Les êtres opprimés rêvent d’un meilleur monde ou un monde plus sensé, et quand le monde réel posent des limites au possible, le rêve dépasse le monde ou se dirige vers un monde parallèle. Le paradis terrestre, le pays de Cocagne, champs élyséens, siddhaloka, les terres pures etc. Les souffrances et les sacrifices ici-bas ne resteront pas vains. Depuis les origines de l’homme, une expertise s’est développée pour alimenter, étayer et consolider “ce soupir”, dont l’autre face est l’espoir. Bienveillante, elle permet d’atténuer les souffrances et les peurs. Elle peut aussi lier certaines conditions à l’accès aux bonheurs futurs et donner des préceptes. Elle peut s’associer avec le pouvoir en place et harmoniser les préceptes de celui-ci avec les siens, ou le conseiller sur la gestion de masses. Il faut dire que les religions détentrices d’une telle expertise ont souvent été un instrument clé du pouvoir.
Astérix et Cléopâtre
“La religion est le soupir de la créature opprimée, l'âme d'un monde sans coeur, comme elle est l'esprit de conditions sociales d'où l'esprit est exclu. Elle est l'opium du peuple.”[1]
Une “religion” est au départ un culte (superstitio) élevé au rang de “religio licita” par un pouvoir séculier, pour des raisons politiques. Une aubaine pour une religion, qui devient ainsi hégémonique. Les religions peuvent être remplacées par des idéologies et leurs experts correspondants[2], qui à leur tour veulent devenir hégémoniques, car c’est la nature d’un pouvoir.
“Sans doute Constantin saisit-il le profit qu'il pouvait tirer, dans les circonstances difficiles où il se trouvait et au moment où il lui fallait conquérir le pouvoir, de l'immense parti chrétien en pleine expansion. Résolument, donc, il s'engagea dans une politique de plus en plus favorable à la religion nouvelle, sans toutefois rompre trop ouvertement avec l'ancienne, encore puissante à ce moment-là. Grassement subventionnée, l'Église étendit son influence. Les évêques ne tardèrent pas à faire la pluie et le beau temps, tant et si bien que le christianisme devint peu à peu religion d'État, les païens n'étant plus que tolérés. Sous les fils de Constantin, le culte des dieux finira par être prohibé et passible, du moins en principe, des peines les plus graves. Les anciens persécutés étaient devenus persécuteurs.Des situations similaires d’opportunisme religio-politique et d’élévation au statut de religion d’état ont eu lieu en Inde, en Chine, au Tibet … Une religion peut être remplacée par une idéologie, et une idéologie peut devenir une religion hégémonique, en empruntant des méthodes aux religions. Les religions, parfois nostalgiques d’époques où elles étaient hégémoniques, ne se débarrassent jamais complètement de leurs projets théocratiques anciens, et leurs relations avec les démocraties sont alors pour le moins complexes. Les experts en religions, et désormais aussi en divers cultes de bien-être peuvent fréquenter et assister la nouvelle idéologie hégémonique au pouvoir, pour avancer leurs projets et/ou pour attirer des faveurs.
“Bref, l'Église devenait folle de son corps, au grand détriment de son âme. Il faut bien reconnaître qu'alors les moeurs des adeptes de Chrestos, du moins dans l'ensemble, n'avaient plus grand-chose de commun avec les Béatitudes. De plus, les gâteries du pouvoir civil n'allaient pas sans contrepartie. En échange de ses bons procédés, Constantin attendait un soutien franc et massif à sa politique d'unification de l'Empire, et il ne se gênait pas pour exercer en ce sens un contrôle strict des institutions ecclésiastiques. Regardant les assemblées de clercs comme des rouages de sa politique ou comme des courroies de transmission, il n'allait pas tarder à se mêler de tout et de rien, intervenant à son gré dans la gestion des affaires - ce qui était normal dans la mesure où il payait -, mais encore dans les questions proprement dogmatiques.” (Julien dit l'Apostat de Lucien Jerphagnon).
Pour être bien considérés et profiter du ruissellement, ils ne doivent pas gêner les projets de l’idéologie hégémonique, et même leur être utiles. Le culte de bien-être qui réussit le mieux actuellement est la Pleine conscience avec son produit panacée “La Méditation”. Elle est totalement dissoluble dans l’idéologie du Marché, c’est-à-dire de la marchandisation (commodification). Elle se veut a-politique (ni de gauche ni de droite), ce qui revient à dire qu’elle s’appuie sur l’idéologie hégémonique pour exister et proférer, sans aucun jugement (d’ailleurs un élément essentiel de sa méthode). En retour, ses adeptes deviennent de bons rouages de l’Idéologie : concentrés, résilients, sans jugement, “réalistes” et “pragmatiques” (acceptant les choses telles qu’elles sont), etc.
Quand le stress, la pression et les cadences augmentent (ce qui est conforme au projet de l’idéologie hégémonique), l’individu peut donner des signes de fatigue, de dépassement, de faiblesse, de manque d’attention, de colère. Avec la bénédiction de patrons paternalistes, les cultes de bien-être l’invitent alors à retrouver des ressources insoupçonnées en son être profond, en pratiquant un peu de Méditation, de prendre son mal en patience (“résilience”) et de s’aligner de nouveau sur la “réalité”. Certains qualifient ce type de paternalisme de “ féodalisme moderne” ou de “théocratie capitaliste”[3].
Certains enseignants bouddhistes s’inspirent du succès de la Pleine conscience (un produit dérivé du bouddhisme) en proposant leur propres programmes de Pleine conscience “augmentée”, peut-être dans l’espoir d’en faire des adeptes et de leur proposer des produits davantage religieux. Quand ces services sont proposés surtout aux classes moyennes, et aux cadres supérieurs, parfois par le biais de leurs entreprises, il n’est pas impossible qu'un des réflexes éternels du bouddhisme “Follow the Money” y joue un rôle aussi. Il y a toujours un temple, un stupa, un shédra et une hôtellerie à construire quelque part, ou sinon un projet charitable à soutenir.
***
[1] Karl Marx, Contribution à la critique de la philosophie du droit de Hegel, 1844, in Critique du droit politique hégélien, trad. A. Baraquin, Éd. Sociales, 1975, p. 198.
La suite :
“L'abolition de la religion en tant que bonheur illusoire du peuple est l'exigence que formule son bonheur réel. Exiger qu'il renonce aux illusions sur sa situation c'est exiger qu'il renonce à une situation qui a besoin d'illusions. La critique de la religion est donc en germe la critique de cette vallée de larmes dont la religion est l'auréole“
[2] Voir p.e. Gaël Giraud : « Les marchés financiers occupent la place qui était celle de Dieu dans l’Ancien Régime »
[3] Gaillard J.M., « Les temps du paternalisme », in Puissance et faiblesses de la France industrielle, Seuil, Point histoire, 1996, p. 501.
"elle s’appuie sur l’idéologie hégémonique pour exister et proférer, sans aucun jugement (d’ailleurs un élément essentiel de sa méthode). En retour, ses adeptes deviennent de bons rouages de l’Idéologie : concentrés, résilients, sans jugement, “réalistes” et “pragmatiques” (acceptant les choses telles qu’elles sont)"
RépondreSupprimerVous versez dans la caricature. Je ne dis pas que la caricature n'existe pas dans la réalité. Une dérive commerciale dans la logique capitaliste la plus extrême existe mais ce n'est pas consubstantiel à la pleine conscience. Je vois mal comment la pleine conscience pourrait ne pas être a-politique. Imaginez si l'hypnose ou la psychiatrie devait être politique. Les dérives seraient bien pire surtout si elle ne devait pas être de gauche (la gauche sociale).
Si l'absence de jugement fait bien partie de la méthode elle n'empêche en rien une critique de la réalité une fois que celle-ci aura été vue de la manière la plus objective possible.
je vous donne ou redonne la citation de Jon Kabat-Zinn
""Accepter ne signifie pas que vous devez aimer tout, ni que vous devez adopter une attitude passive envers tout et abandonner les principes et les valeurs qui sont les vôtres. Cela ne signifie pas non plus que vous êtes satisfait avec les choses telles qu'elles sont et que vous vous résignez à les supporter comme "il faut qu'elles soient" (...) ou que vous devriez tolérer l'injustice, par exemple, ou éviter de vous impliquer pour changer le monde qui vous entoure (...) L'acceptation dont nous parlons ici veut dire que vous êtes arrivé à vouloir voir les choses telles qu'elles sont. Cette attitude crée en vous les conditions nécessaires pour agir de façon appropriée dans votre vie, quoi qu'il advienne. Avec une vision claire de la situation, vous saurez quels actes poser et vous aurez la conviction intérieure d'agir, bien plus que quand votre vision est voilée par les jugements et les désirs égoïstes de votre esprit, ou par ses peurs et ses préjugés"
Jon Kabat-Zinn - Au coeur de la tourmente, la pleine conscience
Je trouve très bien de critiquer le bouddhisme ou la pleine conscience mais si en tant que pratiquant il y a dérive c'est de notre responsabilité. Le bouddhisme ou la pleine conscience n'existe qu'à travers l'usage que nous en faisons. Mais c'est vraiment abuser le lecteur que de remonter des dérives à la pleine conscience ou au bouddhisme comme si c'était inévitable. Comme le dit Mathieu Ricard dans son plaidoyer pour l'altruisme si il y a plus de gens qui font mal plutôt que bien c'est simplement parce que c'est plus facile et plus rapide de détruire que de construire. Et puis quand les gens font bien c'est souvent aussi invisible qu'un train qui arrive à l'heure. C'est ce qui nous fait dire dans le zen que l'éveil est l'état ordinaire.
Bonjour SB, merci de votre réaction, c’est un sujet très important en effet. Je ne pense pas que je verse dans la caricature, c’est peut-être plutôt le contraire ;-)
RépondreSupprimerIl y a les religions, les diverses thérapies (la psychologie positive, MindCure, l'hypnose, etc.) et maintenant la pleine conscience (“la Méditation”), telles qu’elles se présentent, et telles qu’elles sont mises en pratique et utilisées dans toutes leurs applications pratiques. Elles ne sont jamais a-politiques, ont un certain contenu, et s’inscrivent toujours dans une idéologie. Qui décrète ou décide qu’elle doit être a-politique et pour quelle raison ?
Le simple fait que la pleine conscience propose comme solution d’apprendre à gérer le stress, chacun de façon individuelle est emblématique. Qu’est-ce qui fait que le stress devient un problème de plus en plus pressant avec l’augmentation du phénomène des burn-outs, et autres ? Quelles sont les causes des dérèglements et crises auxquels nous sommes confrontés, qui participent au stress ? Ce n’est pas un problème individuel, c’est un problème collectif, même si des thérapies peuvent aider à soulager les souffrances, mais aussi les loisirs, le temps libre, la détente, les congés, les vacances, etc.
Jon Kabat-Zinn et d’autres ont beau définir la “pleine conscience (™)” comme ils veulent, leur contribution aux diverses applications sont très clairement politiques, sauf si on choisit de ne pas voir ou considérer cet aspect. Non, la “pleine conscience (™)”, ni même “la Méditation”, ne crée pas “les conditions nécessaires pour agir de façon appropriée dans votre vie”, c’est un vœux pieux et c’est accorder beaucoup trop d'importance à ce facteur, souvent naturellement présent en les hommes, qui n’ont pas besoin de lui donner un nom spécifique, de le définir, de lui attribuer des bénéfices et de le promouvoir. Rien que ce choix est déjà “politique”.
Comment la “pleine conscience (™)” peut-elle remédier de façon a-politique une “vision [...] voilée par les jugements et les désirs égoïstes de [son] esprit”. Nous sommes des êtres incarnés avec des jugements et des désirs "égoïstes", reconnaître cela est plus important et bénéfique de croire en des visions sans jugements et désirs, rendues possibles par la “pleine conscience (™)”. Une fois cela reconnu, la négociation avec l’autre devient possible, et elle est forcément politique.
“Mais c'est vraiment abuser le lecteur que de remonter des dérives à la pleine conscience ou au bouddhisme comme si c'était inévitable.”
Les deux ont trop tendance à donner une place centrale à l’effort individuel dans la solution, et celui mettant la main à la pâte, en y mettant du sien, réussira. Les autres n'en ont qu'à en vouloir à eux-mêmes. Cet accent idéologique sur l’individualisme et le mérite, très politique, plaît bien aux grands entrepreneurs. A match made in Heaven !
https://hridayartha.blogspot.com/2020/10/de-mcmindfulness-la-revolution-de-la.html
Dans ce cas tournez vous vers le taoïsme, je veux dire le confucianisme qui, en s'adressant au "Prince" s'occupe d'avantage du collectif que de l'individuel.
RépondreSupprimerEt puis c'est faux pour le bouddhisme qui crée du collectif, qu'est-ce que la sangha? Si la sangha des moines ne doit jamais être trop loin des centres urbains c'est précisément pour créer de l'interdépendance (mendicité en échange d'enseignements). Soit c'est de l'individuel qui infuse la société du bas vers le haut soit comme dans le confucianisme, ou le philosophe roi chez Platon c'est un mouvement du haut vers la bas. Qu'est-ce qui ne s'inscrit pas dans une idéologie? La seule idéologie qui ne nous apparait pas comme une idéologie c'est la nôtre.
De toutes façons, à vous écouter, tout est politique et vous ne proposez guère d'alternative. ah pardon si juste là:
"mais aussi les loisirs, le temps libre, la détente, les congés, les vacances, etc"
Ma femme a des problèmes digestifs dont aucun médecin n'a trouvé de solution... ah si un médecin lui a dit de prendre des vacances.
Ça l'a bien fait rire d'autant plus qu'en vacances elle n'a pas moins de problèmes digestifs... et la méditation?
Elle est passée de la sophrologie à la méditation de pleine conscience puis au Zen Soto... Est-ce que ça a solutionnée son problème de digestion (colopathie fonctionnelle)? non mais elle gère mieux la douleur et considère qu'elle a trouvé mieux qu'une solution à son problème. Dans son cas précis les avancées sociales ne lui seraient d'aucune utilité, elle est déjà fonctionnaire et bénéficie de 11 semaines de vacances. Évidemment que je suis pour lutter contre les inégalité sociales mais ça n'empêche pas les riches d'avoir des problèmes de riches. Dukkha n'est pas qu'un problème de pauvre. Et personne ne peut pratiquer à votre place ni vous forcer si vous n'êtes pas consentant. Libre à vous d'attendre que "la grâce" du ciel vous tombe dessus.
Et puis, Les congés, les vacances? quand on voit comment le tourisme de masse détruit la planète j'espère que ce n'est pas la solution. Surtout qu'on y retrouve le problème du divertissement. J'ai des amis qui ne travaillent que pour partir en vacances et qui en vacances ne font rien que se reposer en se faisant servir à l'étranger par une main d’œuvre pas cher. Le travail collectif que nous faisons (avec une journée qui commence à 6h du matin) dans les monastère où nous allons ça les fait bien rire mais moi je n'échangerais pas ma vie contre la leur même si ils ont un pouvoir d'achat le triple du nôtre.
Jon Kabat-Zinn est un médecin (pas un homme politique) et son idéologie est celle des politiques de santé publique et de prévention des risques. Il réfléchit en terme de cout bénéfice dans une pure logique capitaliste. Si la pleine conscience a un cout moindre pour la société que les médicaments, allons'y gaiement. Il n'y aucun angélisme, voeux pieux... derrière, mais des études scientifiques en double aveugle.
Je ne vous contredis pas sur le fait que ça serve le capitalisme je vous contredis sur le fait que parmi les options c'est la moins mauvaise option.
De la même manière quand on voit le cout du tabac sur la société on aurait tout intérêt à l'interdire plutôt que donner une place centrale à l'effort individuel mais le risque ce serait une dérive autoritaire. Qui aurait envie de vivre dans la république de Platon?
Le seul moyen de s'opposer au capitalisme c'est de former des communautés (sangha) qui vivent en marge de la société capitaliste c'est la raison pour laquelle nous faisons des retraites dans des temples ou des monastères. Certes nous payons pour cela mais nous travaillons (samu) dans un esprit d'entraide (sans stress) pour que le prix ne soit pas trop élevé. Nous y expérimentons la non dualité entre l'individuel et le collectif. De même que le dojo de ville par ses gestion collégiale des décisions à prendre, avec des responsabilités qui tournent fait penser à un fonctionnement anarchique. Et la méditation parce qu'elle a un effet pro-social prouvé scientifiquement y est un élément clef... La couture ou la cuisine ferait le même effet? oui! d'ailleurs nous cousons aussi et cuisinons ensemble.
RépondreSupprimerJe ne dis pas que ce que vous dites est faux mais ça dépend où vous regardez et à quel niveau. Il est facile de trouver des contre-exemple.
Je discutais dans un monastère avec une femme qui venait s'y installer en tant que résidente permanente... elle m'a dit qu'elle avait déjà essayé ailleurs dans des communautés alternatives (non bouddhistes) mais pour elle il y avait trop de querelles d'égos dans ces lieux. Elle espérait qu'il y en ait moins dans le monastère bouddhiste en question... je verrais bien si elle y sera encore la prochaine fois que j'y vais.
Que ça fonctionne au niveau collectif ne dépend que de nous à un niveau individuel.
Merci SB
RépondreSupprimerNotre vie, même en tant que bouddhiste, n’est pas séparée de la société. On a vu avec la Covid comment la vie en société mise à mal par des privations de liberté, fait augmenter le nombre de maladies mentales. Il ne s’agit pas ici de mettre en cause tel ou tel choix politique, mais l’importance de la qualité de la vie en société. Le principe d’inégalité (injustice) cause déjà de la détresse chez des primates (essais en laboratoire), et elle (ou sa perception) est depuis toujours une cause importante des violences de tout genre chez les humains. Ne pas intervenir (y compris en mettant fin à des interventions inégalitaires) au niveau sociétal ou de vie en commun, tout en mettant l’accent sur les pouvoirs de l’effort individuel, le non-jugement et la non-intervention (car ce serait de “la politique”) me semble une erreur, une illusion, voire un calcul conscient entre de mauvaises mains. Le capitalisme accueille à bras ouvert ce type d’idéologie. Pourquoi ? La question semble très légitime (voir p.e. le livre de Ron Purser, le site du Non-bouddhisme spéculatif, les nouveaux mouvements bouddhistes aux USA, etc.)
Même dans les systèmes “bas vers le haut”, il peut y avoir des “Princes” qui ne disent pas leurs noms. Il suffit d’analyser leur idéologie et leur mise en pratique, pour voir ce qu’il en est réellement. La Sangha s’est très tôt mis du côté du pouvoir (https://hridayartha.blogspot.com/2012/03/le-bouddha-en-bon-gestionnaire.html), en s’associant avec les classes moyennes, en fonctionnant comme une banque, en discriminant les śūdra et les dalits hors-castes ultérieurs (https://hridayartha.blogspot.com/2021/02/les-premiers-de-cordee-du-reve.html), etc. (il y a d’autres exemples dans mon blog), et en adaptant la doctrine aux besoins des classes moyennes (https://hridayartha.blogspot.com/2018/05/deuxieme-precepte-sur-le-vol-et-la.html).
Prendre des voeux, ou simplement vivre de façon éthique, et vivre de manière frugale a les avantages, d’une prise de conscience, et de la découverte, que nous n’avons pas besoin de tout ce dont nous pensons avoir besoin pour être heureux. Ce n’est pas l’apanage du bouddhisme. Il me semble qu’on peut parler très simplement de ces choses sans buzz, sans preuves cliniques clinquantes, sans promotion, prosélytisme, du “miracle bouddhiste” (l'exceptionnalisme bouddhiste, comme on parlait du “miracle grec”, également une illusion) etc. Il y a une sorte d’enthousiasme surfait dans tout ça, qui devrait faire réfléchir.
“parmi les options c'est la moins mauvaise option”, c’est le slogan éternel du capitalisme, toujours la logique du moindre coût, “There Is No Alternative”, si on réfléchit dans le cadre capitaliste.
Je suis d’accord avec votre opinion sur le tabac, et sur l’agnotologie capitaliste en général (https://www.franceculture.fr/emissions/lsd-la-serie-documentaire/voyage-en-agnotologie-pays-de-la-science-et-de-lignorance-14-quand-les-industriels-nous-enfument?s=09
). Peut-on déjà mettre fin à ce type de désinformation voulue, que l’on voit d’ailleurs à tous les niveaux ? Si on veut évaluer le “coût” réel des choses, y compris “ce qui semble d’aller de soi” et auquel il n’y aurait pas d’alternative ?
J’ai de la sympathie pour toutes les tentatives de vie collective sous des principes bouddhistes (j’en ai fait partie moi-même dans le passé), et je regarde avec intérêt les diverses tentatives aux USA dans ce sens dans des nouvelles communautés, qui semblent conscientes de ce que j’ai soulevé plus haut et qui semblent vouloir en tenir compte. Sera-ce suffisant pour échapper à tous les pièges de la vie en communauté ?
Peut-être que vous n'avez pas suffisamment conscience de ce que le bouddhisme pourrait vous apporter.
RépondreSupprimerJ'ai longtemps dit à ma femme que je n'avais pas besoin de méditer, que tout allait très bien pour moi, merci!
Donc oui on peut vivre une vie éthique et frugale en se passant des apports du bouddhisme mais c'est soit parce qu'on ne se rend pas compte à quel point on vit mal sans s'en rendre compte soit à quel point on pourrait faire mieux pour soi et pour les autres.
Dire que c'est la moins mauvaise option c'est bien souligner qu'il y a des alternatives. La logique du moindre coût n'a de valeur que si elle est rapportée à son efficacité.
Ne voir dans la méditation (y compris la méditation, de pleine conscience) que "le non-jugement" et "de la non-intervention" me semble une erreur. Erreur que fait également Marion Dapsance quand elle dit:
RépondreSupprimer"Il désigne plutôt une thérapie mentale, dont la nature exacte n’est jamais précisée, si ce n’est qu’elle se fonderait sur la pratique de la « méditation ». Ce terme, toujours central dans les discours occidentaux sur le bouddhisme, ne désigne plus l’acte de réfléchir à ce que doit être une vie bonne ou une vie juste, mais se réfère à la pratique d’une relaxation assise, consistant précisément à s’arrêter de penser"
J'aimerais savoir où elle a lu qu'en méditation on s'arrêtait de penser? De même si dans les instructions de la Pleine conscience on dit qu'effectivement il faut s'arrêter de juger et être dans une logique d'acceptation c'est par rapport à la souffrance.
L'idée c'est de respirer pour sortir la tête de l'eau pour pouvoir ensuite redevenir acteur de sa vie.
Dire que c'est un vœu pieu, c'est possible mais accepter sa situation n'est pas moins un vœu pieu si celle-ci est terrible.
Dire ensuite que c'est mettre tout le poids de sa situation sur l'effort individuel au détriment d'une approche plus politique, c'est ne pas voir que l'engagement politique suppose tout autant un effort individuel. Les gilets jaunes demandent des gardes fous qui permettent de pouvoir passer ponctuellement d'une démocratie représentative à une démocratie participative.
Mais cela ne peut passer que par une prise de conscience de la manière dont fonctionne notre cerveau. Je vous renvoie à l'ouvrage de Sébastien BOHLER le bug humain.
Pourquoi le communisme n'a jamais fonctionné alors qu'à l'origine c'était une belle idée... c'est simplement parce que notre cerveau n'est pas spontanément programmé pour l'altruisme, la satiété et l'appétence pour le savoir alors que le capitalisme va à l'inverse dans le sens du poil (le striatum)
On a toujours tendance à l'instar de Marion Dapsance de tirer à boulet rouge sur le bouddhisme à l'occidental mais le gros apport du bouddhisme occidental c'est d'avoir crée le bouddhisme engagé.
Cela signifie que le bouddhisme n'est pas de lui-même engagé mais le bouddhisme n'existe pas en dehors de ce que nous en faisons.
Le bouddhisme engagé fait le même constat que la destruction de la planète est due à l'avidité, la haine et l'ignorance institutionnalisé politiquement par les états (voir The Great Awakening: A Buddhist Social Theory de David Loy)
Ce serait vraiment prendre JK Zinn pour un idiot d'imaginer qu'il n'y a pas penser
L'éveil de la société : la révolution de la méditation - Jon Kabat-Zinn
" Il met en évidence les relations possibles entre méditation et politique et en quoi elle constitue un outil fondamental pour l'action collective. "
Que peut apporter le bouddhisme ? Qu’apporte-t-il aux bouddhistes asiatiques, et qu’apporte-t-il aux convertis occidentaux depuis le siècle dernier ? Combien ont atteint ce que pourrait apporter le bouddhisme ? Qui peut le savoir, et si le bouddhisme n’a pas apporté ce qu’il pourrait apporter, quelles en sont les raisons ?
RépondreSupprimerPour ce qui est de “vivre mal”, je me suis demandé : est-ce que mon chat vit mal ? ou est-ce que seuls des humains peuvent “vivre mal”, et à partir de quel âge, car on ne va pas dire qu’un enfant vit mal ? Si on n’a pas atteint ce que pourrait apporter le bouddhisme à un certain âge, est-ce qu’on a raté sa vie ? Exigeant le bouddhisme quand-même …
Je pense que les bouddhistes occidentaux ont tendance à mettre trop l’accent sur la méditation, et à en faire quasiment l’unique outil pour “s’éveiller”. Traditionnellement, la méditation n’est qu’une partie du triple entraînement ou de l’octuple chemin. Le bouddhisme étant une voie du milieu, il a des “antidotes” et des ressources (upāya) pour aider à garder plus ou moins le cap. C’est une voie faite de caps et de positions provisoires, et puis un humain est un organisme vivant et social, et donc les “antidotes” dans une situation, ne le seront pas d’une autre. Puis la vie n’est pas une question de suivre un manuel. La vie est d’ailleurs le maître. Elle ne nous dira jamais : tu as réussi, tu as bien vécu, tu es mort comme il faut, tu es arrivé à terme. On commence avec de l’incertitude et de l’éphémère, et on termine avec de l’incertitude et de l’éphémère. Si on n’aime pas le mot incertitude on peut lui donner une tournure plus positive, “potentiel” et en faire un challenge, un jeu, un divertissement.
Un des caractéristiques que Glenn Wallis utilise pour décrire le bouddhisme (ou plutôt x-buddhism) est sa suffisance, le fait qu’il se pense comme un système de pensée unitaire et autoritaire, une omniscience, qui déclare avoir tout ce qu’il faut pour atteindre la maîtrise, la sagesse, la connaissance de la conscience, du soi, du cosmos, de la vie et de la mort, auxquels il prétend. C’est en se débarrassant de cette suffisance que le bouddhisme pourrait être réactualisé selon lui. https://docs.google.com/document/d/1mJt4LzSmWOAhPyRH2-DW2ioSBQfzzHQ-tzEGzMii9t4/edit
“Cela signifie que le bouddhisme n'est pas de lui-même engagé mais le bouddhisme n'existe pas en dehors de ce que nous en faisons”. Je suis d’accord avec cela, et je vois cela comme un espoir pour la survie d’autres et de nouvelles formes de bouddhisme.
Désolé, il y a une erreur dans le lien posté vers l'interview avec Glenn Wallis, voici le lien correct https://cswr.hds.harvard.edu/news/2019/03/11/case-against-buddhism
RépondreSupprimerLe bouddhisme peut apporter une forme d'omniscience pragmatique qui nous permettent en même temps de savoir et d'agir de manière adaptée.
RépondreSupprimerAux asiatiques il apporte la paix de l'esprit, endurance, patience et aux occidentaux de nouvelles façons d'aborder nos maux. Pour savoir combien ont atteint l'autre rive, il faudrait pourvoir bénéficier de l'omniscience qui permet de voir au-delà du monde visible. On dit que les bouddhas du passé sont innombrables et les bodhisattvas encore plus nombreux.
Peuvent le savoir ceux qui en font l'expérience.
J'ai lu le témoignage d'une personne ayant fait une initiation bouddhiste et qui pendant un très court instant a pu bénéficié de l'omniscience d'un bodhisattva. Cela lui a permis de comprendre ce que la pratique pouvait lui apporter et le chemin (immense) qui lui restait à parcourir.
Si le bouddhisme n'a pas apporté ce qu'il pourrait c'est parce que les bouddhas ne font qu'indiquer la direction. Si les gens ne veulent pas suivre la direction ou se perdent en route est-ce la faute du bouddhisme? Peut-être sommes nous trop arrogants, trop sceptiques pour demander plus d'aide de ceux qui pourraient nous guider.
Je trouve l'idée "d'avoir raté sa vie" trop forte. A minima, on pourrait arriver au terme de notre vie sans l'avoir vue passer.
On pourra se flatter d'avoir eu une vie trépidante, bien remplie et même heureuse comme peut l'être la vie d'un chat chez un maître bienveillant et attentionné. Mais la question sera de savoir si on n'est pas passé à côté, non pas de notre vie, mais de la dimension invisible et immatérielle de la réalité.
Tant qu'on ne soupçonne pas l'existence de cette dimension on pourrait penser comme Glenn Wallis qu'il s'agit de suffisance... Quelque chose d'accessoire dont on pourrait se débarrasser.
Pourtant ce n'est pas l’apanage du Bouddhisme, lisez une conférence d'un maître taoïste comme le Maitre Meng:
https://www.academia.edu/36724667/Ma%C3%AEtre_MENG_S%C3%A9minaire_Transcription_doc?email_work_card=view-paper
Il ne parle que de cela: du "sans forme". Il faut vraiment être sourd pour ne pas l'entendre. On peut aussi n'entendre que la suffisance dont il fait preuve pour se mettre aussitôt dans une position de déni... parce que ça fait peur... il parle sur un ton léger de la possibilité d'aller en enfer ou de se réincarner dans un animal.
Aucune incertitude dans son discours ni éphémère et pour cause, lui recherche l'immortalité des taoïstes et fait tout pour l'obtenir. Il parle avec la suffisance de celui qui sait.
Purifier son cœur permet d'aider les autres aussi sur le plan de la santé physique et mentale tout en ayant pour objectif d'obtenir le tao, le graal suprême du taoïsme.
Moi je lis ça d'un point de vue occidental, bouddhiste... je vois les points communs et les différences... mais sur l'essentiel, je suis d'accord avec lui et j'entends ce qu'il dit même si je n'ai pas désactivé mon esprit critique.
“Mais la question sera de savoir si on n'est pas passé à côté, non pas de notre vie, mais de la dimension invisible et immatérielle de la réalité.” Oui, c’est probablement sur le côté métaphysique/transcendant que nous différons. Si on peut “passer à côté”, et qu’elle demande un effort et une attention spécifique soutenus, elle n’est pas suffisamment présente naturellement pour moi.
RépondreSupprimerMerci de votre référence, je la regarderai. Juste une dernière précision. Pour Glenn Wallis (inspiré par le philosophe français François Laruelle), il ne s’agit pas de se débarrasser du patrimoine bouddhiste qui est l’objet de cette suffisance, mais de se débarrasser de la suffisance et d’aborder le patrimoine bouddhiste comme, ce qu’il appelle, une “Grande fête de la connaissance”. https://cswr.hds.harvard.edu/news/2019/03/11/case-against-buddhism
Si on peut “passer à côté”, et qu’elle demande un effort et une attention spécifique soutenus, elle n’est pas suffisamment présente naturellement pour moi.
RépondreSupprimerD'où l'importance de la méditation... La vacuité est naturellement présente entre deux pensées.
Vous dites d'un côté que les occidentaux donnent trop d'importance à la méditation (oubliant au passage à quel point elle est centrale dans le zen soto) et d'un autre que la dimension métaphysique n'est pas suffisamment naturellement présente alors qu'il suffit de s'assoir pour en faire l'expérience.
Non la question c'est qu'est-ce que la métaphysique et la transcendance peuvent nous apporter de plus par rapport à une vie éthique et auto-suffisante. Je pense que la réponse est dans les renaissances... Combien de vies ordinaires (et heureuses) faut-il pour avoir envie de sortir de ce cycle de vies? Tout est question de maturité et c'est bien pourquoi le prosélytisme ne sert à rien.
Merci de votre réponse et de l'échange SB. J'espère que votre sortie se passera en douceur ;-)
RépondreSupprimerMême si c'est du bon sens je tiens quand même à ajouter que avoir une vie éthique (et auto-suffisante) sans s’intéresser à la transcendance/métaphysique n'est pas critiquable négativement... en revanche, s'intéresser à la transcendance avant d'avoir une vie éthique (et auto-suffisante) c'est la porte ouverte à toutes les dérives... c'est la raison pour laquelle je suis plutôt en accord avec tout ce que vous écrivez sur ce blog. Bonne continuation.
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