délaissés
Et l'être propre des affects
Tu en fais du nectar

16. Héro (S. vīra), à travers tes formes
On perçoit l'absence de caractéristiques (S. ānimitta), et étant sans sans forme
Ton Corps qui rayonne des marques [du Bouddha]
Est cependant perçu comme un objet visuel

17. Voir comme une forme n'est pas voir
Pourtant [dans ce cas] on dit "je vois"
Voir comme un attribut est voir véritablement
La substance des attributs (S. dharmatā) n'étant pas visible

18. Ton corps n'est pas une cavité
Ni y trouve-t-on chair, os et sang
Mais c'est comme l'arc d'Indra dans le ciel
Que tu manifeste ton Corps

19. Dans ton Corps on ne trouve ni maladies, ni impuretés
Ni faim, ni soif
Mais Tu suis cependant le monde
Et manifestes même les façons du monde

20. Les défauts associés à l'obscurcissement de l'agir (S. karmāvaraṇa)
Toi qui est libre d'acte dissociatif (S. pāpa) Tu T'en abstiens
Mais en Te souciant des êtres
Tu montre cependant comment s'abstenir de l'agir

21. L'élément des attributs (S. dharmadhātu) étant indivisible
Prince (S. śreṣṭha), Tu ne distingue pas entre véhicules
Les trois véhicules que Tu as enseignés
Etaient uniquement dans l'intérêt des êtres

22. Permanent, stable et paisible
Est Ton Corps (S. kāya) qui a les attributs (S. dharmā) pour être propre
Vainqueur, c'est uniquement dans l'intérêt des êtres
Que Tu as montré la Quiétude

23. Dans les univers sans nombre
Tu meurs, Tu nais, Tu t'éveilles
Pour que ceux qui veulent se libérer de l'Errance
Et qui te vénèrent puissent Te voir

24. Seigneur, Tu est exempt de pensées/intentions (S. citta)
D'imaginations (S. vikalpa) et de mouvements (S. calati)
Pourtant dans le monde
Tu T'engages dans les actes d'un Buddha

25. Ainsi, les qualités incommensurables et inconcevables du Sugata
Je les ai décorées de fleurs ; par le mérite de cet acte
Puissent tous les êtres
Etres prêts pour recevoir les qualités (dharmā) du Muni difficiles à accéder

L'Hymne au Sans-pareil a été composé par ācārya Nāgārjuna. Il a été traduit par l'upādhyāya indien Kṛṣṇa paṇḍita et par le traducteur bhikṣu tshul khrims rgyal ba.

***

Texte en tibétain Wylie


@##//rgya gar skad du/_ni ru pa ma sta baM/_
bod skad du/_dpe med par bstod pa/

'jam dpal gzhon nur gyur pa la phyag 'tshal lo//

1. gang zhig lta bas phongs pa yi//
'jig rten 'di la phan brtson khyod//
dngos po med pa'i don rig pas//
dpe med khyod la phyag 'tshal bstod//

2. gang zhig khyod kyis cung zhig kyang*//
sangs rgyas spyan gyis ma gzigs pa//
khyod kyis gzigs pa bla med de//
de nyid don ni rig pa lags|_/

don dam pa yi yod pa nyid//
rtogs dang rtogs bya mi mnga' zhing*//
e ma'o mchog tu rtogs dka' ba'i//
chos nyid sangs rgyas rnams kyis rtogs//

khyod kyis cung zhig ma bskyed cing*//
chos rnams bkag pa'ang ma lags la//
mnyam pa nyid kyi lta ba yis//
bla na med pa'i go 'phang brnyes//

'khor ba spangs par gyur pa yis//
mya ngan 'das khyod mi bzhed kyi//
'khor ba ma dmigs pa nyid kyi//
zhi de mgon po khyod kyis rtogs//

khyod kyis kun nas nyon mongs dang*//
rnam byang ro gcig gyur rig pas//
chos dbyings mngon par dbyer med pa//
kun du rnam par dag par gyur//

gtso bo khyod kyis 'ga' zhig tu//
yi ge gcig kyang ma gsungs la//
gdul bya'i 'gro ba ma lus pa//
chos kyi char gyis tshim par mdzad//

mkha' dang mnyam pa'i thugs mnga' khyod//
phung po khams dang skye mched la//
chags par gyur pa mi mnga' bas//
chos rnams kun la brten ma lags//

mgon khyod sems can 'du shes kyis//
'jug pa kun du mi mnga' yang*//
sdug bsngal gyur pa'i sems can la//
snying rje'i bdag nyid gyur pa'ang khyod//

bde dang sdug bsngal de bzhin du//
rtag mi rtag sogs la gtso khyod//
de lta'i rnam rtog sna tshogs kyis//
thugs ni chags par gyur ma lags//

chos rnams gang du 'ang 'gro 'ong med//
de bzhin khyod kyis gshegs pa'ang lags//
'ga' ru spungs pa ma mchis pa//
de phyir don dam rig pa'ang lags//

kun gyi rjes su zhugs gyur kyang*//
'ga' ru 'byung ba'ang ma lags la//
skye dang chos dang sku rnams kyang*//
thub chen khyod kyi bsam mi khyab//

gcig dang gzhan pa rnams spangs pa//
brag ca lta bu'i 'gro ba rnams//
'pho dang 'jig pa rnam spangs pa//
smad pa med pa khyod kyis rtogs//

rtag dang chad pa dang bral zhing*//
mtshan nyid mtshon bya rnam spangs par//
gtso bos rmi lam sgyu tshogs bzhin//
'khor ba nges par rtogs pa lags//

bag chags gzhir gyur mthar thug pa'i//
khyod kyis nyon mongs sdig pa spangs//
nyon mongs nyid kyi rang bzhin yang*//
khyod kyis bdud rtsi nyid du bsgrubs//

dpa' bo khyod kyis gzugs rnams kyis//
mtshan ma med mthong gzugs med bzhin//
mtshan gyis 'bar ba'i sku nyid kyang*//
gzugs su spyod yul nyid du mthong*//

gzugs su mthong bas mthong min yang*//
mthong ngo zhes ni rjod par byed//
chos mthong bas ni shin tu mthong*//
chos nyid mthong ba ma yin no//

khong stong khyod kyi sku la med//
sha dang rus pa khrag med kyang*//
nam mkha'i dbang po'i gzhu bzhin du//
khyod kyi sku ni ston par mdzad//

sku la bsnyun med mi gtsang med//
bkres dang skom pa 'byung med kyang*//
khyod ni 'jig rten rjes 'jug phyir//
'jig rten spyod pa'ang ston par mdzad//

las kyi sgrib pa'i skyon rnams ni//
sdig med khyod kyis kun spangs kyang*//
khyod kyis sems can rjes gzung phyir//
las spangs par yang rab tu bstan//

chos kyi dbyings la dbyer med phyir//
gtso bo theg _dbyer ma mchis kyang*//
khyod kyi theg pa gsum bstan pa//
sems can gzhug pa'i ched du lags//

rtag cing brten la zhi ba yi//
chos kyi rang bzhin khyod kyi sku//
rgyal bas gdul bya 'gro ba'i phyir//
khyod nyid mya ngan 'das par bstan//

grangs med 'jig rten khams rnams su//
'das dang bltams dang mngon byang chub//
'khor ba'ang thar par mos rnams kyi//
khyod la gus rnams kyis yang mthong*//

mgon po sems pa mi mnga' zhing*//
rnam rtog g.ye ba mi mnga' yang*//
khyod nyid dang gis 'jig rten la//
sangs rgyas mdzad pa'ang 'jug par 'gyur//

de ltar bde gshegs yon tan tshad med bsam mi khyab//
me tog gis brgyan pa las bsod nams gang thob par//
gyur pa 'di ni sems can ma lus pa 'di dag//
mchog tu rtogs dka' thub pa'i chos kyi snod gyur cig_/

dpe med par bstod pa slob dpon 'phags pa klu sgrub kyis mdzad pa rdzogs so///
/rgya gar gyi mkhan po kr-iSh+Na paN+Di ta dang*/_lo tsA ba dge slong tshul khrims rgyal bas bsgyur ba'o//

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