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dimanche 28 novembre 2021

Les deux "Mères" de tous les Bouddhas

Mañjuśrī HA154, Sakya XIVème, détail

La tradition bouddhiste mahāyāna fait souvent référence à la prajñāpāramitā, la perfection de la sapience, comme la Mère de tous les bouddhas. Cette idée semble avoir son origine dans Le Traité de la Grande Vertu de Sagesse de Nāgārjuna (Mahāprajñāpāramitāśāstra MPPS)[1], traduit en français par Mgr. Etienne Lamotte en 1970. Ce texte est un commentaire de la Prajñāpāramitā en 25.000 articles (Pañcaviṃśatisāhasrikā-prajñāpāramitā-sūtra). C’est dans le MPPS, que la métaphore de la sapience (prajñā) ou de sa perfection comme la “Mère de tous les Bouddhas” est davantage[2] élaborée, et que la perfection de la sapience commence son processus de personnification et de divinisation, pour finalement aboutir en śākti[3]. C’est à la “Mère” Prajñā que le Bouddha doit l’initiative de son acquisition des 32 marques (du grand être, mahāpuruṣa) et de l’actualisation de sa “suprême et parfaite illumination” (anuttarasamyaksaṃbodhi).

Prajñāpāramitā XIIIème s. (Singhasari, East Java)

Au départ, il s’agissait simplement d’une métaphore, sans la sapience pas d'Éveil, tout comme sans la mère l’enfant ne naîtra pas. La prajñā est donc comme la Mère de l’Eveillé. Mais la métaphore devient une allégorie, qui mène sa propre vie, et se mélange à d’autres doctrines tantriques de Clan, de filiation, de (re)génération, d’autogénération, etc. La célèbre version abrégée de la Prajñāpāramitā, le Sūtra du Coeur (Prajñāpāramitā Hṛdaya VII-VIIIème s.), sera d’ailleurs assortie d’une incantation (dhāraṇī), ou plutôt d’un mantra vidyā[4].

La Prajñāpāramitā aura sa version tantrique en la figure du yogi indien Dampa Sangyé, à l’origine de la doctrine de la pacification de toutes les souffrance (tib. Zhi byed), en référence au grand mantra du Sūtra du Coeur, qui est justement dit avoir cette qualité (sarva duḥkha praśmanaḥ). Dampa aurait eu une disciple tibétaine du nom de Machik Labdrön, une réincarnation de la Prajñāpāramitā (“Mère universelle” yum chen mo), la prajñāpāramitā personnifiée et divinisée s’entend. Machik Labdrôn serait à l’origine du système dit Chöd” (tib. gcod).

Lévolution du bodhisattva Mañjuśrī, autre figure importante de la transmission de la Prajñāpāramitā, est aussi spectaculaire. Au début du premier millénaire, nous le voyons au Gāndhāra, représenté assis à côté du Bouddha, écoutant et notant les paroles de celui-ci. Il était considéré comme d’autres bodhisattvas comme un bodhisattva de la dixième terre. Rapidement, il prendra des attributs du messager des dieux, le roi des gandharva Pañcaśikha, à son tour l’émanation de Sanatkumāra, le messager céleste. Son omniprésence et ubiquité dans les mondes célestes et terrestres, en font le dépositaire idéal des nombreux enseignements simultanés des saṃbhogakāya du Bouddha du mahāyāna.

On voit l’activité de ce Mañjuśrī du mahāyāna bien élaborée dans L’Enseignement de Vimalakīrti (Vimalakīrtinirdeśa) et dans La Concentration de la Marche héroïque (Śūrāṅgamasamādhisūtra, Śgs), où Mañjuśrī joue un rôle majeur. On le voit déjà prendre la place de tous les grands protagonistes des traditions non-bouddhistes. Pour ce Mañjuśrī, il ne s’agit pas de mettre fin au saṃsāra, de combattre Māra et ses troupes, ni même de se débarrasser des vues fausses. Quand tous les bodhisattvas présents dans la "maison vide" de Vimalakīrti ont exprimé leur vue de la non-dualité, on demande à Mañjuśrī de s’exprimer à son sujet. “Vous avez tous bien parlé ; cependant, à mon avis, tout ce que vous avez dit implique encore dualité. Exclure toute parole et ne rien dire, ne rien exprimer, ne rien prononcer, ne rien enseigner, ne rien désigner, c’est entrer dans la non-dualité."[5] Quand Mañjuśrī demande alors à Vimalakīrti sa vue de la non-dualité, ce dernier garde le silence. Il n'y a pas encore de Gnose pour recouvrir ce silence.

Dans la Concentration de la Marche héroïque, nous apprenons que Mañjuśrī est en fait un Bouddha (Nāgāvaṃśāgra) depuis longtemps (p. 261)... Les douze actes d’un Bouddha, et notamment l’entrée (et la sortie) du nirvāṇa, c’est le moindre de ses exploits. Dans l’espace d’un éon (kalpa), un Bouddha ne peut pas tout faire, son temps est compté. Le potentiel et la promesse du Śgs lui sont nettement supérieurs. Mañjuśrī travaille derrière les coulisses de chaque nouveau kalpa à Bouddha. Selon le même texte, Śākyamuni est par ailleurs le Bouddha cosmique Vairocana, et tant que celui-ci enseigne dans son univers, Śākyamuni ne rejoindra pas le nirvāṇa final. Le véritable moteur continu du mahāyāna, quelque soit le Bouddha qui règne, semble être Mañjuśrī au commencement du bouddhisme ésotérique.

Mañjuśrī, dynastie Pala, IXème s. , assis sur deux lions 

“Dans l'Ajātasatrukaukrtyavinodana [Sūtra MS 2378], Śākyamuni se plaît à rendre au Bodhisattva [Mañjuśrī] ce témoignage solennel :
Si aujourd'hui je suis Buddha, si je possède les 32 marques (lakṣāna) et les 80 sous-marques (anuvyanjana), la majesté et la noblesse, si je sauve tous les êtres des dix régions, tout cela est une faveur de Mañjuśrī. Autrefois, il fut mon maître [kalyāṇamitra]. Dans le passé, d'innombrables Buddha furent tous les disciples de Mañjuśrī, et les Buddha du futur également seront menés par sa force majestueuse et bienveillante. De même que, dans le monde, tout enfant a un père et une mère, ainsi dans la religion du Buddha, Mañjuśrī est le père et la mère[6]. “ 41 MANJUSRÎ, Étienne Lamotte, Source: T'oung Pao, 48 (1960): 1-96.
Celui qui prend la place d’Indra, Brahma, Māra, etc., tirant toutes les ficelles et faisant de ceux-ci de simples entités en paille, deviendra avec l’avènement des tantras, tout simplement le dépositaire de tous les mantras, qu’ils soient bouddhistes ou non-bouddhistes[7]. Il est normal qu’un des premiers livres de rituels, le Mañjuśrīmūlakalpa (en sanskrit, MMK, tib. 'phags pa ’jam dpal gyi rtsa ba'i rgyud)[8] (VIIIème s.) lui fut dédié. Avec ce que nous savons de Mañjuśrī dans les textes du mahāyāna, nous comprenons que la transmission du MMK est une “mise en scène” habile[9], où Mañjuśrī prend la place d’un bodhisattva de la dixième bhūmi, qui, décidant que le moment était opportun[10], demande à Bouddha Śākyamuni, d’instruire la noble assemblée en la pratique des mantras (mantracaryā). Cela a lieu dans le pavillon magique au nom de "Au-delà du monde symbolique” (śuddhāvāsopari), devant une assemblée constituée de tous les êtres du monde symbolique (śuddha). Mañjuśrī est lui-même le paramahṛdaya mantra (svayam eva mañjuśrīḥ). Le bodhisattva et le mantra sont identiques en essence. Le pouvoir du bodhisattva Mañjuśrī, le messager universel, d’aller partout, d’être à la fois tous les protagonistes de l’univers bouddhiste et au-delà, en essence, lui vient de sa pratique des mantras. Et cette pratique des mantras est désormais rendue accessible à tous les initiés. Le Manuel des rituels de Mañjuśrī contient également les mantras d’un autre bodhisattva présent : Vajrapāṇi. Ce sont au départ principalement ces deux bodhisattvas qui dotent le monde bouddhiste ésotérique des mantras (bouddhistes et non-bouddhistes[11]), dont il aurait besoin pendant l’ère des cinq dégénérescences. Notamment dans un monde indien, où le bouddhisme commence à perdre pied.

Mañjuvajra, XIème s., Bangla Desh, Metmuseum 

Pour l’appropriation des mantras shivaïtes, Mañjuśrī se double en Kārttikeya/Skanda, le fils (kumāra) à six têtes de Maheśvara/Śiva, et prend l’aspect de Kārttikeyamañjuśrī. La lance, qui est un de ses attributs, fait peut-être iconographiquement pendant (au Népal, au Tibet, ...) à la fameuse épée (khāḍga) de Mañjuśrī, qui apparaît tardivement (XIème ? Mañjuvajra ?). Au lieu d'un paon, la monture (également plus tardive, IXème s. ?) de Mañjuśrī est un lion. Skanda est le chef de tous les dieux-démons, tout comme son frère Gaṇeśa. Contrôler Skanda, c’est contrôler tous les dieux-démons, et ce contrôle passe par l’utilisation de rituels et de mantras. Pour exercer du pouvoir dans un monde en dérive, il faut contrôler ceux qui sont censés le gérer, les troupiers de la Nature. Kārttikeya devient l’aide (anucara) de Mañjuśrī.
This divine youth called Mañjuśrī-Kārttikeya is an attendant of Mañjuśrī, the divine youth. He may be employed in all rites. By merely reciting him, he will accomplish all tasks‍—frighten any being away, summon it, enthrall it, cause it to wither, or smash it; or, he will bring whatever the practitioner who has mastered his mantra may desire. {2.85} 84.000
Mañjuśrī en ādibuddha, Alchi, Ladakh photo : Jaroslav Poncar

Les tantras (upāya) évoluant, Mañjuśrī évolue avec eux. Un autre texte, le Mañjuśrī-Nāma-Saṃgīti (MNS), présentera le Mañjuśrī 2.0 compatible avec les yogatantras supérieurs et leurs yogas. Ce texte est classé dans le canon tibétain juste devant la série des textes consacrés au Kālacakra Tantra, qui enseigne et développe le concept du Bouddha primordial (ādibuddha), Mañjuśrī et plus tard Kālacakra.
MNS, VI, 19
Géniteur de tous les éveillés
Meilleur fils des Eveillés
Source (yoni) du monde porté par la sapience
Source de la Doctrine (dharmayoni) mettant fin au devenir
[12]
Dans un des commentaires du Kālacakra Tantra (plus précisément le Paramādibuddhoddhṛtaśrīkālacakra-nāma-tantrarāja tib. mchog gi dang po'i sangs rgyas las byung ba rgyud kyi rgyal po dpal dus kyi 'khor lo zhes bya ba), on trouve :
Tu es la mère, tu es le père. Tu es le guru du monde. Tu es l’ami et le bon compagnon. Tu es le Seigneur (nātha). Tu es celui qui accomplit [tous les objectifs], l’aide, celui qui dissipe la négativité. Tu es l’état parfait, le recueillement dans la liberté (kevala vihara), le recueillement dans la meilleure qualité, tu es celui qui détruit les fautes. Tu es le protecteur des misérables, le joyau qui exauce les désirs, le prince des vainqueurs, je prends refuge en toi.[13] Kālacakra Tantra, fin de chapitre 2.
Et Bu ston[14] de commenter le premier vers :
Tu” renvoie à Mañjuśrī. “Tu es le vieillard, tu es le jeune (kumāra), le fils spirituel du Vainqueur. Tu es depuis toujours le Bouddha primordial.”[15]
Et Mañjuśrīmitra dans son commentaire du MNS (Bodhicitta-bhāvanā-dvādaśārtha-nirdeśa) : "Mañjuśrī" est la compréhension infaillible des caractéristiques de la pensée éveillée et la source de tous les éveillés. C’est pourquoi il est la Mère de tous les bienheureux, la voie unique de tous les Vainqueurs[16].

Il y a ainsi un passage de la prajñā, la Mère de tous les éveillés, à l’upāya(marga) ou la Gnose (jñāna, ce qui revient au même), que représente Mañjuśrī, qui devient la "Mère de tous les bienheureux", ainsi que le Bouddha primordial et le guru du monde. L’upāya n’est plus la pratique des cinq perfections (adikarma) dans le cadre de la perfection de la sapience, mais est désormais synonyme de Gnose. L’upāya devient la Gnose permettant aux êtres de se libérer du devenir et des souffrances associées, en devenant des bienheureux (sugata) dans des Corps de Gnose (jñānakāya), auquel l’initiation dans le maṇḍala donne accès. Cette génération est présentée comme une auto-génération (svayambhu), le guru, indissociable du Bouddha primordial (Mañjuśrī), servant à la fois de guide et de support (tib. rten).
Puisse le parfait éveillé (saṃbuddha), le Bhagavat
Le guru et guide du monde
Qui connaît le grand Engagement (samaya)
Et qui connaît les dispositions et les motivations les élucider
” MNS chapitre I, 9
Le Corps de Gnose (jñānakāya) du Bhagavat,
La grande protubérance (mahoṣṇīṣa), Maître de la Parole (gīṣpateḥ)[17],
Ce Corps de Gnose autogénéré (svayambhuvaḥ)
Est celui de 
Mañjuśrī, l'être de Gnose (Mañjuśrījñānasattva)
Le grand Engagement (mahāsamaya) est une inféodation spirituelle en vue d’une libération spirituelle par la Gnose, le grand projet “alchimique” qui engendre l’embryon du Bouddha à partir de l’essence du Père (upāya, voyelles), l’essence de la Mère (prajñā, consonnes) et de l’être à naître (gandharva)[18], transmutant les cinq skandha en les cinq tathāgata, les cinq kleśa en les cinq gnoses du parfait Bouddha, etc. C’est la dernière “renaissance”, ou la véritable naissance, ou autogénération dans la Gnose.

Nous avons vu comment une simple métaphore (la prajñā comme la mère de tous les Bouddhas) peut donner lieu à des élaborations spéculatives très complexes (au niveau de la théorie et de la pratique), à force d’interpréter, de réinterpréter des matériaux anciens, nouveaux et étrangers au bouddhisme, et d’en construire de nouveaux systèmes. Si à chaque réforme, les dernières interprétations sont celles qui font foi, et s’appliquent rétroactivement à toute la Doctrine, les métaphores des débuts deviennent inaudibles et invisibles, tout comme les doctrines anciennes où ces métaphores sont utilisées.

Les qualités attribuées à Mañjuśrī l'ādibuddha, deviennent par la force des choses celles du guru.
 
"Vajrayana texts state that for one who seeks enlightenment a guru is more important than all the buddhas of the three times put together. His job is not only to teach students but to lead them. He is our most important companion, our family, husband, wife and beloved child, because only he can bring us to enlightenment." Not for Happiness: A Guide to the So-Called Preliminary Practices
de Dzongsar Jamyang Khyentse

Article Buddha Weekly : “Manjushri is the father and mother of the Bodhissatvas, and their spiritual child.”
***

[1] Plus précisément dans le chapitre VIII qui traite des Bodhisattvas, et notamment dans la note 1 de la page 281 (Lamotte)/lappendice 9 de ce chapitre.
« Question. — Pourquoi le Bodhisattva orne-t-il (alaṃkaroti) son corps de marques ?

Réponse. — 1. Certaines personnes ont obtenu la pureté de foi (śraddhāviśuddhi) en voyant les marques corporelles du Buddha. C’est pourquoi il orne son corps de marques.

2. En outre, les Buddha triomphent (abhibhavanti) de toutes manières : ils triomphent par leur beauté physique (kāyarūpa) , leur puissance (prabhāva), leur clan (gotra), leur famille (jāti), leur sagesse (prajñā), leur extase (dhyāna), leur délivrance (vimukti), etc. Mais si les Buddha ne s’ornaient pas des marques corporelles, ces supériorités ne seraient pas nombreuses. 3. Enfin, certains disent que la suprême et parfaite illumination (anuttarasamyaksaṃbodhi) réside dans le corps du Buddha, mais que, si les marques corporelles n’ornaient pas son corps, l’Anuttarasamyaksaṃbodhi ne résiderait pas en lui. Ainsi, quand un homme veut épouser une fille noble, celle-ci envoie un messager lui dire : « Si tu veux m’épouser, tu dois auparavant orner ta maison, en enlever les crasses et en chasser les mauvaises odeurs. Tu dois y placer des lits, des couvertures, du linge, des rideaux, des tentures, des tapisseries et des parfums de façon à la garnir. Après seulement j’irai dans ta demeure». De même l’Anuttarasamyaksaṃbodhi dépêche la sagesse (prajñā) auprès du Bodhisattva et lui fait dire : « Si tu veux m’obtenir, cultive d’abord les marques merveilleuses et ornes-en ton corps. Après seulement je résiderai en toi. Si elles n’ornent pas ton corps, je n’habiterai pas en toi »1. C’est pourquoi le Bodhisattva cultive les trente-deux marques et en orne son corps, pour obtenir l’Anuttarasamyaksaṃbodhi.
» Vol I, p. 280-281

[2]The oldest source for the idea of Prajñāpāramitā as "Mother of the Buddhas" is the Aṣṭasāhasrikā Prajñāpāramitā ( the Eight-Thousand One), Chapter 12, "Showing the World." This scripture here treats Prajñāpāramitā as "mother" in two ways: to be honored, accordingly protected; and as the source of the Tathagatas' "all-knowledge." The first way starts curiously, so in Conze's translation: 8 "It is as with a mother who has many children-five, or ten, or twenty, or thirty, or forty, or fifty, or one hundred, or one thousand. If she fell ill, they would all exert themselves to prevent their mother from dying .... " For this, one should accept that there is just one "mother" in this sense; hence the numbers, five or one thousand, do not matter.” Chanting the Names of Manjushri, The Manjusri-Nama-Samgiti, Sanskrit and Tibetan Texts par Alex Wayman

[3] « Note 1

1 Cette prosopopée du Buddha et de l’Anuttarasamyaksambodhi est caractéristique de la littérature des Prajñāpāramitā qui tend à faire de la Prajñā, la Mère des Buddha ; cf. T 220, k. 306, p. 558 b. : Tous les Tathāgata s'appuient sur la profonde Prajñāpāramitā pour réaliser (sakṣātkāra) la Vraie nature (tathatā), le Sommet (niṣṭhā) de tous les Dharma et obtenir l’Anuttarasamyaksaṃbodhi. C’est pourquoi il est dit que la profonde Prajñāpāramitā engendre les Buddha, est la « Mère des Buddha ». — Dans son chapitre consacré à la Mère des Buddha, la Pañcaviṃśati (T 223, k. 14, p. 323 b) dit que les Buddha actuels des dix régions considèrent de leur œil de Buddha la profonde Prajñāpāramitā parce qu’elle engendre les Buddha, que tous les Buddha qui ont obtenu, obtiennent et obtiendront l'Anuttarasamyaksaṃbodhi, l’obtiennent grâce à la Prajñāpāramitā. — Beaucoup de sūtra sont consacrés à la glorification de la « Mère des Buddha » : cf. T 228, 229 et 258. —Le Mpps indique à plusieurs reprises en quel sens cette métaphore doit être prise : —k. 34, p. 314 a : La Prajñāpāramitā est la Mère des Buddha. Parmi les parents, la mère est la plus méritante ; c’est pourquoi les Buddha tiennent la Prajñā pour leur Mère. Le Pratyutpannasamādhi (décrit dans T. n° 416-419) est leur père : ce samādhi est seulement capable d’empêcher les distractions (vikṣiptacitta) pour que la Prajñā soit réalisée, mais il ne peut pas percevoir le Vrai caractère des Dharma. La Prajñāpāramitā, elle, voit tous les Dharma et discerne leur Vrai caractère. A cause de ce grand mérite, elle est appelée Mère ; — k. 70, p. 550 a : La Prajñāpāramitā est la Mère des Buddha, c’est pourquoi les Buddha subsistent en se fondant sur elle. Dans les autres sūtra, on dit que le Buddha s’appuie sur la Loi et que la Loi est son maître, mais ici le Buddha déclare à Subhūti que cette Loi, c’est la Prajñāpāramitā.

Toutes ces métaphores préparent la voie au « Shaktisme » du Vajrayāna qui accouple les Buddha et les Bodhisattva à des divinités féminines, à des Mahiṣī comme Locanā, Pāṇḍaravāsinī, Māmakī, Tārā, etc, Cf. H. von Glasenapp, Buddhistische Mysterien, p. 154 sq
. » Vol I, p. 281, note 1

[4] 7 tasmāj jñātavyam: prajñāpāramitā mahā mantro mahā vidyā mantro ‘nuttara mantro ‘samasama mantraḥ, sarva duḥkha praśmanaḥ, satyam amithyatvāt. prajñāpāramitāyām ukto mantraḥ. tadyathā: gate gate pāragate pārasaṃgate bodhi svāhā.

[5] Lamotte, Vimalakīrti, p. 316

[6] Ajātasatrurājasūtra T 626, k. 1, p. 394 b 18-20. “Mañjuśrī est le père et la mère des Bodhisattva, et il est leur ami spirituel [kalyāṇamitra].”

[7]The MMK also draws from non-Buddhist sources, thereby demonstrating the exchanges that took place between various religious traditions during the period when it was compiled. The Śaiva mantras and mudrās taught in the MMK are specifically held in high regard (35.­139–42).” Introduction à la traduction du MMK sur 84.000.

[8] Mañjuśrī reçoit les mantras du Bouddha Sakusumitarājendra dans la terre pure de Kusumāvatī, et aura comme mission de les transmettre ailleurs.

Pour la date du MNS "According to Sanderson (2009: 129) and the study by Matsunaga (1985), the text is datable to about 775 CE". 
Sanderson, Alexis. "The Śaiva Age: The Rise and Dominance of Śaivism during the Early Medieval Period. In: Genesis and Development of Tantrism, edited by Shingo Einoo. Tokyo: Institute of Oriental Culture, University of Tokyo, 2009. Institute of Oriental Culture Special Series, 23, pp. 41-350".
Matsunaga, Yukei (1985). "On the Date of the Mañjuśrı̄mūlakalpa". In Strickmann, Michael (ed.). Tantric and Taoist Studies in honour of R.A. Stein. Brussels: Institut Belge des Hautes Études Chinoises. pp. 882–894.

[9]Being so addressed, the thus-gone lord Saṃkusumita Rājendra said this to Mañjuśrī, the divine youth:

“You may go, divine youth Mañjuśrī, if you think that this is the right time. And please ask Lord Śākyamuni, on my behalf, if he is without pain and without worry, if his efforts come easily to him, and if his life is comfortable.” {1.9}
““Also, O divine youth, the tathāgatas, the arhats, the completely awakened ones, numerous as grains of sand in one hundred thousand Gaṅgā rivers, have taught and will teach again of your proficiency in mantra practice, maṇḍala ritual, the secret empowerment, the mudrās, the picture drawing procedure, the homa rite, the mantra recitation, and the regular observations, all of which fulfill every wish and bring joy to every being. They will teach of your proficiency in the vast fields of astrology and gemology; of your knowledge of the past, present, and future; and of your ability to govern and make predictions. They will teach of your mantra repetition, your ability to travel to the ends of the earth and to become invisible, and your vast knowledge of the right time and occasion for anything. They will teach how to traverse all the stages of the buddhas, bodhisattvas, śrāvakas, and pratyeka­buddhas, and all the mundane and supramundane stages without exception. They will teach the way in which you are established in the practice of all of these. So that I too may rejoice, please go Mañjuśrī, O divine youth, if you think that the time is right. You will hear these teachings in the presence of Śākyamuni, face to face with him, and you will later give them yourself
.” 84.000

[10] L’ère des cinq dégénérescences.

[11]Non-Buddhist mantras
In this vein, the section on mantras at Mmk ends with an appropriation of the mantras of major non-Buddhist deities. This sub-section is prefaced by a polemical "revisionist" history of the mantras that are then presented. The central contention of the history is that all previous mantras - those of Brahma, Śiva, Viṣṇu, etc. - were originally spoken by the Buddhist bodhisattva Mañjuśrī, though in the form of Brahma, Śiva, etc. Mañjuśrī merely took the form of these Hindu deities as an upāya - in this case, as a means of conversion. Specifically, the preface identifies Mañjuśrī with Kārttikeya (also called Skanda), the six-headed son of Śiva in Purānic mythology. In this manner, the Mmk presents its own Purāna fragment of sorts, rewriting the history of Kārttikeya, revealing essential facts about his life that had been left out of the Saivite account. In the Mmk version, Kārttikeya's name is combined with Mañjuśrī's: Kārttikeyamañjuśrī. This synthetic name gives a clear picture of the authors' intention to co-opt Saivite claims and subordinate these to those of the MMK
.” The Buddha' s Remains : mantra in the Mañjuśrīmūlakalpa, Glenn Wallis, Journal of the International Association of Buddhist Studies Volume 24 • Number 1 • 2001

[12] Sangs rgyas thams cad skyed pa po// sangs rgyas sras po dam pa mchog// shes pas srid 'byung skye gnas te// chos las byung ba srid pa sel//

[13] 153 khyod ni ma dang khyod ni pha ste khyod ni ‘gro ba’i bla ma khyod ni gnyen dang grogs bzang yang*/ khyod ni mgon po khyod ni byed po phan dang sdig ‘phrog khyod ni go ‘phang phun sum tshogs pa yang*/ khyod ni ‘ba’ zhig gnas dang khyod ni yon tan mchog gi gnas te skyon rnams bcom pa khyod nyid do/ khyod ni dman pa rnams kyi mgon dang yid bzhin nor bu rgyal ba’i dbang po khyod la bdag skyabs mchi//

[14] “Kālacakra-tantra and Other Texts, Part I, ed. by Raghu Vira and Lokesh Chandra (New Delhi: International Academy of Indian Culture, 1966), ed. (n. 23 above), line V, 256a.” Note Wayman, p. 49

[15] “Again, Bu ston annotates the first "You are" with "Mañjuśrī." It starts: "You are the old man, entirely a youth, spiritual son of the Jina. You are from the beginning, the primordial Buddha."

[16] 'Jam dpal zhes bya ba/ byang chub kyi sems kyi mtshan nyid ma nor bar rtogs pa ni sangs rgyas ma lus pa'i 'byung gnas yin pa'i phyir/ bder gshegs ma Ius yum du gyur pa rgyal ba kun gyi lam gcig go / zhes smos te /.

[17] NMS IV, 2
A Ā I Ī U Ū E AI O AU AṂ AḤ
demeurant dans le Cœur
Je suis le Corps de Gnose (jñānamūrti), l’Eveillé,
Où les éveillés des trois temps résident


A Ā I Ī U Ū E AI O AU AṂ AḤ snying la gnas//
ye shes sku bdag sangs rgyas te//
sangs rgyas dus gsum bzhugs rnams kyi’o//

[18]Nāro-pa says [in his commentary on the Hevajra Tantra]: "The ālayavijñāna in the middle of the bodhicitta is the gandharva-sattva" (byan chub kyi sems kyi dbus su kun gzhi’i rnam par shes pa dri za'i sems can no). And he continues (20-4-2), "Then the mirrorlike and the other Wisdoms along with their images." He gives the emanation process in this order: (I) the moon or bodhicitta possessed of vowels is the Mirrorlike Wisdom, Vairocana who engenders [as "image"] the personal aggregate of forms (rūpa-skandha); (2) the Sllll or menstrual blood possessed of consonants is the Sameness Wisdom, Ratnasambhava who engenders the personal aggregate of feelings (vedanā-skandha); (3) the gandharvasattva possessed of the HūṂ-syllable is the Discriminative Wisdom, Amitābha who engenders the personal aggregate of ideas (saṃjñā-skandha); (4) the unification of these, the prāṇa-wind possessed of the HAṂ-syllable is the Procedure-of-Duty Wisdom, Amoghasiddhi who engenders the personal aggregate of motivations (saṃskāra-skandha); (5) the completion of all parts (cha shas) of the body and perception (vijñāna) possessed of the HAṂ-syllable is the Pure Dharmadhātu Wisdom, Akṣobhya who engenders the personal aggregate of perceptions (vijñāna-skandha). The merger of those (five) into one is the seed Vajrasattva. From that account, we may conclude that the M-N-S's phrase "the master of living beings" refers to the five Buddhas and their merger, Vajrasattva, as "the master." Alex Wayman, p. 17

samedi 5 novembre 2011

Mères, Yoginis, dieux et démons



Les Yoginī sont des êtres que David Gordon White caractérise comme des déesses puissantes et quelquefois guerrières, qui contrôlaient le flux du sang, le leur ainsi que celui des animaux et des humains qui étaient leurs victimes. Elles jouaient un rôle essentiel dans les initiations tantriques, avaient le pouvoir de voler, d'adopter la forme d'un humain, animal, arbre..., étaient souvent représentées en cercles, avaient des temples dans des lieux isolés qui leur étaient dédiées mais n'étaient pas représentées comme des pratiquantes du yoga, puisque le yoga tel que nous le connaissons n'avait pas encore été inventé.[0]

Les Yoginī peuvent être au nombre de 64 ou 81. Quand elles sont au nombre de 64, elles peuvent être associées aux huit Mères (S. mātṝkā T. ma mo), et quand elles sont 81 aux neuf Mères. Soit huit groupes de huit, ou neuf groupes de neuf, chaque groupe ayant une Mère à sa tête. Les Mères étaient au départ sept (S. saptamātṝkā), respectivement les épouses des grands dieux hindous : Brāhmī (ou Brahmāṇī), Vaiṣṇavī, Māheśvarī (Raudri, Rudrani ou Maheśi), Aindrī (Indrani, Mahendri, Shakri ou Vajri), Kaumarī (Kārttikeyani ou Ambika), Vārāhī (ou Vairali) et Cāṃuṇḍā (ou Narasiṃhī). Dans le cas de huit Mères, la huitième est Devī, mais il peut y avoir quelques exceptions. Votre indulgence pour des signes diacritiques manquants ou de trop...

Par exemple, dans les Varāha Purāṇa, il y a une liste de huit Mères, où la septième Mère s’appelle Yami (śakti de Yama) et la huitième Yogiśvari, qui émerge sous la forme des flammes de la bouche de Śiva. Au Népal, on compte huit Mères, la huitième étant Mahā-Lakṣmī ou Lakṣmī. Dans les listes de neuf Mères (comme celle utilisée dans le Devī-Purāṇa), figure Gaṇanāyikā ou Vināyakī, comme la śakti de Gaṇeśa.[1]

Les Mères adoptèrent Skanda, le fils de Śiva/Bhairava, comme leur fils et ce dernier les reconnaît comme ses Mères. Elles sont à ses ordres. Pourquoi Skanda avait-il besoin de ces Mères ? Skanda signifie « Venu du sperme ». Il serait né du sperme de Śiva sans le secours d’aucune femme. Il serait resté indéfiniment un adolescent (S. kumāra T. gzhon nu) et aurait été élevé par les Mères, identifiées aux Pléïades, d’où son autre nom Kārttikeya.[2] Quand elles sont aux ordres de Skanda, les Mères deviennent les Saisisseuses (S. graha, grāhi). Dans le cas de nombreuses maladies, il convient de déterminer par quelle Saisisseuse le malade est « saisi ». Une fois la Saisisseuse identifiée, le médecin/sorcier négociera la guérison, le dessaisissement, avec la déesse en question par le biais d’un rituel en présentant un rançon/tribut.

Dans les oeuvres anciennes de sorcellerie tantrique, il était important de connaître le clan d’une Yoginī. Le connaître était un moyen de la contrôler. Le Netra Tantra explique :
« Dans chaque cas, où une personne est « scellée » ou « clouée » [par une Yoginī ou un démon] appartenant à un certain clan (kula), ou qui fait partie d’un certain pouvoir, cette personne pourra être délivrée de ses maux en présentant une offrande au [chef] de cette famille. » 
White précise que par exemple une personne qui est tourmentée par les Yoginī et leurs consorts, devrait rendre un culte à leur chef, Bhairava. Selon White, le Kaula a commencé comme une tentative de contrôler (T. dbang du byed pa, dbang du sdus pa) les Yoginī sauvages, en assumant la position de Bhairava au centre de leurs hordes en fureur.

A l’ouverture de La Démonstration de la gnose de l'essence Génétique (Kaulajnānanirṇaya KJN), Bhairava dit :
« Vous, Ô grande Déesse, êtes Umā et moi, ma chère, je suis votre mari. Je suis le glorieux Seigneur (S. śrī nātha T. dpal ldan mgon po) [de la déesse] ; c’est pourquoi je m’appelle Śrīnātha. (…) Lorsque la gnose [du Clan] avait été déscendue par vous et moi à Kāmarūpa, l’essence de [mon fils Skanda] A-six-bouches est descendue en vous. [Skanda avait déposé] la gnose [du Clan] dans l’écriture du Clan. (…) Je séjourne sur l’Île lunaire (S. Candradvīpa) dans ma forme non manifeste (S. avyaktam). »[3]   
Il dit encore :
« La Yoginī du nom Kālikā, dont la position exaltée est égale à la mienne [Bhairava] ».
Ainsi, la place centrale de Bhairava, pouvait aussi être occupée par Kālī, comme c’est le cas dans la tradition cachemirienne Séquence de Kālīs (Kālī-krama). Dans ce cas, c’est Kālī qui trônera au centre des 64 Yoginī. L’ensemble de la divinité centrale et son entourage constitue le maṇḍala. Hormis le pouvoir de Saisissement, les Yoginī avec les Mères à leur tête peuvent aussi accorder des dons ou des pouvoirs (S.siddhi), au nombre de huit… 1. Reduire son corps à la taille d’un atome (aṇimā), 2. (Agrandir son corps à l’infini (mahima), 3. Alourdir son corps à l’infini (garima), 4. Réaliser l’apésanteur totale (laghima), 5. Avoir accès à tous les lieux (prāpti), 6. Réaliser tout ce que l’on souhaite (prākāmya), 7. Devenir l’autorité absolue (iṣṭva), 8. Le pouvoir de subjuguer les autres (vaśtva). Il existe d’autres listes de pouvoirs/dons.

Le culte des Yoginī, dans le cadre de la pratique (S. sadhāna) d’une divinité centrale qui les contrôle, après avoir été initié dans son maṇḍala, permet ainsi de prevenir ou éliminer les obstacles et les maladies et d’obtenir des pouvoirs. D'autres interprétations plus symboliques sont apparues plus tard.

Le Kaulajnānanirṇaya (KJN) de Matsyendranātha est un ensemble très cohérent, pourtant fabriqué d’éléments hétérogènes (kula tantras). L’équivalent bouddhiste de la tradition Kaula n’a pas la même cohérence et on a davantage l’impression de bricolage dans le sens où l'entend Levi-Strauss. La tradition Kaula s’inscrit dans un mythe fondateur cohérent avec elle. Dans le bouddhisme, le mythe fondateur ne peut pas être le même sans donner l’impression d’un emprunt, mais il ne peut pas non plus être totalement différent. Voir à ce sujet les travaux d'Alexis Sanderson. Et puis il y a le problème d’affiliation réelle indispensable à la transmission de l’essence du Clan. Il faudra bien qu’elle remonte à la source. Et cette source sent le poisson

La divinité centrale du maṇḍala bouddhiste qui prend la place de Bhairava est le dieu Heruka. Ou dans l’école dite des « anciens » (rnying ma), Padmasambhava, qui a huit aspects, et qui trône au milieu des huit classes de dieux-démons (T. lha srin sde brgyad), parmi lesquelles figurent d’ailleurs les Mères, et qui intègrent des dieux locaux tibétains. Les huit classes sont : 1. bdud (māra), 2. ma mo (mātrika), 3. klu (nāga), 4. ging[4], 5. (rāhula), 6. btsan, 7. srin po (rākṣasa), 8. gnod sbyin (yakṣa). Tout comme les Mères, ces dieux-démons peuvent causer des troubles et des maladies, y renoncer et accorder des pouvoirs. Et cela en échange d'un rançon ou tribut (T. glud, gtor ma)

Pris au premier degré, il s'agit d'une approche magique. Rappelons certaines similitudes avec la sorcellerie pratiquée en milieu rural en France. Hugues Berton donnait l’exemple d’un enfant bègue. S’il est bègue c’est justement « par ce qu’il parle avec ce type de langage à un esprit particulier. » La médiation est alors une négociation avec cet esprit pour libérer « la partie de l’âme en relation avec le sens défaillant. Le tribut (T. glud) ayant été payé, l’enfant recouvre l’usage normal de la parole. » (Berton, p. 83).

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Illustration : Les huit Mères

[0] Kiss of the Yoginī, David Gordon White, p. 27 

[1] Source
[2] Louis Frédéric, Dictionnaire de la civilisation indienne. Kārttikeya est celui qui avait dérobé les écritures Kula.
[3] (White, 2003), p. 24
[4] Selon Dan Martin, ce mot apparaît aussi comme gying, et est probablement un emprunt de l’arabe « Jinn »