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vendredi 18 décembre 2015

Non-agir et activité éveillée (ELF ch. 9)


Karyōbinga

Ensuite, le tathāgata étant entré (sct. saṃapatti) en absorption dans la pureté universelle du non-énoncé, l'être fulgurant lui demanda : "Bienheureux, quel est le sens de ce recueillement dans le non-énoncé, je vous prie de me le dire."

Eh, grand être (sct. mahāsattva),

[Ce sens] est compris en pensant que tout (sct. sarva) se manifeste simultanément
Sans ajouter aucune complication (sct prapañca)
Ni s'égarer du sens du Coeur (sct. hṛdayārtha)

Ceux qui, sans comprendre ce sens non-énoncé,
Conçoivent[1] tout comme égal
Sont comme un groupe d'aveugles
Voilà ce que dit le Bienheureux tathāgata.

Tout ce qui se manifeste, sans confusion, sans obstruction,
Y étant inclus, le Coeur est l'éveil même.
Il ne se représente pas et il est libre de toute acceptation et rejet
Il s'étend à tout, toujours en repos, examinant tout
Mais ne peut être signifié par aucun nom, mot ou symbole

La connaissance (sct. jñāna) insignifiable est le meilleur Corps
La manifestation sans lettre est la Parole (sct. vacana) [bien] comprise
La lumière manifeste non représentée est la meilleure Pensée
Ce qui se déploie spontanément, sans être recherché, dure depuis toujours

Il est le véritable sens universel sans aucune difficulté
Ce sens n'est pas une chose
Et celui qui le comprend est sans projet et inconcevable
Ainsi son projet (sct. cintā) est le projet universel (sct. mahacintā)

Tout comme l'oiseau Kalaviṅka[2]
Il réalise tous les projets sans les rechercher
Le meilleur sens est celui qui est spontanément présent sans être recherché.



Extrait du Tantra de l'effusion de la lumière fulgurante de l'authentique pensée éveillée souveraine, le neuvième chapitre sur le recueillement continu (sct. samāpatti)


***

[1] L'égalité conçue au lieu de l'égalité vécue

[2] L’oiseau kalaviṅka semble se traduire par un moineau ou un coucou (indien). Il est utilisé pour décrire une des soixante qualités de la voix du Bouddha, notamment dans le Discours du secret inconcevable du tathāgata (tib. de bzhin gshegs pa'i gsang ba bsam gyis mi khyab pa bstan pa'i mdo DG 47 sct. tathāgata-acintyā-guhya-nirdeśa-sūtra) du Ratnakuta (tib. dkon brtsegs). La voix du kalaviṅka est envoûtante, car elle est continue et devenant progressivement de plus en plus mélodieuse (envoûtante) en l’écoutant. La qualité envoûtante semble proche de celle des sirènes. Et en effet, au Japon, cet oiseau, appelé Karyōbinga, y est représenté comme un oiseau à longue queue avec une tête humaine. On lit aussi que cet oiseau chanterait déjà encore dans l’œuf. Cette qualité l’apparente au garuḍa, déjà adulte quand il est encore dans l’œuf.

Texte tibétain en Wylie

De nas de bzhin gshegs pa nyid/ mi gsung rnam dag chen po la/ ting nge ‘dzin la snyoms par zhugs/ rdo rje sems dpa’ bcom ldan ‘das/ mi gsung gzhag pa don gang zhig/ bdag la ji ltar bka’ stsal mjod//

kye sems dpa’ chen po//

kun snang dus gcig dgongs pas mkhyen//
gan la ci yang ma sbros te//
snying po’i don las g.yo ba med//

gsung med don ‘di mi shes par//
gang zhig thams cad mnyam rtog pa//
de ni long ba’i tshogs yin zhes//
bcom ldan de bzhin gzhegs pas gsungs//

gang yang ma ‘dres ma bkag gsal//
bsdus [583] pas snying po byang chub nyid//
de nyid rtog med blang dor bral//
kun khyab ye dal ma lus gzhig//
ming tshig brda yis mtshon du med//

mtshon med ye shes sku yi mchog//
yi ge med gsal go ba’i gsung*//
rtog med ‘od gsal thugs kyi mchog//
ma btsal lhun grub ye nas gnas//

‘di ni tshegs med don po che//
don nyid ci yang ma yin pas//
shes pa gang la’ang bsam med bsam gyis mi khyab par//
de ltar bsam pa bsam chen yin//

ka la bing-ka ji lta bur//
btsal med bsam pa kun grub phyir//
ma btsal lhun gnas don gyi mchog//


byang chub sems rje btsan dam pa ‘od ‘phro ba’i rgyud las/ mnyam par bzhag pa’i le’u dgu pa’o//

jeudi 17 novembre 2011

De quoi "Dzogchen" est-il le nom ?


Avec la diffusion du Dzogchen en occident, certains maîtres tibétains et leurs disciples occidentaux ont à cœur de donner une présentation exacte et sérieuse de cette voie dans ses textes et ses principes, parce qu’ils s’inquiètent de voir le tantrisme ou le Dzogchen découpé, fragmenté, reformaté, pour être acheminé « morceau par morceau, sur le grand marché du matérialisme spirituel ou des thérapies. »[1] Mais quand on regarde de plus près l’origine et l’évolution des doctrines, des pratiques et des croyances constituant les cursus des écoles tibétaines, on s’aperçoit rapidement qu’elles n’ont été constituées en un « ensemble », qu’une fois sur le sol tibétain, et après avoir été réformées, systématisées, réorganisées, complétées… au cours des siècles. Ce qui est un procédé tout à fait normal pour n’importe quel système religieux. L’origine et l’évolution des tantras, qui sont des « bricolages »[2] par excellence, sur le sol indien est très similaire.

L’unité des cycles d’enseignements proposés par les écoles tibétaines est uniquement de façade, ce qui finalement est très conforme aux doctrines du bouddhisme, où le soi ne présente qu’une unité de façade. Cela vaut pour le cycle du Chemin et du fruit (T. lam ‘bras) de l’école Sakyapa, pour les doctrines de l’école Kagyupa, dont le nom signifie « confluent de quatre transmissions (T. bka' babs bzhi brgyud pa) », lequel confluent a encore conflué avec des transmissions Kadampa, et aussi pour ce qu’on appelle Dzogchen, qui est selon ses propres historiens l’ensemble de trois approches différentes : sems sde, klong sde et man ngag sde. Chaque école aime présenter son cursus comme un package cohérent et indivisible, qui aurait été voulu et livré tel quel par un siddha ou un bouddha et transmis de façon ininterrompu jusqu’à nos jours.

Il est évident qu’une telle présentation donne une certaine force aux enseignements transmis, mais elle n’est pas conforme à la réalité. Dans chaque région où le bouddhisme s’est implanté au cours de son évolution, il s’est adapté à la culture locale. Il a été découpé, fragmenté, reformaté et on lui a même greffé des morceaux de culture locale. Une religion est un organisme vivant qui s’adapte à son milieu. Il est tout naturel qu’en arrivant en occident, le bouddhisme avec ses diverses formes et packages subisse le même sort.

Si par exemple un type de pratique comme la Section de la Conscience (T. sems sde) du Dzogchen, ou la Mahāmudrā de Maitrīpa, qui existaient de manière indépendante avant de faire partie intégrale d’un package proposé par une école tibétaine, est plus adapté à la culture occidentale, car moins grévé de bagages culturels indiens et tibétains, et permettant de travailler plus directement au niveau de la conscience, je vois mal comment on pourrait qualifier cela péjorativement de découpage, fragmentation ou reforme.

Le terme Grande complétude, Dzogchen, vient originellement du Guhyagarbha ou d’un autre tantra, mais désigne une doctrine qui est un syncrétisme entre mahāyoga et l’idée de la Spontanéité ou Pureté primordiale. Elle constituait bien une voie a elle seule, quand Rongzompa l’avait défendue au 11ème siècle, et qui correspondait à la filiation Dzogchen de Vairocana[3], dont Samten G. Karmay dit qu’il s’appuie sur le Coucou de l’Intelligence (T. rig pa’i khu byug), le premier de dix-huit petits traités constituant qui sera appelé plus tard la Section de la conscience (T. sems sde) et dont le Tantra du Roi pancréateur (T. kun byed rgyal po’i rgyud) est devenu la somme canonique. Les meilleurs représentants de cette filiation particulière de Dzogchen sont les maîtres gNubs sangs rgyas ye shes (11ème), Aro Ye shes ’byung gnas (Khams lugs) et Rong-zom Paṇḍita Chos kyi bzang po (Rong lugs). Selon Karmay, L’Entrée dans le système du Mahāyāna (T. Theg chen gyi tshul la ‘jug pa) est sans doute la meilleure œuvre du 11ème siècle sur le Dzogchen, qui nous soit parvenue. La tradition rattachée à la Section de la conscience a commencé à s’éteindre dès le 11ème siècle et au 17 siècle elle n’existait plus comme une lignée indépendante.

La Section de la Sphère mentale (T. klong sde), où la sphère mentale correspond à la totalité d’événéments mentaux, pris dans leur ensemble. Elle serait issue d’une tradition orale (T. rna brgyud) qui remonte à Vairocana. Le texte fondamentale de cette tradition est le court Pont vajra de la tradition orale ( T. rNa brgyud rdo rje zam pa), attribué à Vairocana. Le nom pont est intéressant et significatif. Le véritable organisateur de la section de la Sphère mentale est Kunzang Dordjé (Kun bzang rdo rje, fin 12ème s.). Après la mort de ce maître, cette tradition s’est éteinte aussi. Dans son projet de réorganisation, Longchenpa a consacré un volume (T. chos dbyings mdzod) aux deux traditions sems sde et klong sde.

C’est la troisième tradition, apparue en dernier et qui s’est développée particulièrement à partir du 14ème siècle, qui allait désormais devenir le facteur dominant dans le système Dzogchen, tel que nous le connaissons actuellement. Il s’agit de la Section des Préceptes (T. man ngag sde), et qui correspond au « Cycle du Goutte du Cœur » (T. snying thig). Cette tradition remonterait à Vimalamitra, qui aurait enseigné à Myang Ting nge d’zin les dix-sept tantras qui la constituent. Myang cacha les tantras qui allaient être redécouverts par lDang ma lhun rgyal et lCe btsun Seng ge dbang phyug au 12ème siècle. Certains critiques disent cependant que lCe btsun les avait composés lui-même.[4] La transmisison passa ensuite par Zhang-ston bKra-shis rdo-rje (1097–1167), qui avait écrit l’histoire de sa transmission (T. lo rgyus chen mo) et par Longchenpa (1308-1364), qui allait systématiser non seulement la Section de Préceptes, mais toutes les doctrines de l’école des anciens dans un ensemble de Sept collections (T. mdzod mdun).

Des trois Sections, les deux premières mettent l’accent sur la conscience (T. sems S. citta), qui est la base primordiale de l’expérience existentielle, « le roi pancréateur », et de l’éveil. La troisième Section, le système de la Goutte du Cœur (T. snying thig), part de la pureté primordiale (T. ka dag) et n’a pas d’autre objectif que de faire prendre conscience de celle-ci à travers deux méthodés, qui consistent à « trancher la rigidité » (T. khregs gcod) et à « franchir le pic » (T. thod rgal). La première méthode est « subitiste » (T. gcig car) et s’adresse plutôt aux personnes intelligentes et/mais paresseuses, tandis que la deuxième est « progressive » (T. rim gyis) et est destinée à ceux qui en veulent et qui seront recompensés par l’obtention du corps arc-en-ciel (T. ‘ja’ lus).[5]

Les classements sont toujours rétroactifs et se font souvent en fonction du dernier système apparu, qui a tendance à se placer en haut de la liste. Un classement est ainsi un « snapshot » de la situation à l’époque où il apparaît. Quand un nouveau classement fait jour, les correspondances entre l’ancien et le nouveau système doivent être établies.

Au départ, le « Dzogchen » était le nom donné au système de « la vue de l’identité universelle » (T. mnyam pa chen po’i lta ba[6]) qui remonterait à Vairocana et dont un des textes fondateurs serait « Le coucou de l’Intelligence » (T. rig pa’i khu byug). A l’époque du moine royal Ye-shes-’od, son édit met dans le même sac le Dzogchen de Vairocana (plus tard désigné par « sems sde ») et le « Guhyagarbha ». Il désigne l’ensemble par le nom « Dzogchen ». Plus tard, et logiquement après l’apparition de la troisième Section, celle des Préceptes, qui n’est autre que le Cycle de la Goutte du Cœur (T. snying thig), cette dernière devient la référence pour établir un nouveau classement. Le « Dzogchen » sera désormais la confluence des trois sections : celle de la Conscience (T. sems sde), celle de la Sphère mentale (T. klong sde) et celle des Préceptes (T. man ngag sde). Les correspondances sont alors établies entre ce nouveau classement et le classement des neufs véhicules (T. theg pa dgu), attribué à Padmasambhava. La Section de la Conscience (ex-Dzogchen de Vairocana) correspondra au véhicule de Mahāyoga, la Section de la Sphère mentale au véhicule Anuyoga et la Section des Préceptes (sNying thig) au véhicule Atiyoga. Elle devient ainsi le pinacle des neuf véhicules ainsi que le pinacle du « Dzogchen à 3 Sections». Elle comporte toujours des éléments subitistes de « l’ancien Dzogchen » dans sa méthode pour trancher la rigidité (T. khregs gcod), mais celle-ci est dominée par la méthode visionnaire et progressive du Franchissement du pic (T. thod rgal).

Petit tableau de correspondances (Neuf véhicules, trois Sections, Nyingma et Bön)


Karmay écrit qu’après le grand travail de régorganisation de Longchenpa, le système Nyingthig était développé davantage, mais qu’avec le système Klong chen snying thig de Jigmé Lingpa (T. ’Jigs-med gling pa 1730–1798), « la doctrine sNying thig n’était plus la philosophie du contemplatif serein du Sems sde, ni la méditation profonde de l’ascète apaisé du Klong sde, mais était plutôt envahie par un type de sādhana, et était par conséquent devenu très ritualiste. »[7]

***

[1] Philippe Cornu, Le miroir du cœur, avertissement
[2] On Supreme Bliss: A Study of the History and Interpretation Of the Cakrasaṁvara Tantra, par David Barton Gray. Gray emprunte ce mot à Levi-Strauss : « "[Le bricoleur se servant de la pensée mythique] est apte à exécuter un grand nombre de tâches diversifiées; mais, à la différence de l'ingénieur il ne subordonne pas chacune d'elles à l'obtention de matières premières et d'outils, conçus et procurés à la mesure de son projet: son univers instrumental est clos, et la règle de son jeu est de toujours s'arranger avec les “moyens du bord”, c'est-à-dire un ensemble à chaque instant fini d'outils et de matériaux, hétéroclites au surplus, parce que la composition de l'ensemble n'est pas en rapport avec le projet du moment, ni d'ailleurs avec aucun projet particulier, mais est le résultat contingent de toutes les occasions qui se sont présentées de renouveler ou d'enrichir le stock, ou de l'entretenir avec les résidus de constructions et de destructions antérieures." »
[3] The Great Perfection, Samten G. Karmay, 1989, p. 123
[4] Annales bleues, Roerich, p. 280
[5] (Karmay, 1989), p. 214
[6] Terme que ‘on trouve chez Rongzompa (11ème s.)
[7] (Karmay, 1989), p. 213

samedi 12 novembre 2011

Les Suiveurs de la Conscience




[3.4 Les Suiveurs de la Conscience (T. sems phyogs). Chengdu 212; Roerich 167)]

Sur les Suiveurs de la conscience.

[3.4.1 Introduction générale et défense des Suiveurs de la Conscience (Chengdu 212; Roerich 167)]

En ce qui concerne la « Section de la Conscience » (T. sems sde) de la Grande complétude, elle avait été enseignée par le Seigneur Mañjuśrīghoṣa, qui était le maître d'ācārya Buddhajñānapāda, au(x) moine(s) marié(s) (T. ban de chung ma can)[1].

La source des cycles d'instructions de [Buddha]jñānapāda, comme p.e. les Traditions orales (T. zhal lung) (S. Dvikramatattvabhāvana-mukhāgama), est le pandit Śrī Siṃha (paN+Di ta sing+ha) qui les étudia auprès du même Mañjuśrīmitra. Par la suite, Vairocana les étudia auprès de celui-ci [Śrī Siṃha]. Quand Vairocana était venu au Khams, il les avait enseignées partout[2].

De manière générale, le cycle des Traditions orales (T. rim pa gnyis pa'i de kho na nyid sgom pa zhes bya ba'i zhal gyi lung S. Dvikramatattvabhāvana-mukhāgama D715 et D716) de Buddhajñānapāda, les Suiveurs de la Conscience (T. sems phyogs) et les Suiveurs des préceptes (T. man ngag gi sde) ont beaucoup de points communs, mais quand ‘Bri gung dpal ‘dzin (14ème s.) (T. dpal 'dzin) [213] les corrigea (T. dag brjod) [Il avait publié une lettre circulaire autour de 1400], il avait dit que dans les commentaires, les pratiques (S. sādhana) et les instructions des nouveaux tantras même le nom « Grande complétude » (S. mahāsanti) ne figurait pas.

Cela montre combien sa vision était limitée, car il est écrit dans la Tradition orale de la culture de la réalité de l’état quiétif (S. Dvikramatattvabhāvana-mukhāgama[3] T. 'jam dpal zhal lung en abrégé, titre complet :  rim pa gnyis pa'i de kho na nyid sgom pa zhes bya ba'i zhal gyi lung)
« La Grande complétude est l'incarnation de l'intuition universelle[4]».
Fin de citation.Vitapāda (T. sman zhabs) [auteur du commentaire du Zhal lung] explique en outre que cela correspond à "la réalité telle quelle" (T. ji lta ba'i don).[5]

Le nom « Grande complétude » figure aussi dans l'Explication de la pratique (S. sadhāna) de Samantabhadrī (T. yan lag bzhi pa'i sgrub thabs kun tu bzang mo zhes bya ba'i rnam par bshad pa S. Caturaṅgasādhanasamantabhadrī-nāma-ṭīkā TG 1872) composée par [Buddha]jñānapāda, et dans le Trésor des siddhi (T. dpal gsang ba 'dus pa'i sgrub pa'i thabs dngos grub 'byung ba'i gter S. Śrī-Guhyasamājasādhanasiddhisaṃbhavanidhi-nāma TG 1874) composé par Vitapāda.
Et aussi dans le Commentaire des Traditions orales (T. mdzes pa'i me tog ces bya ba rim pa gnyis pa'i de kho na nyid bsgom pa zhal gyi lung gi 'grel pa TG 1866), il est fait mention des cinq consécrations des Puissances (T. nus pa'i dbang lnga po) enseignées dans le Guhyagarbha Tantra (T. gsang ba'i snying po)[6]. Cela correspondrait également à ce qui est enseigné dans les Mahāyoga tantras.

Il est d'ailleurs dit dans la Tradition orale (T. rim pa gnyis pa'i de kho na nyid sgom pa zhes bya ba'i zhal gyi lung S. Dvikramatattvabhāvana-mukhāgama D715[de [Buddha]jñānapāda] :
« Recommandé par toutes les lumières du triple monde
Le coeur de tous les phénomènes (S. dharma) qui est l'accomplissement (S. siddhi), le Réel (S. tathatā),
Qui détourne les eaux empoisonnées de l'existence et brille au-dessus de l'intérieur putride du triple [monde]
Sera expliqué pour y donner accès à travers la tradition de Mañjuguru. »
 Fin de citation. Et encore, dans « L'Or fondu qui se répand » (T. rdo la gser zhun), le premier des dix-huit traités sur la conscience (T. sems sde)[7] :
« Parfaitement et également recommandé par tous les guides qui sont les lumières du monde
Ce qui constitue le coeur des phénomènes dans les phénomènes est l'essence (tattva) du coeur de Mañjuśrīkumāra
Comme elle (tattva) est la mère de tous les Bienheureux (S. sugata), elle est l'unique chemin de tous les Vainqueurs
Ainsi que le Champs de tous les océans de l'ascèse des Perfections comme l'éthique etc. »
 L'usage des mots dans ces citations semble en effet très similaire. Dans le cas présent,
« Ainsi que la base (T. gzhir au lieu de zhing précédemment) de tous les océans de l'ascèse des Perfections comme l'éthique etc. »
cela refute les Suiveurs des Techniques (S. upāya-caryā) de la Grande complétude et ne les affirme clairement pas. Il est d'ailleurs dit dans la Tradition orale [de [Buddha]jñānapāda] :
« Les phénomènes, telle la matière (S. rūpa) etc.
Sont de la nature de l'Omniscient (S. sarvajñā)
Authentique comme le centre de l'espace
Tel est l'intuition de la non dualité de ce qui est sous-jacent et apparent. »
Fin de citation.
Si on en développe le sens,
« A l'abri de toute construction mentale
Elle ne peut être ni conçue ni exprimée
Elle s'étend partout comme le ciel découvert
Et est appellée [pour cette raison] « le principe sous-jacent libre d'imagination  (S. akalpita?) »
Dotée de la forme/substance de la Mahāmudrā
Elle apparaît comme un arc-en-ciel irréel (S. māyā)
Quand l'esprit de soi et autrui est purifié
Il s'appelle « manifestation authentique »
Voilà ce qui est écrit dans Guhyasamāja muktitilaka (D721)[8].

Par conséquent, les Suiveurs de la Conscience (T. sems phyogs pa rnams) [n'affirment] pas la non existence totale (S. atyant-oparama = atyanta-a-parama) du rayonnement [de la conscience][9], mais ils mettent plutôt (T. shas che bar snang) l'accent sur l'aspect de la réalité sous-jacente (T. zab mo'i phyogs).Les Suiveurs des préceptes (T. man ngag pa rnams) en revanche [affirment] bien l'aspect de la réalité sous-jacente, mais mettent plutôt l'accent sur le rayonnement [de la conscience]. Les Suiveurs de la Nature[10] (T. klong gi skor rnams S. āvarta, nisarga) expliquent l'importance égale de la réalité sous-jacente et le rayonnement [de la conscience].

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Il s’avère de ce passage des Annales bleues, qualifié par Samten G. Karmay de « première fois que l’on mette en question l’existence de Dzogchen dans les nouveaux tantras en réponse aux attaques de dpal ‘dzin (1400) », que la source première canonique de la Section de la Conscience du Dzogchen serait [Buddha]jñānapāda et plus précisément ses Traditions orales (T. rim pa gnyis pa'i de kho na nyid sgom pa zhes bya ba'i zhal gyi lung S. Dvikramatattvabhāvana-mukhāgama).

***

Illustration : Geu lotsawa

MàJ081012 Selon Sam van Schaik (The Early Days of the Great Perfection, p. 167, n.6), le terme sems sde apparaît pour la première fois au 11ème siècle.

[1] Roerich traite ban de chung ma can comme un nom propre, et suggère Dārika (le siddha-roi vendu à une prostituée et qui la servait pendant 12 ans. Identifié quelquefois à Matsyendra ou à son « fils » Mīnanāth. Selon les sources tibétaines, quand le pécheur meurt, il renaît comme Dārika   ). On peut aussi le prendre comme un groupe nominal et traduire par « moine(s) marié(s) ». Quand Vitapāda (T. sman thabs) raconte la rencontre entre Buddhaśrījñāna et Mañjuśrīmitra, il précise que ce dernier avait une femme et qu’il porta une robe ouverte, un turban sur la tête…
[2] Voici ce qu’écrit ‘Gos. J’y attache personnellement peu d’importance. « On dit (T. grags) que Vairocana les a expliquées en deux temps et à trois reprises au Khams. Une première fois dans l'ermitage mGon po'i dgon pa à rGyal mo rong gi brag à la reine (T. rgyal mo) g.Yu sgra snying po). Il les aurait enseignées à gSang ston ye shes bla ma, dans l'ermitage stag rtse mkhar gyi dgon pa à tsha ba rong. Puis au mendiant sangs rgyas mgon po dans l'ermitage brag dmar gi dgon pa à stong khung rong. Dans le passé, il les aurait encore enseignées au roi et plus tard, il les enseignerait encore à la nonne La zi shes rab sgron ma. Cela fait cinq fois en tout. »
[3]  Karmay écrit : However, the work in question was probably translated only in the eleventh  century A.D. and it is not easy to guess what the original Sanskrit term  was in the line.
[4] rdzogs pa chen po ye shes spyi gzugs can/ La citation complète : rdzogs pa chen po ye shes spyi yi gzugs// yongs su dag sku rdo rje 'chang chen po// dpal ldan kun gyi ngo bo rim gnyis 'dis// sdug bsngal lam bcas bskal ba gsum du yang// rang gi rjes mthun byang chub bla dang bcas// thob nas de bde cung tzam rab tsogs pa// rnal 'byor de yis ci phyir de mi sgom// dad dang brtzon 'grus ting 'dzin shes rab dang// dran pa'i blo yis gong gi rim pa ltar// yid dga'i gnas brten kun du bzang po mchog /lam 'di bsgom par bya 'kho na'o/
[5] Karmay : ’Gos Lo-tsà-ba gZhon-nu-dpal without giving any  references states that Vitapàda (sMan-zhabs) explained the term rdzogs chen as “meditation  on the ‘proper object’” and this explanation according to G.N. Roerich (BA p. 168) is in  Caturangasādhanasamantabhadrìnàmatika of Vitapàda (Vol. 65, No. 2735), but in this work there  is no such explanation, see p. 201–1–1 where there is a discussion on the term rdzogs chen.  On the other hand, in his mDzes pa’i me tog ces bya ba’i rim pa gnyis pa’i de kho na nyid sgom  pa zhal gyi lung gi ’grel ba (Vol. 65, No. 2729, p. 68–4–3), Vitapàda explains that the term  rdzogs chen refers to rim pa gnyis pa (i.e. rdzogs rim): rdzogs pa chen po zhes bya ba ni rim pa gnyis  pa’o/.
[6] Je n’ai pas trouvé de terme « cinq consécrations des Puissances » dans l’outil de recherche d’ACIP. Selon Rigpawiki : five empowerments conferred as an entry point to the practice of Mahayoga in order to ripen students who have energy.
the empowerment of Ratnasambhava concerning listening
the empowerment of Akshobhya concerning meditation
the empowerment of Amitabha concerning teaching
the empowerment of Amoghasiddhi concerning enlightened activity
the empowerment of the five buddha families concerning the infinite teachings of the vajra king. Références : Jamgön Kongtrul, The Treasury of Knowledge, Book Six, Part Four: Systems of Buddhist Tantra, translated by Elio Guarisco and Ingrid McLeod (Ithaca: Snow Lion, 2005), page 315.
Longchenpa, Dispelling Darkness in the Ten Directions, pages 372-376.
[7] Geu cite ici un des dix-huit traités de la section de la conscience, « L'Or fondu qui se répand » (T. rdo la gser zhun), qui ne serait sans doute pas reconnu comme une source authentique par dpal 'dzin. Selon la hagiographie de Vairocana, il s'agirait du compte-rendu écrit par Mañjuśrīmitra des instructions que celui-ci avait reçu de 'dGa' rab rdo rje. Source : Samten G. Karmay, The Great Perfection, p. 19. Détail, Mañjuśrīmitra le disciple de Garab Dordjé est Mañjuśrīmitra l'ancien, tandis que le maître de [Buddha]jñānapāda est Mañjuśrīmitra le jeune.
[8] toh: 1870), attribué à Vitapāda
[9] Qui correspond à la phase de création selon le commentaire de Vitapāda « gsal ba zhes pa ni bskyed pa'i rim pa'o/ ches gsang ba zhes pa ni dngos po thams cad kyi de bzhin nyid do// de rnams ston par byed pa'i gong na med pa'i lung chen po ni 'dus pa'o ». « Kula est le mystère au-delà des états quiescents et émergents » Silburn
[10] Sur le terme « klong », souvent et apparemment par facilité traduit par « Espace ». En sanscrit : āvarta ou nisarga : [ni-sarga] m. évacuation; défécation | abandon; don, récompense | condition naturelle, nature innée. Entrée de Dan Martin : [= klongs]. receptive centre. Skt. āvarta, 'spiral inward' [M.Vy.], 'turning-place, whirlpool.' Nisarga [http://sanskrit.inria.fr/DICO/36.html#nisarga], 'array, nature.' Vipula, 'large, extensive, vast.' Stein. 75 2. See Germano, Poetic Thought 937, for the cowardly translation 'space.' This seems quite close to Sino-Tibetan words for 'middle' (related to Tib. gzhung); Coblin, Sinologist's 53. nags klong ni nags tshal chen po'i khrod. chu klung ni chu chen po. dba' klong ni rba rlabs. Utpal 11.2. Achard, L'Essence 88 n. 41.
[11] rtza ba'i rgyud kyi snying po 'dus pa nges par brjod pa'i rgyud bla ma rtza ba rtza ba'i 'grel pa (tg 1414) dans la cadre de la pratique avec dūtī, dbang gi cho ga'i rim pa zhes bya ba (tg 1535), dpal gsang ba 'dus pa'i dkyil 'khor gyi cho ga'i 'grel pa (tg 1871)(dans le cadre des pāramitā), mtsan yang dag par brjod pa'i 'grel pa tsul gsum gsal ba zhes bya ba (tg 2091), yang chub kyi sems bsgom pa don bcu gnyis bstan pa  (tg 2578) (theg pa chen po'i thabs kyi spyod pa)