mardi 29 octobre 2019

La transmission vue comme des vases communicants




Une image utilisée souvent, pour illustrer la transmission entre un enseignant et son étudiant est celle où l’étudiant est comparé à un récipient (snod). La transmission est illustrée par l’acte de verser du nectar (bcud) dans le récipient, qui se remplit du nectar transvasé.

Il est possible que cette transaction échoue pour différentes raisons, principalement liée à la qualité du récipient. Traditionnellement, un récipient peut avoir trois défauts qui empêchent la transmission réussie. Un récipient peut être retourné l’ouverture vers le bas, avoir un trou par lequel le nectar versé fuit aussitôt où il peut contenir du poison, contaminant le nectar versé de façon à ce que celui-ci ne soit plus du nectar mais du poison.

Des tonnes de nectar ont été versés en occident les dernières décennies, on pourrait s’attendre à ce qu’il y ait des récipients remplis de nectar un peu partout, mais ce n’est pas le cas. Certains nous expliquent que c’est principalement dû aux défauts des récipients. Plus précisément, quand le nectar versé est celui du vajrayâna - censé transmettre la perception pure (dag snang) - et que les récipients remplis ne reflètent/perçoivent pas de façon pure, il est probable que l'on ait à faire à des récipients déficients.


En lisant un article d’Alexandre Berzin DHARMA-LITE" versus "THE REAL THING" DHARMA, je tombe sur une autre application de la métaphore des vases communicants dans les premières lignes. Berzin a constaté que de nombreuses sections d’instructions de Dharma n’ont pas encore été complètement transvasées en Occident. A cause de cette transmission incomplète et sans doute à cause de la qualité déficiente des occidentaux, le dharma ou le bouddhisme qu’on trouve le plus répandu en occident est un “bouddhisme Lite”. Berzin explique que cette trouvaille lui est venue grâce au nom Coca Cola lite, qui est appelé Coca Cola et qui y ressemble, mais qui n’est pas “the real thing”.

Pour quelle raison les récipients occidentaux finissent-ils par contenir du bouddhisme Lite ? Eh bien, selon le professeur Berzin, c’est principalement parce que les occidentaux ne croient pas en la réincarnation, qui est la pierre d’angle du bouddhisme. Enlevez cette pierre d’angle et tout votre bouddhisme est bancal.

Sans la réincarnation, les discussions sur l’esprit n’ayant ni commencement ni fin n’ont plus de sens et toute la présentation du karma s’effondre. Ceci, parce que la plupart des fruits karmiques de nos actes, ne mûrissent pas dans la vie même où ils sont commis. Et sans un karma qui englobe plusieurs existences, la discussion sur la vacuité de cause et effet n’a plus lieu d’être. Comment pratiquer pour le bien des vies futures, s’il n’y en avait pas ? Comment se libérer du cycle des existences sans la croyance en la réincarnation, les enfers et les autres mondes ?[1]

En effet, si on définit le bouddhisme comme ayant l’objectif de se libérer du cycle des existences, autrement dit de la réincarnation, il faut d’abord croire en la réincarnation. Sinon, le bouddhisme ne servirait à rien ! Comme la croyance en la réincarnation n’est pas naturelle en occident, il faut d’abord verser de la théorie de réincarnation dans les récipients des occidentaux, avant de les enseigner la nécessité de s’en libérer. Quelqu’un qui ne croit pas naturellement en l’existence des enfers doit d’abord apprendre à y croire, pour être proprement motivé à vouloir s’en libérer. Sinon sa pratique du bouddhisme serait Lite ! ce n’est quand-même pas le but.

A la limite ajoute le professeur Berzin, si cela attire les candidats bouddhistes occidentaux, on pourrait commencer par du bouddhisme Lite, délesté des éléments bouddhistes qui pèsent des tonnes, en évitant de les effrayer dès le départ. Et ensuite seulement, très graduellement et habilement les accoutumer aux animaux, les esprits avides, les enfers pour finir avec les enfers vraiment craignos, qui les motiveront de sortir au plus vite du karma et du cycle des existences. Aux plus avancés on enseignera ultérieurement la vacuité des causes et des effets.




Démarrer à 1:30

***


[1] “Without rebirth, the discussion of mind having no beginning and no end becomes meaningless. Without beginningless and endless mind, the entire presentation of karma falls apart. This is because the karmic results of our actions most frequently do not ripen in the same lifetime in which we commit the actions. Without the presentation of karmic cause and effect over the span of many lifetimes, the discussion of the voidness of cause and effect and of dependent arising likewise falls apart.

Moreover, in terms of the three scopes of lam-rim motivation, how can we sincerely aim for benefiting future lives without belief in the existence of future lives? How can we sincerely aim for gaining liberation from uncontrollably recurring rebirth (samsara) without belief in rebirth? How can we sincerely aim for enlightenment and the ability to help others gain liberation from rebirth without belief that rebirth is a fact?

In terms of bodhichitta meditation, how can we sincerely recognize all beings as having been our mothers in previous lives without believing in previous lives? In terms of anuttarayoga tantra, how can we sincerely meditate in analogy with death, bardo, and rebirth to purify ourselves of uncontrollably experiencing them if we do not believe that bardo and rebirth occur?

Thus, it is clearly evident that rebirth is a cornerstone for a large and crucial portion of the Dharma teachings.“



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire