samedi 29 février 2020

Maîtrise des dégâts, une nouvelle pratique bouddhiste ?

(citation du DL : "ma religion est très simple, ma religion est la bonté")


LUnion Bouddhiste des Pays-Bas (la BUN) est l’équivalent de lUnion Bouddhiste de France (lUBF), la fédération nationale des associations bouddhistes de France dont fait partie la Congrégation Rigpa Lérab Ling depuis 2010. Suite au scandale lié à Sogyal Rinpoché, l’UBF avait suspendu la qualité de membre de Rigpa Lérab Ling et de Rigpa France.



Jugeant que “l’évolution heureuse” s’était réalisée, Rigpa Lérab Ling avait été réintégré en qualité de membre en août 2019.
“Depuis le 10 août 2019, les représentants du mouvement Rigpa ont officiellement informés l’UBF que Son Eminence Mindrolling Jetsün Khandro Rinpoché assumait la direction spirituelle du mouvement. Ce qui restitue complètement à Rigpa son statut de membre de l’UBF et le fait figurer dans notre annuaire.” 
Voir la réponse donnée à ma question posée sur la page Facebook de l’UBF dans mon blog Une évolution heureuse ?” du 18 septembre 2019.
La BUN n'avait en revanche jamais suspendu la qualité de membre de Rigpa Nederland. Nous sommes maintenant coutumiers du fait que lorsqu’une personnalité, une congrégation, une association etc. font l’objet d’accusations d’abus sexuel/de pouvoir, que celles-ci essaient de limiter le préjudice, notamment à leur réputation et image. Le monde anglophone parle dans ce cas de “damage control” (maîtrise des dégâts). Un élément clé de la maîtrise des dégâts est de garder le contrôle du récit officiel et de l’agenda. Par exemple en organisant en interne l’accompagnement psychologique des victimes par des professionnels membres de la congrégation ou de l’association, en communiquant sur les abus sexuels (p.e. en publiant des codes de conduites), ou en commandant et en finançant des enquêtes indépendantes, où enquêteurs rencontrent les victimes et écoutent leurs propos. En agissant ainsi, les dégâts sont maîtrisés dans le sens que cela pourrait avoir l’effet souhaité (?) que les victimes ne portent pas plainte (ayant déjà été prises en charge en interne) ou que des enquêtes externes ne soient pas menées, sur lesquelles la congrégation n’aurait aucun contrôle.

Aux Pays-Bas, le président de la BUN est Michael Ritman, également membre actif de Rigpa Nederland et disciple de feu Sogyal Rinpoché. Suite à l’affaire Sogyal, qui aux Pays-Bas avait commencé par l’émission Brandpunt qui portait sur les abus sexuels dans le bouddhisme, et dans laquelle une des victimes alléguées de Sogyal avait témoigné, la BUN s’était mise en contact avec Rigpa Nederland pour demander des clarifications, et avait finalement décidé de lui laisser l’espace nécessaire pour remettre de l’ordre dans ses affaires (propos de Ritman). Le journaliste d’investigation néerlandais Rob Hogendoorn, que l’on voit dans l’émission de Brandpunt, s’est spécialisé depuis 2013 dans les cas d’abus sexuels dans le bouddhisme aux Pays-Bas. En 2019, il avait publié avec Mary Finnigan, journaliste du journal britannique The Guardian, le livre “Sex and Violence in Tibetan Buddhism: The Rise and Fall of Sogyal Rinpoche”. Il tient également un site web (open boeddhisme), avec des articles et des informations sur les cas d’abus dans le bouddhisme.

En tant que président de la BUN, Ritman s’était mis en contact avec Dr. Henk Blezer de l’Université Libre (Vrije Universiteit) d’Amsterdam pour organiser un stage sur le pouvoir et labus de pouvoir dans le bouddhisme (texte intégral du discours d’ouverture de Ritman sur le site de la BUN, 03 feb 2020). Henk Blezer avait confié le projet à un de ses étudiants, dans le cadre d’un stage de fin d'étude Master (“internship”). L’étudiant s’était mis en contact avec le journaliste d’investigation et s’était investi à fond dans le projet. Blezer avait invité Oane Bijlsma (qui avait participé à l’émission Brandpunt) pour venir témoigner pendant le stage de son expérience chez Rigpa et avec Sogyal. A priori cela semble une bonne idée de donner la parole à une victime alléguée d’un maître bouddhiste accusé d’abus sexuels. Mais Ritman, président de la BUN, membre actif de Rigpa Nederland et disciple de Sogyal se serait mis dans une colère noire, en refusant de but en blanc cette invitation (droit de véto). Blezer, en tant que l’organisateur du stage à l’Université Libre d’Amsterdam avait alors dû annuler la participation de Bijlsma, parce qu’il ne pouvait plus “garantir la sécurité” de celle-ci... Bijlsma et Blezer ont porté plainte auprès du doyen de l’université. L’invitation du journaliste Hogendoorn ayant été annulée aussi, celui-ci a porté plainte également. Pour tous les détails, voir les articles de Rob Hogendoorn, suite à l’événement (A False Narrative) et sur la culture du silence de Rigpa Nederland rendue possible par la BUN et son président.

Tout cela n’a pas empêché le président Ritman, à l’ouverture du stage (amputé de plusieurs interlocuteurs clés), de faire les louanges du journaliste d’investigation.

Le journaliste Rob Hogendoorn en conclusion :
All things considered, the entire episode serves as a textbook example of the institutional dynamic that turns religious traditions into religions for abusers and enablers. The selective perception that slants the focus towards the perpetrators, their institutions, and themselves—while paying lip service to victims and survivors—is the rule rather than the exception. No surprises here.” (A False Narrative)
Une des membres de la BUN, la fondation Buddho, a publié un rapport très critique en trois parties (auteur inconnu) sur cette affaire : la préparation, le jour même, la suite à donner (BUN Studiedag Macht en Misbruik in het Boeddhisme, Deel 1: De Voorbereiding. BUN Studiedag Macht en Misbruik in het Boeddhisme, Deel 2: De Dag Zelf. BUN Studiedag Macht en Misbruik in het Boeddhisme, Deel 3: Hoe Nu Verder).

Voir aussi Target Practice: A Buddhist Unions Framing Tactics sur le site Openboeddhisme 

vendredi 28 février 2020

Ingrédients récurrents d'une religion


La soumission de MâraDunhuang Xème siècleMusée Guimet 
Quand on considère l’évolution des religions et les influences qu’elles ont subies, notamment par le zoroastrisme et lhellénisme, on perçoit que les éléments non-spécifiques qu’elles partagent actuellement sont ceux qui remontent à ces deux grandes sources d’influences, sans vouloir limiter le jeu des influences à ces deux instances qui ont leur propres racines. D’ailleurs, comment définir l’hellénisme ? Ce terme peut désigner à la fois la civilisation grecque ancienne dans son périmètre, les idées et les religions de celle-ci ou la résurgence des religions hellénistes au début de notre ère appelée aussi parfois “ néopaganisme hellénique”, notamment les religions à mystères.

Un élément que de nombreuses religions partagent et que l’on attribue au zoroastrisme[1] est la bataille entre le Bien et le Mal, ou entre les forces de la Lumière et les Ténèbres, et le dualisme ontologique qu’elle pose. Le prophète Mani, à l’origine du manichéisme (IIIème siècle), a eu comme mérite d’être à l’origine de l’adjectif manichéen pour exprimer “une manière de voir ou de juger simplificatrice, sans nuance, en termes opposés de bien et de mal” (Atilf).

Est-ce qu’un religion est possible sans ce dualisme ontologique entre le Ciel et la Terre, où a lieu la bataille entre les Forces des Lumières et des Ténèbres avec les hommes comme mise ? Les versions des récits religieux de la présence des hommes dans cette région sublunaire qu’est la Terre diffèrent, mais toutes les religions sont d’accord qu’il faut sortir les humains/êtres de là. Il faut sauver la part de Lumière immortelle qu’ils ont en eux, et qui est enfermée dans les Ténèbres, dans de la matière inerte, périssable.

Voilà le cadre proposé aux scénaristes des religions, qui ont adapté ce thème à l’infini, le plus souvent avec une happy end pour ceux qui collaborent avec les Forces des Lumières et leurs agents. Les Lumières sont bienveillantes envers nous et veulent nous aider à nous sortir de ce pétrin, à condition que nous fassions notre part.

Nous savons cela grâce aux scénaristes et aux émissaires des forces de Lumières, dont les moyens de communication sont inépuisables. Quand notre parcelle de Lumière est trop prise dans les Ténèbres, il est difficile de voir ces messagers et de recevoir leurs messages. Mais les humains dont la Lumière brille plus fortement peuvent y avoir accès et nous faire connaître les intentions des Forces de Lumières. Les religions utilisant ce dualisme ontologique sont des religions de salut. Il y a une bonne chance que les cultes ou religions qui sont devenues des religions à salut ont été influencées par le zoroastrisme. C’est très clairement le cas des trois grandes religions monothéistes, mais c’est sans doute aussi vrai pour le bouddhisme (et d’autres religions orientales), et notamment pour le bouddhisme mahāyāna et ésotérique. Le mot ésotérique veut dire “qui est réservé aux seuls initiés”, et est utilisé dans le cadre de mystères et autres systèmes à initiations et consécrations, qui visent le salut de leurs initiés. L’Occident a connu les mystères par l’hellénisme, mais il n’est pas exclu que ce soit la source unique des religions à sauveur et à salut individuel.

Qu’est-ce qui fait que les religions puissent avoir des atomes crochus avec d’autres et que le syncrétisme est possible ? Le dualisme ontologique et l’idée de salut sont un élément important. Les représentations des Forces de Ténèbres ne sont pas si différentes, surtout quand elles sont constituées d'idoles d’antan qui ont chuté, et qui y ont retrouvé un -emploi de père fouettard.

Démon pétomane, détail de la soumission de Mâra 

Et puis côté “progressiste” et “universaliste”, les religions peuvent s’appuyer sur les valeurs de l'hellénisme[2], notamment celle de la fraternité, qui se limitait au départ aux membres d’une même confrérie, mais qui s’est universalisée grâce à la reprise de l’idée de fraternité dans les droits de l’homme[3] et au rapprochement œcuménique des religions. Toutes les religions mettent désormais en avant qu’elles prônent l’amour, la paix, la fraternité, l’entraide etc. Les Forces de Lumières se sont davantage horizontalisées, mais les tensions entre la verticalité du dualisme ontologique d’origine et les valeurs plus humanistes perdurent.


Pieter Brueghel l'Ancien, La Chute des anges rebelles (1562) (avec Mâra en bas à gauche)

***


[1] Les autres éléments du zoroastrisme :
“. La bataille entre le Bien et le Mal, ou de la Lumière et les Ténèbres.
. Les bonnes ou mauvaises conséquences des actes (le Ciel ou l’Enfer).
. A la fin des temps, Dieu enverra un fleuve de feu qui brûlera tout l’univers y compris les enfers.
. Un nouvel univers meilleur sera créé à sa place.
. Les bonnes personnes seront ressuscités pour peupler ce nouvel univers et y vivre éternellement.” Cultes à mystères et à sauveurs et influences

[2] “. Syncrétisme : l’association d’un culte de divinité étrangère à des éléments hellénistiques.
. Henothéisme : la transformation et la réinterprétation du polythéisme en monothéisme. Le Judaïsme a apporté la monolâtrie, l’adoration d’un seul dieu, et était monolâtre et hénothéiste. Le christianisme idem. Jésus est une divinité, un archange, et n’était pas nécessairement appelé Dieu.
. Individualisme : l’adaptation de cultes de salut agricoles pour en faire des cultes de salut individuel. Toutes les religions sont nées de l’agriculture et du renouveau continu de la nature. Ce renouveau est individualisé par la suite et devient une résurrection. Les mythes religieux autour de l’agriculture ont été réinterprétés au niveau individuel. Il faut rejoindre ces cultes, pour obtenir sa propre résurrection ou salvation individuelle après la mort.
. Cosmopolitanisme : toutes les races, cultures et classes sont considérées comme égales, et ayant une parenté fictive (leurs membres sont tous “frères”) ; on “rejoint” une religion, plutôt que de naître dans une religion.” Cultes à mystères et à sauveurs et influences

[3] Article 1er “Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.”

jeudi 27 février 2020

Secret



Photo de l’article The art — and science — of sharing a secret

“Dans le Naturel originel et authentique, il n'y a ni trois ni cinq tantras. Ni mantras extérieurs, intérieurs et secrets. Il n'y a ni méditant ni objet de méditation sur lequel il pourrait s'appuyer.”

“Les expédients (upāya) pour se servir des objets sans s'y asservir sont des instructions d'un maître spirituel. Les instructions sont comme le soleil, les objets sensibles comme les fleurs éparpillées, la remémoration est comme l'abeille. Cette dernière profite des objets puis s'envole dans l’élément réel (sct. dharmadhātu).”

“Certains apprécient les "abeilles" (remémorations), les témoignages (tib. sgra S. śabda)[1], les connaissances valides (sct. pramāṇa) et les nombreuses conventions verbales (sct. vyavahāra tib. tha snyad) des textes révélés et des traités. En possession de ces nombreuses conventions verbales, ils ne veulent pas les partager et ils préservent comme un secret les instructions de la Vision de l'Éveil qui doit être éprouvé [directement], et qui tient finalement en trois vers. Ils sont, de ce point de vue, comme une jeune fille qui connaît un secret.[2]

Voir Cultes à mystères et à sauveurs et influences

***

[1] “In its widest sense, the word śabda means a sound. But in a narrower sense it means a sound used as a symbol for the expression of some meaning. In this sense it stands for a “word.” In the context of the pramāṇa doctrine śabda corresponds, therefore, to “authority” or “testimony.” Śabdapramāṇa means knowledge derived from the authority of word or words.”
Language in the Buddhist Tantra of Japan: Indic Roots of Mantra, Richard K. Payne

[2] Critique de la culture du secret dans les transmissions, dont le message tient finalement en trois vers. On ne peut s’empêcher de penser ici à Gampopa qui dispensait les instructions de la Mahāmudrā (trop) librement.

mercredi 26 février 2020

Cultes à mystères et à sauveurs, et influences

Blog publié sur Saraha chante

Naissance de Manipeinture chinoise du XIVème siècle 

Pour ce blog (plutôt des notes), je suivrai en grand partie les écrits (et les conférences sur Youtube) de Richard Carrier de l’université Columbia, connu pour son athéisme, et dont les thèses sont critiquées par certains confrères. Son mérite est de faire connaître des thèses, étayées par des faits et des sources, qui font entendre un autre son de cloche.

La forme la plus ancienne du christianisme est celle d’une religion à mystère judéo-hellénistique. Le judaïsme serait une des dernières religions à être entré dans la danse des cultes à mystères, “initiatiques”, ou “orientaux” pendant les premiers siècles de notre ère dans le monde gréco-romain. En dépit de ce qu’affirment les religions souvent sur leurs propres origines, elles n’ont pas été révélées clés-en-main et transmises telles quelles au cours des siècles. Elles subissent les influences d’autres cultes plus anciens, de cultes ou de religions contemporaines et influencent à leur tour des cultes et des religions.

Ainsi, quelles que soient les formes originelles du judaïsme, celui-ci a subi l’influence égyptienne (circoncision, tabou alimentaire, ...), avant de subir l’influence zoroastrienne sous l’occupation perse (539-332 av. J.C). Les innovations zoroastriennes étaient multiples, et concernaient aussi les territoires à l’est de la Perse…



Principalement :

. La bataille entre le Bien et le Mal, ou de la Lumière et les Ténèbres.
. Les bonnes ou mauvaises conséquences des actes (le Ciel ou l’Enfer).
. A la fin des temps, Dieu enverra un fleuve de feu qui brûlera tout l’univers y compris les enfers.
. Un nouvel univers meilleur sera créé à sa place.
. Les bonnes personnes seront ressuscités pour peupler ce nouvel univers et y vivre éternellement. 



Après les Egyptiens et les Perses, ce fut le tour des grecs (332-110 av. J.C.) pour influencer le judaïsme et les autres religions. Une influence double, l’apport de la philosophie et des cultes à mystères. Restons sur les mystères, qui ont de nombreuses différences entre elles, mais aussi des points communs :

. Ce sont des individus[1] qui se font “initier” aux mystères, à la fois de façon rituelle et en apprenant les secrets de l’univers sous le sceau du silence.
. Les initiés trouveront le salut après la mort
. A travers le baptême et la communion
. Et deviendront une "Fraternité universelle" (parenté fictive)

Les religions à mystères apparues à cette époque sont des cultes ayant subi l’influence hellénistique. Quelques exemples que donne Richard Carrier :

Mystères bacchiques = Phénicien + Hellénistique
Mystères d’Attis & Cybèle = Phrygien + Hellénistique
Mystères de Ba’al = Anatolien + Hellénistique
Mystères de Mithras = Perse + Hellénistique
Mystères d’Isis et Osiris = Egyptien + Hellénistique
Mystères chrétiennes = Juif + Hellénistique

Comment classer le prophète Mani, le Bouddha de la Lumière, fondateur du manichéisme, qui avait pu séduire St Augustin pendant un moment ? Le christianisme est à l’origine une religion à mystère judéo-hellénistique, une des dernières à apparaître à l’époque romaine. Toutes les religions à mystères partagent les quatre tendances suivantes.

. Syncrétisme : l’association d’un culte de divinité étrangère à des éléments hellénistiques.
. Henothéisme : la transformation et la réinterprétation du polythéisme en monothéisme. Le Judaïsme a apporté la monolâtrie, l’adoration d’un seul dieu, et était monolâtre et hénothéiste. Le christianisme idem. Jésus est une divinité, un archange, et n’était pas nécessairement appelé Dieu.
. Individualisme : l’adaptation de cultes de salut agricoles pour en faire des cultes de salut individuel. Toutes les religions sont nées de l’agriculture et du renouveau continu de la nature. Ce renouveau est individualisé par la suite et devient une résurrection. Les mythes religieux autour de l’agriculture ont été réinterprétés au niveau individuel. Il faut rejoindre ces cultes, pour obtenir sa propre résurrection ou salvation individuelle après la mort.
. Cosmopolitanisme : toutes les races, cultures et classes sont considérées comme égales, et ayant une parenté fictive (leurs membres sont tous “frères”) ; on “rejoint” une religion, plutôt que de naître dans une religion.

Dans la bataille entre la Lumière et lObscurité (zoroastrienne), le camp de la Lumière (plérôme) peut envoyer des sauveurs, des messies, des avatars,... Les différents cultes de sauveur ont également des points en commun et des différences. Leurs dieux meurent (Passion) et renaissent. Quelques exemples pré-chrétiens de cultes à sauveur sont les cultes d’Osiris, d’Adonis, de Romulus, de Zalmoxis, la plus ancienne étant le culte d’Inanna (une déesse), dont le culte (à Thyr) avait perduré longtemps. Ba’al et Dionysos étaient également des dieux qui mourraient et renaissaient, à l’image de la nature qui renaît tous les ans.

Ils étaient tous des dieux sauveurs, fils (ou fille dans le cas d’Inanna) de Dieu, qui devaient subir une “Passion” (patheori). A travers leur Passion, ils triomphaient sur la mort en partageant le résultat de leur triomphe avec leurs disciples. Tous ces dieux sauveurs ont des légendes racontant leur vie sur la terre, mais aucun d’eux n’a réellement vécu.

Le baptême (abhiṣeka ?) peut faire partie des cultes à sauveur. Les convertis participent ainsi au sacrifice du dieu sauveur. Le baptême marque leur nouvelle naissance, les fait rejoindre la “Fraternité” et gagner la vie immortelle après la mort. Il purifie leurs péchés.

Le banquet spirituel (repas en commun, repas du Seigneur, gaṇacakra ?) permet de devenir un avec le sauveur et la Fraternité.

Pour finir, une note sur le culte du secret et de l’initiation des mystères. Richard Carrier cite quelques exemples qui peuvent indiquer que le christianisme était en effet un culte à mystère.
“Ainsi, qu'on nous regarde comme des serviteurs de Christ, et des dispensateurs des mystères de Dieu.” 1 Corinthiens 4:1 (Segond)

“Car je ne veux pas, frères, que vous ignoriez ce mystère, …” Romains 11:25 (Segond)

“A celui qui peut vous affermir selon mon Evangile et la prédication de Jésus-Christ, conformément à la révélation du mystère caché pendant des siècles,...” Romains 16:25 (Segond)

“Cependant, c'est une sagesse que nous prêchons parmi les parfaits, sagesse qui n'est pas de ce siècle, ni des chefs de ce siècle, qui vont être anéantis; nous prêchons la sagesse de Dieu, mystérieuse et cachée, que Dieu, avant les siècles, avait destinée pour notre gloire,...” 1 Corinthiens 2:6-7 (Segond)
Il semblerait que dans la dernière citation, le mot que Segond traduit par parfaits, signifierait “matures”. “Mature” étant un nom donné à quelqu’un qui a été initié aux mystères, ou qui a un rang suffisant pour être initié, contrairement aux “enfants”, qui sont immatures.
“Pour moi, frères, ce n'est pas comme à des hommes spirituels que j'ai pu vous parler, mais comme à des hommes charnels, comme à des enfants en Christ.
2 Je vous ai donné du lait, non de la nourriture solide, car vous ne pouviez pas la supporter; et vous ne le pouvez pas même à présent, parce que vous êtes encore charnels.” 1 Corinthiens 3:1-2

“Or, quiconque en est au lait n'a pas l'expérience de la parole de justice; car il est un enfant. Mais la nourriture solide est pour les hommes faits, pour ceux dont le jugement est exercé par l'usage à discerner ce qui est bien et ce qui est mal.” Hébreux 5:13-14 (Segond)

“Il leur dit: C'est à vous qu'a été donné le mystère du royaume de Dieu; mais pour ceux qui sont dehors tout se passe en paraboles,
12 afin qu'en voyant ils voient et n'aperçoivent point, et qu'en entendant ils entendent et ne comprennent point, de peur qu'ils ne se convertissent, et que les péchés ne leur soient pardonnés.” Marc 4:11-12 (Segond)
Dans le mantrayāna secret (guhyamantra) on trouve de nombreux éléments qui font penser aux mystères, qui sont a priori un phénomène méditerranéen de l’époque gréco-romaine. Les “paraboles” pourraient être un “langage du Crépuscule” (skt. sandhya-bhasa), qui serait peut-être une invention récente... On y est certainement initié aux “mystères” par un abhiṣeka (asperger), et on y célèbre des “banquets spirituels” (gaṇacakra). L’initiation autorise à visualiser la divinité, ou à se visualiser comme la divinité et à édifier ou purifier un corps subtil de lumière, qui servira de véhicule à l’ “âme” (ou quoi que ce soit qui ne meurt pas) au moment de la mort. Chez Paul (2 Corinthiens 5[2]), celui qui (re)naît en Christ est une nouvelle créature et un nouvel “édifice” éternel l’attend au ciel. Ceux qui n’ont pas été initié aux secrets du mantrayāna secret sont également traités d’immature (skt. baḍha, muḍha), de sot ou d’enfant (tib. byis pa). Ils doivent d’abord “mûrir” (tib. smin), par le biais d’une initiation, avant de pouvoir être sauvé (tib. sgrol), de leur vivant ou après la mort.

Quelques exemples avec du “lait de lionne” dans le bouddhisme tibétain.

“15. Le lait de la lionne ne peut être digéré par tous
Le rugissement de la lionne dans la forêt
Effraie les animaux [de la jungle]
Mais fait accourir les lionceaux avec joie.”
(Saraha/Śavaripa skt. Dohākośa-nāma Mahāmudropadeśa
tib. do ha mdzod ces bya ba phyag rgya chen po i man ngag, extrait de Chants de Plénitude)
« Ce Dharma est le point culminant des huit véhicules, l’Idée ultime du grand Buddha Vajradhāra. Si donc il était enseigné à un auditoire impropre, cela occasionnerait des obstacles tant pour le maître que pour les disciples : [tous] tomberaient en enfer. Il en va par exemple comme du lait de lionne, substance excellente, qui [ne] doit être versé [que] dans un vase d’or. Versé dans tout autre récipient trivial, il le briserait et serait lui-même perdu [en se répandant]. Mais si, une fois le “réceptacle” examiné, le disciple [s’avère] être qualifié, il faut lui enseigner [ce Gongpa Zangthal]. » (Manuel du Gongpa Zanthal par Tülku Tsurlo, trad. Stéphane Arguillère Source Internet).

La soumission de Mâra (détail), Musée Guimet 

***

[1] Ce ne sont pas des cultes pratiqués collectivement par une société. Ce sont des cultes, en quelque sorte à la marge de la société, auxquels on se convertit à titre individuel.

[2]Nous savons, en effet, que, si cette tente où nous habitons sur la terre est détruite, nous avons dans le ciel un édifice qui est l'ouvrage de Dieu, une demeure éternelle qui n'a pas été faite de main d'homme.”
“Si quelqu'un est en Christ, il est une nouvelle créature. Les choses anciennes sont passées; voici, toutes choses sont devenues nouvelles
.”

jeudi 20 février 2020

Le non-fondement est la mahāmudrā*

Blog publié sur le site Saraha chante.

Mañjuśrī coupant les lianes des imaginations fausses pour libérer la Belle au bois dormant 

La vue philosophique à laquelle semble adhérer Advayavajra est celle que l’on pourrait appeler “Apratiṣṭhāna-Madhyamaka” (tib. dbu ma rab tu mi gnas pa). Il existe une oeuvre portant le titre “Apratiṣṭhānaprakāśa” (tib. rab tu mi gnas pa gsal ba) et qui fait partie des 22 oeuvres (parfois assez scolastiques) de lAdvayavajrasaṁgraha publié par Haprasad Shastri, aussi connues sous le nom “Amanasikāra” (tib. yid la mi byed pa’i skor). Elles sont toutes attribuées à Advayavajra. Il y a d’autres nombreuses références à cette vue dans les oeuvres attribuées à Advayavajra et à ses étudiants.

Dans l’Apratiṣṭhānaprakāśa, Advayavajra explique que le non-fondement de la conscience peut être considéré comme l’entier patrimoine d’un bouddhiste, lorsqu’en le réintégrant sans effort on fasse le bien des êtres. Quand celui-ci se produit à travers l’exclusion et l’affirmation, on se fonde sur les notions d’existence et de non-existence. Avec la non-production et la non-destruction à tout instant, la production et la destruction sont des expressions futiles[1]. Mais cette vue va jusqu’à ne pas affirmer (l’existence) d’un être ou des êtres.
Si l’expérience de soi (tib. rang rig) est une cognition valide, cette expérience affirmerait [l’existence] des êtres. En s'abstenant de toutes les apparences, les êtres n’ont pas de réalité.”[2]
Comment faire le bien des êtres en s’abstenant de toutes les apparences ? C’est un sujet débattu en long et en large par les bouddhistes Indo-Tibétains, et qui fait intervenir diverses vues philosophiques, qu’Advayavajra tenta de réfuter ou affirmer dans les oeuvres qui lui sont attribuées. La vue Apratiṣṭhāna-Madhyamaka était assez répandue au X-XIIème siècle.

Il faut préciser ici que ceux qui traitent la vacuité comme une sorte de néant inerte, ou un nihilisme comprennent mal ce concept. La même chose vaut pour ceux qui veulent faire de la vacuité une autre vue sur laquelle se fonder (Nāgārjuna, MMK, 13,8[3]). Dans le bouddhisme, les vues ne peuvent être que des positions provisoires. “La vacuité” ne détruit que les “filets d’imaginations fausses”. Dans le bouddhisme “détruire” c’est s’abstenir de créer les causes des productions douloureuses, ne pas s’engager dans les filets d’imaginations fausses. Chandrakirti :
"La vacuité est enseignée en vue d'éliminer toute élaboration (S. prapañca). Aussi l'objectif de la vacuité est la cessation de toute élaboration (prapañca). [En réponse à ceux qui reprochent la vacuité d’être une vue nihiliste : ] Vous qui interprétez la vacuité comme néant (S. nāstitva) et qui en ce faisant continuez la toile des élaborations [spros pa'i drwa ba], ne connaissez pas l'objectif de la vacuité. Comment pourrait-il y avoir du néant dans la vacuité, qui est essentiellement la cessation de toute élaboration ? Ce que signifie la production conditionnée (S. pratītya-samutpāda) la vacuité signifie aussi. Mais ce que signifie le non-être (S. abhāva), la vacuité ne signifie pas."[4]
La “vacuité” n’a pas non plus besoin d’être associée à la “luminosité”, à la “félicité” ou à une “gnose” (jñāna), comme si ces expériences lui feraient défaut et qu’ “elle” serait incomplète sans celles-ci. Comme s’il y avait besoin de “quelque chose”[5] d’extérieure à elle (et qui ne serait pas “elle”) pour la connaître. Le terme clé ici est prapañca (ou vikalpa), souvent traduit par “élaboration”, “imagination fausse”, “idées discursives”, “vues”, “opinions”, “spéculations”, etc. Dans les textes pāli, on retrouve aussi les expressions “filets de plantes rampantes” ou “bosquets épais” de l’ignorance[6], à trancher avec l’épée de la sagesse.
"Je voy les philosophes Pyrrhoniens qui ne peuvent exprimer leur generale conception en aucune maniere de parler : car il leur faudroit un nouveau langage. Le nostre est tout formé de propositions affirmatives, qui leur sont du tout ennemies…"
Montaigne, Apologie de Raymond de Sebonde
Nous n’avons pas de nouveau langage, donc il faudrait faire avec l’ancien, en prenant des précautions. En tranchant les “bosquets épais”, la vacuité “nue”, ou le dharmadhātu “purifié” se révèlent “tels quels”. Au fond, rien ne change. La “vacuité” et “l’élément réel”, le dharmadhātu, sont “les mêmes”. Comme les apratiṣṭhānavādins ne prennent pas position et ne se fondent sur rien, ils ne réifient ni la vacuité, ni l’élément réel, ni l’expérience de celui-ci. Tout en pratiquant les tantras, ils ne parlent donc pas trop d’une gnose autogénérée, d’une sagesse auto-émergente (rang byung ye shes), ni de deux, trois, quatre ou cinq sagesses etc. et ne s'investissent pas dans des spéculations à leur sujet.

Dans Rong-zompa’s Discourses on Buddhology, Orna Almogi écrit fait un recensement de maîtres indiens et tibétains, connus pour avoir suivi la même vue que Rongzompa, c’est-à-dire la vue “Apratiṣṭhāna-Madhyamaka”. Rongzompa en avait cité deux, à savoir Madhyamaka-Siṃha (11ème siècle), considéré comme un disciple d’Atiśa, et Mañjuśrīmitra (T. 'jam dpal bshes gnyen)[7]. A ces deux, Almogi ajoute Atiśa, Candraharipāda (10-11ème siècle), un Bhavya tardif qui n’est pas le Bhāviveka du 6ème siècle et Gampopa. On peut ajouter Maitrīpa[8] à cette liste. Dans l’Histoire de l’école Kadampa (T. bka’ gdams chos ‘byung)[9], Kunga Gyeltsen considère Atiśa comme un adepte de la vue apratiṣṭhānavāda, ce qui semble en effet être le cas[10].

Cette vue peut expliquer pourquoi les auteurs de cette époque (X-XIIème) aient pu favoriser lavoie de la connaissance, plutôt que les voies de transmutation (sgyur lam), haṭhayoguiques, gnostiques, ou visionnaires (snying thig) des tantras. Dans le Commentaire, Advaya-Avadhūtipa prend très clairement partie pour la voie de la connaissance, tout en critiquant les méthodes “tantriques” (pas nommément) comme ne donnant pas accès au Naturel, en écho au Sahajasiddhipaddhati.

C’est la voie tantrique ou des vidyādhara qui a eu la préférence du bouddhisme tibétain, et les maîtres ultérieurs n’ont eu de cesse de sauver ces maîtres anciens de leur relative “incomplétude”, par le biais de hagiographies, dapocryphes et de pseudépigraphes, de ré-interprétations, etc. Ainsi, Mipham Gyatso (T. mi pham rgya mtsho 1846-1912) est venu à la rescousse de Rongzompa en affirmant dans un catalogue des œuvres complètes de Rongzompa[11] que cette vue lui avait été attribuée à tort. Mipham explique que ce que voulait dire Rongzompa était que seule la gnose développée au niveau du chemin n’existait pas au niveau d’un Bouddha, et qu’il n’était pas question de la non existence de la gnose naturellement présente (T. rang byung ye shes).

Il faudrait donc essayer de lire les oeuvres des maîtres connus pour être des apratiṣṭhānavādins par les lunettes de l’ “Apratiṣṭhāna-Madhyamaka” et comme une “voie de la connaissance”, plutôt que par d’autres vues ou comme une voie tantrique à interpréter comme toute autre voie tantrique.

Une dernière chose sur la notion de l’ “autoconsécration” ou “autobénédiction” dans l’Apologie du non-engagement (Amanasikārādhāra), que Klaus-Dieter Mathes traduit par “A Justification of Non-conceptual Realization”. Ce texte comporte plusieurs définitions, justifications et interprétations du terme “non-engagement mental” (amanasikāra). Une des définitions explique que la syllabe “A” correspond à l’adjectif lumineux ou clair (prabhāsvara), et “manasikāra” au terme sanskrit “svādhiṣṭhāna”, traduit en tibétain par “bdag la byin gyis brlab pa”.

Dans le contexte bouddhiste ésotérique, “l’autoconsécration” est une des phases de la réalisation d’une divinité tantrique. Ainsi, l’autoconsécration est une des phases (krama) du Guhyasamāja Tantra (ch. 6 du Caryāmelāpakapradīpa). Elle est aussi appelée phase de la vérité conventionnelle et correspond à la concentration semblable à une illusion (māyopama-samādhi)[12]. Elle est encore un synonyme du corps illusoire. La dernière phase des cinq phases (pañcakrama) est celle de l’union (skt. yuganaddha, tib. zung ‘jug), où le corps illusoire s’unit à la Luminosité. Ce à quoi semble vouloir référer cette interprétation.

Le terme “lumineux” peut renvoyer à un sens de la Luminosité/Claire lumière. Toujours selon le Guhyasamāja Tantra, il y a une Luminosité objective, qui correspond à la vacuité, et une Luminosité subjective qui établit la vacuité par le biais d’une image conceptuelle (Luminosité métaphorique), ou bien directement (Luminosité propre)[13]. Cette division a pour effet de créer un pôle vacuité-objet, qui serait différent de la Luminosité subjective qui connaît la vacuité, et qui serait une gnose. Le clivage de la vacuité et le fondement d'une gnose (ouverte à toutes les spéculations) fait sortir de l'approche plutôt mystique du non-fondement pour se lancer dans des aventures gnostiques. Voir aussi mon blog Le sixième, en plus des cinq pour un développement similaire (l'ajout d'un sixième, support des cinq skandha).   

C’est à partir de la "lumineuse" explication de l’Amanasikārādhāra que Klaus-Dieter Mathes a créé la traduction “Non-conceptual Realization”[13a]. La traduction “réalisation” suggère qu’il y a quelque chose à réaliser, probablement à travers “l’autoconsécration” et les autres phases (krama), mais de façon non-conceptuelle. En ce qui me concerne, cela semble en contradiction avec les notions du Naturel (sahaja), de non-méthode, de méditation naturelle etc., dont parle le Commentaire. Cette traduction va plutôt dans le sens de la Mahāmudrā post-classique. Elle recouvre une des interprétations (tantriques) possibles du terme amanasikāra, mais ce serait une erreur de l'utiliser partout où ce terme est utilisé. Ce mélange ("a perfect blend") n'est pas si parfait à mon avis. Mais je suis plutôt un apratiṣṭhānavādin...

Je vois le rôle de l’Amanasikārādhāra en effet plutôt comme une justification qu’une véritable explication. Il y a un indéniable effet de “name-dropping” tantrique dans ce texte (Hevajra, Nairatmyā, Luminosité/corps illusoire, ...)[14], qui a sans doute pour but de rassurer ceux pour qui la pratique des Yogatantras supérieurs est nécessaire à l'Éveil[15]. Le Commentaire nous fait voir un Advaya Avadhūtipa nettement moins défensif (de son propre système), et critiquant jusqu’aux pratiques des Yogatantras supérieurs.


*Titre : citation du Sekanirdeśa attribué à Advayavajra. (SN 29) kun la gnas pa ma yin la// phyag rgya che zhes grags pa yin// En anglais, on voit le plus souvent la traduction “non-abiding”. En français, on pourrait traduire par non-demeure, non-fondement, non-assise. L’idée de base est de ne pas s’appuyer sur un des extrêmes (être, non-être etc.), de ne pas s’y installer, investir etc.


Lire aussi Le rab tu mi gnas pa’i rgyud, un tantra introuvable ?


***


[1] Littéralement des bruits de victimes sacrificielles (paśor vacaḥ). Dans le Chant des distiques, l’insulte “asservi” revient régulièrement. Des concepts avec lesquels on se fait du mal inutilement.

[2] gal te rang rig tshad ma na// rig de sems can ‘dod pa yin// snang ba thams cad spangs pa’i phyir// sems can bden pa ma yin no// Voir DKG n° 35 et le Commentaire.

[3] “13, 8. Les Victorieux ont proclamé que la vacuité est le fait d'échapper à tous les points de vue. Quant à ceux qui font de la vacuité un point de vue, ils les ont déclaré incurable.” Guy Buguault, Stances du milieu par excellence, p. 173

[4] INTRODUCTION TO THE MIDDLE WAY: Chantrakirti's Madhyakāvatāra, 24.7, p. 491/ Chatterjee p. 336 Ce passage semble correspondre plutôt au Mūlamadhyamakavṛtti-Prasannapadā (tib. dbu ma rtsa ba'i 'grel pa tshig gsal ba Toh 3860), et plus précisément le passage où Candrakīrti réfute la reproche que la vacuité des Madhyamika est comme le néant des nihilistes (S. nāstika tib. med pa pa).
’dir kha cig dbu ma pa ni med pa pa dah khyad par med pa yin te / gah gi phyir dge ba dan mi dge ba’i las dah / byed pa po dah / ’bras bu dah (N. 132 B) / ’jig rten thams cad rah bzin gyis ston par smra ba yin la / med pa pa 2) dag kyan de dag med do zes Smra bar byed pa yin pa de’i phyir / dbu ma pa ni med pa pa dah khyad par med do zes bya bar byed do // de Itar ni ma yin te / dbu ma pa dag ni rten cin 'brel par 'byuh ba smra ba yin la / rten cin 'brel par 'byuh ba'i phyir ’jig rten 'di daii / Jjig rten pha roi la sogs pa thams cad ran bzin med par smra bar byed do // med pa pa dag gis ni de ltar rten cin 'brel par 'byun ba yin pa'i phyir / ran bzin gyis (P. 135 A) ston pa nid kyi sgo nas 'jig rten pha roi la sogs pa dnos po med par rtogs pa ma yin te / '0 na ci ze na / 'jig rten 'di'i dnos po’i rnam pa ran bzin gyis dmigs na de 'jig rten pha roi nas 'dir 'oh ba dan / 'jig •rten 'di nas 'jig rten pha roi tu 'gro bar ma mthoh nas 'jig rten 'dir dmigs pa'i dnos po dan 'dra ba'i dnos po gzan la skur pa 'debs par byed pa yin no // [tr. p. 25 1. 24] JAN WILLEM DE JONG ] CINQ CHAPITRES DE LA PRASANNAPADA 1949 ( Chapitre XVIII , XIX, XX, XXI, XXII )
MKV, 24.7, p. 491/ Chatterji p. 336

[5] Le tathāgatagarbha est, selon Śrīmālādevī dans le Ratnakūṭa, “le Dharmakāya non-débarrassé des kleśa”.

[6] “"Vaccha, the position that 'the cosmos is eternal' is a thicket of views, a wilderness of views, a contortion of views, a writhing of views, a fetter of views. It is accompanied by suffering, distress, despair, & fever, and it does not lead to disenchantment, dispassion, cessation; to calm, direct knowledge, full Awakening, Unbinding.
MN 72 Aggi-Vacchagotta Sutta: To Vacchagotta on Fire, translated from the Pali by Thanissaro Bhikkhu

[7] Mañjuśrīmitra est considéré être un maître indien du Dzogchen, disciple de Garab Dordjé (T. dga’ rab rdo rje) de la tradition Dzogchen. Dates inconnues.

[8] Auteur de Léclaircissement de labsence totale de fondation (T. rab tu mi gnas pa gsal bar ston pa) D 2235

[9] Œuvre de Las chen kun dga’ rgyal mtshan (1432-1506)

[10] Je le soupçonne dêtre lauteur de lHymne au dharmadhātu attribué à Nāgārjuna.

[11] Rong zom gsung ‘bum dkar chag me tog phreng ba

[12] Naked Seeing: The Great Perfection, the Wheel of Time, and Visionary Buddhism In Renaissance Tibet, Christopher Hatchell.

[13] Paths and Grounds of Guhyasamaja According to Arya Nagarjuna, Yangchen Gawai Lodoe, p. 79

[13a] “This goal is achieved by “withdrawing one’s attention” (amanasikāra) from anything that involves the duality of a perceived and perceiver. The result is a “luminous self-empowerment,” Maitrīpa’s (986-1063)2 final tantric analysis of amanasikāra. In an attempt to reflect these two meanings, I translate amanasikāra as “non-conceptual realization,” but leave the term untranslated when it is not certain, whether this double meaning is clearly intended. Maitrīpa composed the amanasikāra cycle after returning from Śavaripa to a monastic milieu of late Indian Mahāyāna Buddhism. He thus considerably contributed to the integration of the new teachings and practices of the Mahāsiddhas into mainstream Buddhism.3 These texts of Maitrīpa are, together with Nāropa’s (956-1040)4 teachings, the main doctrinal source of the bKa’ brgyud lineages.“ (Perfect Blend)

[14] Voir p.e.Tāranātha (1575–1634) dans le dka’ babs bdun ldan (The Seven Instruction Lineages), traduit par David Templeman.

It is said that this ācārya, who lived in Mādhyadeśa, was in Samādhi, but there were some who did not believe in him. He explained to them extensively about the main sources on the essence of the practices. People would say, "These are not the thoughts of the tantras," and he would substantiate his upadeśas with quotations, mainly from the Hevajra and Guhyasamāja tantras. He was asked from whom did he obtain these teachings, and the Tibetans claim he said, “I, the powerful one, invented this teaching. I teach out of my experiences in a hermitage.

[15] Un des chapitres de Paths and Grounds of Guhyasamaja s’intitule “The Need of Highest Yoga Tantra for Enlightenment”, p. 15 Ce chapitre explique que le véhicule des Perfections permet de progresser jusqu’à la dixième bhūmi en une seule vie, mais que pour arriver au plein Eveil, il faudrait passer par les Yogatantras supérieurs.