mardi 30 septembre 2014

Pas en mon nom



« La campagne pose deux questions essentielles : les musulmans doivent-ils s’exprimer sur ce qui se passe dans la région et condamner les exactions de l’OEI — et, plus largement, sont-ils comptables de tout ce que fait un musulman, où que ce soit dans le monde ? Et si l’on ne répond pas oui, quel devrait être le contenu de ces positions ? »[1]

Les adeptes d’une religion ou d’une croyance devraient idéalement être tenus responsables de l’activité de celle-ci. A moins que ce ne soit un des objectifs d’une religion (irresponsable) de les exonérer de toute responsabilité, à condition de suivre les préceptes de celle-ci et d’agir dans son intérêt ? Surtout vu la liberté de religion qui a cours dans les pays démocratiques. Ce sont les adeptes actuels des religions qui les perpétuent et qui décident implicitement qu’elles sont toujours d’actualité. C’est aussi à eux de les amender éventuellement.

La situation est plus compliquée pour les religions dites « du Livre », les grande religions monothéistes qui sont des révélations de la parole et de la volonté de Dieu par le biais de prophètes. Ces livres sont évidemment des collections d’œuvres d’auteurs humains dont la compilation a été arrêtée à un moment précis (concile etc.). Le contexte de ces moments historiques a alors été gélé et restera le Contexte pour tous les adeptes à venir dans les siècles des siècles. Théoriquement, ils sont prisonniers de ce Contexte.

Toutes les grandes révélations porteront toujours ce Contexte en elles comme une référence éternelle. La question ci-dessus porte sur les musulmans, mais elle peut aussi bien s’appliquer aux autres révélations. « [Les musulmans] sont-ils comptables de tout ce que fait un musulman ? » Evidemment non. Sont-ils comptables du contenu du Coran ? Non. Sont-ils comptables de leur éventuelle observance de préceptes anachroniques enseignées par celui-ci ? Oui, car ils sont responsables de leurs actes ici et maintenant à l’égard des lois du pays où ils vivent et qui concernent tous les citoyens quelle que soit la religion qu’ils pratiquent.


A charge, « des » musulmans se sont manifestés pendant l’affaire Rushdie et pendant les diverses affaires des caricatures de Mahomet. A décharge, « des » musulmans manifestent maintenant en affirmant que les exactions de l’état islamique ne sont pas faites en leur nom. Le Coran (par exemple la Sourate 9, le Repentir) parle-t-il toujours au nom des musulmans d’aujourd’hui ?

Les grandes religions, qui énoncent toutes des interdits et des préceptes, se sont souvent développées avec l’aide du pouvoir séculier. Pour installer l’autorité d’une religion, tout comme celle du souverain, il fallait étouffer toute critique, susceptible d’être traité en un discours irrévérencieux (lèse-majesté, blasphème…) et punissable de peines très lourdes. Car on ne critique pas la « Parole de Dieu » ou ses représentants sur terre impunément. Mais une telle attitude n’est plus tolérable de nos jours. Que désormais les grandes religions modernes gagnent leur autorité par d’autres voies que l’injonction et la répression. Quoi que soit une religion, elle est surtout, vue d’en bas, un ensemble de règles auxquels se soumettent les adeptes, le plus souvent par tradition. Quelles sont exactement les règles auxquelles les adeptes doivent se soumettre aujourd’hui ? Ont-ils leur mot à dire à cet égard ? Apparemment pas toujours, car la chape de plomb de la soumission/non-critique/blasphème est toujours de vigueur.

Mais en même temps, si « des » musulmans prétendraient appliquer certaines règles en les interprétant à leur gré, d’autres musulmans peuvent se distancier publiquement de cela. Et c’est peut-être le seul moyen dont ils disposent.

Les actes actuels d’extrémistes musulmans, sont un exemple très flagrant des résultats désastreux d’une interprétation littérale (même si celle-ci était voulue à l’origine) des injonctions de prophètes ou d’autres maîtres religieux attribuées à tel ou tel être transcendant. Mais il y a de nombreux autres cas aussi dans d'autres religions, où, sans avoir des résultats désastreux, l’observance des injonctions d’une révélation d’un être transcendant ou éveillé, est simplement contre-intuitif et certainement un comportement obsolète.

En 2011, des religieux de tout bord (parmi lesquels le Dalaï-Lama, Deepak Chopra et Tariq Ramadan) se sont prononcés en faveur de l’inscription de l’interdiction du blasphème aux droits universels de l’homme. Cette semaine encore, en Iran, une personne a été exécutée pour avoir blasphémé contre le prophète Jonah (oui, celui qui comme maître Gepetto s’était fait mangé par une baleine).

***


[1] Pas en mon nom ? De la mobilisation des musulmans contre le terrorisme, Monde Diplomatique, dimanche 28 septembre 2014, par Alain Gresh

vendredi 26 septembre 2014

Un petit tour chez les stoïciens


Chrysippe (Louvre)
La Nature est ordonnée dans le « cosmos », qui signifie à la fois « monde » et « ordre ». Sans cet ordre elle serait désordre, chaos. Cet ordre est l’indissoluble liaison « esprit-matière », la matière organisée par l’esprit, si l’on tient à ce couple. Survaloriser l’un en dévalorisant l’autre conduit au spiritualisme ou au matérialisme.

L’homme, un microcosme, ressemble au monde (cosmos), et est, comme ce dernier, doté de la capacité d’organiser. En adoptant un point de vue universel, il se comportera en conséquence.[1] Pour un être de raison, virtuellement un sage, la même action est à la fois et conforme à la nature, et conforme à la raison ou à la vertu.[2]

« On sait que, dans presque toutes les morales antiques, la nature d'un être définit son bien et sa perfection, et que sa « vertu » n'est que le développement complet de la nature. »[3] Et ce bien se situe dans l'harmonie de nos actes avec notre nature particulière (oikeiopragia = ? svadharma) « lorsqu'il pose que la nature dont il s'agit, c'est la nature universelle dont la nôtre n'est qu'un fragment. » Car le sage vise le bien universel. Voilà pour le côté nature. La raison, la sagesse est « considérée comme identique à l'honnêteté. »[4] Le christianisme cherchait une perfection surhumaine,la sainteté, tandis que les stoïciens se limitèrent à la perfection humaine, l’honnêteté, une vie conforme à la nature.

La vertu essentielle, à la base de toutes les autres, était la prudence (G. phronesis = ? S. apramāda T. bag yod pa). « Un sage lève-t-il le doigt avec prudence, tous les sages de la terre en profitent ».[5]

Nature et raison permettent de vivre sage, conformement à la nature. Se conformer à la nature c’est à la fois se conformer à sa nature, qui est un fragment de la nature universelle. En adoptant un point de vue universel, on agit à la fois conformément à la nature universelle et à la sienne propre (oikeiopragia). La vertu, la prudence en premier, permettent de réaliser cette nature.

Vivre honnêtement, avec prudence, et conformément à la nature, serait-ce très différent de vivre éveillé ? Pour l’instant, on a su rester sur un plan philosophique. Mais les stoïciens vécurent à une époque charnière entre philosophie de la nature et le développement de certains d’une philosophie « spiritualiste » par un retour aux mystères, aux hiérarchies et au divin. Bréhier dit qu’ils furent des conciliateurs en se situant entre le cynique Diogène et Platon/Aristote. Aussi peut-on lire chez Chrysippe (Sur les dieux) :
« Il n’est pas possible de trouver à la justice un autre principe ni une autre origine que de la dériver de Zeus et de la nature universelle : c’est en effet par là qu’il faut débuter quand nous avons à parler des biens et des maux. »[6]
« De Zeus et de la nature universelle » mentionnés en un seul souffle. Nous avons vu que la théorie des quatre éléments avait des origines divines, dont elle a quelquefois tenté de s’émanciper, avec peu de succès, car elle restera toujours associée à des théories dualistes d’un couple esprit-matière. Il semblerait que certains sont plus confortables avec l’image d’un Dieu protecteur de qui tout dérive. Paul Veyne explique le succès du christianisme par un Dieu aimant, qui se sacrifie pour les hommes et qui s’occupe personnellement de vous, contrairement aux dieux païens qui ne pensent qu’à leurs tributs.[7] La mode des mystères païens (d’Eleusis etc.) et orientaux marquait un début de changement. On pouvait sauver son âme en se faisiant initier pendant quelques jours moyennant finances.[8] Rien n’empêche d’associer l’image d’un Dieu bienveillant, providentiel, avec la Nature et la nature universelle. La Nature est d’ailleurs déjà une image. Mais on peut aussi faire l’économie du divin.

En adoptant un point de vue universel et en se conformant à la nature de l’univers, le sage dépasse son intérêt propre et l’échange pour l’intérêt pour tous, celui de la Cité cosmique.
« Qu’est-ce que la santé et la vie en comparaison du salut de la grande Cité ? Je me sacrifierais avec joie. Le tout est de voir les choses de haut, avec les yeux du dieu gouvernant. »[9]
Les yeux du dieu gouvernant ne sont ici qu’une image pour illustrer ce que serait un point de vue universel, que l’on retrouve dans les Stances de la Loi (Dhammapada, II, 28)
« Lorsque par la vigilance [prudence ?] l’expert a chassé le manque de vigilance, et qu’il a escaladé les terrasses de la pénétration, sans souci, il regarde les soucieuses créatures : ainsi du haut de la montagne le sage considère les sots d’en bas. »[10]
Mais le sage stoïcien ne sent pas éloigné pour autant de ces sots et se sait une part de tout cela.
« XIII. — Le même rapport d’union qu’ont entre eux les membres du corps, les êtres raisonnables, bien que séparés les uns des autres, l’ont aussi entre eux, parce qu’ils sont faits pour coopérer ensemble à une même œuvre. Et cette pensée touchera ton âme bien plus vivement encore, si tu te dis souvent à toi-même : je suis un membre du corps que composent les êtres raisonnables. Si tu dis seulement que tu en es une partie, tu n’aimes pas encore les hommes de tout ton cœur : tu n’as pas encore à leur faire du bien, ce plaisir que donne l’action pure et simple ; tu ne le fais encore que par bienséance, et non comme si tu faisais ton bien propre. »[11]
Non pas comme une partie de la substance divine ou d’une supraconscience, mais tout simplement « du corps que composent les êtres raisonnables ». Pour bien voir la différence, voici le fragment suivant :
« XXIII. — La nature de l’univers se sert de l’universelle matière comme d’une cire : tantôt elle en forme un cheval ; puis, le cheval dissous, elle se sert de sa matière pour produire un arbre, puis un homme, puis pour produire autre chose : et chacun de ces êtres subsiste peu de temps. Mais il n’y a pas plus de malheur pour un coffre à ce qu’on le démonte, qu’il n’y en a à ce qu’on en assemble les parties. »
C’est une image évidemment. Mais ceux qui avaient choisi, par goût personnel ou par nostalgie, de projeter l’image d’un dieu, Zeus etc., sur la nature de l’univers se servant « de l’universelle matière comme d’une cire » pour « créer » les choses, peuvent facilement basculer dans des dualismes de type l’Un et le multiple.

On retrouve la même image en Inde, dans hindouisme mais aussi dans le bouddhisme ésotérique. La motte de terre utilisée par le potier pour fabriquer diverses formes de pots. Advayavajra utilisera l'image de la mêlasse avec laquelle on peut former des éléphants ou des chevaux, mais qui auront la même saveur, celle de la mélasse.[12]
« XXV. — Tout ce que tu vois, bientôt la nature qui gouverne toutes choses le changera, et de sa matière fera d’autres êtres, puis d’autres de la matière de ceux-ci, afin que le monde soit toujours nouveau. »
Nous sommes une partie de tout cela, solidaires de tout cela.
« [Les stoïciens] en donnent pour preuve l'inclination altruiste qui est naturelle. Elle a son origine dans l'inclination familiale d'où procèdent les premières sociétés. Ces idées qui nous paraissent si banales, sont, à cette époque, profondément nouvelles. Des penseurs comme Platon, ignorent l'inclination altruiste ; la tendance des hommes à se rapprocher est chez lui, pour ainsi dire, extérieure aux individus; elle vient de l'action supérieure de la cité qui les englobe et les comprime. Les sentiments familiaux, loin de tendre à rapprocher les hommes, les divisent, et loin d'être le germe des sentiments civiques y forment le plus grand obstacle. »[13]
Les stoïciens sont en quelque sorte apolitiques, bien qu’ils remplissent toutes les fonctions de citoyen et de magistrat et qu’ils fondent une famille, éduquent leurs enfants etc. Historiquement ils furent plutôt conservateurs. Pour certains parmi eux « la cité idéale est déjà réalisée d'une façon aussi parfaite que possible : le monde pris dans son ensemble est cette cité dont les dieux et les hommes sont les citoyens, et dont Zeus est la loi éternelle. » [14] La justice et le droit ne sortent pas du cadre de la cité grecque, tandis que la cité cosmique des stoïciens veut « non seulement réunir les hommes entre eux, mais « unir à la race divine la race humaine, et comprendre sous une seule loi toute la famille des êtres raisonnables ». Une justice et un droit cosmiques et naturels.
« La société stoïcienne est fondée sur l'égalité ; l'individu devient, en quelque façon, l'unité morale, et le droit est universalisé ; pour la première fois apparaît l'idée de la personne morale en tant que membre de la société, et n'ayant rien d'elle-même à sacrifier pour devenir un être social. »
« Ces idées amènent naturellement, semble-t-il, à celle d'une humanité universelle, dans laquelle les relations morales et individuelles sont plus profondes que les relations politiques. »
Contre l’élitisme de Platon, les stoïciens proposent l’universalisme, un accès universel à la sagesse. Lactance dans « Divinae Institutiones »
« Il faut que les artisans, les paysans, les femmes et tous ceux qui composent le genre humain, reçoivent un enseignement, pour qu'ils deviennent sages, et que le peuple des sages soit fait du rassemblement de toute langue, de toute condition, de tout sexe et de tout âge... Les Stoïciens ont été de cet avis ; ils ont dit que même les esclaves et les femmes devaient philosopher. »[15]
Le Romain Sénèque avait utilisé une allégorie militaire pour montrer comment chacun était un soldat de la cité cosmique, pour lequel il était prêt à se sacrifier. Une forme d’universalisme pour le moins plus mitigé.
« Tout ce qui nous arrive, de par l’ordre cosmique, acceptons-le avec grandeur d’âme ; nous sommes tenus, par notre engagement de soldats, de supporter notre condition et de ne pas nous troubler pour ce qu’il n’est pas en notre pouvoir d’éviter. Nous sommes nés dans une monarchie ; obéir au dieu qui en est le roi, voilà la liberté. »
Dans le chapitre 8 du Bodhicaryāvatāra de Śāntideva, on trouve également une allusion militaire et un universalisme plus heureux. C’est dans la partie où Śāntideva explique l’exercice où le soi est échangé pour l’autre. Toutes les parties de notre corps forment un ensemble et participent de cet ensemble. Ainsi la main peut être étendue pour protéger le pied.
« 101. Cette série continue [et consciente n’existe pas indépendamment des phénomènes momentanés qui la forment], de même qu’une file [de fourmis n’existe pas indépendemment des fourmis] ; cet aggrégat est comme une armée [, sans individualité vraie]. Donc il n’existe pas d’être à qui l’on puisse attribuer la douleur, de qui l’on puisse dire « sa douleur ».[16]

« 114. De même que la main et le reste
Sont considérés comme les parties du corps,
Ainsi, pourquoi les êtres ne sont-ils pas tenus
Pour les parties de l’humanité ? »

« 91. En dépit de la diversité de ses membres, les mains et le reste,
Le corps est à préserver comme un ensemble unique ;
De même, dans leurs joies et leurs peines, les différents êtres
Ont tous, comme moi, le désir du bonheur. »

« 107. Ainsi, ceux dont l’esprit est accoutumé (à l’égalité de soi et d’autrui)
Prennent plaisir à apaiser la douleur des autres,
Et entrent dans l’Enfer intolérable
Tels des cygnes plongeant dans un étang de lotus. »[17]

L’humanité est alors comme une armée, dont tous les hommes sont des soldats. « la société stoïcienne est fondée sur l'égalité ; l'individu devient, en quelque façon, l'unité morale, et le droit est universalisé ; pour la première fois apparaît l'idée de la personne morale en tant que membre de la société, et n'ayant rien d'elle-même à sacrifier pour devenir un être social. »
« 184. J’ai donc, sans réserve, abandonné mon corps au profit des êtres ; et si je continue à le porter, malgré ses vices, c’est comme instrument d’action. »
« 185. Je renonce aux pratiques du monde et je marche dans le chemin qu’ont suivi les Saints; je me souviens du « Sermon sur l’attention »[18]; je secoue la langueur et la paresse. »
Ce que De la Vallée-Poussin traduit ici par « Sermon sur l’attention » (Satipatthana Sutta) sont en fait « les conseils sur la vigilance, la prudence… (S. apramāda T. bag yod pa) », qui constitue le chemin des Saints ou des sages. L’importance de la prudence est soulignée à plusieurs reprises dans le Dhammapada.
« La vigilance est le sentier vers le sans-mort, la négligence est le sentier vers la mort. Le vigilant ne mourra pas, le négligent est comme s’il était déjà mort. »[19]
On pourrait dire avec Kipling[20] (en le faisant sortir de son île), Qui meurt si l’humanité vit ?


***

[1] Paul Veyne, Sénèque, une introduction, p. 212

[2] Marc-Aurèle, Livre VII, XI

[3] Chrysippe et l'ancien stoïcisme, Emile Bréhier

[4] Chrysippe et l'ancien stoïcisme, Emile Bréhier

[5] Cité par Bréhier (Arn., III, n» 627)

[6] Les stoïciens I, Frédérique Lidefonse, p. 144

[7] Quand notre monde est devenu chrétien

[8] Quand notre monde est devenu chrétien, p. 65

[9] Paul Veyne, Sénèque, une introduction, p. 213

[10] Dhammapada, Les stances de la Loi, Jean-Pierre Osier, GF Flammarion, p. 57
Pamādaṁ appamādena yadā nudati paṇḍito, paññāpāsādamāruhya asoko sokiniṃ pajaṁ, pabbatattho ‘va bhummatthe dhīro bāle avekkhati.

[11] Les stoïciens, textes choisis, PUF, p. 164

[12] Chez Lama Zhang (1122-1193)

Tous les phénomènes qui se manifestent dans le ciel
Sont bien pénétrés par le ciel et en sont indissociables
Les statues et ornements que l'on fabrique avec de l'or etc.
Sont pénétrés par l'or en sont indissociables
Les effigies (gzugs brnyan) des six êtres des six destinées sont fabriquées avec de la melasse (bu ram S. phāṇita)[4]
Comme elles sont pénétrées de mélasse, elles en sont indissociables
Les arcs-en-ciel ne sont pas autre que « du ciel »
Le ciel n’est pas autre que l’arc-en-ciel
L’arc-en-ciel est le ciel, le ciel est l’arc-en ciel[5]
Sans être différents, on ne peut pas les déterminer (bcad du med) comme indissociables

[13] Chrysippe et l'ancien stoïcisme, Emile Bréhier

[14] Chrysippe et l'ancien stoïcisme, Emile Bréhier

[15] Divinae Institutiones 3,25, 5-7

[16] La Vallée Poussin, Louis de, editor and translator, 1869-1938 -1902-14, Prajñākaramatī’s commentary to the Bodhicaryāvatāra of Śāntideva, Bibliotheca Indica, Vol. 150, Calcutta. Traduction disponible sur

[17] Vivre en héros pour l’éveil, Georges Driessens, p. 111

[18] Pas vraiment le Sermon sur l’attention,
| de bas byis ba’i spyod pas chog | | bdag gis mkhas pa’i rjes bsñan ste |
| bag yod gtam ni dran byas nas | | gñid daṅ rmugs pa bzlog par bya |(56)
| de bas phyis pa’i spyod pas chog | | bdag gis mkhas pa’i rjes bsñags te |
| bag yod gtam ni dran byas nas | | gñid daṅ rmugs pa bzlog par bya |
tenālaṃ lokacaritaiḥ paṇḍitān anuyāmy aham |
apramādakathāṃ smṛtvā styānamiddhaṃ nivārayan ||185|| Source

[19] Dhammapada, Les dits du Bouddha, Chapitre II, Albin Michel, p. 40
21. Appamādo amatapadaṁ, pamādo macuno padaṁ, Appamattā na mīyanti, ye pamattā yathā matā.

[20] « Who stands if freedom fall? Who dies if Britain live? »

dimanche 14 septembre 2014

Pratiques préliminaires à géométrie variable


Varada mudra Dunhuang
Tous ceux qui ont été en contact avec le bouddhisme tibétain et qui ont « pris refuge » ont sans doute entendu parler des « pratiques préliminaires » (T. sngon ‘gro), le plus souvent une série de quatre pratiques, dont l’essence est une formule ou une action que l’on répète 100.000 fois. Ceux qui ont terminé ces quatre fois 100.000 formules ou actions, ont terminé les « pratiques préliminaires » et peuvent aborder les sādhanā du vajrayāna.

Généralement, les quatre pratiques préliminaires sont 1. La prise de refuge et le développement de la pensée de l’éveil 2. la pratique de purification de Vajrasattva 3. l’offrande symbolique de l’univers (dite « maṇḍala ») et 4. La réintégration du Guide (guruyoga). Comme il existe aussi une autre série de quatre pratiques préliminaires, qui consiste en quatre méditations dans le sens de contemplations de 1. la précieuse existence 2. l'impermanence et la mort 3. la causalité karmique et 4. la nature douloureuse de l'existence cyclique, les quatre contemplations sont appelées « les quatres pratiques préliminaires communes », puisqu’elles seraient communes à toutes les écoles bouddhistes, et la première série est appelée « les pratiques préliminaires non-communes », puisqu’elles sont spécifiques à l’entrée dans la pratique des sādhanā du vajrayāna.

Les quatre pratiques qui forment la série des « pratiques préliminaires non-communes » sont anciennes, mais leur pratique conjointe en tant que « pratiques préliminaires » est plus récente et tibétaine. On les voit mentionnées dans l’œuvre de Karma Lingpa (14ème siècle) et dans l’œuvre[1] du 9ème Karmapa Wangchuk Dorje (1556–1603) et seront réellement propagées par les maîtres du mouvement non sectaire au 19ème siècle.

Les pratiques préliminaires non-communes que l’on pratique de nos jours dans l’école Kagyupa, sont celles enseignées par le 9ème Karmapa Wangchuk Dorje (1556–1603)[2]. Un guide de ces pratiques[3] a été composé par le maître rimé Jamgoeun Kongtrul (1813 - 1899). Il porte le titre Phyag chen sngon 'gro'i khrid yig et le nom “Flambeau de la certitude” (nges don sgron me). La série se présente donc comme une pratique préliminaire de la mahāmudrā. Il existe cependant un texte plus ancien avec le titre “pratique préliminaire de la mahamudrā” (phyag chen sngon ‘gro) et qui est attribué à Dakpo bkra shis rnam rgyal (env. 1511–1587), un des maîtres du 8ème Karmapa Mikyö Dorje (1507–1554).

On attribue à Karma Lingpa la redécouverte des instructions sur les six états intermédiaires (bardo) attribués à Padmasambhava. Cependant, c’est grâce à Gyarawa (rgya ra ba, né en 1430, et entre autres disciple du 6ème Karmapa Thongwa Dönden 1416–1453) que l’on connaîtra en 1499 la vie de Karma Lingpa et la version éditée (par Gyarawa) de ses découvertes, dans un texte intitulé « Guirlande de joyaux ». Gyarawa est le véritable premier détenteur et propagateur de ces instructions, dont il existe cependant une autre lignée.[4] L’objectif de cette petite digression étant de montrer que la version des textes attribués à Karma Lingpa (et à travers lui à Padmasambhava) est possiblement moins ancienne que l’on ne pourrait le croire.

Or, la pratique des instructions sur les six états intermédiares est précédée par deux séries de pratiques préliminaires, une première de quatre pratiques et une deuxième de trois pratiques.

La première série s’appelle ici « les quatre instructions pour purifier notre être »[5], à savoir :
« 1.1.1. les instructions de la prise de refuge et du développement de la pensée éveillée, 1.1.2. les instructions du mantra à cent syllabes qui purifie les actes déméritoires, 1.1.3. les instructions de la réintégration du Guide qui ouvre à la grâce, 1.1.4. Les instructions du rituel du maṇḍala qui parachève le double équipement. »
La pratique de la réintégration du Guide précède ici l’offrande de l’univers symbolique. Cette première série est ici suivie d’une deuxième série de trois pratiques « qui édifient notre être »[6] A savoir :
« 1.2.1. la réflexion à la rareté des opportunités, 1.2.2. la réflexion aux souffrances de l'existence passionnée, 1.2.3. la méditation sur la mort et le caractère passager de la vie. Il convient de mettre en pratique ces sept branches des préliminaires. Les préliminaires doivent être pratiquées et consolidées, jusqu'à ce l'on en fasse l'expérience. »
On remarque ici que ce qui correspond aux pratiques préliminaires non-communes vient en premier et est suivi par ce qui correspond aux pratiques préliminaires communes, la réflexion à la causalité karmique en moins. L’ordre est inversé et la réflexion à la causalité karmique fait défaut. On remarque aussi qu’il n’y a pas de prescription du nombre de 100.000 pour chaque pratique préliminaire non-commune.

Les pratiques préliminaires communes sont encore connues sous un autre nom, « la quadruple conversion » (T. blo ldog rnam bzhi), il s’agit de quatre méditations qui permettent de convertir la pensée et de la tourner vers l’éveil. Ce qui nous empêche de nous tourner vers l’éveil ce sont 1. l’attachement aux expériences de cette vie 2. l’attachement au bonheur du devenir 3. l’attachement au paisible bonheur du nirvāṇa 4. l’ignorance des moyens d’atteindre la bouddhéité. Ces quatre obstacles sont respectivement éliminés par 1. La méditation sur l’impermanence 2. La méditation sur les maux de l’existence cyclique et sur la causalité karmique 3. La méditation sur l’amour et la compassion et 4. La production de la pensée de l’éveil.[7]

Selon la tradition, les quatre pratiques préliminaires « communes » ont été enseignées en premier par Atiśa aux tibétains. Elles se propageront notamment par le biais son système d’entraînement spirituel (T. blo sbyong), diffusé par Chékawa (1102–1176) etc. Ce système commence par l’instruction « D’abord entraîne-toi aux préliminaires ». Et ces préliminaires sont ici 1. Le caractère précieux de la vie humaine 2. La mort et l’impermanence 3. La causalité karmique et 4. Les maux de l’existence cyclique.

Quand on considère la série proposée par Gyarawa/Karma Lingpa/Padmasambhava (ce que l'on préfère) à la fin du 15ème siècle, on est frappé par l’absence de la méditation sur la causalité karmique et on pourrait se demander pourquoi celle-ci a été enlevée. Alternativement, ceux qui croient que ces instructions ont été réellement enseignées par Padmasambhava au 8-9ème siècle pourront se demander pourquoi cette méditation avait été ajoutée « plus tard » ? Il faudra sans doute chercher la réponse dans l’influence du Dzogchen ancien et du Discours du Roi pancréateur (T. kun byed rgyal po'i rgyud), en particulier le chapitre 46
« L'action ciblée ne peut pas accomplir le spontané. »[8]
Ce petit aperçu montre que les choses n’ont pas mal évolué en matière de « pratiques préliminaires » (de la mahāmudrā, dzogchen etc.). Rappelons simplement que Gampopa enseigna sa mahāmudrā, sans préliminaires.
«Vers la fin de sa vie (1153), deux moines venaient voir [Gampopa] en le supplant une offrande de gtor-ma à la main de leur enseigner le chemin de techniques yoguiques (upāya-mārga). « Ayez de la compassion pour nous » ajoutèrent-ils. Gampopa disait à son intendant qu’il ne voulait pas être dérangé. L’intendant dit alors aux deux moines de demander la Mahāmudrā. Ils’exécutèrent aussitôt et Gampopa les fit entrer immédiatement et leur donna les instructions sur la Mahāmudrā.»[9]

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[1] Mahamudra: The Ocean of Definitive Meaning

[2] ཕྱག་ཆེན་ལྷན་ཅིག་སྐྱེས་སྦྱོར་གྱི་ཁྲིད་ཡིག

[3] Phyag chen sngon 'gro'i khrid yig nges sgron me, Kong sprul blo gros mtha' yas

[4] The Hidden History of the Tibetan Book of the Dead Par Department of Religion Florida State University Bryan J. Cuevas Assistant Professor of Buddhist and Tibetan Studie, p. 123

[5] rang rgyud sbyong bar byed pa'i khrid

[6] rang rgyud 'dul bar byed pa'i khrid

[7] Gampopa (1079–1153), Le précieux ornement de la libération

[8] lhun gyis grub pas spyad par bya mi dgos

[9] Blue Annals, p. 461-462

mercredi 10 septembre 2014

Esprit et matière, homme et femme, même débat


Par facilité... J'aurais aussi bien pu mettre une image de nonnes bouddhistes marchant derrière des moines ou de temples interdits aux femmes. Il y a simplement trop d'exemples.

Les religions aiment faire correspondre l’opposition esprit-matière, ou ciel-terre, à l’opposition homme-femme. L’homme correspond à la part active, motrice, et la femme à la part passive, animée. Ces mèmes, que l’on dirait religieux maintenant[1], ont pendant longtemps appartenu aux « sciences », avec des applications généralisées de l’opposition homme-femme dans absolument tous les domaines.

Le véritable élément procréateur était le sperme masculin, qui venait animer la matière[2] contenue dans la matrice. Selon Claude Galien (129-200/216), médecin grec qui « a eu une influence durable sur la médecine chrétienne, juive et musulmane du Moyen Âge », le cerveau est le siège de l’âme animale, une des trois âmes du corps, et il est principalement formé de sperme. La blancheur du cerveau fut expliquée par celle du sperme au Moyen-Âge, le cordon de la moelle épinière faisant le lien entre les deux.

La part ou la cause active (solaire, fulgurante) était également la part la plus chaude. Selon Aristote, pour chaque catégorie il existait une catégorie opposée, qui était comme son contraire. Le corps mâle était chaud et relativement sec et plus en état de bien digérer la nourriture et brûler l’excès de sang des humeurs en le transformant en muscles, du sperme et des cheveux/poils, contrairement au corps d’une femme. L'excès de sang des humeurs de la femme était recueilli dans la matrice, où il se corrompait en devenant toxique. Cette substance impure et toxique devait alors être expulsée une fois par mois sous forme de sang menstruel. Contrairement au corps mâle plus chaud, le corps de la femme était incapable de cuire (raffiner) le sang et de le transformer en essence virile.[3]

On trouve le même type de raisonnement en Inde, où Sivananda (1887-1963) expliqua que l’essence virile (vīrya) était l’essence du sang, et que pour chaque goutte de sperme il fallait 40 gouttes de sang.[4] Des sept éléments constituants (sapta dhātu) de l’Ayurveda, le sperme est le plus pur. Le mot vīrya, essence virile, signifie aussi « valeur, héroïsme; prouesse | énergie, vigueur, virilité, force” et est composé avec le mot vīra, qui signifie « mâle, guerrier, héros, chef; époux, fils”. Sivananda précisa qu’en fait le mental (manas?), le prāṇa et le vīrya sont uns et qu’en contrôlant un de ces trois, on contrôlait également les deux autres.[5]

Préserver la semence (vīrya) est préserver son essence virile. En préservant sa semence, celle-ci remonte vers le cerveau, nourrit le cerveau, rend le corps vigoureux et aiguise la mémoire et l’intellect.[6]

Idée que l’on retrouve chez Tailopa, où cette essence est appelée “bodhicitta” :
Utiliser une karmamudrā fait surgir l'intuition de la plénitude vide d'essence
La Science (l'homme) et la Sagesse (la femme) sont consacrées puis entrent en union
Laisse descendre lentement [la bodhicitta], guide-la, garde-la, fais la circuler et bloque-la
En amenant [la bodhicitta] aux [24] points cruciaux, le corps entier en est emplie[7]Si tu ne t'attaches pas à cette [expérience], elle surgira comme l'intuition de la plénitude vide d'essence
Tu auras une longévité, sans cheveux blancs, qui croît comme la lune
Avec une couleur de sang claire et une force de lion
Tu obtiendras rapidement les accomplissements ordinaires tout en approfondissant l’accomplissement suprême[8]
L’accomplissement suprême tout en accomplissant son devoir de yogi, qui procure les siddhi. Le sang impur doit être cuit, jusqu’à ce que chaque goutte de sang s’est transformé en essence virile (vīrya, bodhicitta), le dernier dhātu parfaitement pur, car séparé, sorti, libéré « de la matière ». L’essence virile « cuite » remonte par le cordon de la moelle épinière vers le cerveau, où elle forme comme un lac (candrakūpa, ou ret kuṇḍ) qui se déverse et se diffuse dans le corps purifié du libéré-vivant. Le tout s’apparente ainsi à un travail alchimique, raconté par David Gordon White dans The Alchemical Body (pp. 247-248). Par la sympathie macro-microcosmique, ce qui se passe dans le corps se passe simultanément dans l’univers du libéré-vivant[9].

La libération, en la considérant par les métaphores utilisées, semble ainsi se réduire à un processus de purification qui libère l’esprit de la matière, ou l’Homme de la femme, en transformant tout ce qui est matériel et féminin en essence virile (vīrya).

C’est par ce type de raisonnement que fut installée l’idée de l’impureté plus grande d’une femme et de la supériorité de l’homme sur la femme. L’homme est naturellement plus proche du divin de par sa virilité (vīrya), si celle-ci est libérée de la matière. Et cela se traduit évidemment dans la vie de tous les jours et les règles sociales, jusqu’à dans nos jours, et jusque dans les pays dits les plus civilisés.

Un tout petit exemple. J’ai vu à la télé néerlandaise (début septembre 2014), un sacristain de l'île de Texel expliquer, qu'à la mort d'un homme les cloches sonnent 100 coups, pour exprimer douleur et perte, et à la mort d'une femme ou d'un enfant 50 coups. Il savait bien que ce n'était pas très moderne et que "les féministes" étaient contre, mais que voulez-vous c'est la tradition... Si on pouvait commencer par se libérer de ce type d’idées…

***

MàJ 08092016 Suite à la circulation d'une photo photoshoppée (ajout de chaînes) dans les réseaux sociaux, j'ai découvert cet article qui montre que l'histoire de l'article vers lequel pointe la photo est un hoax.


[1] Après le divorce entre la science et la religion.

[2] “According to Aristotle, for each category of thing, there must also exist an opposite category of that same thing—an inversion of itself. This process of categorical inversion can be seen in Aristotle’s philosophical analysis of the human body: the warm and relatively dry male body was perfect; because of its innate heat, the male body could digest its food more efficiently and could burn off excess humoral blood, turning it into firm muscle, sperm, and hair. The inversion of this perfect male body was the corrupt female body, which was cold and unnaturally moist. Because of its lack of heat, the female body was unable to digest its food completely and could not burn off excess humoral blood; instead, this blood was stored in the uterus, where it became corrupt and toxic, whence it needed to be expelled once a month. For classical medical authorities such as Hippocrates and Galen, menstrual blood was a natural bodily fluid, no more or less toxic than phlegm or urine; for the seventh‐century theologian Isidore of Seville, however, menstrual blood was in and of itself a poison so toxic that it could cloud mirrors and melt glue. Isidore’s theory of toxic menstrual blood remained salient in theological discussions and was ultimately “proven” through the application of learned medicine and Aristotelian natural philosophy in the thirteenth century treatise De Secretis Mulierum, by Pseudo‐Albertus.19 Unlike the male body, then, the female body could not cook blood into firm muscles; female flesh was loose and spongy, typified in its pendulous breasts and soft abdomen. Generally cold and moist, the female body was a mal‐ formed or unformed male, incomplete, longing to be whole. Moreover, as female flesh lost its moisture with the old age, it would not become more male because of its increasing dryness. Unlike the naturally male body, which was dry in correct proportion and therefore firm, holding its moisture in proper balance, the female body would begin to starve, becoming increasingly wanton, constantly seeking the internal vital heat and the qualitatively warm and moist sperm that would both satiate and sustain it.” The Biology of Blood-Lust: Medieval Medicine, Theology, and the Vampire Jew, Brenda Gardenour Saint Louis College of Pharmacy [1] “Selon Giulia Sissa, la théorie d’Aristote qui prive la femme de toute autre apport que la matière a encouragé la croyance en la génération spontanée. Ce qui provoque la génération, c’est la chaleur (le sperme perd sa consistance en sortant à l’air libre et en refroidissant). Le sperme apporte l’origine du mouvement (arché kinoussa). Dans la génération spontanée des vers, la terre, la viande putréfiée et l’eau jouent le rôle de la mère, c’est-à-dire de la matière. » LES THÉORIES DE L’EMBRYON CHEZ LES AUTEURS MÉDICAUX ANTIQUES ET CHEZ LES PREMIERS AUTEURS CHRÉTIENS. Aline Rousselle (Université de Toulouse-le-Mirail). 
Voir aussi Paracelse, selon qui la matrice humaine n’est pas nécessaire : « That the sperm of a man be putrefied by itself in a sealed cucurbit for forty days with the highest degree of putrefaction in a horse’s womb, or at least so long that it comes to life and moves itself, and stirs, which is easily observed. After this time, it will look somewhat like a man, but transparent, without a body. If, after this, it be fed wisely with the Arcanum of human blood, and be nourished for up to forty weeks, and be kept in the even heat of the horse’s womb, a living human child grows therefrom, with all its members like another child, which is born of a woman, but much smaller. » De natura rerum (1537)

[3] According to Ayurveda [Indian medicine], semen is the last Dhatu [original element; core; constituent; the vital force in the human being] that is formed out of food. Out of food is manufactured chyle. Out of chyle comes blood. Out of blood comes flesh. Out of flesh comes fat. Out of fat comes bone. Out of bone comes marrow. Out of marrow comes semen. These are the Sapta Dhatus or the seven Dhatus that support this life and body. Mark here how precious is semen! It is the last essence. It is the Essence of essences. The Virya comes out of the very marrow that lies concealed inside the bones. The Value of Semen 

[4] “My dear brothers! The vital energy, the Virya [strength; power; energy; courage] that supports your life, which is the Prana of Pranas, which shines in your sparkling eyes, which beams in your shining cheeks, is a great treasure for you. Remember this point well. Virya is the quintessence of blood. One drop of semen is manufactured out of forty drops of blood. Mark here how valuable this fluid is!” The Value of Semen

[5] “Mind, Prana and Virya are one. By controlling the mind, you can control Prana and semen. By controlling Prana you can control the mind and semen. By controlling semen, you can control the mind and Prana.” The Value of Semen

[6] “The following is taken from HH Bhakti Vikasa Swami’s book Brahmacarya in Krishna Consciousness.
Retention of semen is so essential in progressive human life that it is simply astounding how the whole endeavor of modern civilization is based on discharging it as much as possible. Semen retained in the body goes upwards to nourish the brain, rendering the body robust and the memory and intellect sharp. Determination, optimism, confidence, will-power, fixed intelligence, noble character, photographic memory, and shining good health are all fruits of conserved semen. It is said that the four Kumaras were unwilling to adopt materialistic activities because they were highly elevated due to their semens’ flowing upwards (ūrdhva-retasaḥ). (SB 3.12.4)”

[7] ལས་ཀྱི་ཕྱག་རྒྱ་བསྟེན་ན་བདེ་སྟོང་ཡེ་ཤེས་འཆར།
ཐབས་དང་ཤེས་རབ་བྱིན་བརླབས་སྙོམས་པར་འཇུག
དལ་བར་དབབ་ཅིང་བསྐྱིལ་བཟློག་དྲང་བ་དང༌།
གནས་སུ་བསྐྱལ་ལ་ལུས་ལ་ཁྱབ་པར་དགྲམ།

[8] དེ་ལ་ཆགས་ཞེན་མེད་ན་བདེ་སྟོང་ཡེ་ཤེས་འཆར།
ཚེ་རིང་སྐྲ་དཀར་མེད་ཅིང་ཟླ་ལྟར་རྒྱས་པར་འགྱུར།
བཀྲག་མདངས་གསལ་ལ་སྟོབས་ཀྱང་སེང་ཀེ་འདྲ།
ཐུན་མོང་དངོས་གྲུབ་མྱུར་ཐོབ་མཆོག་ལ་གཞོལ་བར་འགྱུར།

[9] Voir le chant de Mokchogpa



mardi 2 septembre 2014

Bien naître ou bien être, that's the question


L'origine du monde de Gustave Courbet
Quelle était l’attitude du bouddha envers la cosmogonie, la théogonie, la généalogie ? Le Sutta sur le savoir des origines (aggañña-sutta[1]) nous fournit de bonnes bases. Richard Gombrich considère ce sutta comme une parodie de textes mythologiques, dans ce cas brahmaniques, comme l’Hymne à la Création (RV X, 129). Le bouddha ne cherche pas une confrontation directe en opposant ces théories ou toute spéculation de ce type, mais propose une autre théorie ou spéculation à travers laquelle il explique sa propre doctrine tout en reprenant les caractéristiques et les termes des textes cosmogoniques, théogoniques et généalogiques. Ce qui n’a pas empêché certains bouddhistes à prendre ce texte au premier degré comme la doctrine cosmogonique, théogonique et généalogique officielle du bouddha.[2]
« Or, quand Brahma eut brisé l’oeuf d’or et eut fait les cieux et la terre, de sa bouche naquirent les Brahmines ; à eux le droit d’aînesse, celui du sacrifice , divine prérogative, puissance dont le doute serait un blasphème. De ses épaules vinrent les Tschatryâs ; la guerre est leur partage: Brahmâ les a armés de sa main ; ils doivent défendre les Brahmines et régner par eux sur les autres: c’est le droit du glaive. Ensuite les Verischyâs (laboureurs) sortirent de ses cuisses: la terre leur fut donnée à cultiver: ils devaient nourrir leurs princes des deux autres races; c’était le droit de la glèbe. Enfin des pieds du Dieu parurent les Soudrâs qui devaient employer toute leur vie aux arts utiles et dont la récompense était la prière du Brahmine, la protection du Tschatryâ, le pain du Verischyâ. Et avant tout, les Brahmines reçurent les livres sacrés, les lois et les sciences, et ils régnèrent sur les autres d’aussi haut que l’intelligence domine la force, la matière et le travail mécanique. Voilà ce que fit Brahma aux quatre visages. »[3]
L'aggañña-sutta est la réponse du bouddha à une question de deux jeunes brahmanes rejetés par les autres brahmanes parce qu'ils suivaient le bouddha et qu'ils avaient rejoint sa bande de malpropres (nāstika). "Vous êtes les véritables enfants de Brahma, né de la bouche de Brahma [...] et vous avez déserté la classe supérieure [...] pour rejoindre la classe la plus basse de petits renonçants rasés, de serviteurs et de noirs ("dark fellows") nés des pieds de Brahma!"  Le bouddha n’accepte pas ce mythe de l’origine de la société hiérarchisée instaurée par les brahmanes et la considère comme une nouveauté, une invention nouvelle. « Les brahmanes, auraient-ils oublié leur ancienne tradition » (c'est-à-dire d'avant qu'ils naissent de la bouche de Brahma) en prétendant ainsi être nés de la bouche de Brahma, ce qui leur donnerait le droit d’aînesse sur les autres ? Il ajoute : « car nous pouvons voir des femmes brahmanes, les femmes de brahmanes, qui ont des règles, qui tombent enceinte, qui mettent au monde des bébés qu’elles nourrissent au sein. Ces brahmanes mésinterprètent Brahma, racontent des mensonges et agissent mal. »

Celui dont la foi est placée, enracinée et établie solidement dans le Tathāgata, sans qu’elle puisse être ébranlée par aucun renonçant, brahmane, deva ou māra ou Brahmā ou par qui que ce soit dans le monde, pourra dire en vérité « Je suis un vrai fils du Bienheureux, né de sa bouche, né du Dhamma, créé par le Dhamma, un héritier du Dhamma » Pourquoi cela ? Parce que, Vāseṭṭha, c’est cela qui désigne le Tathāgata : « Le Corps de Dhamma » (dhammakāya), qui est « Le Corps de Brahmā », ou bien « devenir Dhamma » est « devenir Brahmā. »[4]

La vertu la plus haute est le Dhamma. "C’est le Dhamma qui convient le mieux, maintenant et après." Quelle que soient ses origines, et le bouddha souligne que nous sommes tous originaires des mêmes êtres, et quelque soit le statut accordé par la société gouverné par un khattiya (roi, princes, guerriers).

Le bouddha cite Brahmā Sanankumāra[5] qui avait dit :

« Les khattiya sont supérieurs parmi ceux qui adhèrent aux valeurs d’une société hiérarchisée
Celui qui possède connaissance et moralité est supérieur parmi les dieux et les hommes. »[6]

Et déclare qu’il est d’accord avec lui. Et sans doute aussi Jésus :

« Rendez à César ce qui appartient à César, et à Dieu ce qui appartient à Dieu ». (Marc, XII, 13-17; Matthieu, XXII,21; Luc, XX, 25 )

***

[1] 27. Agganna-sutta (A propos du début des choses)

[2] Pour Gombrich (How Buddhism Began, chap. III Metaphor, Allegory, Satire, p. 81-82), l' Aggañña Sutta « is a parody of brahmanical texts, especially the Rig Vedic `Hymn of Creation' (RV X, 129) ... a parodistic re-working of brahmanical speculation, and at the same time an allegory of the malign workings of desire. [...] Strictly speaking, the Aggañña Sutta is not a cosmogony, since for Buddhists an absolute beginning is inconceivable (SN II, 178ff.); but it explains how the world came into being this time round ». [Still] « Buddhists have since the earliest times taken it seriously as an account of the origins of society and kingship, and even traced the Buddha's own royal origins back to Mahâ-sammata, the person chosen to be the first king [...] ». Source "It explains" c'est beaucoup dire, le bouddha nous donne une parodie.

[3] Histoire du monde, depuis la création jusqu'à nos jours, Volume 1, par Henry de Riancey,Charles de Riancey p. 110

[4] Quand le Bouddha parlait lui-même de sa véritable nature et de son éveil, il utilisait le terme « tathāgata ». Richard Gombrich expliqua dans ses conférences Numata (en 2006) que lorsque « gata » (aller) est utilisé dans des mots composés de ce type, il perd son sens premier d’aller et signifie simplement « être ». Le tathāgata est alors « celui qui est comme cela ».

[5] Explications détaillées

[6] Khattiyo settho jane tasmim ye gottapatisārino
Vijjācaranasampanno so settho devamānuse.

lundi 1 septembre 2014

L’état qui transcende le discours et la pensée


Mauna, c’est l’état qui transcende le discours et la pensée. C’est la méditation sans activité mentale. Elle consiste à subjuguer l’esprit. La méditation profonde est un éternel discours. Le silence parle sans arrêt, c’est un courant éternel de «langage». Il s’interrompt lorsqu’on se met à parler, car les paroles font obstacle à ce «langage» muet. Discours et conférences peuvent distraire les gens pendant des heures sans leur être d’aucun bénéfice. Le silence, lui, est permanent et fait progresser l’humanité tout entière. Le silence, c’est l’éloquence. Les instructions verbales ne sont jamais aussi éloquentes que le silence. Le silence est [54] une continuelle éloquence... C’est le meilleur langage. Il existe un état où les paroles cessent et font place au silence.

(Extrait : Ramana Maharshi, le libéré vivant, Points sagesses p. 53-54, cité de l’Evangile de Ramana Maharshi pp. 42-43)