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lundi 10 février 2014

Il y a deux sortes de gens...



Il y a les introvertis et les extravertis, les contemplatifs et les actifs, les laxistes et les interventionnistes, les cigales et les fourmi, il y a les épicuriens qui vivent cachés dans leur jardins et les stoïciens dans leurs armures citadelles intérieures ») qui veulent tenir la gouverne. Il y a les avadhūta et les taoïstes de la trempe de Zhuangzi qui déclinent les postes qu’on leur propose, et les mandarins/mantrins qui se battent pour proposer leurs services à la cour. C’est drôle comme on retrouve ce type de division bonobo (végétarien)-chimpanzé (omnivore), colombe-faucon, ou hippie-yuppie un peu partout et toujours…

La doctrine de la nature de Bouddha, qui est l’application du principe d’égalité (samatā) entre saṁsāra et nirvāṇa et entre l’être et le Bouddha, met le Bouddha à la portée de tous et dit implicitement que chacun est déjà le Bouddha. C’est sur cette doctrine que s’appuient les méthodes dites « subites ». Or, ce message plutôt égalitariste et laxiste a été souvent contesté. On (le yogacāra) lui a opposé par exemple la doctrine des cinq « appartenances » (gotra). Chaque être possède bien le cœur ou l’embryon de « celui qui est comme cela » (tathāgata), mais l’aboutissement de celui-ci par le biais d’un véhicule unique (ekayāna), n’est plus une évidence.

Les détracteurs de cet égalitarisme bouddhologique ont voulu remettre de l’ordre, en identifiant cinq « familles » (gotra), cinq potentiels différents, et en procédant à une classification des êtres. En bas de l’échelle ceux pour qui l’ascenseur bouddhologique est en panne 1. Le potentiel interrompu (icchantika), qui n’a aucun espoir de s’éveiller. Puis, 2. Le potentiel incertain, selon les conditions dans lesquelles ils vivent (lesquelles sont en fonction de leur karma) 3. Le potentiel des auditeurs (śravaka), 4. Le potentiel des bouddhas-par-soi et finalement 5. le potentiel du grand véhicule.

D’accord, ils sont tous Bouddha potentiellement, comme l’argent contenu dans le minerai d’argent, comme l’huile dans la graine de sésame, comme la crème dans le lait, ou comme l'huile de coude dans l’ouvrier, mais ils ont intérêt à se mettre au travail, afin d’éviter que les conditions de ce potentiel s’épuisent et qu’ils se retrouveront dans de moines bonnes conditions la vie suivante.

Toujours dans l’optique de justifier les différences et de motiver les classes inférieures à fournir toujours plus d’efforts, les détracteurs de l’égalitarisme bouddhologique, dits les Gradualistes, ont multiplié les classements et les niveaux. Si nécessaire, chaque niveau peut encore être sous-divisé en inférieur, intermédiaire et supérieur. Chacun sera jugé selon son mérite (puṇya). Le gradualisme est une méritocratie et les Gradualistes fourniront l’huile nécessaire pour faire tourner les rouages. Méfiez-vous de ceux qui classifient, ils veulent vous mettre au travail !

mardi 27 avril 2010

Cours : Hymne au Dharmadhatu


Commentaire par Khenpo Tsultrim gyatso en anglais "In praise of Dharmadhatu". L'original en tibétain du commentaire par le troisième Karmapa se trouve ici.

Nāgārjuna, qui a probablement vécu au IIème-IIIème siècle, est surtout connu comme l'auteur des "Versets fondamentaux du Milieu" (S. Mūla-madhyamaka-kārikā (MMK) T. dbu ma rtsa ba'i tshig), le texte servant de base à l'école du Milieu (Madhyamaka). De nombreux textes ont été attribués à des auteurs portant le nom de Nāgārjuna. A cause du laps de temps entre les textes les plus anciens et les plus récents (à en juger par leur contenu), la légende a donné une longévité extraordinaire en considérant les différents Nāgārjuna comme un seul personnage historique. Le texte le plus ancien est le MMK (IIème-IIIème s.), parmi les textes les plus tardifs figurent l'Hymne au dharmādhātu (PDF bilingue) qui fut traduit en chinois à la fin du Xème siècle par Danapala. Il existe également une version en sanscrite [1].

Selon Christian Lindtner [2] ce texte n'est probablement pas de la main de Nāgārjuna. D. Ruegg [3] mentionne, à juste titre, des éléments de la doctrine du Bouddha intérieur (S. tathāgatagarbha) dans cet hymne. On peut même dire que le Bouddha intérieur est le sujet principal de cet hymne. On y retrouve le terme "khams" en tibétain, l'équivalent de dhātu, mais davantage connoté Tathāgatagarbha. C'est le même terme qui est utilisé dans le Ratnagotravibhāga (RGV) ou Mahāyānottaratantraśāstra (T. rgyud bla ma).

Atiśa (980-1054) est l'auteur du Chant sur la doctrine du Dharmadhātu [4] dont le premier verset ainsi que les versets 4 à 14 correspondent quasiment textuellement au début de l'Hymne au dharmadhātu de Nāgārjuna. Le RGV, qui enseigne explicitement le Bouddha intérieur, venait tout juste d'être redécouvert par Maitrīpa, qui l'avait ensuite transmis à Atiśa. C'est ce maître, à l'origine de l'école Kadampa, qui l'avait traduit et enseigné pour la première fois au Tibet.

[1] IASWR (Institute for Advanced Studies of World Religions) à New York), réf. MBB-II-292, sur papier népalais, 9 folios.
[2] Dans "Master of Wisdom: Writings of the Buddhist Master Nāgārjuna", pp. 330-331, surtout la note 230 à la page 371
[3] "Le Dharmadhatustava de Nagarjuna," Etudes tibetaines dediees a la memoire de Marcel Lalou (Paris: Librairie d'Amerique et d'Orient, 1976), 449, n. 8.
[4] Dharmadhātudarśanagīti chos kyi dbyings lta ba'i glu P3153/5388