mercredi 28 août 2013

Mystères et initiations



Les mystères s’inscrivent sans doute dans le passage de la magie antique à la magie naturelle. Après avoir prié ou contraint (à travers les formules ou les rites) les dieu ou les démons à faire ce qu’ils veulent réaliser, les hommes se réalisent qu’ils peuvent, eux aussi, connaître directement les vertus occultes des choses.[1] Les mystères sont peut-être un stade intermédiaire. Des hommes sont initiés aux secrets de l’immortalité etc. principalement par des démons ou des demi-dieux. Hérodote considère que les mystères d’Osiris en Egypte sont les précurseurs de mystères comme ceux de Déméter et de Perséphone, de Dionysos, d’Orphée et d’Eleusis en Grèce. Dans les mystères, les hommes jouent le rôle des dieux, deviennent l’égal des dieux, après une purification préalable et une initiation.

On a trouvé des lamelles d’or dans les tombeaux d’initiés sans doute, aux mystères orphiques peut-être, qui contiennent des instructions pour le voyage d'outre-tombe. Sur une lamelle d’or provenant de Pételia près de Crotone, on peut lire ainsi :

« A gauche de la demeure d’Hadès, tu vas trouver une source près de laquelle s’élève un cyprès blanc.
De cette source, il ne faut pas t’approcher trop près.
Puis tu en trouveras une autre, qui vient du lac de Mémoire.
Son eau fraîche coule avec rapidité et, devant elle, se dressent des gardiens.
Alors prononce ces mots : Je suis l’enfant de la Terre et du Ciel étoilé,
Mais ma véritable origine est le Ciel, vous le savez bien.
A présent, je suis desséché par la soif, à en mourir. Donnez-moi vite
L’eau fraîche qui coule hors du lac de Mémoire. »

Et sur une autre lamelle :

« ... j’ai payé le prix d’actions injustes...
Je suis sorti du cycle monotone, désolant,
Je me suis avancé d’un pas rapide vers la couronne désirée,
Je me suis plongé dans le sein de la Souveraine, de la Reine d’Hadès,
Et d’elle, de Perséphone la bienfaisante,
J’attends, en suppliant, qu’elle m’ouvre le séjour des Bienheureux. »[2]

A creuser le rôle de l'eau comme l'image de l'immortalité dans les religions.
Jean 4.13
Jésus lui répondit: «Toute personne qui boit de cette eau-ci aura encore soif.
4.14 En revanche, celui qui boira de l'eau que je lui donnerai n'aura plus jamais soif et l'eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d'eau qui jaillira jusque dans la vie éternelle.»

Le mot charia est dérivé de la racine arabe šarʿ, qui signifie à l’origine « la voie qui mène à l’eau », ce qui peut être interprété comme « la voie qui mène à la source de la vie ».

L'image qui revient souvent dans les Distiques est celle d'une gazelle assoiffée.

Shavripa N° 39.

"Telle une gazelle [assoiffée] victime de sa méprise
Poursuit le mirage d’un oasis
Certaines personnes confuses sont assoiffées par le désir
Plus ils désirent, plus ils s’éloignent du but."

ཇི་ལྟར་རི་དྭགས་འཁྲུལ་པས་གདུངས་པ་ཡིས།
སྨིག་རྒྱུའི་ཆུ་ལ་རབ་ཏུ་རྒྱུག་པར་ལྟར།
རྨོངས་པ་པ་འགའ་ཞིག་འདོད་པས་རབ་གདུངས་པས།
ཇི་ལྟར་འབད་ཀྱང་སླར་ནི་རིང་བར་འགྱུར།


Saraha DKG n° 56
"Celui qui ne boit pas rapidement l'eau d'immortalité de l'Instruction du Maître [intérieur]
Ne boira pas cette eau dont la fraîcheur dissipe le désir ardent
Au milieu de la misère des traités aux nombreuses interprétations
Il ne peut que mourir de soif et de chaleur dans ce désert."

།གང་ཞིག་བླ་མའི་མན་ངག་བདུད་རྩིའི་ཆུ།
།གདུང་སེལ་བསིལ་བ་ངོམས་པར་མི་འཐུང་བ།
།དེ་ནི་བསྟན་བཅོས་དོན་མང་མྱ་ངན་གྱིས།
།ཐང་ལ་སྐོམས་པས་གདུངས་ཏེ་འཆི་བར་ཟད།


Et, adressé à ceux qui recherchent un nectar de l'immortalité :
DKG n° 91
Ignorant que le monde entier (S. sakala) est son propre reflet (T. rang bzhin ≠ S. rūpaṇa).
Celui qui atteint la félicité universelle pendant la phase du kunduru[3] (S. kunduru)
Il sera comme celui qui, assoiffé, court après un mirage".
Il mourra de soif ; trouvera-t-il ainsi l’eau de l'éther ?[4] 

།མ་ལུས་རང་བཞིན་གང་གིས་མི་ཤེས་པ།
།ཀུན་ཏུ་རུའི་སྐབས་སུ་བདེ་ཆེན་སྒྲུབ་པ་ནི།
།ཇི་ལྟར་སྐོམ་པས་སྨིག་རྒྱུ་སྙག་པ་བཞིན་དུ།
།སྐོམ་ནས་འཆི་ཡང་ནམ་མཁའི་ཆུ་རྙེད་དམ།

Il semblerait que pour Saraha et Advayavajra, "les mystères" ne soient que des mirages, le commentaire explique "Il n'arrivera pas à se désaltérer avec des images de l'eau qui ne sont pas l'eau véritable." 

***

[1] Le voile d’Isis, Hadot, p. 122-123

[2] Traductions des lamelles, Trois mystiques grecs, Simonne Jacquemard, p. 120-122

[3] Litt. Résine. Langue crépusculaire pour désigner l’union des deux substances génésiques, appelée « union indéfinissable ». Source : Alex Wayman, Buddhist Tantra and Lexical Meaning. Les premiers adeptes de la Mahāmudrā recherchaient cette « résine » pour trouver un corps divin immortel.

[4] Apb. mara sosena bhajjalu kahi pābaī/ mriyate śoṣa nabhas jalu kasmin prāpnoti/

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