lundi 10 juin 2013

La sagesse du miroir



« La voie du ciel qui agit sans entrave parachève tous les êtres; la vertu du souverain qui se manifeste sans entrave obtient la soumission du monde; la vertu du saint qui opère sans entrave gagne tous les cœurs. Qui connaît le ciel, comprend la sainteté et saisit en toute circonstance la vertu du souverain ou du roi, celui-là agit de lui-même sans éclat et en toute tranquillité. Ce n’est pas parce qu’il recherche la tranquillité comme un bien, mais parce que tous les êtres ne peuvent plus émouvoir son cœur. Lorsque l’eau est tranquille, elle peut refléter la barbe et les sourcils et sa surface est si unie qu’elle peut servir de niveau au maître charpentier. Si la tranquillité de l’eau permet de refléter les choses, que ne peut celle de l’esprit? Qu’il est tranquille, l’esprit du saint ! Il est le miroir de l’univers et de tous les êtres. Le vide, la tranquillité, le détachement, l’insipidité, le silence, le non-agir sont le niveau de l’équilibre de l’univers, la perfection de la voie et de la vertu. C’est pourquoi le souverain, le roi et le saint demeurent toujours en repos. Ce repos conduit au vide, un vide qui est plénitude, une plénitude qui est totalité. Vides, ils peuvent rester tranquilles; cependant, ils peuvent se mouvoir efficacement. Qui garde sa tranquillité n’agit pas : il laisse ce soin à ceux qui reçoivent mission d’agir. Heureux celui qui n’agit pas ! Il ne connaît ni chagrin ni misère et il vit longtemps. Le vide, la tranquillité, le détachement, l’insipidité, le silence et le non-agir constituent le principe de tous les êtres. »

Tchouang-tseu dit :

« Ô mon Maître! Ô mon Maître!
Tu détruis tous les êtres du monde
et pourtant tu n’es pas cruel;
tes bienfaits s’étendent à dix mille générations
et pourtant tu n’es pas bon;
tu es plus âgé que la haute Antiquité
et pourtant tu n’es pas vieux;
tu recouvres le ciel et portes la terre,
tu tailles et tu sculptes toutes les formes
et pourtant tu n’es pas habile;
telle la voie du ciel.
 »

Exraits de chapitre 13, La voie du ciel, Philosophes taoïstes, La Pléiade, pp. 177-178, traduction de Liou Kia-hway, relue par Paul Demiéville

1 commentaire:

  1. Ah, si le gouvernement chinois pouvait s'inspirer de Tchouang Tseu et mettre de côté son confucianisme rigide !

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