dimanche 26 septembre 2021

Monter vers l'Eveil par l'échelle du Karma et de la Réincarnation ?

South Park (2002) "A Ladder to Heaven"

Quand un Bouddha se met au niveau de ses disciples pour les enseigner la coproduction conditionnée, et que de nombreux disciples appartiennent aux classes moyennes des commerçants, il n’est pas étonnant que ceux-ci soient particulièrement attentifs quand il utilise des images de dettes (karma), de mérite (puṇya), de promotion ou de mise au placard (transmigration), de positionnement (chemins, bhūmi, ...), etc.

La coproduction conditionnée est la voie du milieu bouddhiste entre être et non-être. Cette théorie[1] dit ni éternité (essence), ni anéantissement (néant), mais changement perpétuel. Au lieu de se fixer sur la transmigration, qui est un aspect (spéculatif) spécifique du changement, l’adepte pourrait se focaliser sur le changement perpétuel de la coproduction conditionnée, à la façon d’un Livre des changements (Yi Jing) par exemple.
La vie qui engendre la vie, c’est cela le changement

Le Yi Jing n’édifie aucun système explicatif de l’univers, il n’explore pas la cause de son existence ou la finalité de son devenir, il ne révèle rien qui doive être l’objet d’une croyance, il ne fait que constater une évidence que ne rejette aucune foi, que ne contredit aucune science : le changement est la vie même[2].”
Illustration (Jaina) d'un marchand médiéval indien 
L’idée de transmigration (avec son modèle cosmologique associé) peut être greffée sur la coproduction conditionnée, mais cela n’intéresse que des comptables spirituels intéressés par des investissements en l’au-delà, et qui croient en l’immortalité de l’âme et de son bilan indestructible de mérites et de dettes (avipraṇāśa). Quand au fond, “la seule chose qui ne changera jamais, c’est que tout est toujours en train de changer” (Yi Jing), que peuvent bien valoir ces “acquis” dans la durée ? Si on se dit que tout cela, au fond, on le fait pour le bien des êtres, et qu’une fois arrivé au terme, on en fera profiter les autres (ruissellement), on risque de se noyer dans des spéculations de tout genre.

Certains disent que oui, ce qu’un Nāgārjuna dit sur le Karma métaphysique est vrai en absolu, mais c’est un dogme qui aiderait l’adepte à progresser, et qu’une fois Bouddha, l’adepte "réalisé" en verrait la relativité et en serait affranchi. Pourquoi ne pas prendre en compte dès maintenant ce qu’en dit Nāgārjuna, en réduisant le rôle du karma à des proportions plus raisonnables ? Pourquoi la voie du milieu (ni être, ni non-être) ne s’appliquerait-elle pas au dogme révélé du Karma, qui semble devoir provisoirement être traité comme étant “permanent” (extrême de l’être), jusqu’à ce qu’arrive l’état de Bouddha (comment ?), où la relativité du Karma serait soudainement “réalisée” ? Il me semble que Nāgārjuna nous explique de dores et déjà aborder la doctrine du bouddhisme du point de vue de la voie du milieu, et que c’est justement en cela que consistent les positions provisoirement adoptées (skt. vyavasthā) et l’habileté en la méthode (skt. upāya) du bouddhisme, qui est sa singularité de voie de milieu entre des extrêmes, qui le met à l’abri d’une attitude dogmatique et/ou fétichiste.
La causalité existe conventionnellement mais n’est pas établie en soi. La considérer sous l’angle d’un être en soi est une vue de permanence[3].
Comment le Karma (et la Transmigration), traité en dogme révélé, pourrait être une vue juste de la voie du milieu, et conduire à la libération, à l’union des deux vérités, est pour moi un énigme.

***

[1] “17,20 [Avec notre théorie] il y vacuité, non pas anéantissement ; transmigration, non pas éternité. L’entité indestructible [avipraṇāśa] de l’acte est la doctrine enseignée par le Bouddha”. Stances du milieu par excellence, Guy Bugualt, p. 218
Ce vers représente la vue des Sāṃmitīya du Karma, où l’entité est comparée à une feuille de dette (débit).

[2] Yi Ying, le livre des changements, Cyrille J.-D. javary et Pierre Faure, Albin Michel, p.1.

[3] Conseils au roi, Nāgārjuna, traduction de Georges Driessens. La citation est du commentaire (tib. rnam bshad snying po’i don gsal bar byed pa) de Guièlstap Dharma Rintchen.

Après le Bouddha, la coproduction conditionnée comme refuge



Qui voit la coproduction conditionnée, voit le Dhamma ; qui voit le Dhamma, voit la coproduction conditionnée[1].”

Extrait du Vajracchedikā ("soutra du diamant") :
Celui qui me voit comme une matière visible,
Celui qui me perçoit dans les phonèmes
S’est engagé incorrectement dans le renoncement
Cette personne ne me voit pas
Les guides sont le corps des dharma (skt. dharmakāya)
Considérez le Bouddha comme la nature des dharma (skt. dharmatā)
[2]
Extrait du Ratnakūṭa :
Ne considère pas le buddha comme de la matière visible
Ne le conçois ni par nom, ni par famille ni par lignage
Ne l’explique pas en phonèmes
Ne le distingue pas en conscience, perception, ou mental
Ce qu’est la nature des phénomènes, cela même est le bienheureux
.”[3]
Pour Nāgārjuna, le Bouddha est :
Le meilleur des instructeurs, qui a enseigné la coproduction conditionnée, sans rien qui cesse ou se produise, sans rien qui soit anéanti ou qui soit éternel, sans unité ni diversité, sans arrivée ni départ. (Stances dédicatoires du Madhyamaka-kārikā).
Extrait du Mahāparinibbāṇa Sutta
" En conséquence, Ananda, vous devrez vivre comme une île pour vous-mêmes, être votre propre refuge – que nul autre ne soit votre refuge ; avec le Dhamma comme une île, avec le Dhamma comme refuge et nul autre refuge. Comment un moine vit-il comme une île pour lui-même … avec nul autre refuge ? Là, Ananda, un moine contemple le corps en tant que corps, sérieusement, clairement conscient, attentif, ayant éloigné tout attachement et inquiétude par rapport au monde. Et puis il fait de même pour les sensations, l’esprit et les objets de l’esprit. Voilà, Ananda, comment un moine vit comme une île pour lui-même … avec nul autre refuge. Et ceux qui, maintenant de mon vivant ou plus tard, vivront ainsi s’élèveront au plus haut s’ils sont désireux d’apprendre.[4] "
La grande tristesse des auditeurs à la mort du Bouddha s’explique par la disparition définitive de leur instructeur humain. Sinon, pourquoi désespérer ? Celui-ci les console en précisant qu’ils n’ont pas besoin de lui, et les réfère à eux-mêmes comme leur propre refuge et au dhamma comme refuge, autrement dit, leur propre adhésion au dhamma est le refuge. Le dhamma étant la coproduction conditionnée, et le Bouddha “le meilleur des instructeurs”, qui l’avait enseignée.

***

[1] Louis Gabaude, p. 221. La première citation vient du Majjhima-Nikāya, I, 191 et la deuxième du Saṃyutta-Nikāya, III, 120.

[2] Gang gis nga la gzugs su mthong*//
Gang gis nga la sgrar shes pa//
Log par spong bar zhugs pas te//
Skye bo de yis nga mi mthong*//
‘dren pa rnams ni chos kyi sku//
Chos nyid du ni sangs rgyas blta//

[3] Sangs rgyas gzugs su mi blta mtshan dang ni//
Rigs dang ‘rgyud du mi brtag sgra dang ni//
‘chad par ‘gyur ba ma yin sems dang ni//
Rnam shes yid kyis rab tu phye ma yin//
Chos nyid gang yin de ni bcom ldan ‘das//

[4] Traduction française de Jeanne Schut.

 Traduction anglaise de Bhikkhu Sujato.

"So Ānanda, be your own island, your own refuge, with no other refuge. Let the teaching be your island and your refuge, with no other refuge. And how does a mendicant do this? It’s when a mendicant meditates by observing an aspect of the body—keen, aware, and mindful, rid of desire and aversion for the world. They meditate observing an aspect of feelings … mind … principles—keen, aware, and mindful, rid of desire and aversion for the world. That’s how a mendicant is their own island, their own refuge, with no other refuge. That’s how the teaching is their island and their refuge, with no other refuge.

Whether now or after I have passed, any who shall live as their own island, their own refuge, with no other refuge; with the teaching (dhamma) as their island and their refuge, with no other refuge—those mendicants of mine who want to train shall be among the best of the best."

En Pāli :

Tasmātihānanda, attadīpā viharatha attasaraṇā anaññasaraṇā, dhammadīpā dhammasaraṇā anaññasaraṇā. Kathañcānanda, bhikkhu attadīpo viharati attasaraṇo anaññasaraṇo, dhammadīpo dhammasaraṇo anaññasaraṇo? Idhānanda, bhikkhu kāye kāyānupassī viharati atāpī sampajāno satimā, vineyya loke abhijjhādomanassaṁ. Vedanāsu …pe… citte …pe… dhammesu dhammānupassī viharati ātāpī sampajāno satimā, vineyya loke abhijjhādomanassaṁ. Evaṁ kho, ānanda, bhikkhu attadīpo viharati attasaraṇo anaññasaraṇo, dhammadīpo dhammasaraṇo anaññasaraṇo.

Ye hi keci, ānanda, etarahi vā mama vā accayena attadīpā viharissanti attasaraṇā anaññasaraṇā, dhammadīpā dhammasaraṇā anaññasaraṇā, tamatagge me te, ānanda, bhikkhū bhavissanti ye keci sikkhākāmā”ti.

samedi 25 septembre 2021

Le Bouddha a-t-il révélé des dogmes ?


Le mot dogme est la traduction du mot grec dogma, qui signifie doctrine (“thèse admise dans une école philosophique particulière” source : cnrtl), ou dans la religion “article de foi, opinion affirmée catégoriquement, sans réflexion ni critique” (source Dictionnaire de la philosophie, Armand Colin). La différence est donc entre une “thèse admise” et “un article de foi”.

Dans les dialogues philosophiques entre Socrate et ses étudiants (tels que “rapportés” dans les écrits de Platon), Socrate est certes une figure d’autorité, mais il n’impose pas avec autorité ses thèses. Les thèses admises ont été réfléchies, critiquées, débattues, et finalement admises, jusqu’à ce que de nouveaux éléments apparaissent, qui feront de nouveau l’objet de réflexions et débats.

Il en va autrement dans les religions, où une “Vérité” est révélée par une entité surnaturelle, dont les articles de foi sont les dogmes. D’un côté, nous avons des dogmes provisoires[1], “de travail”, de l’autre des dogmes éternellement vrais, révélés par une entité surnaturelle. Le terme “dogme” dans ce sens, est surtout utilisé dans les religions monothéistes, et notamment le christianisme.
“ en la personne de Pierre, des autres apôtres et de leurs successeurs, l'Église a reçu directement de Dieu, par Notre-Seigneur Jésus-Christ, la mission de conduire les âmes, à la lumière du dogme révélé et de la morale chrétienne, vers la vie de l'éternité. "(Maritain, Primauté du spirituel,1927, p. 22.)
Jésus-Christ, considéré comme le Messie, l’envoyé et le Fils de Dieu, parle avec autorité et proclame la Vérité, et les dogmes révélés par lui sont des articles de foi pour ses disciples, si on permet ce rendu un peu anachronique, puisqu’on applique des décisions postérieures à la réalité des origines du christianisme. Étant né dans une communauté, où des dogmes révélés prévalent, les prendre en doute serait mal vu, voire répréhensible ou un péché, avec des conséquences spirituelles très lourdes.

Utiliser le terme “dogme révélé” dans le cadre du bouddhisme, serait un contresens. Dans le socle commun du bouddhisme, le Bouddha était un prince humain, envoyé par aucune entité surnaturelle, qui au bout de sa recherche spirituelle découvre le coproduction conditionnée, et l’enseigne.
“Ceci étant, cela devient ;
Ceci apparaissant, cela naît.
Ceci n'étant pas, cela ne devient pas ;
Ceci cessant, cela cesse [de naître].”[2]
Notons la différence entre “ceci” et “cela”, et qu’il ne dit pas cela cesse de renaître…

Est-ce un “dogme révélé”, dans le sens religieux du terme ? Quand Pyrrhon déclare “une chose n’est pas plutôt ceci que cela”, est-ce également un “dogme révélé” ?
Qui voit la Production conditionnée, voit le Dhamma ; qui voit le Dhamma, voit la Production Conditionnée[3].”
Selon la tradition, ses disciples principaux[4] avaient bien compris le message, et se sont éveillés en l’entendant. Nulle part, le Bouddha déclare que le Karma et la Réincarnation sont des articles de foi, faisant partie de son message et de sa découverte, et qu’il convient d’y croire… C’était tout simplement une croyance très répandue à l’époque du Bouddha, qui enseigna plutôt comment s’en libérer. Si on veut y voir une incitation (“bâton”) à la pratique, soit, mais cette croyance ne fait pas partie de la doctrine et de la méthode propre du Bouddha, qui raconta la parabole de lhomme touché par une flèche empoisonnée.
T'ai-je jamais dit : “ Viens, Māluṅkyaputta, vis la vie sainte auprès de moi et je t'expliquerai si le monde est éternel ou temporaire... ?” etc. […] – Et qu'ai-je expliqué ? J'ai expliqué “ceci est le malheur”, “ceci est la source du malheur”, “ceci est la cessation du malheur” et “ceci est le chemin qui mène à la cessation du malheur”. Pourquoi l'ai-je expliqué ? Parce que c'est utile pour atteindre le but, que c'est le départ de la vie sainte, que cela mène au désenchantement, au détachement, à la cessation, à l'apaisement, à la connaissance directe, à la pleine réalisation et au Dénouement. Voilà pourquoi je l'ai expliqué[5]. “
Tout cela n’empêche pas qu’après son parinirvāṇa, le Bouddha ait été divinisé, qu’il soit devenu un Envoyé parmi des milliers d’autres, que bien que le corps physique de Gautama ait disparu, le Corps symbolique du Bouddha enseigne en permanence les sūtra du mahāyāna, les tantras etc. Les enseignements des Corps symboliques du Bouddha divinisé peuvent en effet être considérés comme des révélations, et ont en effet pu avoir valeur de dogme révélé pour les adeptes. Rétroactivement, les enseignements du Bouddha des Auditeurs ont pu être également considérés comme tels par les adeptes du mahāyāna et du vajrayāna, même s’ils étaient en même temps vu comme étant d’un niveau inférieur, destinés à des personnes de dispositions inférieures.

Si des adeptes du mahāyāna et du vajrayāna ne connaissent le véhicule des śrāvaka qu’à travers leur propre doctrine, l’idée qu’ils s’en font est déformé par cette vision particulière, et ils peuvent alors en arriver à dire que les enseignements du Bouddha sont des “dogmes révélés”. Surtout si cette idée est entretenue par leur Gurus (pour des raisons qui leur sont propres), et/ou dans leurs sanghas respectifs. Si on passe à côté de lidée de laspectupāyaetpositionnement provisoiredu bouddhisme, on passe à côté d’un élément crucial et singulier au bouddhisme. Comment s'articule le passage de la croyance en un "dogme révélé" à une connaissance qui libère, et qu'est-ce qui déclenche cette dernière ? 

***

[1] Selon Jñānaśrīmitra, les positions bouddhistes sont des "positions adoptées conditionnellement" (skt. vyavasthā P. vavatthāna) pour désigner quelque chose qui est au-delà de la verbalisation, et qui s'opposent au concept d’une position réelle.

[2] N i.263, ii.32, iii.63; SN ii.28, 65, 70, 78, 79, 95, 96, v.388; AN v.184; Ud 1, 2.

imasmim sati, idam hoti ;
imassuppâdâ, idam uppajjati.
Imasmim asati, idam na hoti ;
imassâ nirodha, idam nirujjhati.

[3] Louis Gabaude, p. 221. La première citation vient du Majjhima-Nikāya, I, 191 et la deuxième du Saṃyutta-Nikāya, III, 120.

[4] Sariputta et Kolita (Moggallana)

[5] MN 63 Cūḷa Māluṅkya Sutta
Bouddha resta silencieux lorsque Malunkyaputta demanda si:
l’univers est éternel,
l’univers n’est pas éternel,
l’univers est fini,
l’univers est infini,
après la mort, un Bouddha continue d’exister,
après la mort, un Bouddha ne continue pas d’exister,
après la mort, un Bouddha continue d’exister et de ne pas exister,
après la mort, un Bouddha ne continue pas d’exister ou de ne pas exister,
le corps et le «moi» sont la même entité,
le corps et le «moi» sont des entités totalement séparées et différentes.

mercredi 22 septembre 2021

De l'être derrière les vagues ?

Image: Mathieu Rivrin/Solent News Pareidolie

Quelque chose se manifeste-t-il en tant que le réel, ou à travers la Nature (“Qui existe d'une manière autonome, qui n'est pas un produit de la pensée” “Qui appartient à la nature, qui a lieu en tant que processus physique”? CNTRL)

Le réel ou la Nature seraient-ils comme les vagues de l’être ou de l’Être, qui se ferait connaître en faisant des vagues ?

“L’océan” ne se réduit pas aux vagues, mais les vagues se réduisent-elles à l’océan, sont-elles en essence l’océan ? Si l’océan est le nom donné à l’ensemble de vagues, d’eau, de molécules d’eau etc., pourquoi vouloir faire de ce nom d’ensemble l’essence des vagues ? Quand on dit que ce nom, “l’océan” ou “l’océan dynamique”, se manifeste en les vagues, que veut-on dire exactement ?

Idem pour la conscience. Si la conscience est le nom donné à l’ensemble de pensées (citta, instants de conscience), que signifierait-t-il que la conscience (ou “lumière dynamique”) “se” manifeste en les choses, en les pensées ? Pourquoi les molécules d’eau, l’eau, les vagues seraient-ils la manifestation du Nom donné à leur ensemble ? L’océan pourrait-il ne pas faire des vagues, ne pas être rempli d’eau, autrement dit peut-il exister sans les vagues. Idem pour la conscience. En absence de pensées (citta, au sens le plus large), peut-on parler de l’ensemble de pensées, la conscience ou un fond conscient ? Si on veut réduire les pensées à “de la lumière dynamique”, autrement dit des vagues de Lumière, que fait-on exactement, et qu’est-ce qui motive ou nécessite cette réduction ? Pourquoi vouloir regarder plutôt “ce qui se manifesterait” à travers le réel ou la Nature, que le réel ou la Nature en soi ? Pourquoi vouloir réduire encore le réel ou la Nature, qui sont déjà des noms, en autre chose qui est également un nom, même si on définirait cette chose au-delà de tout ce qui le limiterait ou diviserait ainsi ? Il s’agit en fin de compte de décider qu’il en soit ainsi.

Affirmer que quelque chose se manifeste en tout (skt. sarva), incite à se poser des questions sur Ce qui se manifeste ? Qu’est-il, ou qui est-il ? Et ces questions peuvent donner lieu à toutes sortes de “réponses” ou spéculations. Qui se cacherait derrière le réel ou la Nature, et quel serait son rapport au réel et à la Nature ?

Le bouddhisme ésotérique parle d’apparences (tib. snang ba skt. ābhāsa), où ce nom peut prendre le sens d’une sorte d'épiphanie[1], dans le sens que les apparences seraient les réflexions d’une Source, dont elles seraient pour ainsi dire la part manifeste, indissociable d’elle-même[2]. Ces apparences sont considérées “illusoires” dans le sens qu’elles ne sont pas la Source, ou bien des images incomplètes et difformes de la Source. La Source est vraie dans l’absolu, les apparences ne sont vraies qu’en tant que manifestations éphémères de la Source.

Le bouddhisme des auditeurs ne conçoit pas de Source ou de réalité derrière les phénomènes (tib. chos skt. dharmā). Les dharmā sont des entités réelles, éphémères, imparfaits et sans essence, mais dotée d’une certaine réalité. Connaître les dharmā et leur nature est être libres de l’erreur. Pour les bouddhistes madhyamika, les phénomènes sont vides d’essence (vacuité), de réalité indépendante. En essentialisant la vacuité, certains en sont arrivés à considérer les “phénomènes” (dharmā) comme des apparences (ābhāsa), pour ainsi dire des épiphanies de la vacuité. En divinisant cette vacuité essentialisée, le devatāyoga (tib. lha’i rnal ‘byor) n’est plus très loin.

En utilisant le mot ou plutôt la traduction “apparence”, il faudrait être conscient dans quelle branche de bouddhisme elle est utilisée : auditeurs, madhyamaka, bouddhisme ésotérique. Dans son livre Pyrrhon ou l’apparence, Marcel Conche, utilise “apparence” comme une traduction possible du mot “phainomena”. Une apparence peut être ce qui “nous” apparaît (et qui est relatif au sujet qui les appréhende), tandis qu’un phénomène est plutôt une chose qui existe en dehors de l’esprit qui l’aperçoit. Le mot “chose” est utilisé par Conche pour traduire le mot grec “pragmata”. Mais si “pragmata”, chez Aristote, fait référence aux affaires humaines, ce mot pourrait correspondre plutôt au concept de conventions, “vyavahāra” (tib. tha snyad).

Le mot apparence suggère un sujet auquel la chose apparaît d’une certaine façon, correcte ou incorrecte. En tant que la chose telle qu’elle apparaît correctement (bouddhisme des auditeurs), ou en tant que manifestation d’une Source cachée ou de l’être (bouddhisme ésotérique). Le bouddhisme madhyamaka offre une solution très similaire à celle de Pyrrhon, telle que la présente Marcel Conche. Pyrrhon, tout comme Nāgārjuna, met en question l’opposition entre apparence et être, et s’abstient de s’investir dans aucun des extrêmes (épochè, “suspension de jugement”). Le sens originel du mot grec épochè est cessation ou arrêt. On dit du taoiste Tchouang-tseu qu’il avait par habitude de “tomber en arrêt”[3].

Rester dans cet “arrêt” non-duel empêche de risquer de se perdre dans la vacarme de l’Errance (saṃsāra), ou de se dissoudre dans l’océan de Lumière. En quoi la Lumière totale (être tout) serait-elle mieux que l’Obscurité totale (n’être rien). On perd son identité dans les deux. Qui est tout, ou qui n’est rien ? Dans l’arrêt, rien n’est perdu, tout est là, translucide.

 

“When the ripple recognizes its true nature as the ocean, that is a magnificent thing.” ECKHART TOLLE

***

[1] Manifestation d'une réalité cachée.

[2] C’est presque comme une consacration (tib. rab gnas), un scellement ou un enchantement des apparences et phénomènes ordinaires. On ajoute (en l’imaginant) une Présence derrière les apparences, qui est tout ce que ne sont pas les apparences : permanente, parfaite, une essence. Le sacré.

[3]Tchouang-tseu décrit de façon exacte l’impression que produit effectivement ce genre d’immobilité. Quand une personne se tient “immobile dans l’oubli”, qu’elle suspend entièrement les mouvements de son corps, elle suspend du même coup le langage du corps, elle abolit cette communication infralangagière qui forme le substrat permanent de tous nos rapports avec les autres, de toute vie en société. Cela crée un effet d’étrangeté que le texte décrit bien : Lao-tseu “se tenait immobile, il n’avait pas l’air d’un homme”. L’expérience confirme aussi que cette immobilité appelle l’immobilité. Pour bien observer un héron à l’affût du poisson ou un chat guettant un mulot, nous cessons à notre tour de nous mouvoir, et cette immobilité fait de nous des visionnaires, au sens que j’ai donné à ce mot précédemment. Nous sommes saisis par le spectacle qui s’offre à nous.”

C’est ce qui arrive à Confucius. Il tombe en arrêt, puis se cache et attend. Puis il s’avance tout de même et s’adresse à Lao-tseu. S’il ne sortait pas de sa cachette, le dialogue n’aurait pas lieu. “Je ne sais si je dois croire à ce que j’ai vu, lui dit-il. Tout à l’heure, vous étiez comme un arbre mort, comme si vous eussiez oublié les choses et quitté le monde humain, vous maintenant dans une absolue solitude”. Cette phrase est remarquable parce qu’elle décrit à la fois l’aspect de celui qui se maintient “assis dans l’oubli” et ce que l’on ressent soi-même dans ce régime de l’activité. La réponse est plus remarquable encore : “J’évoluais à proximité du début des phénomènes”, dit Lao-tseu. Comme Confucius ne comprend pas, il lui explique : “Il s’agit de quelque chose que notre esprit est impuissant à saisir et devant quoi nous restons bouche bée, mais je vais tenter tout de même de t’en donner une certaine idée (...).” Leçons sur Tchouang-tseu, Jean François Billeter.

mercredi 15 septembre 2021

La reine des panacées


Avant que la Pleine conscience (™)[1], les spirito-scientifiques, les adeptes de Bien-être, et autres Autodéveloppementistes (“change le monde, commence par toi-même”) ne s’en emparent, “La Méditation” était une simple technique bouddhiste parmi d’autres.
Voyons maintenant comment se fait le passage de l’apprentissage de la concentration à l’apprentissage de la vision pénétrante. Le Bouddha a dit un jour que, lorsque l’esprit est concentré, il est en mesure de voir les choses telles qu’elles sont réellement. Quand l’esprit est concentré et apte au travail, il connaît la véritable nature des choses. Il est drôle de constater que la réponse à toutes les questions que se posent les gens est généralement déjà présente dans leur esprit mais ils ne s’en rendent pas compte car cela se passe au niveau de leur subconscient. Tant qu’ils essaieront de résoudre leurs problèmes sans mettre leur esprit dans les conditions favorables, la solution leur échappera. Si, au contraire, pour répondre à une question d’ordre mental, une personne développe la concentration juste et la vision pénétrante, c’est-à-dire si elle fait en sorte que son esprit soit « apte au travail », la réponse se présentera d’elle-même. Et si cette tactique échoue, il existe encore une autre méthode pour diriger l’esprit vers la résolution du problème ; il s’agit de l’introspection concentrée ou « apprentissage de la vision pénétrante ».” Chapitre V, Manuel pour lHumanité de Buddhadasa
Dans le chapitre VII de son Manuel pour l’Humanité, Buddhadasa explique sa “méthode naturelle” pour développer la “vision pénétrante”, et la suffisance de la “concentration spontanée” à cet effet.
Dans ce chapitre, nous allons voir comment la concentration peut venir de manière naturelle aussi bien que résulter d’une pratique organisée. L'aboutissement est identique dans les deux cas : l’esprit est concentré et en mesure d’entreprendre une introspection extrêmement fine. Il faut cependant souligner que la concentration spontanée est, en général, suffisamment intense pour permettre l’introspection et la vision pénétrante, tandis que la concentration qui résulte d’un entraînement spécifique est souvent excessive pour les besoins de la cause, sans compter qu’elle risque d’engendrer une autosatisfaction très préjudiciable. En effet, l’esprit profondément concentré peut ressentir un bien-être si parfait que le méditant s’y attache ou s’imagine qu’il a atteint là le fruit de la Voie. Au contraire, la concentration spontanée, suffisante et adaptée aux besoins de l’introspection, est inoffensive et ne souffre d’aucun de ces désavantages.”
Dans le bouddhisme des auditeurs, la concentration (l’attention soutenue) permet d’avoir accès à la “vision pénétrante”, qui donne accès à la compréhension de la coproduction conditionnée, capable de libérer de la souffrance dite “dukkha”. La concentration naturelle suffirait pour avoir accès à la vision pénétrante. Une concentration ou attention “augmentée” pourrait faire obstacle à cette compréhension. Le “bienfait” recherché par le bouddhisme des auditeurs était donc une attention suffisante pour voir par soi-même la coproduction conditionnée.

C’est le mot attention (sati en pāli et smṛti en sanskrit), qui avait été traduit par Mindfulness en anglais. Mindfulness (™) est devenu par la suite le nom de la méthode développée par Jon Kabat-Zinn et d’autres, et cette méthode (™) est devenue “Pleine conscience” en français. La méthode de Kabat-Zinn est donc un produit dérivé du bouddhisme, mais dont des bouddhistes se sont à leur tour emparés, pour profiter de sa réussite, et éventuellement pour rappeler que c’est une méthode d’origine bouddhiste, et que le bouddhisme aurait beaucoup plus à offrir dans ce domaine : Ehi passiko - Venez voir par vous-mêmes !

Les recherches scientifiques, les preuves de l’efficacité et le nombre d’applications et de bienfaits toujours croissant de la Pleine conscience (l’attention) sont repris à leur compte par des maîtres bouddhistes (tibétains). La Pleine conscience (l’attention) n’est plus pratiquée pour elle-même, et en vue de développer la “vision pénétrante”, mais pour une de ses multiples applications et vertus, désormais scientifiquement prouvées…

Cette “méthode” a pour avantage que chacun peut développer sa “Pleine conscience” (attention) tout seul ou en groupe, et la pratiquer chez soi, à l’école, au bureau, au travail, sur le terrain, sur les champs de bataille, etc. On sera plus efficace, plus résilient, plus indépendant, et quand les “bienfaits” se font attendre, on n’à qu’à s’en prendre à soi-même et à sa pratique de la Pleine conscience. Un expert homologué ou un coach franchisé pourrait alors vous ramener sur le bon chemin. 
Au cours des dernières décennies, des études scientifiques se sont intéressées aux conséquences de la pratique de l’entraînement de l’esprit - la méditation - sur le corps et l’esprit.

Nous savons déjà, grâce à de nombreuses recherches scientifiques, que la pratique de la méditation agit directement sur l’activité cérébrale immédiate et sur la structure même du cerveau à plus long terme.” -Matthieu Ricard, Quel est l'impact de la méditation sur le vieillissement de notre cerveau ?
A l’école, “La Méditation” permettrait aux enfants et aux collégiens “une réduction significative du stress, de l'anxiété et de la dépression[2], aurait la capacité de "remplacer l'utilisation de certains médicaments prescrits contre l'hyperactivité” et “de réduire l’hypertension[3], permettrait de réguler les émotions et à gérer le stress[4]. Dans le monde des affaires :
Elle permet ainsi aux managers et leaders de rester à la fois ouverts aux relations, mutations et évolutions de leur environnement. Elle s’avère être une source de performance et de résilience, qu’on retrouve dans les comportements des plus grands, qu’ils soient PDG, sportifs de haut niveau, inventeurs, ingénieurs ou simples travailleurs. Sans être une panacée universelle, elle apparaît comme un outil intéressant de performance et de croissance.” Quels avantage à la pleine conscience ? Neom
Bienfaits sur la santé physique :
Les avantages de la méditation pleine conscience sur le long terme ne concernent pas uniquement le bien-être psychologique, l’empathie, la gestion du stress ou la mémoire. S’il est encore tôt pour confirmer tous ces effets positifs (attente d’études fiables sur le sujet), il semblerait toutefois que la pratique de la méditation soit bénéfique pour lutter contre :
L’hypertension artérielle ;
Les maux de tête ;
Les troubles du sommeil ;
La fatigue ;
Certains problèmes de peau ;
Les douleurs chroniques ;
Les maladies respiratoires comme l’asthme ou l’emphysème ;
Les troubles intestinaux ;
La dépression modérée
.” Les bienfaits à long terme de la méditation pleine conscience Mindspace by Numinus
En psychiatrie, “La Méditation” permet de "soulager les patients atteints de troubles psychiatriques. Et notamment ceux qui souffrent d'addictions”. Achats, jeux, sexe, écrans[5] 

Dans la Police :
Les leaders policiers seront encouragés par la manne de preuves scientifiques étayant l'efficacité de la formation à la pleine conscience dans un éventail de disciplines. Citons les études remarquables d'Elizabeth Stanley et d'Amishi Jha (2009) sur l'enseignement des techniques de pleine conscience aux Marines américains. Les données crédibles ne manquent pas non plus sur l'utilité de l'état de pleine conscience pour les policiers. 
L'adoption d'une pratique de pleine conscience présente des possibilités inexploitées et fait écho à la tradition guerrière d'une compassion solide et d'une action compétente (Strozzi Heckler, 2003). Une telle formation favorise une connaissance étoffée de la situation, laquelle favorise le développement du rendement cognitif. Les avantages sur le plan de la santé et du rendement pour les membres et leur organisation sont clairs : des policiers en santé et un investissement rentable pour l'organisation. 
Dans le but de passer à un modèle de prévention, le Service de police de Hillsboro (SPH) a lancé en 2013 un projet pilote visant à initier les policiers à la pratique de la pleine conscience.” Cultiver létat de pleine conscience Une formation pour le rétablissement ultérieur des policiers - Gendarmerie royale du Canada
Pour le repos nocturne des employés, les entreprises et la bonne santé des comptes de la sécurité sociale :
De plus, l’apprentissage de la pleine conscience est lié à des avantages validés empiriquement en matière de neuroscience, notamment un sommeil amélioré, qui aurait d’importantes répercussions financières (en termes de millions) sur les entreprises en raison de la perte de productivité et des coûts en soins de santé connexes pour les employés qui ne dorment pas bien.”
Dans l'armée :
Les avantages sur le leadership sont majeurs pour l’organisation militaire; cependant, ce sont les aspects « exécution des tâches », « prise de décisions » et « résilience » qui sont le dénominateur commun de ces avantages. Dans ce contexte, la pratique de la pleine conscience montre plusieurs avantages, allant même jusqu’à prévenir le trouble de stress post-traumatique (TSPT).” La pleine conscience : renforcement de la résilience dans les Forces armées canadiennes, article de Jordan Beatty
Rien n'empêche évidemment que les aspects « exécution des tâches », « résilience », etc. soient bénéfiques aussi en dehors de l'armée, p.e. dans le monde du travail, etc. A tous ces bienfaits s’ajoute désormais celui de la prévention de la maladie d’Alzheimer et la lutte contre le vieillissement. Si seulement le Bouddha avait connu les avantages de la Pleine conscience... La première vérité en aurait pris un coup. Si ça se trouve la Pleine conscience permet de mourir dans le bien-être. 
Une récente étude, réalisée par la Dr Gaëlle Chételat, chercheuse à l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale), et dont nous n’avons que les résultats préliminaires à ce jour, étudie l’impact de la pratique méditative comme prévention à la maladie d’Alzheimer.”

Avec la méditation, une voie est donc offerte pour agir contre le vieillissement cellulaire et prévenir des dégradations cognitives.” -Matthieu Ricard, Quel est l'impact de la méditation sur le vieillissement de notre cerveau ?
Le doute ne semble plus permis, “La Méditation” est bon pour vous (et pour la société), de la naissance à la mort, et au-delà...

Mangez de La Méditation !


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[1] La Pleine Conscience est un « état de conscience qui résulte du fait de porter son attention, intentionnellement, au moment présent, sans juger, sur l’expérience qui se déploie instant après instant » (Kabat-Zinn, 2003).

[2] La méditation de pleine conscience à l’école, Benoît Hsu
Citant CONSTANCIS Patrick (urologue-andrologue). http://www.educationconscience.fr/reduction_stress.html (consulté le 10 mars 2016).

[3] Citant [P. Constancis – 2016]

[4] Citant BARRIAULT Lucie – « La pleine conscience pour prévenir l’anxiété à l’école » [en
ligne]. (Publié 1er mars 2016). In : Réseau d’information pour la réussite éducative.
Disponible à l’adresse : http://rire.ctreq.qc.ca/2016/03/pleine-conscience-anxiete/
(consulté le 14 avril 2016)

[5] 20minutes : Psychiatrie : La méditation est-elle efficace pour lutter contre les addictions ? 22/01/20

dimanche 12 septembre 2021

Deplorable misogyny

Sogyal Lakar. The quote is from Jetsun Khandro Rinpoche

KuenselOnline
is an online anglophone version of the national Bhutanese newspaper Kuensel. One of its former journalists, Kencho Wangdi (Bonz), published a review and defense of Dzongsar Jamyang Khyentsé Norbu,
DJKN’s Poison is Medecine” under the title The Vajrayanas Cure” (11/11/2021).

In spite of DJKN’s 23 page public letter (“Guru and Student in the Vajrayāna”) the situation around Vajrayāna’s “Guru and Student” relationship was clearly not properly clarified, and no subsequent attempts by DJKN seemed to have brought some sense to Western Vajrayāna students. On the contrary, it somehow led to more confusion and disagreement, until a point where

 Western intellectuals had begun chipping at the cornices of the Vajrayana’s edifice and now they were swinging at the foundation stones with a pickaxe.” -Bonz

 DJKNs latest book is yet another attempt “to clear the dark clouds of “misunderstandings and misapprehensions” in the aftermath of the Vajrayana guru-related scandals. According to Kencho Wangdi (Bonz), one of the main points that DJKN tries to bring home is  “(“I can’t stress this strongly enough!”) to employ their judgment and critical thinking to tell the good gurus from the bad, authentic from the fake, the qualified from the unqualified.”

Guru-student relationship should never be entered into lightly, but it often is. And when things go wrong, the root of the problem—the misunderstanding, error or mistake that was made—can usually be traced back to the moment the student stepped onto the Vajrayana path and first entered into a relationship with a guru.” -DJKN 

According to DJKN and the Kuensel review the misunderstandings, and the problems that may follow from it, are almost entirely on the side of Western students, who seem to keep picking the wrong Teachers. Apparently every Eastern Vajrayāna student knows there are good and bad Teachers, and that it is extremely important to pick a right Teacher, i.e. one who doesn’t abuse his power. If a Teacher does abuse their power, then the student made the wrong choice, because of their lack of “judgment and critical thinking”. This is a classical Vajrayāna disclaimer.

Pick your Guru...
Sogyal Lakar et DJKN au UK en septembre 2016.

Yet, some part of the “dark clouds of misunderstandings and misapprehensions” seem to be due to “the excesses of the Tibetan culture that [...] were invented by humans for a different time and circumstances, but that today have obscured the Vajrayana and led to the lama cult, that led to other problems”. How does a Western student then distinguish between what is an excess of Tibetan culture and Vajrayāna, and between authentic guruvāda and a “lama cult”? More to the point, why do they seem so difficult to distinguish one from another? Do good and bad teachers perhaps mix with each other? Can they be seen in the same circles? Can they be good friends? How does one know a good teacher from a bad one? 
Do doctors and charlatans mix? 

Part of the problem is that not all of today’s Tibetan teachers have received a thorough Dharma education and a surprising number don’t know how to teach. For them, repeating the quintessential Buddhist teachings on shunyata (emptiness), dependent arising, and so on, over and over again, is difficult and tedious, so instead, they teach Tibetan cultural habits dressed up as Buddhadharma (such as how to fold a white scarf or make a torma).” -DJKN

Note that those Tibetan “bad” teachers, “obsessed with who gets the highest throne and by how many inches”, “the privileges a lama’s family members expect”, “the disturbing tulku materialism”, “ the deplorable misogyny”, “the lame and inadequate Dharma bootcamp that today’s Tibetan lamas go through”, are still referred to as “teachers”. In the forests of high thrones, it must be hard for a Western student, to pick the proper one, on which his authentic Guru is seated. As for female students, what is to be considered as “deplorable misogyny” and what as skillful means on the student’s path of Obedience to the Guru?

Vajrayana is not Tibetan culture and Tibetan culture is not Vajrayana”, writes Bonz. Should Vajrayana Buddhism be updated to fit the modern world ? “Absolutely not” says DJKN. Confusion about what is Tibetan culture and what is Vajrayāna, and about who is a good teacher and a bad teacher is of course bad, but no further intervention seems necessary to clear the confusion about what is Tibetan culture and what is Vajrayāna. Those specific “dark clouds of misunderstandings and misapprehensionsdon’t stand in the way of DJKN’s (and others’) project. It’s up to the individual to make the right choices and to take full responsibility for any misunderstanding or unfortunate wrong choice (wrong lama, “lama cult” instead of a proper guru-student relationship, etc).

In order to prevent Vajrayāna from being “updated to fit the modern world”, DJKN and friends are ready to battle like “Talibans of Tibetan Buddhism[1] against “Western intellectuals “cherry-picking” Buddhism”.

[DJKN] is, however, open to the idea of employing “innovative, skillful and easier to understand ways of presenting the Dharma to contemporary students”—which he admits is lacking in the Vajrayana arsenal.” -Bonz

To adapt Vajrayāna’s packaging, introduce more commodification of Buddhadharma, develop Iphone apps, organise management seminars for managers/tulkus ? 

DJKN (and his colleagues) did not defend his colleagues involved in the sex abuse, writes Bonz. Has he seen the Homage page to Sogyal Lakarsparinirvana ? This page has by now considerably shrunk since it first appeared in 2017, because many lamas later withdrew their homages under the pressure of their Western students. On top of these homages, several teachers attacked the whistle-blowers, threatened them with karmic suffering to come, and thus pushed doubting students back to good old guruvadic/lama cultish “reason”.

Photo envoyée par DJKN au site Trungpamaniaque "Chronicles"

DJKN doesn’t make it a secret
he is a great admirer of Chögyam Trungpa, “the General”, for whom “actually the whole teaching is simply emptiness and meekness[2].” Obedience (faith in action) is the essential quality for a student in the Guru-student relationship. Part of the problem with Westerners, apart from their lack of picking the right teachers, is their lack of obedience, or meekness as Trungpa calls it.

Obedience is always a challenge for students. Your guru might, for example, ask you to do the entire Ngöndro three times over -- and of course you should. Or he might tell you to take your knickers off. Interestingly, a surprising number of people have no difficulty taking off their knickers, but really struggle to finish the Ngöndro.” DJKN, “Poison is Medicine” 

I wonder what the source of that interesting and surprising information is. Does it come from “good” or “bad” teachers who, within the guru-student relationship, asked their students to take off their knickers? For non-native English readers, I would also like to point out that the word “knickers” refers to “a piece of underwear worn by women and girls covering the area between the waist and the tops of the legs” (Cambridge dictionary). Lack of judgement and critical thinking, resistance to “obedience”, and on the other hand “ease of taking one’s knickers off”, mainly women and girls… Would that qualify as deplorable misogyny”?

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[1]They proclaimed, for good measure, that what the Vajrayana Buddhism needed perhaps was an “update”.
To Khyentse Rinpoche, this was unacceptable. A fierce guardian of the Buddha’s teachings and of the Vajrayana (he often calls himself the Taliban of Tibetan Buddhism), he takes extraordinary exception to Western intellectuals “cherry-picking” Buddhism and makes no bones about it. As far as he was concerned, the Western intellectuals had begun chipping at the cornices of the Vajrayana’s edifice and now they were swinging at the foundation stones with a pickaxe.” Bonz.

[2] " [Chogyam Trungpa] said, well, the problem with Merwin — this was several years ago — he said, Merwin’s problem was vanity. He said, I wanted to deal with him by opening myself up to him completely, by putting aside all barriers. “It was a gamble.” he said. So I said, was it a mistake? He said, “Nope.” So then I thought, if it was a gamble that didn’t work, why wasn’t it a mistake? Well, now all the students have to think about it —so it serves as an example, and a terror. But then I said, “What if the outside world hears about this, won’t there be a big scandal?” And Trungpa said, “Well, don’t be amazed to find that actually the whole teaching is simply emptiness and meekness.

When the Party’s Over, interview avec Allen Ginsberg dans Boulder Monthly, mars 1979.