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dimanche 20 juin 2021

Rappel de la clause de non-responsabilité à Sagesses bouddhistes (20/06/2021)


Sagesses bouddhistes 20/06/2021
Quest-ce quun maître authentique ? Invité : Matthieu Ricard interrogé par Sandrine Colombo Aoun
Sagesses Bouddhistes propose aujourd’hui une rencontre avec Matthieu Ricard, en Dordogne, une belle région de France où, le long de la Vézère, plusieurs centres tibétains se sont implantés dès les années 70, fondés par de grands maîtres tibétains aux qualités spirituelles exceptionnelles.”
   *Les sous-titres (si vous les activez) ne reflètent pas toujours la formulation exacte. Je résume ici les thématiques qui m'intéressent plus particulièrement, parfois avec mes propres formules, et place quelques commentaires personnels précédés d’un *.

Maître


Il y a différents degrés de maîtres spirituels. Un instructeur (skt. ācārya tib. mkhan po), un “ami de bien” (skt. kalyāṇamitra), celui qui vous donne des voeux de libération personnelle, celui qui donne les voeux de bodhisattva, et finalement le maître ésotérique (skt. guru tib. bla ma), qui vous “montre la nature de l’esprit”, et qui est votre maître-racine.

Idéalement, ce maître emblématique du vajrayāna est “comme un grand-père ou une grand-mère éminemment bienveilant(e)”.

Ce dernier type de Maître (ci-après avec un M majuscule) a 1. une sagesse illimitée, 2. une compassion illimitée, et 3. pas la moindre considération pour des préoccupations mondaines. Ce type de Maître, authentique, est rare comme une étoile en plein jour.

Lignée

Les Maîtres, rares et précieux, appartiennent à une “Lignée”, une transmission et une tradition ininterrompue (00:00:05 “un chaîne de maillons d’or ininterrompu") depuis le premier “maître”, le Bouddha. Une tradition ne se réinvente pas du tout à tout, et ne peut se préserver que par une transmission orthodoxe et conforme, qui “garantit” son efficacité, ainsi que l’authenticité du Maître. Fort de la tradition, de la lignée et de son expérience authentique, un Maître est comme un “marin expérimenté”, qui à l’aide d’une carte, et d’une boussole montre le Pôle Nord de la nature de l’esprit au disciple.

Il y a beaucoup de Maîtres, mais peu de Maîtres “authentiques”. Il y a aussi beaucoup de charlatans, et l'Occident, où il n’ y a aucune “substance derrière” les spiritualités proposées, y est très sensible, tandis qu'au Tibet, les charlatans, on les voyait arriver de loin.

Nécessité d’examiner un Maître


Il est difficile de trouver un “Maître authentique”, qui en plus vous corresponde. Il est donc bon au début de rencontrer plusieurs Maîtres, et de les examiner, ce qui est très clairement expliqué dans les textes… [quand-même...]. C’est un point extrêmement important. Les “Maîtres non-authentiques” se reconnaissent à leur orgueil, au manque de cohérence entre leurs paroles et leurs actes, etc.

Les dérives (00:06:40)

L’existence de “Maîtres non-authentiques” (ou de charlatans) est extrêmement dangereuse, peu souhaitable, mais cela arrive dans un milieu “non-traditionnel”. 

   *J’observe, si les Maîtres “authentiques” sont rares comme des étoiles en plein jour, les “Maîtres non-authentiques” devraient logiquement être aussi nombreux que les étoiles dans un ciel dégagé pendant la nuit. C’est malheureux. Ce problème mériterait sans doute davantage d'attention.


Au Tibet, tout le monde connaît les “lamas qualifiés” et les charlatans n’ont aucune chance. En Occident, il en va autrement, les Maîtres entourés d’une aura venant du Tibet, s’ils n’ont pas les qualités “authentiques”, “cela peut mal tourner”.

   *J’interprète, c’est la naïveté et la crédulité des Occidentaux, qui fait que des Maîtres “non-authentiques” et “non-qualifiés” “du Tibet” sont pris pour des Maîtres “authentiques”. La "certification ISO-Tulku" existe cependant au Tibet, mais elle doit être déficiente. Les textes précisent clairement qu’il faut toujours examiner un Maître, avant de s’engager auprès de lui. Lisez le manuel, et les petites lettres…

Quelques causes possibles
Les gens vulnérables cherchent une source de réconfort ou d’enseignement, et ils se fient à ces personnes. C’est très risqué.” (00:07:35)

Il y a eu des cas. Alors, ça peut aussi bien être des défauts individuels, dans toute population il y a 3% de psychopathes, de pervers, etc.”

Il y a aussi un système, parce que bon, le Maître jouit d’une certaine autorité.” (00:00:58)

Le soi-disant Maître spirituel peut utiliser cette autorité pour obtenir des faveurs de tout genre, financières, sexuelles ou autres.” 
Et il y aussi des dérives sectaires. Il faut être très attentif à tout ça.”
   *Les gens "vulnérables" tombent plus facilement victimes des charlatans. Leur vulnérabilité n'est pourtant pas imputable au bouddhisme tibétain.  Il y a toujours quelques pommes pourries partout. Le risque d'un système très autoritaire aurait mérité davantage d'attention, surtout quand il s'agit d'abus de pouvoir. Les dérives sectaires ne sont pas inhérents au bouddhisme tibétain et sont possibles y compris en dehors des religions. 

Dénoncer les dérives et accueillir les victimes
Le Dalaï-Lama a très souvent dit que si on voit qu’un enseignement n’est pas conforme à l’enseignement du Bouddha, s’il est cause de souffrances, il ne faut pas hésiter à dénoncer ça, ceux qui en ont été victimes, ceux qui en ont été témoins (00:08:20).”

Il faut, malgré tout, qu’il y ait une certaine forme d’accueil pour toutes ces victimes (00:008:30), qui souffrent d’abord, ensuite sont laissées pour compte, pour qu’elles puissent s’exprimer suffisamment tôt. Ca c’est valable dans toutes les communautés humaines. Tout ça c’est un petit peu ce qui se passe dans un contexte où le bouddhisme a été déraciné."
   *On note que le facteur Shangrila persiste même chez une personne aussi savante et avertie que Matthieu Ricard. Il semble suggérer que dans les communautés tibétaines, ces dérives n’existeraient pas. Uniquement en Occident, dans un contexte d’un bouddhisme un peu déraciné, où les nouveaux convertis sont crédules, naïfs, “manquant de [bons ?] repères” (00:08:53), les adeptes ne suivent pas les textes qui disent pourtant très clairement d’examiner les Maîtres, et deviennent ainsi les victimes d’abus de pouvoirs de Maîtres non-authentiques. Dans les communautés tibétaines, où le bouddhisme est parfaitement enraciné, il n’y aurait pas besoin d’alerter les médias, d’accueillir les victimes, etc. Après avoir expliqué que les abus de pouvoir arrivent “dans toutes les communautés humaines”, voici que Matthieu Ricard nous semble dire implicitement qu’ils n’existeraient pas dans les communautés tibétaines. C’est du niveau du président Iranien Ahmadinejad, quand il déclarait quil ny avait pas dhomosexuels en Iran
C’est donc très important d’être éminemment attentif, d’autant plus que “le bouddhisme est peu organisé de manière hiérarchique” (00:09:00). Vous n’avez pas tout un échelon de personnes qui sont censées regarder ce qui se passe à droite et à gauche. La plupart des centres sont indépendants, comme les monastères au Tibet”.
Conclusion

Donc, beaucoup de vigilance, et surtout étudier les textes décrivant les caractéristiques des Maîtres authentiques” (00:09:10).
   *Des ”Disclaimers” (“Dégagement de responsabilité”), on appelle de tels "textes" à notre époque.
Si quelque chose ne semble pas en accord avec le Dharma, ne pas hésiter à le faire savoir.”

Finissons sur ce bon conseil. La suite de l’entretien se poursuit sur les aspects plus connus de la fonction du maître bouddhiste tibétain.  





























jeudi 30 juillet 2015

De l'orientalisme des néobouddhistes rationalistes de l'Occident



Le terme orientalisme et ses dérivés réfèrent à la vision de l’Orient par l’Occident, un Orient créé par l'Occident. Au départ dans un cadre post-colonial (Edward Said, Orientalism, Culture and Imperialism), mais on voit apparaître le terme également de plus en plus souvent dans des œuvres récentes (Donald S. Lopez, Bernard Faure…) où est abordée, nommément ou non, la vision « orientaliste » du (néo)bouddhisme en occident. Il s’agirait en fait de la méconnaissance du « bouddhisme » « oriental » par « l’Occident ». Par cette méconnaissance, l’Occident aurait qualifié le bouddhisme dans un premier temps de « culte du néant », puis d’une sorte de courant spirituel rationnel des Lumières en Asie (bouddhisme protestant), une philosophie etc., et cela en ignorant ses aspects les plus religieux, et en passant ainsi à côté du vrai bouddhisme asiatique ou « bouddhisme classique ».

Selon Bernard Faure, les "néobouddhistes occidentaux" ont la présomption de comprendre le vrai message du Bouddha, tandis que les peuples d’Asie qui l’avaient pratiqué pendant des siècles ne le comprenaient pas.[1] Faure condamne d’ailleurs à la fois les néobouddhistes rationalistes (le bouddhisme serait « extrêmement religieux ») et les bouddhistes occidentaux de tendance anti-intellectualiste (« Pour une religion, le bouddhisme est plutôt philosophique. ») pour leur manque d'équilibre.

Une telle présentation essentialise l’Occident, l’Orient et le bouddhisme, qui sont comme figés dans des blocs immuables. C’est ignorer que l’Occident a eu ses propres religions, qui ont évolué au cours des siècles, en s’adaptant à l’évolution de « l’Occident ». Les grecs en premier avaient pris leurs distances avec leur mythologie, leur dieux, et avec certaines de leurs « superstitions ». En « Orient », où les grecs furent d’ailleurs présents peu après l’apparition du Bouddha, ce dernier semblait avoir pris ses distances avec certains aspects des mythes, du brahmanisme, de la pratique de la géomancie, de mantras etc. tout en les réintégrant (simultanément ou ultérieurement) dans ses enseignements mahāyānistes.

En fait, dans quasiment chaque religion, occidentale ou orientale, on peut constater une tension historique entre des aspects plutôt rationnels, plutôt religieux ou plutôt mystiques/dionysiens. La raison n’est pas le monopole de « l’Occident » et la foi n’est pas celui de « l’Orient ». L’Orient a eu ses « néobouddhistes rationalistes » comme « l’Occident » a eu ses fanatiques religieux.

Et le bouddhisme n’a pas d’essence, ce serait le comble... Il est ce que ces adeptes en font, en Asie comme en Occident. Si le « bouddhisme » a deux aspects « en Orient », philosophique et religieux, il n’est pas dit qu’il doit avoir ou aura ces mêmes deux aspects « en Occident » pour « guérir l’Occident ».[2] « L’Occident » a-t-il (toujours) besoin des aspects religieux, de tous les aspects religieux des religions qui l’inspirent ? Les religions guérissent-elles (ou éveillent-elles) leurs adeptes ?

***

[1] Bernard Faure, Unmasking Buddhism, p. 38 « It would be presumptuous, however, for us Westerners to assume that we can easily identify and understand the true teaching of the Buddha after centuries of oblivion and deviations, while arguing that the people of Asia, who practiced it for such a long time, never really understood it. »

[2] « Il tient en fait que le maintien de ces deux aspects - philosophique et religieux – est une des conditions pour que le bouddhisme guérisse l'Occident de son inclination à toujours couper la réalité en deux, lui apprenne à "penser ensemble” ce qui relève pour lui de l’antinomie et finisse par combler "l’écart entre le matériel et le spirituel creusé par le christianisme et élargi par le cartésianisme”. » Louis Gabaude. Bernard Faure, Bouddhismes, philosophies et religions, Aséanie, 1998, vol. 2, n° 1, pp. 181-187.

lundi 3 mai 2010

Tendances contemporaines en matière du Karma



L'indiologiste Wilhelm Halbfass (1940-2000) avait détecté des nouvelles tendances dans la compréhension du Karma dans l'hindouisme contemporain. Il les a résumé dans son article "Indian Conceptions of Karma and Rebirth" [2].

1. Le Karma est, plus ou moins dissocié des implications mythologiques traditionnelles du saṃsāra, y compris les cieux, les enfers et autres royaumes d'existence transempiriques ; la renaissance elle-même est considérée comme un additif moins essentiel du Karma.

2. Le Karma est présenté comme une notion fondamentalement scientifique, une "loi et principe" complète ainsi qu'un principe d'explication qui annule et remplace toute causalité purement physique et toute régularité.

3. Il y a un intérêt plus grand pour des preuves empiriques, des études de cas, et pour la collecte et l'analyse de revendications personnelles de cas de renaissance ; les recherches qui vont dans ce sens sont étrangères au traitement traditionnel des notions du Karma et de la renaissance.

4. La doctrine est associée avec les concepts occidentaux contemporains d'évolution et de progrès ; l'univers du Karma et de la renaissance est moins un royaume du saṃsāra où l'on erre sans but et qui appelle à la transcendance et la libération ultime (moka) qu'une sphère d'autoperfectionnement et de développement spirituels potentiels.

5. En réaction au réalisme européen, toutes les implications fatalistiques du Karma sont rejetées avec force et passion, tout en mettant l'accent sur sa compatibilité avec l'action, les initiatives et la responsabilité sociale.

6. Les notions de "Karma collectif", "Karma de groupe" ou même "Karma national", qui n'existaient pas dans la théorie traditionnelle du Karma, mais qui semblent aller de soi dans la théosophie, émergent dans la pensée et le discours néo-hindou, bien que leur utilisation soit plutôt insaisissable et dans certains cas, purement rhétorique.

On trouve ses tendances aussi dans le bouddhisme contemporain. Des lamas tibétains contemporains, comme par exemple Ringu Tulku, parlent de Karma collectif.[1] Pour le Théravadin contemporain Padmasiri De Silva le karma est principalement une théorie de développement psychologique et caractérologique tandis que toutes les implications de justice morale et de rétribution sont atténuées.

[1] Et si vous m'expliquiez le bouddhisme ? p. 74

[2] Routledge Encyclopedia of Philosophy (London: Routledge, 1998), Volume 1, p. 216