mercredi 30 janvier 2013

Dampa Sangyé avant son départ



José Ignacio Cabezón a écrit un article sur Garou goeunpa (Garu Gönpa), un des couvents de nonnes le plus ancien du Tibet. L’article ne donne pas l’année de sa fondation, mais celle-ci ferait suite à une vision de Phadampa Sangyé (mort en 1117?) à l’endroit où le couvent sera construit. C’est-à-dire au nord-ouest de Sera, à l’extrémité occidentale de la vallée de Nyangdren. Le nom Garou vient du mot tibétain « gar » qui signifie danse. Phadampa Sangyé y aurait vu des ḍākinī danser et lui aurait donné ce nom.

Dans le temple central du couvent, on trouve entre autres une statue de Phadampa Sangyé, représenté à l’âge de 8 ans. Dans son giron était posé un texte manuscrit d’une dizaine de feuillets, qui serait une prière écrite de la main de Phadampa Sangyé. La statue et ce texte constituaient les supports de dévotion principaux (T. nang rten gtso bo) du couvent.

L’article de Cabezón est partiellement basé sur un petit texte qui raconte l’histoire du couvent intitulé Gar dgon bsam gtan gling gi lo rgyus mun sel mthong ba don ldan, composé par Ngawang Mengyal (ngag dbang sman rgyal), et publié en 1997. L’auteur de l’histoire du couvent a reproduit le texte du manuscrit de Phadampa Sangyé dans son livre (pp. 36-39) et affirme que selon Thu kvan blo bzang chos kyi nyi ma (1737-1802), ce texte aurait servi de base à la biographie de Phadampa Sangyé écrite par Tcheukyi sengé et Gangpa (chos kyi seng ge)[1]. Il s’agit peut-être de khu bsgom chos kyi seng ge, un disciple de Machik labdreun (ma cig lab sgron 1055-1145/1153?) qui est à l’origine de la lignée de Cheu (gcod).

Cette biographie de Phadampa Sangyé a fait l’objet d’une traduction anglaise, publiée sous le titre « Lion of siddhas, The life and teachings of Padampa Sangye », faite par David Molk et Lama Tsering Wangdu Rinpoche (Snow Lion). Pendant les derniers jours de la vie de Phadampa Sangyé, celui-ci reçoit la visite de la nonne Dutsikyi (T. bdud rtsi skyid), qui avait entendu dire qu’il était malade. Elle lui demande de quoi il souffre. Il répond « du fait que mon corps et mon esprit sont indifférenciés ». Il lui donne des instructions, qui se terminent ainsi :

« Jusqu’à ce que l’espace (T. dbyings) et l’esprit (T. sems nyid, rig pa ?) se confondent et deviennent indifférenciés, soyez impartial envers les dharma, puisque [chaque] véhicule (yāna) est vrai de son point de vue. »[2]

Puis comme toute dernière instruction :
« Regardes sans cesse ton propre esprit qui n'est pas une chose (abhāva) ! Alors, un maître qui n'est pas moi, mais qui est tout comme moi, surgira de l'intérieur. Vas-y ! »
Ou:
« Regardes encore et encore l'absence de réalité de ton esprit en pensant "le Lama qui n'est ni moi-même ni différent de moi-même surgit comme tout ce qui se présente ! »[3]


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Statue de Padampa Sangyé au couvent de Garou goeunpa

[1] Chos-kyi-seng-ge & Gang-pa, Pha-dam-pa dang Ma-cig Lab-sgron-gyi Rnam-thar, Mtsho-sngon Mi-rigs Dpe-skrun-khang (Xining: Qinghai Nationalities Publishing House, November 1992)

[2] Je n’ai malheureusement pas accès à la version en tibétain. « Until space and mind as such have fused inseparably, Do not be partial and biased towards the dharma, since [each] yāna is true in its own place. » Straight from the Heart, Karl Brunnhölzl, p. 214.

[3] Cette citation m’a été signalée par David Dubois. N'ayant pas accès au tibétain, ma traduction est également basée sur la traduction anglaise de Karl Brunnhölzl, p. 215 « Look again and again at your own mind, which is not a thing (abhāva) ! Then, a guru who isn’t me, but just like me, will dawn from within. Go for it ! ». Le même passage dans Lions of siddha : "Ange, again and again, look at the unreality of your mind thinking, 'The Lama that is neither myself nor separate from myself arises as whatever appears!" p. 122

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