« La méthodologie historique cherche notamment à établir les causes des événements historiques, ainsi que leurs répercussions sur le devenir historique. L'histoire, comme son origine le rappelle, est d'abord une enquête (Ἱστορίαι [Historíai] signifie « enquête » en grec). Il ne suffit pas de lire les écrits laissés par les anciens pour savoir ce qui s'est passé. D'une part parce que ces récits ne témoignent pas de toute la réalité ; d'autre part parce qu'ils peuvent être constitués partiellement ou entièrement d'informations fausses ou déformées. » (wikipedia)
Ce que nous connaissons de Tailopa/Tillipa/Tilopa nous vient principalement des hagiographies (composées au XV-XVIème siècle)[1], et de quelques écrits qui lui sont attribués. En prenant les hagiographies au pied de la lettre, une des premières hagiographies de Tilopa serait celle que l’on attribue à un auteur qui l’a écrit pour le bien de son fils Dodé (tib. mdo sde). Ceux qui connaissent un peu l’hagiographie de Marpa le traducteur (1012-1097)[2], n’auront pas de mal à reconnaître dans cette dédicace le grand maître de Milarepa.
La traduction anglaise de cette hagiographie a été publiée en 1995 sous le titre « The Life of the Mahāsiddha Tilopa » par LTWA. La traduction est de Fabrizio Torricelli et Acarya Sangye T. Naga, qui présentent en effet Marpa Chos kyi blo gros comme son auteur. Or, cette hagiographie a été compilée dans la première moitié du 16ème siècle par Shar kha ras chen[3] (XVème s.), Kun dga' dar po (aussi connu sous le nom Grub mchog Anandadaya) et leur disciple byang chub bzang po. Nous sommes bien dans la mouvance des yogis « fous » (smyon pa).
Ce texte se présente comme l’hagiographie de Tilopa, écrite par Marpa (donc officiellement au XIème siècle), pour le bien de son fils Darma Dodé, mort tragiquement. L’auteur implore le pardon des ḍākinī pour avoir ainsi écrit des choses qui auraient dû rester sous le sceau de l’écrit. Ces choses étant notamment les Neuf cycles de la ḍākinī incorporelle (tib. lus med mkha' 'gro skor dgu), que Tilopa aurait reçu de la Jñānaḍākinī à Oḍḍiyāna. Il s’agit d’une transmission aurale (tib. snyan brgyud), transmise sous le sceau du secret à un seul disciple à la fois, une fois pendant sa vie (tib. cig brgyud). Selon les hagiographes, le fils de Marpa, Dodé, serait mort tragiquement d’une chute de cheval, ce qui avait pour effet d’interrompre la transmission de la pratique du transfert de la conscience (tib. 'grong 'jug), qui fait partie des Neuf cycles de la ḍākinī incorporelle. Comme Marpa la lui avait déjà transmise, il ne pouvait la transmettre à un autre.
Par bonheur, Dodé était encore en état de transférer sa conscience sur un autre corps (sct. para-kāya-praveśa tib. 'grong 'jug), juste avant de mourir. Il la transféra sur le corps d’un pigeon voyageur. Pendant que Dodé rendait l’âme, le pigeon reprit vie et s’envola vers l’Inde, sur les instructions de Marpa. Il se trouva qu’un couple de brahmanes déplora la perte de leur jeune fils de treize ans.
« Tarma Dodé leur dit[4] qu’il avait transféré sa conscience par l’intermédiaire du corps d’un pigeon et raconta toute l’histoire. Dans le dialecte de cette région de l’Inde, un pigeon se dit tipou et, en raison de ce prodige, Tarma Dodé fur surnommé Tipoupa ».[5]L’hagiographie de Marpa suggère ainsi que le Tipupa dans lequel le fils de Marpa, Dodé, avait transféré sa conscience, serait le même que celui qui fut détenteur de l’ensemble des Neuf cycles de la ḍākinī incorporelle. En effet, selon les Chants de Milarépa[6] (de Tsangnyeun Heruka), Nāropa n’avait transmis que quatre des neuf cycles, et l’intégralité à un autre disciple, nommé Tipupa. C’est ce Tipupa, qui aurait transmis l’intégralité de la transmission aurale de Tilopa, les Neuf cycles de la ḍākinī incorporelle, à Réchungpa, après que celui les avait reçus une première fois de sa disciple Bharima[7]... Et c’est à travers Réchungpa, par le biais de Phamoudroupa, le 1er Karmapa[8] etc. que la lignée kagyupa dispose du « siddhi authentique »[9]. Le rôle joué par Tipupa et Réchungpa, en tant que détenteurs des Neuf cycles de la ḍākinī incorporelle qui descendraient de Tilopa et la Jñānaḍākinī d’Oḍḍiyāna, est crucial pour la transmission de la mahāmudrā tantrique de la lignée kagyupa.
Comment avons-nous eu connaissance de leur importance à cet égard ? C’est grâce à des hagiographies qui abondent en détails, en comparaison des hagiographies très sobres de Nāropa, Marpa et Milarepa composées auparavant, p.e. par Gampopa[10]. Si nous lisons par exemple le colophon de « Guirlande de la voie sublime », nous n’y verrons pas le nom de Tilopa (et sa Bharima[11]), ni de Tipupa (et sa Bharima)...
« J'ai pu étudier auprès de mes bienveillants instructeurs Kadampa la transmission des paroles (gsung) authentiques (dri ma med pa) du glorieux Dīpāṅkara et les générations suivantes, autorisés (mnga' gsol) par leurs instructeurs dotés d'une compréhension juste (zag med) et les divinités tutélaires comme Tara etc. d'éclairer (gsal byed) la doctrine au pays des neiges au nord. J'ai été pris en charge (rjes su 'dzin pa) par le souverain parmi les seigneurs, Milarepa, qui détenait la quintessence de l'Esprit (thugs kyi bcud) de grands êtres, tels Nāropa et Maitrīpa, réputés comme le soleil et la lune au noble pays de l'Inde, et de grands sages accomplis tels Marpa de lho brag etc. J'ai regroupé leurs paroles authentiques (dri ma med pa) en ce texte intitulé "Guirlande de la voie sublime". Ce trésor qui contient les paroles des deux [transmissions] Kadampa et Mahāmudrā a été composé par Dwags po snyi sgom bsod nams rin chen. »Aucune mention non plus de la transmission aurale des Neuf cycles de la ḍākinī incorporelle. A toute vraisemblance, Gampopa ne la connaissais pas, ni le rôle de Tilopa dans cette transmission, contenant tout le « siddhi authentique » de la lignée. Elle est apparue plus tard. Il est difficile à dire quand. Mais on peut constater une grande activité hagiographique aux XV-XVIème siècles, qui a pour but de raconter les origines de la transmission orale et les hagiographies de ses détenteurs. L’objectif de la Vie de Tilopa attribuée à Marpa est de raconter l’origine de la transmission aurale reçue de Tilopa, en montrant ainsi que Marpa aurait connaissance d’elle et qu’il l’aurait reçue. Dans les autres hagiographies, on apprend comment elle fut transmise en Inde (à Nāropa, à Tipupa), puis au Tibet (à Marpa, et partiellement à Milarepa, puis à Réchungpa etc.). En réalité, la Vie de Tilopa a été « compilée » dans la première moitié du XVIème siècle[12] par Shar kha ras chen (XVème s.), Kun dga' dar po (aussi connu sous le nom Grub mchog A nanda da ya[13]) et leur disciple byang chub bzang po. Les autres grandes hagiographies, dont certaines sont mondialement connues, ont toutes été composées aux XV-XVIème siècles par un cercle de yogis, se réclamant de Réchungpa et de la lignée de Nāropa (= transmission historique et transmission aurale), et qui protestaient contre les « réformes » des grands centres monastiques, y compris kagyupa.
Les hagiographes font dire à Milarepa (en 1476) :
« Les Kadampas possèdent des instructions (gdams ngag), mais n'ont pas d'instructions [orales][14]. Parce qu'un démon avait pénétré le cœur du Tibet, on n'avait pas permis au vénarable maître (Jo bo rje) Atīśa d'enseigner le mantra secret. Si on l'avait laissé faire, le Tibet aurait été entièrement rempli de saints. La phase de génération des kadampas ne consiste qu'en la méditation sur cinq divinités dans leur aspect veuf (c.à.d. sans śakti, lnga pho) et leur phase de dissolution ne consiste qu'en des méditations, où le monde et les habitants fondent dans la lumière rayonnante ('od gsal roerich : sphère ābhāsvara). Tu devrais cultiver ma pratique de caṇḍalī en forme de petit A (gtum mo a thung) ».[15]Et à Marpa :
« Tout le monde possède une lignée, et pourtant, celle qu'il faut avoir, c'est celle de la ḍākinī. Tout le monde possède un patriarche atteint l'éveil par la méditation, et pourtant ce qu'il faut réaliser, c'est l'éveil sans médite, et pourtant celui qu'il faut avoir, c'est Tilopa. » Et « Tout le monde possède des instructions orales, et pourtant celles qu'il faut avoir, ce sont celles de la Transmission aurale. » (Marpa, éd. Claire Lumière, p. 211)Et à Dodé, le fils de Marpa, dans son dernier souffle, avant de transférer sa conscience sur un pigeon voyageur :
« Comment pouvez-vous dire que tous les enseignements traduits en Inde ne sont pas véridiques ? Et plus encore, ceux que mon noble père a données ? Ne vous méprenez pas au sujet du lama. Entretenir des vues erronées concernant le lama est une cause d'errance dans les mondes inférieurs. »[16]Ce qui, pour une grande partie, est en jeu dans tout cela, ce sont les pratiques faisant intervenir les « dieux et démons » et les siddhi dont ils seraient détenteurs[17], et aussi les pratiques de la porte inférieure, et de karmamudrā, techniquement interdites à des moines, mais pas à des prêtres mariés (vajrācārya) Newar.
Quand Réchungpa habite au Népal avec son maître Tipupa, il est logé à l’étage inférieur. Son maître et sa femme dormaient à l’étage supérieur. Ce sont nos hagiographes qui racontent la suite, résumée par Peter Alan Roberts (je traduis).
« Une nuit, Réchungpa monte doucement à l’étage supérieur pour espionner Tipupa, et voir ce qu’il pratique. Il est découvert par Ma Lotsawa, qui l’accuse de malveillance. La femme de Tipupa [« bharima »] vient à la défense de Réchungpa.[18] Il n’y a pas d’autre mention de la femme, et son rôle dans l’histoire n’est pas très claire. Peut-être (toujours Roberts) est-ce un relief d’une version précédente, car peu après Tipupa cède et initie Réchungpa à la pratique sexuelle. Il n’est pas précisé avec qui, mais au cours de l’initiation officielle, le disciple est censé avoir commerce avec la femme du gourou, après que le gourou l’ait précédé. L’initiation n’était transmise qu’à un seul disciple à la fois, ce qui avait pour nom « transmission unique » (tib. cig brgyud), bien que ce terme ait souvent été mésinterprété comme un lama ne faisant passer la transmission qu’à un seul disciple ».[19]Pour montrer que ce n’était pas seulement les pratiques sexuelles qui étaient contestées dans les pratiques Newar, que Réchungpa auraient apportées à Milarepa, l'histoire sur la Répentance de Rechungpa dans la Vie de Milarepa par Tsangnyeun relate comment, en absence de Rechungpa, Milarepa feuillete les textes ramenés par lui du Népal et en brûle la plus grande partie, en priant les Protecteurs du Dharma de « détruire tous les livres hérétiques de mantras malveillants qui nuiront à la Doctrine et aux êtres »[20]. Les Annales Bleus nous donnent une idée sur le genre de mantras que Milarepa aurait pu craindre. Rechungpa aurait été en possession d'un mantra maléfique capable de dérober la vie[21] et, craignant lui-même que ce mantra sera néfaste, il l’aurait caché. Lisez entre les lignes afin de pouvoir être retrouvé plus tard comme un terma[22]. L'autodafé de Milarepa aurait rendu furieux Rechungpa, mais lorsque les textes des ḍākinī informelles furent reconstitués miraculeusement, il s’apaisa.
Les textes brûlés par Milarepa, ont été reconstitué miraculeusement (sans doute quelques siècles plus tard) et le mantra maléfique que Réchungpa aurait caché sera retrouvé comme un terma ultérieurement. La transmission de Réchungpa fut ainsi "sauvée".
Exemple d'un autre texte attribué à Milarepa. Réponse de Milarepa à la question s'il avait eu Dagméma, la femme de Marpa, pour partenaire. Il s'agit principalement de propos attribués à Milarepa quelques siècles après sa mort.
[1] Répertoriées par Torricelli et Sangye Tendar Naga dans The Life of the Mahāsiddha Tilopa
[2] Marpa, Maître de Milarépa, Sa vie, ses chants, trad. Christian Charrier, éd. Claire Lumière
[3] Disciple du deuxième Droukchen kun dga' dpal 'byor (1428-1476), qui fut un des maîtres de Tsangnyeun Heruka (1452-1507).
[4][4] Grâce à son père Marpa le traducteur, Dodé parla un peu « la langue indienne ». p. 194
[5] Vie de Marpa, p. 194
[6] Mgur ’bum p. 397-401
[7] Dans The Life of Milarepa (2010) de Tsangnyon Heruka, traduit par Andrew Quintman, on trouve un autre spin off du rôle de Bharima, qui semble avoir particulièrement inspiré Tsangnyeun.
[8] Suite à cette épisode, toujours selon ‘Gos lo, le 1er karmapa se serait rendu auprès de Rechungpa à Lo re et aurait reçu de lui les Six yogas de Nāropa, l'application de sessions de pratique de méditation (thun 'jog ) et toutes les instructions de Nāropa et de Maitrīpa. Rechungpa lui aurait transmis toutes les instructions pratiques (dmar khrid ) du chemin des expédients (thabs lam) et le 1er Karmapa reconnut (ngo 'phrod pa) la gnose consubstantielle de la félicité vide, comme s'il se regarda dans une glace.
[9] 8ème Karmapa : « Ce n'est pas le siddhi authentique de la Mahāmudrā de la lignée Kagyupa, transmis du Dharmakāya Vajradhara jusqu'au grand Nāropa, qui est présent dans les intuitions analogique et réelle (dpe don gyi ye shes) authentiques[14], qui ne sont pas manifestes (ngon sum) avant les trois initiations supérieures des quatre initiations (mchog dbang gong ma gsum) mais ce sont le Parāmitāyāna causal[15] de nos jours et la tradition des instructions communes de Samātha-Vipassana qui viennent d’Atisha et font partie du chemin graduel de l’éveil, enseignés par Gampopa et Pamodroupa (1110-1170) pour répondre à la demande des étudiants de l’époque dégénérée, friands des enseignements les plus élevés, et qui l'ont appelés pour cette raison la mahāmudrā intégrée naturellement (phyag-chen skyes-sbyor). Dans la pratique de la plupart des étudiants de Gampopa, les instructions de la Mahāmudrā furent données avant l'initiation, ce qui est appelé la Tradition commune du Sūtrayāna et du Mantrayāna. »
[10] La hagiographie de Tilopa et Nāropa dans l’oeuvre complet de Gampopa n’est pas signée. Elle relate la vie de Nāropa et sa rencontre avec Tilopa. Nāropa lui demande les instructions de la Mahāmudrā (p. 6). La hagiographie de Marpa et de Milarepa (p. 25) est écrit par le même auteur anonyme. Elle est présentée comme un texte séparé, mais qui est en fait la continuité du texte précédent. "de'i sras su gyur pa mar pa lo tsa va de nyid yin te".
[11] Selon Hubert Decleer, le terme bharima désigne la femme d’un bhare, un mot Newari dérivé de vajrācārya, « maître vajra », une femme de prêtre marié. The Rechungpa biographies par Peter Alen Roberts. Si ce terme est réellement d’origine Newar, on peut s’interroger sur sa présence comme nom propre de la courtisane, dans l’hagiographie de Tilopa, attribuée à Marpa.
[12] Life of the mahāsiddha Tilopa, preface VII
[13] http://rywiki.tsadra.org/index.php/Kagyu_Namthar
[14] Lire transmission aurale, c’est-à-dire les Neuf cycles de la ḍākinī incorporelle.
[15] Annales bleus p. 455-456 DT 543
[16] Vie de Marpa, éditions Claire Lumière p. 191
[17] Voir la conversation entre Réchungpa et Bharima (« femme de vajrācārya »).
[18] Rappelons la scène dans la vie de Milarepa où la femme de Marpa prend sa défense.
[19] Biographies of Rechungpa, Peter Alan Roberts
[20] Volume 2, p.442. Milarepa n'avait gardé que les instructions des ḍākinī informelles p. 452
[21] AB p. 438. Milarepa avait dans sa jeunesse lui-même pratiqué ce genre de mantras maléfiques et était donc particulièrement sensible à cette matière.
[22] Dans un texte (à partir de p. 317) sur la pratique de Cakrasaṁvara selon le système de Rechungpa, composé par Djamgoeun Kongtrul (1813 - 1899) : Yang ‘gro mgon gtsang pa rgya ras (1161-1211) gyis ras chung rdo rje grags pas sbas pa’i gter kha ro snyom skor drug phogs lho brag mkhar chu nas spyan drangs pa gDams ngag mdzod, vol. Bka’ brgyud pa dang po, p. 330
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[1] Répertoriées par Torricelli et Sangye Tendar Naga dans The Life of the Mahāsiddha Tilopa
[2] Marpa, Maître de Milarépa, Sa vie, ses chants, trad. Christian Charrier, éd. Claire Lumière
[3] Disciple du deuxième Droukchen kun dga' dpal 'byor (1428-1476), qui fut un des maîtres de Tsangnyeun Heruka (1452-1507).
[4][4] Grâce à son père Marpa le traducteur, Dodé parla un peu « la langue indienne ». p. 194
[5] Vie de Marpa, p. 194
[6] Mgur ’bum p. 397-401
[7] Dans The Life of Milarepa (2010) de Tsangnyon Heruka, traduit par Andrew Quintman, on trouve un autre spin off du rôle de Bharima, qui semble avoir particulièrement inspiré Tsangnyeun.
[8] Suite à cette épisode, toujours selon ‘Gos lo, le 1er karmapa se serait rendu auprès de Rechungpa à Lo re et aurait reçu de lui les Six yogas de Nāropa, l'application de sessions de pratique de méditation (thun 'jog ) et toutes les instructions de Nāropa et de Maitrīpa. Rechungpa lui aurait transmis toutes les instructions pratiques (dmar khrid ) du chemin des expédients (thabs lam) et le 1er Karmapa reconnut (ngo 'phrod pa) la gnose consubstantielle de la félicité vide, comme s'il se regarda dans une glace.
[9] 8ème Karmapa : « Ce n'est pas le siddhi authentique de la Mahāmudrā de la lignée Kagyupa, transmis du Dharmakāya Vajradhara jusqu'au grand Nāropa, qui est présent dans les intuitions analogique et réelle (dpe don gyi ye shes) authentiques[14], qui ne sont pas manifestes (ngon sum) avant les trois initiations supérieures des quatre initiations (mchog dbang gong ma gsum) mais ce sont le Parāmitāyāna causal[15] de nos jours et la tradition des instructions communes de Samātha-Vipassana qui viennent d’Atisha et font partie du chemin graduel de l’éveil, enseignés par Gampopa et Pamodroupa (1110-1170) pour répondre à la demande des étudiants de l’époque dégénérée, friands des enseignements les plus élevés, et qui l'ont appelés pour cette raison la mahāmudrā intégrée naturellement (phyag-chen skyes-sbyor). Dans la pratique de la plupart des étudiants de Gampopa, les instructions de la Mahāmudrā furent données avant l'initiation, ce qui est appelé la Tradition commune du Sūtrayāna et du Mantrayāna. »
[10] La hagiographie de Tilopa et Nāropa dans l’oeuvre complet de Gampopa n’est pas signée. Elle relate la vie de Nāropa et sa rencontre avec Tilopa. Nāropa lui demande les instructions de la Mahāmudrā (p. 6). La hagiographie de Marpa et de Milarepa (p. 25) est écrit par le même auteur anonyme. Elle est présentée comme un texte séparé, mais qui est en fait la continuité du texte précédent. "de'i sras su gyur pa mar pa lo tsa va de nyid yin te".
[11] Selon Hubert Decleer, le terme bharima désigne la femme d’un bhare, un mot Newari dérivé de vajrācārya, « maître vajra », une femme de prêtre marié. The Rechungpa biographies par Peter Alen Roberts. Si ce terme est réellement d’origine Newar, on peut s’interroger sur sa présence comme nom propre de la courtisane, dans l’hagiographie de Tilopa, attribuée à Marpa.
[12] Life of the mahāsiddha Tilopa, preface VII
[13] http://rywiki.tsadra.org/index.php/Kagyu_Namthar
[14] Lire transmission aurale, c’est-à-dire les Neuf cycles de la ḍākinī incorporelle.
[15] Annales bleus p. 455-456 DT 543
[16] Vie de Marpa, éditions Claire Lumière p. 191
[17] Voir la conversation entre Réchungpa et Bharima (« femme de vajrācārya »).
[18] Rappelons la scène dans la vie de Milarepa où la femme de Marpa prend sa défense.
[19] Biographies of Rechungpa, Peter Alan Roberts
[20] Volume 2, p.442. Milarepa n'avait gardé que les instructions des ḍākinī informelles p. 452
[21] AB p. 438. Milarepa avait dans sa jeunesse lui-même pratiqué ce genre de mantras maléfiques et était donc particulièrement sensible à cette matière.
[22] Dans un texte (à partir de p. 317) sur la pratique de Cakrasaṁvara selon le système de Rechungpa, composé par Djamgoeun Kongtrul (1813 - 1899) : Yang ‘gro mgon gtsang pa rgya ras (1161-1211) gyis ras chung rdo rje grags pas sbas pa’i gter kha ro snyom skor drug phogs lho brag mkhar chu nas spyan drangs pa gDams ngag mdzod, vol. Bka’ brgyud pa dang po, p. 330
L'explication de vers de vajra de la Dakini sans corps attribuée à Péma Karpo mentionne, dans la traduction de j'ai de Duff, à la fois des éléments dzogchen ("self blazing lamp of rigpa", "lhundrup thogal") et kaula précis (niranjanatattva, vishatattva, kamatattva). C'est vraiment étonnant !
RépondreSupprimer"Tāranātha (1575-1634), détenteur des lignées Jonang et Shangpa, a écrit une histoire de la transmission des tantras[4]. Dans cette oeuvre, la septième lignée d’instruction du bouddhisme ésotérique, descendant des 59 (sic) Mahāsiddha indiens, concerne la transmission de diverses traditions (S. amnāya T. man ngag), parmi lequelles figurent celles du Mahāsiddha Gorakṣa. Tāranātha écrit à ce sujet :
RépondreSupprimer“Les douze branches (S. nikāya = bārah panth ?) de yogis[5] racontent que Mīnapa/Matsyendra suivait Maheśvara (Śiva) et qu’il atteint les pouvoirs mystiques (siddhi) ordinaires. Gorakṣa reçut de lui les instructions sur les énergies (S. praṇa), les metta en pratique suite à quoi la gnose de la Mahāmudrā naquit naturellement en lui.”[6]
Tāranātha, qui ne cite malheureusement pas ses sources, ajoute que plusieurs histoires du même genre circulent mais qu’elles sont sans fondement. Pour Tāranātha, qui avait sa propre liste de mahāsiddhas, parmi lesquels ne figurait pas non plus Tilopa, ces maîtres étaient des Nāths et ils pratiquaient des sādhana shivaïstes ou śakta hors d’un contexte bouddhiste et par conséquent la plus haute réalisation du bouddhisme tantrique, étant des non-bouddhistes, ne leur était pas accessible pour cette raison même.."
http://hridayartha.blogspot.fr/2011/11/dans-le-ventre-du-poisson.html
Oui. Goraksha est le fondateur des Nâths. Et je trouve assez normal qu'on retrouve ces élemnts dans le Vajrayâna, jusqu'au soi-disant Jabir. Par contre, je trouve étonnant que l'on trouve des éléments kaula aussi précis. Kama, Visha et Niranjana tattva sont vraiment des notions clés de son yoga sexuel, qu'à vrai dire on ne retrouve pas trop, à ma connaissance, dans le yoga Nâth. C'est vraiment étonnant. Car à une époque plus ancienne, le bouddhisme empruntait au shaivadharma, mais en reformulant les choses de manières profondément bouddhiste. C'est encore le cas dans un cycle aussi tardif que Kâlacakra. Alors que là, dans le cycle de Réchoungpa et de la Dakini sans Corps, les choses semblent presque prises telles quelles. Étonnant.
RépondreSupprimerChag lotsawa écrit :
RépondreSupprimer« Ensuite Lama Rechungpa, motivé par un désir de diffamation et afin d’obtenir de nombreux disciples et serviteurs, écrit le Tantra roi qui revèle clairement le mystère de Bhagavan Vajrapāṇi, composé de 21 chapitres. Le sādhana de cette divinité révélatrice du mantra secret contient des compositions de l’indien Karmavajra. [Rechungpa] l’a perverti en y incluant des instructions d’Acala (T. mi g.yo ba) et de nombreuses instructions inventées par lui-même, qu’il a appelé « 20 cycles différents de la pratique de la Caṇḍālī (T. gtum mo, [l'équivalent de la kuṇḍalinī] ». Il a aussi perverti la Transmission aurale de Cakrasaṁvara, qu’il attribuait à Tipupa, et il rédigea un grand nombre de textes de la phase d’achèvement, qui présentent le défaut de contenir de nombreuses méthodes (sādhana) non-bouddhistes, et qu’il attribua au mahāsiddha Virūpa. Certains instructeurs tibétains ont fabriqué des pratiques (sādhana) d’une déesse à tête de truie tenant un couperet, dont ils disaient qu’elle était la ḍākinī d’un tantra d’antan [Selon Dan, Vajravārāhī-abhidāna tantra]. »
http://hridayartha.blogspot.fr/2012/10/du-new-age-tibetain.html
Voir aussi http://hridayartha.blogspot.fr/2012/10/limmortalite-par-la-porte-inferieure.html
RépondreSupprimer« So according to the ordering of kāma-kalā, kūma-tattva résides in the energy of will (icchā-śakti), viṣa-tattva résides in the energy of knowledge (jñāna-śakti), and nirañjana-tattva résides in the energy of action (kriyā-śakti). When these three states are united with each other. when kāma-tattva is united with viṣa-tattva and with nirañjana-tattva, that is the state of Bhairava. »
RépondreSupprimerEncyclopaedia of the Śaivism, Volume 1, Swami Parmeshwaranand
J'y retrouve les notions du triple corps, au moins au niveau théorique.