jeudi 8 octobre 2015

L'Engagement Sage selon le Zen tibétain



Sam van Schaik est l’actuel gestionnaire de projet du International Dunhuang Project. Il vient de publier le livre « Tibetan Zen, discovering a lost tradition » (Snow Lion, Londres, 2015). La collection de manuscrits tibétains, chinois etc. retrouvé à Dunhuang[1], permet notamment de reconstituer une forme de zen/ch’an ancien spécifique à cette région, sous l’influence du bouddhisme chinois. Pour van Schaik le Zen (il préfère utiliser le terme japonais, qui est le plus connu) n’est pas une doctrine toute faite qui se serait répandue d’un lieu d’origine vers d’autres endroits, mais la forme que prenait le bouddhisme dans un périmètre spécifique, et qui pouvait prendre des caractéristiques propres à une région, avant que le Zen ne devienne une doctrine orthodoxe au cours du XIème siècle environ.

Nous connaissons un maître Wolun (tib. ‘gwa lun, environ 545-626) qui fut un maître de Ch’an actif dans la région de Dunhuang, dont on trouve trois de ses cinq œuvres dans le document Pelliot tibétain 116. Il fut un prédécesseur du célèbre maître Mahāyāna (Hva śaṅ) qui appartenait à la même lignée. Parmi les manuscrits de Dunhuang, on trouve par exemple aussi un « Traité des deux accès » en chinois attribué à Bodhidharma (Stein 2715 et Pékin su 99), traduit par Bernard Faure dans « Le traité de Bodhidharma ».

Van Schaik propose de ne pas considérer le Zen tibétain et chinois comme deux traditions différentes, mais comme des pratiques du Zen présentées en deux langues différentes.[2] Il avance aussi l’hypothèse que le document Pelliot tibétain 116 avait une fonction cérémonielle ou rituelle, c’est-à-dire qu’il aurait pu être utilisé à l’occasion de cérémonies de masse d’ordination laïque (vœux de bodhisattva), appelées aussi des « cérémonies de plateforme », essentielles au développement du Ch’an. Le nom du Sūtra de la plateforme ou de l'estrade serait d’ailleurs associé à ce type de cérémonie.

Si le document Pelliot tibétain 116 était en effet un manuel de cérémonie, et si on se base sur lui, une cérémonie typique aurait pu commencer par la récitation des "Vœux de la bonne conduite" (sct. Bhadracaryāpraṇidhānarāja tib. bzang spyod smon lam), qui présente la motivation d’un bodhisattva. Elle est suivie par une récitation du Sūtra du diamant (sct. Vajracchedikā prajñāpāramitā sūtra), qui introduit l’audience à la vacuité, et joue par ailleurs un rôle vital dans le Sūtra de l’estrade, si important pour le Ch’an/Zen. L’hypothèse de la cérémonie de van Schaik semble se baser sur le déroulement de la cérémonie décrite justement au début du Sūtra de l’estrade.
« Assis sur un trône élevé dans la salle de prédication du temple de la Grande Chasteté, maître Houei-neng donna des enseignements sur la Mahāprajñāpāramitā et transmit les voeux sans apparence [formless precepts]. Au pied de son trône se pressaient plus de dix-mille moines, nonnes, adeptes et laïcs. »[3]
Il s’agit des préceptes de refuge, suivis des préceptes de bodhisattva. Après la prise des préceptes, le maître enseigne généralement la vacuité, en faisant référence au Sūtra du diamant. Van Schaik fournit la traduction anglaise du texte/sermon Single method of non-apprehension (tib. dmigs su med pa tsh'ul gcig pa′i gzhung). Le document Pelliot tibétain 116 poursuit avec une collection d'enseignements de 18 maîtres, un enseignement sur l’éveil immanent en chaque individu, des instructions de méditation et se termine avec un chant inspirant. Cette cérémonie, auquel van Schaik se réfère comme "une initiation Zen", aurait pu être le rituel central d’un événement annoncé bien en avance, afin de permettre aux convives de s’organiser et d’y participer. La transmission des préceptes pouvait être suivie d’une retraite de méditation.[4] Ce qui n’est pas sans rappeler les grands camps de méditation qu’organisa le maître mahāmudrā et dzogchen Tokden Shakya Shri (rtogs ldan shAkya shrI), 1853-1919).[5] Van Schaik rappelle d’ailleurs que malgré l’interdiction traditionnelle de l’apport bouddhiste chinois, les traditions de Zen tibétain ont continué d’exister. Il cite quelques exemples.[6]

Notons l’absence d’éléments tantriques caractéristiques de ces cérémonies de Zen tibétain. Prenons note aussi de l’avertissement de van Schaik, que ces documents ont été retrouvés en compagnie d’autres documents de type mahāyoga tantrique et d’objets susceptibles d’être des objets rituels, laissant ainsi ouverte la possibilité d’une fusion avec le mahāyoga tantrique pour former le « dzogchen ».

Van Schaik a traduit un document (Single method of non-apprehension tib. dmigs su med pa tsh'ul gcig pa′i gzhung) de la série Pelliot tibétain 116. Krishna del Toso va publier un article sur un texte d’une autre série de 9 ou 10 manuscrits « Zen tibétain » (IOL Tib J 709). Il s’agit d’une instruction attribué au maître inconnu Byang chub klu dbang. On trouve aussi dans le document IOL Tib J 709 un petit texte anonyme sur la Sagesse (sct. prajñā) et l’Engagement (sct. upāya), dont il forunira la traduction anglaise.

La série IOL Tib J 709 commence par un texte attribué au fameux maître ch'an chinois Heshang Moheyan (和尚摩訶衍; VIIIème s.), en tibétain Ma-ha-yan, et qui porte le titre bsam gtan cig car ’jug pa’i sgo, La porte d'accès simultané à la méditation. Les termes « porte d'accès », « porte » ou encore « accès » (ou entrée) et « accès simultané » (tib. gcig car du 'jug pa sct. yugapad avatara) semblent être caractéristiques de la méthode utilisée dans le bouddhisme ch'an. Il existe deux apocryphes attribués à Bodhidharma dans cette école portant le titre « Traité des deux accès » (théorique et pratique), traduits par Bernard Faure dans Le traité de Bodhidharma (voir ci-dessus). Ce texte est également une traduction (du chinois) d'un manuscrit de Dunhuang (Stein 2715 et Pékin su 99).

La méthode prônant « l'accès » (simultané) n'est cependant pas exclusif au ch'an, rappelons par exemple l'incantation pour entrer dans la non-représentation (sct. avikalpapraveśanāmadhāraṇī tib. rnam par mi rtog par 'jug pa'i gzungs) ou encore des textes attribués à Vimalamitra : l'Entrée simultanée dans la non-repérsentation (tib. cig car 'jug pa'i rnam par mi rtog pa'i bsgom don) et l'Entrée graduelle (tib. rim gyis 'jug pa'i bsgom don). Rappelons pour finir la présence du terme accès/entrée dans le titre d'un sūtra capital pour le ch'an, l'Entrée à Laṅkā (Laṅkāvatāra).

Le texte de Byang chub klu dbang est donc classé parmi des textes de type « Zen tibétain » et de l'approche simultanée telle qu'elle fut pratiquée au Tibet. Krishna del Toso résume ce texte ainsi (la traduction française est de moi) :
"34a1: introduction;
34a1-2: définition de la parole vraie (satyavacana) d’un bodhisattva;
34a3-4: référence à la pratique de l’égalité (samatā) et du contentement (āsvāda);
34a4: référence à la pratique de la maîtrise des sens et du souffle
34a4-5: référence à la méditation conduisant à l’état qui ne requiert plus l’attention ;
34a5-b2: définition de la pensée d’un bodhisattva ;
34b2-3: définition de l’inexprimabilité ;
34b3-4: définition de la remémoration du dharmatā;
34b4: définition de l’inexprimable ;
34b5-28a1: description de la pratique conduisant au non-oubli des remémorations ;
35a1-2: définition de l’Engagement (upāya) par rapport à la Sagesse (prajñā) ;
35a2: référence à la pratique conduisant à l’égalité ;
35a2-4: description de la méthode conduisant à la pure vision [regard simple ?] de la réalité ;
35a4-5: instructions pour atteindre la Sagesse par la méditation ;
35a5-b1: référence à un extrait de sūtra (il pourrait s’agir du Buddhāvatamsakasūtra);
35b1-3: référence à une instruction sur l’autoconnaissance (svapratyātmāryajñāna), dont il est dit qu’elle est originaire du Śatasāhasrikāprajñāpāramitāsūtra;
35b3-5: définition de ce qui nous distrait de la méditation et de la concentration;
35b5-36a1: identification des distractions précédentes et de ce qui ne constitue pas la prajñāpāramitā;
36a1-3: définition des quatre parfaites postures (īryāpatha)[7] en des termes apophatiques, tel l’état de cessation de toute fabrication mentale."
On peut déduire de ce résumé que le chemin du bodhisattva proposé est un chemin progressif, même s'il comporte un élément « simultané ». L'accès simultané se prépare, et quand il a eu lieu, il est maintenu jusqu'à ce qu'il se maintienne de lui-même. Cet accès est le chemin du perfectionnement de la Sagesse (sct. prajñā) dans toutes les activités quotidiennes (īryāpatha).
« Ne rien remémorer et ainsi
Rester ouvert, le corps détendu, les sens en éveil
La pensée vigilante (sct. apramāda)
Tout en diminuant la respiration
Sans discriminer entre les états passagers
L'on fait les quatre types d'activités dans l'égalité
C'est ainsi que la Sagesse devient expert en l’Engagement
. »[8]
Le septième texte de la série IOL Tib J 709 élabore sur l'union de l’Engagement et de la Sagesse. Voici sa traduction française.
« Avoir à la fois l’Engagement (sct. upāya) et la Sagesse (sct. prajñā)[9] 
Comme [l’Engagement et la Sagesse] sont indissociés en l'état sans concept (tib. 'du shes bsam du med pa), celui-ci est l'union de l’Engagement et de la Sagesse. Les actes de perfectionnement (sct. pāramitā) et l'action pour le bien des êtres constituent l’Engagement (sct. upāya). Le fait de ne pas s'investir (tib. mi gnas pa sct. apratiṣṭhita) en cela est la Sagesse (sct. prajñā). Considérer les êtres comme réels est l’Engagement, ne pas s'appuyer (sct. anupalabdha) sur les êtres est la Sagesse. Ne considérer les êtres ni comme réels ni comme irréels, c'est être doté à la fois de l’Engagement et de la Sagesse. Agir d'une façon constructive authentique est l’Engagement, ne pas avoir de considération pour les fruits, ni les espérer est la Sagesse. Savoir que les actions avec ou sans dharmatā[10] sont indifférenciables, c'est être doté à la fois de l’Engagement et de la Sagesse. »[11]
En quoi consiste la Sagesse ? Elle est présentée dans le bouddhisme par la connaissance du non-soi (P. anatta). Non-soi veut simplement dire qu'il n'y a pas de soi qui existe indépendamment. Il n'y a pas d'essence dans un individu ou dans un phénomène, qui le séparerait de tout le reste, et qui ferait qu'un individu ou un phénomène ne soit pas interdépendant.
« Ce qui n'est pas essentiel est vu comme essentiel (tib. snying po)
Et ce qui est essentiel comme inessentiel
Ceux qui ont comme perspective des représentations fausses
N'atteindront pas l'essentiel
 
Ce qui est essentiel est vu comme essentiel
Et ce qui manque d'essence comme inessentiel
Ceux qui ont comme perspective des représentations justes
Atteindront l'essentiel
»[12] (Dhammapāda, Chapitre premier : La section des paires)
Agir dans l'intérêt d'un corps que l'on conçoit séparé de l'ensemble, sans considération de l'ensemble, voire contre les intérêts de l'ensemble des corps, serait agir sans Sagesse. Les vers suivants sont extraits du Bodhicaryāvatāra (chapitre 8) de Śāntideva.
« 95. Moi-même et les autres
Sommes égales dans notre désir de bonheur
Qu’y a-t-il alors de si particulier en moi-même
Qui justifierait que je réalise uniquement mon propre bonheur ?
 [13] 
96. Moi-même et les autres
Sommes égales dans notre refus de la douleur
Qu’y a-t-il alors de si particulier en moi-même
Qui justifierait que je me protège moi, mais pas les autres ?
[14]
102. En l’absence d’appropriation de la douleur
Il n’y aucune différence entre chacun des éléments [de l’ensemble]
La douleur doit alors éliminée parce que c’est de la douleur
Cela étant établi, que faire ensuite
?[15] 
111. À force d’habitude j’ai réussi à appeler « moi »
La goutte [constituée] du sperme et du sang de [deux] autres personnes
Sans que rien ne le justifiait
En comprenant cela
 [16]
112. Pourquoi ne pas considérer
Les corps des autres comme « moi » ?
Transférer [l’idée] de « mon corps »
A celui des autres n’est guère plus difficile
.[17
115. Tout comme ce corps-ci sans essence individuelle (sct. nirātmaka)
A pu produire l’idée de « moi », à force d’habitude
Pourquoi ne pas produire l’idée de « moi »
[En l’appliquant] à tous les autres êtres ? 
[18]
116. En se souciant des autres de cette façon
Cela ne sera pas un geste produisant de la fierté ou de l’émerveillement
Ce serait [tout simplement] comme l’acte de manger[19] Dont on n’attend aucun retour [non plus]
117. Par conséquent, tout comme [auparavant] je me protégeais
Contre la moindre atteinte à ma réputation
Je me vouerai [désormais] à la protection des autres
Et à développer un esprit altruiste
. »[20]
Quand le corps individuel qui "n'est pas essentiel [mais] est vu comme essentiel" est dépassé dans la vue du "corps universel", "qui est essentiel [et qui] est vu comme essentiel", tout acte (sct. īryā-patha) est dans l'intérêt du "corps universel", sans en "attendre aucun retour", "la douleur devant être éliminée [simplement] parce que c’est de la douleur".

Dans cette conception, non-soi, upāya et prajña n'ont rien de métaphysique ou de magique. L'upāya n'est pas la "Science ésotérique" transmise de myste à myste, ni une habileté particulière, ni une "folle Sagesse", mais simplement l’Engagement. Et cet engagement est équilibré et guidé par la Sagesse.

***

[1] « Au cours de la seconde moitié du VIIe siècle, l'Empire du Tibet s'empare de Dunhuang, et n'en sera chassé que vers la fin de la dynastie Tang, en 851. »

[2] Tibetan Zen, p. 19

[3] Traduction de Patrick Carré. Le Soûtra de l’Estrade du sixième patriarche Houei-neng, p. 15

[4] Van Schaik, p. 7, qui renvoie à Yanagida, Shoki zenshū shisho no kenkyū(1967) et Adamek, The Mystique of Transmission (2007).

[5] Source

[6] Van Schaik, pp. 16-17

[7] 1) īryā-patha [iriyā-patha] ways of movement. The Sanskrit root īr means to go or to move. Īryā-patha connotes bodily postures, namely, walking, standing, sitting and lying. In the Satipaṭṭhāna Sutta these postures are mentioned as objects of contemplation. The purpose behind considering them as objects of contemplation is that while walking the aspirant fully understands that walking is a mere action; there is no agent behind the action. Thus he remains free from the notion of an eternal soul.
2) iriyā-patha (lit. 'ways of movement'): 'bodily postures', i.e. going, standing, sitting, lying. In the Satipaṭṭhāna Sutta (s. Satipaṭṭhāna), they form the subject of a contemplation and an exercise in mindfulness.
"While going, standing, sitting or lying down, the monk knows 'I go', 'I stand', 'I sit', 'I lie down'; he understands any position of the body." - "The disciple understands that there is no living being, no real ego, that goes, stands, etc., but that it is by a mere figure of speech that one says: 'I go', 'I stand', and so forth." (Com.). Source

[8] dran ba myi brjed de yang ni//
yangs shing lus khlod dbang po phye//
bag dang ldan pa’i sems kyis ni//
dbugs kyang shin du bskyung bar bya//
rkyen gi go skabs myi dbye bar//
spyod lam rnam bzhir snyoms par spyad//
de ni shes rab thabs mkhas pa’o

[9] Selon le site IDP, il s'agirait d'une citation du Laṅkāvatārāgama. L'expression se trouve aussi dans : shes rab kyi pha rol tu phyin pa 'bum pa rgya cher 'grel pa Sct. satasahasrikaprajnaparamitabrhattika toh: 3807,

[10] P.e. སྦྱིན་པ་ལ་སོགས་པ་ཐམས་ཅད་ལ་དོན་དམ་པར་ ཆོས་ཉིད་ཀྱིས་སྤྱོད་པ ་མེད་པ་ཉིད་ཡིན་ཡང་། ཀུན་རྫོབ་ཏུ་འཁོར་གསུམ་རྣམ་པར་དག་པས་སྤྱོད་པའོ་ཞེས་གསུངས་པ་ནི་སྤྱོད་པ་ཟབ་པ་ཡིན་ཏེ། Extrait de g.yag TIk (rdzong sar khams bye'i glog klad par ma/

[11] Transcription de ce passage IOL Tib J 709, 41b2-42a5:

thabs dang shes rab du ldan ba ni// ’du shes bsam du myed pa la dbyer myed pa ni// thabs dang shes rab zung du ’brel pa ’o// pha rol du phyin pa las stsogs pa | sems can gI don du spyod pa nI thabs so// pha rol du phyin pa las stsogs pa | sems can gi don du spyod pa ni thabs so// [42a1] de nyid la myi gnas pa ni shes rab bo// sems can yod par lta ba ni thabs so// sems can myi dmyigs pa ni shes rab bo// sems can yod pa dang med par nyi (myi?) lta ba ni// thabs dang shes rab du ldan zhing ’brel pa ’o// rnam par dag pa’i dge ba’ spyod pa ni thabs so// de’i ’bras bu la myi lta zhing lan myi re ba ni shes rab bo// chos nyid kyis spyod pa dang | myi spyod pa la// gnyis su myed par shes na’// thabs dang shes rab zung du ’breld pa ’o | |.

[12] Snying po med la snying po dang//
snying po snying po med par mthong//
mi bden kun rtog spyod yul can//
de rnams snying po 'thob mi 'gyur//
snying po can la snying po dang//
snying med snying po med par mthong//
yang dag rtog pa'i spyod yul can//
de rnams snying po 'thob par 'gyur//

[13] [6] yadā mama pareṣāṃ ca tulyam eva sukhaṃ priyam |tadātmanaḥ ko viśeṣo yenātraiva sukhodyamaḥ ||95||

gang tshe bdag dang gzhan gnyi ga// bde ba ’dod du mtshungs pa la// bdag dang khyad par ci yod na// gang phyir bdag gcig bde bar brtson//

[14] yadā mama pareṣāṃ ca bhayaṃ duḥkhaṃ ca na priyam |tadātmanaḥ ko viśeṣo yat taṃ rakṣāmi netaram ||96||

gang tshe bdag dang gzhan gnyi ga// sdug bsngal mi ’dod mtshungs pa la// bdag dang khyad par ci yod na// gang phyir gzhan min bdag srung byed//
[15] asvāmikāni duḥkhāni sarvāṇy evāviśeṣataḥ |duḥkhatvād eva vāryāṇi niyamas tatra kiṃ kṛtaḥ ||102||

sdug bsngal bdag po med par ni// thams cad bye brag med pa nyid// sdug bsngal yin phyir de bsal bya// nges pas der ni ci zhig bya//

[16] bhyāsād anyadīyeṣu śukraśoṇitabinduṣu |bhavaty aham iti jñānam asaty api hi vastuni ||111|| 

goms pa yis ni gzhan dag gi// khu ba khrag gi thigs pa la//dngos po med par gyur kyang ni// bdag go zhes ni shes pa ltar//

[17] tathā kāyo ’nyadīyo ’pi kim ātmeti na gṛhyate |paratvaṃ tu svakāyasya sthitam eva na duṣkaram ||112|| 

de bzhin gzhan gyi lus la yang*// bdag ces ci yi phyir mi gzung*// bdag gi lus ni gzhan dag tu’ang*// bzhag pa de ltar dka’ ba med//

[18] Ou d'autres īryā-patha, qui ne sont autres que l’Engagement, l'upāya, aussi ordinaire soit-il. Subvenir aux besoins du "corps" qui ne se limite pas à un corps individuel.

[19] yathātmabuddhir abhyāsāt svakāye ’smin nirātmake |pareṣv api tathātmatvaṃ kim abhyāsān na jāyate ||115||

ji ltar bdag med lus ’di la// goms pas bdag gi blo byung ba// de bzhin sems can gzhan la yang*// goms pas bdag blo cis mi skye//

[20] evaṃ parārthaṃ kṛtvāpi na mado na ca vismayaḥ |ātmānaṃ bhojayitvaiva phalāśā na ca jāyate ||116||

de lta na ni gzhan gyi don// byas kyang ngo mtshar rlom mi ’byung*// bdag nyid kyis ni zas zos nas// lan la re ba mi ’byung bzhin//

[21] tasmād yathārtiśokāder ātmānaṃ goptum icchasi |rakṣācittaṃ dayācittaṃ jagaty abhyasyatāṃ tathā ||117||

de bas ji ltar chung ngu na// mi snyan las kyang bdag bsrung ba// de bzhin ’gro la bsrung sems dang*// snying rje’i sems ni goms par bya//

4 commentaires:

  1. Joy, tu n'as plus guère le choix : tu dois publier ces textes ! Sinon, gare aux dharmapalas...
    Trêve de bigoterie, ce sont là des pièces de choix : une autre magie que celle des mahasiddhas.

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  2. On va déjà commencer par en/les traduire ! Merci. Et bizarrement, ce nom étrange, "Zen tibétain" m'inspire...

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  3. Le livre de Van Schaik est très intéressant. Bonnes traductions, très lisibles. Une autre vision du zen, moins spectaculaire sans doute que le zen officiel des Song, avec ses cris et ses coups de bâton, mais peut-être plus pertinente pour nous. Je regrette juste le goût de Van Schaik pour Latour, de même que la fascination de Wallis pour Laruelle me consterne quelque peu... En tous les cas, tes traductions seraient bienvenues. Bon courage !

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  4. Il est certain que c'était un livre très important pour moi, et je pense bien à me mettre à exploiter davantage ces matériaux très riches. Pas besoin de Latour et de Laruelle pour ça ;-)

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