dimanche 27 décembre 2020

En l'âme et conscience d'un bouddhiste


© Morning Brew/Unsplash

« [Sāti le fils du pêcheur:] “Si je comprends bien le dhamma enseigné par le Bouddha, c’est la même conscience [P. viññāna] qui se promène et vogue à travers les différentes renaissances, pas une autre.”
[Le Bouddha:] “Qu’est-ce que cette conscience, Sāti?”
[Sāti:] “C’est ce qui parle, ressent et fait l'expérience ici et là des fruits des bonnes et mauvaises actions.”
[Le Bouddha:] “Tu as mal compris ; à qui m’as-tu jamais entendu enseigner le dhamma en ces termes? Tu n’as pas compris ; dans beaucoup de mes discours n’ai-je pas affirmé que la conscience apparaisse à cause de certaines conditions, parce que sans condition il n’y a pas d’origine de la conscience ?...
“Moines, la conscience est reconnue par les conditions particulières à partir desquelles elle apparaît. Quand la conscience apparaît en dépendance des yeux et à des formes matérielles, elle est reconnue comme la conscience des yeux, etc… de la même façon que le feu est reconnu par la condition particulière de laquelle il dépend pour brûler – quand un feu est fait de bûche, il est reconnu comme feu de bûche.
” [Majjhima Nikaya 38, i 258-9] »
Le mot “conscience” ci-dessus, correspond au terme “viññāna” en pāli et à “rnam shes” en tibétain. Le mot ancien “bla” (ou brla orthographe ancienne) en tibétain semble avoir un champ sémiotique assez large, qui appartient plutôt au domaine chamanique pré-bouddhiste. Certains de ceux qui ont étudié le principe “bla” de plus près (p.e. Barbara Gerke) semblent ne pas accepter la traduction “âme” ou “soul” comme traduction. En s’éloignant en revanche de ces définitions, et en considérant notamment les pratiques relatives au “bla” après la mort, il devient difficile de ne pas y voir des pratiques qui visent ce que l’on appelle communément “l’âme du mort”. Il est difficile de parler de “force vitale” dans ce cas.

Plus tard dans la tradition tibétaine, le mot “bla” faisait partie d’un triade, dont le “bla” constitue le support du souffle (dbugs) et de la force vitale (srog).[1] Puis également, de façon plus “psychique”, le “bla” sert de “support” au mental (manas) et à la pensée (citta), ce qui semble le rapprocher de la conscience fondamentale (ālayavijñāna). Donc, une triade plutôt “substantielle” doublée d’une triade plutôt “psychique”. Est-ce le même “bla” qui sert de support aux deux ?

Les pratiques “bla” peuvent être considérées comme chamaniques, thérapeutiques, psychosomatiques, etc. du vivant du bénéficiaire, mais après la mort, par la force des choses, le “bla” s’approche nettement de ce que l’on appelle communément “l’âme du mort”, ou de la “conscience” selon Sāti le fils du pêcheur. Surtout quand on considère les pratiques tibétaines telles que “guider la conscience” ('dren pa) du mort dans le Bardo. Pratiques tibétaines, plutôt que bouddhistes, vue la réaction du Bouddha ci-dessus. Il serait inévitable d’éviter ce rapprochement lors de réunions œcuméniques, ou simplement dans l’esprit de ceux (y compris les fidèles) qui ne sont pas des experts en la matière. Il a beau exister un grand nombre de mots pour la neige (selon une légende urbaine) chez les Inuits, cela reste de la neige.

Je ne suis pas expert en l’époque de l’empire tibétain pré-bouddhiste et l’introduction du bouddhisme au Tibet, et ne saurais pas comment identifier des arbres historiques dans les forêts de légendes. Je laisse cela à d’autres. Des documents retrouvés à Dunhuang[2] parlent néanmoins de prêtres royaux (tib. sku gshen), parmi lesquels un certain gShen-rab Myi-bo, qui guidaient l’âme du roi défunt (sku bla) vers les montagnes (célestes), le Mont Khenbalung etc.

Le bouddhisme a ses propres contradictions afin de pouvoir disposer d’un non-soi (quelque soit sa définition), d’une “conscience” qui “apparaisse à cause de certaines conditions”, et qui, à défaut de ces conditions, n’apparaisse pas, qui n’est donc pas une “essence”, ou un support (a-pratisaraṇa), et qui n’existe pas en dehors des cinq agrégats, etc., et, “en même temps”, d’une sorte de support porte-karma pour transférer le karma accumulé. Le bouddhisme aime la liberté, mais en même temps il semble avoir besoin d’une garantie éthique, pour que cela ne devienne pas n’importe quoi.

Les notions de Bardo, une existence intermédiaire entre la mort et la naissance suivante, et de pratiques pour guider “l’âme” dans le Bardo, vers un paradis, ou vers une nouvelle existence, n’existaient pas dans le bouddhisme, avant qu'il n'apparaisse dans le bouddhisme tibétain. Il est possible de faire des prières pour les morts, de faire des offrandes, y compris pour alléger leurs souffrances, il est possible de transférer le mérite, mais il n’y est pas possible de guider une “âme” perdue dans le Bardo selon les critères bouddhistes ("les quatre sceaux").

Et pourtant, ces pratiques existent dans le bouddhisme tibétain, et selon la tradition, elles seraient apparues en premier dans l’école des Anciens (Nyingma), qui s’est elle-même nommée ainsi. C’est un mage bouddhiste du nom de Padmasambhava, qui serait venu en aide à un paṇḍit indien, Śāntarakṣita, pour introduire le bouddhisme au Tibet, quand ce dernier aurait rencontré beaucoup de résistance de la part des prêtres indigènes (“Bönpo”). Avec ses nombreux pouvoirs (siddhi), Padmasambhava aurait réussi à convertir le roi, ses courtisans et finalement le peuple tibétain, même si la résistance des “Bönpo” perdurait. Padmasambhava aurait transmis toutes les instructions de l’école des Anciens, nécessaires immédiatement à ses contemporains, et avait fait en sorte que des instructions plus pointues et adaptées, apparaîtraient aux époques opportunes, où elles seraient ré-découvertes par des “Terteun”.

Il se trouve que les enseignements attribués à Padmasambhava comportent de nombreux éléments étrangers à une doctrine bouddhiste plus “classique”, et notamment ceux qui concernent le guidage de la conscience dans le Bardo. Se pourrait-il qu’il y ait un lien entre des éléments de la religion indigène tibétaine et la forme tibétaine du bouddhisme  ? Se pourrait-il que la “conscience” s’est davantage étoffée, et penche désormais nettement vers l’être ? Il y a bien la doctrine étayant les pratiques du Bardo, qui fait de son mieux pour maintenir le “en même temps”, mais il y a surtout les pratiques (la praxis), qui semblent moins s’encombrer d’aspects doctrinaires ; “moyen habile” (upāya) oblige.

Certaines écoles du bouddhisme tibétain se targuent d’être des lignées qui se consacrent essentiellement à “la pratique”. “La pratique”, ce sont essentiellement “les pratiques” d’une lignée spécifique. Dans les monastères tibétains, la plupart des moines se livrent à ces “pratiques”, avec une connaissance de la doctrine bouddhiste assez limitée, ce qui ne veut dire pas que cela soit indispensable pour bien vivre sa vie, mais c'est un autre débat. La même chose peut être dite pour les nouveaux convertis occidentaux. L’essentiel est de pratiquer, les rassure-t-on, et “pratiquer” revient alors à faire “les pratiques”, et de “bien se préparer” à la mort, comme le dit le philosophe. Donc des “pratiques”, qui préparent à la mort, et qui nous aideront même après la mort, dans le Bardo, à trouver de bonnes conditions, pour continuer à pratiquer la vie suivante, c’est ce qu’il doit y avoir de mieux !

Il faut dire que le succès du bouddhisme, et notamment du bouddhisme tibétain, et plus particulièrement du “Livre des morts tibétain” est en grande partie dû à la préoccupation éternelle de l’homme, même post-Lumières, de sa survie spirituelle.

Clin d'oeil : nous étions pourtant prévenus dès le Xème siècle ... Missive du roi du Pu hrangs contre les tantristes (en anglais)

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[1]It is thus considered the most important of the three physiological principles, which also include 'respiratory breath' (dbugs) and 'vital force' (srog). 'Vital force' is as essential as the bla, but 'respiratory breath' is perishable and therefore temporary in comparison with the bla. As life principle the bla pervades all parts of the body, but it depends upon 'respiratory breath' and cannot function without it. The bla is also regarded as one of the three intellectual principles together with 'thought' (yid ) and 'mind' (sems ).”
Dan Martin : Btsan-lha. 192-vol. Bon Kanjur CXX 299: brla yid sems gsum las med / brla yid sems la dbyig pa dang kha dog ma nges / yod pa yang ma yin med pa yang ma yin / dper na sems rta 'dra / yid mi 'dra / brla de gnyis kyis gsos 'dra / yid mi dang sems rta kha lo bsgyur / brla de zas 'dra ste med na 'chi dang 'tsho dang 'gro / sngon gyis bsod nams kyis rtsa dbugs yang dog gis sems che chung 'dra / snying dang srog rtsa'i nang na gnas nas... TR XV no. 2-3, p. 14b.

[2] John Vincent Bellezza, gShen-rab Myi-bo, His life and times according to Tibet’s earliest literary sources.
“PT 1194 provides a smrang explaining how vulture wings came to be used in funerals to guide and protect the deceased (ibid.: 506–510).”  
“Brla (C.T. = bla). sKu’i-brla (sku’i-bla) occurs in ITJ 734r and brla-ma (bla-ma) in PT 1285. For the
 spelling brla, also see para iii of a soul invocation text in the Mu-cho’i khrom-’dur (Bellezza  2008: 619).”

vendredi 25 décembre 2020

Silence, on médite !

"Guru in Disgrace" (NL), de Jaap Verhoeven

La société de télédiffusion bouddhiste (BOS) est la personne morale de l’Union bouddhiste des Pays-Bas (BUN), responsable des émissions bouddhistes, tout comme “Sagesses bouddhistes” est l’émission hebdomadaire de l’Union bouddhiste de France (UBF). La BOS avait sa propre émission bouddhiste hebdomadaire jusqu’en 2015. Depuis, ses émissions (“De Boeddhistische Blik”) sont diffusées par l’association de télédiffusion chrétienne (catholique et protestante, KRO et NCRV), ce qui n’a pas changé le contenu des programmes. Par rapport aux émissions de Sagesses bouddhistes, les émissions de la BOS sont nettement plus sociétales et journalistiques et moins catéchistes.

Le 13 décembre 2020, le documentaire “Guru in Disgrace” (1h26, de Jaap Verhoeven, il faut avaler 2 pubs d'abord) fut diffusé à la télévision néerlandaise. Le documentaire est en néerlandais, mais de très nombreuses interviewés s'expriment directement en anglais. Souvent, il s’agit de membres du groupe des huit lanceurs d’alerte, auteurs de la lettre ouverte de 2017, mais la parole est aussi donnée au président de l’Union bouddhiste des Pays-Bas (BUN), lui-même membre de Rigpa (ce qui est dailleurs problématique), ainsi qu’ à d’autres membres de Rigpa (International et Pays-Bas). Les membres Rigpa qui se sont exprimés ont souvent une position intermédiaire, ils reconnaissent les torts causés par Sogyal Lakar, mais veulent néanmoins continuer Rigpa, organe de diffusion du Dharma, en offrant plus de sécurité à ses membres. C’est la position de nombreux membres de Rigpa Nederland, qui aurait néanmoins perdu 40% de ces membres (Jeroen Slieker 1:10).

En revanche, la “Vision Board” de Rigpa International (parmi lesquels figure Philippe Cornu) “n’a jamais reconnu les abus de Sogyal Lakar et l’existence d’une culture de silence autour de ces questions au sein de Rigpa. Les instructeurs de Rigpa n’ont jamais reconnu la méconduite de Sogyal Lakar.” (extraits fin du documentaire NL) Aucun membre de Rigpa France ou de Lérab Ling ne s’exprime dans le documentaire, comme si tout cela ne concernait pas la France et le bouddhisme français. La nouvelle directrice spirituelle de la Congrégation Rigpa Lérab Ling, Jetsün Khandro Rinpoché, n’a jamais condamné les abus de Sogyal Lakar, elle lui avait même rendu hommage à sa mort, en demandant à ses disciples de se rapprocher de lui en esprit. Pourtant, son arrivée à la tête de Rigpa avait été saluée par l’Union Bouddhiste de France (UBF), comme le moment opportun de réintégrer Rigpa parmi ses membres à part entière, après l’avoir suspendu quand le scandale avait éclaté l’été 2017, “en attendant une évolution heureuse”. “Sagesses bouddhistes” a depuis repris la diffusion d’interventions d’instructeurs de Rigpa. Deux autres membres anglais de Rigpa (Patrick Gaffney et Susan Burrow) viennent dêtre interdits (19/11/2020) dexercer par la Charity Commission for England and Wales, pour avoir mis en danger les disciples de Rigpa. Patrick Gaffney était la main droite de Sogyal Lakar depuis ses débuts. Tout cela vaut bien un sujet quelque part ?

Connaissant bien, et la culture néerlandaise et la culture française, je me demande pourtant ce qui peut bien expliquer la différence d’attitude entre les prises de positions et les choix de l’Union bouddhiste des Pays-Bas (BUN) et de l’Union bouddhiste de France (UBF). La même chose vaut d'ailleurs pour la différence entre une programmation davantage journalistique (avec le bouddhisme comme sujet), et des émissions qui me rappellent les cours de catéchisme de ma jeunesse…

Auriez-vous des idées sur la question ? A quoi cela peut-il bien tenir ?

mardi 22 décembre 2020

Série iconographique virile, vénatique et cynophile


Kaal Bhairava et son chien

Les bouddhistes ont fréquenté les charniers depuis leurs débuts, pour méditer sur la mort et sur l’impermanence, pour vivre dans un endroit relativement à l’écart de la société, pour faire de la récup (vêtements), faire des prières pour les morts, recevoir l’aumône, puis plus tard, à l’époque tantrique, pour avoir commerce avec des êtres surnaturels, afin d’obtenir des pouvoirs et devenir des vidyādhara

Kālī sacrifiant et recevant des sacrifices c. 1730

On n'est jamais seul dans un charnier, les animaux (chiens, chacals, rapaces, etc.) aussi font de la récup. Des yogis (kāpālika, aghori, heruka, etc.) sont allés jusqu’à les imiter en consommant la chair des cadavres, consacrée ou non. Les charniers pleins d’impuretés, ne sont pas des lieux fréquentables pour un brahmane qui se respecte ; il perdrait le respect des autres brahmanes, et deviendrait un intouchable à son tour. Se promener avec un chien n’était pas une chose à faire (śvaspṛṣṭa), si on voulait être respectable. En revanche, si, tel un cynique grec, on voulait choquer et provoquer, un chien était un attribut d’impureté de premier ordre. Un européen contemporain adorant les chiens ne doit pas le perdre de vue, en regardant la série qui suit.

Héraclès et son massue pour punir les méchants (Hofburg, Vienne)

Bhairava du XIIIème siècle avec daṇḍa , Java, Rijksmuseum volkenkunde, Leyde

Notons au passage son rictus d'émerveillement (vismaya-mudra)
 
Je n’ai pas vraiment d’idée de l’époque où est apparu Bhairava, Kāla Bhairava, ou encore Mahākāla Bhairava, peut-être pas si reculée que l’on pourrait le croire, même s’il a eu des précurseurs anciens.


Bhairava, un aspect terrifiant de Śiva, est aussi appelé “détenteur du daṇḍa (Daṇḍapāṇi) et Celui dont la monture/véhicule (vahana) est un chien (śva). Par ailleurs, śvahan signifie chasseur.

Dans le bouddhisme ésotérique tibétain, le mahāsiddha Saraha, le fabricant de flèches, prend une place prépondérante. Iconographiquement, Saraha (tib. mda' bsnun) est souvent représenté en tenant un arc et une flèche, qui se trouve aussi être lattribut dun chasseur (tib. rngon po skt. lubdhaka). 

Śavaripa HA 81040

Śavaripa XVIII-XIXème, style Karma Gadri 

Śavaripa, détail de HA65295

Une des deux yoginī/chiennes, que Maitrīgupta voit tuer un sanglier lui chante : 
"Dans la forêt de l'existence dans les trois univers
Circule le sanglier de l'ignorance
En décochant la flèche de l'intuition auto-éclairante
J'ai tué le sanglier de l'ignorance
Sa viande je l'ai mangée sans dualité"
Śavaripa, laborigène oubon sauvage, est représenté comme un chasseur, avec un arc, des flèches, en compagnie d’un chien, et de deux femmes. Selon la tradition tibétaine, ces deux femmes seraient des ḍākinī/yoginī, qui peuvent se transformer (tib. sprul) en chiens et vice-versa. 

Orion

A moins que l’image du Chasseur en compagnie de deux chiens ne soit inspirée par la voûte céleste.


Quand la tradition picturale tibétaine se saisit de son disciple Maitrīpa ou Advayavajra, elle lui donne une femme, une yoginī, qui pouvait se transformer en loup, pour manger des tormas, lors de véritables gaṇacakraà lanciennetels que Marpa les aimait

Sacrifices (tib. skang rdzas) pour Mahākāla" à six bras HA498

Selon la tradition tibétaine, le chasseur aborigène Śavaripa serait à l'origine de la pratique de "Mahākāla" à six bras.  

Kukkuripa, Népal XVIIIème siècle, HA65396

Marpa aurait d’ailleurs aussi rencontré le mahāsiddha Kukkuripa (un brahmane de naissance), toujours représenté en compagnie d’une chienne, qui serait sa karmamudrā. (tib. las kyi phyag rgya khyir sprul

Kukkuripa avec deux chiens derrière sa ceinture de méditation HA79551

Chienne ou yoginī, qu’importe dans un monde primordialement pur, où tout est transformation et où tout se transforme.
Water lying deep within the earth
Rises immaculate and pure,
Like pure wisdom which seemed lost and locked
In the obscurations of this world.”

Then Kukkuripa picked up the black she-dog,
Held it in his lap and caressed it,
And he did so, the dog became the yogini
Radiant in the full bloom of youth,
Splendid with all the major and minor marks." (trad. anglaise Douglas J. Penick

On retrouve encore le chien et une massue en chair chez Droukpa Kunlé, personnage historique (né en 1455, mort en 1529) totalement éclipsé par sa légende. Selon son "auto-hagiographie", il se considère comme une réincarnation du mahāsiddha Śavaripa, et on aime le représenter comme un chasseur, portant un arc et des flèches, et en compagnie d’un chien. Il est quelquefois représenté avec des cheveux longs frisés et une barbe à la Héraclès, mais sans massue. Il se sert de son vajra-pénis, pour le même effet, pour casser les dents des divers démons[1], et pour transformer des enfants-démons en chiens, puis en démons (voir mon blog Des Mâles qui débarrassent du Mal du 8 août 2015).


PS J'avais oublié de faire mention de Dattatreya dans cette série. Les quatre chiens qui l'accompagnent symbolisent les quatre castes (varna), et accentuent son côté universaliste et akula.  
 
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[1] The Divine madman, Keith Dowman, p. 120, 126

dimanche 20 décembre 2020

La voie "négative" du bouddhisme


Plaque à Lumbini, lieu naissance du Bouddha

S’il existait un proto-bouddhisme, son premier principe serait sans doute comme pour la médecine “Primum non nocere”, qui signifie : “d'abord, ne pas faire de mal”. La même chose vaut pour le jaïnisme, une autre branche de Renonçants (śramaṇa). Le Bouddha prend souvent exemple sur la médecine et se compare parfois à un médecin.

Ce principe, dans une forme négative, marque toute la doctrine śramaṇa du bouddhisme, dont l’enseignement le plus ancien semble particulièrement friand de groupes de cinq (pentades). Le bouddhisme śramaṇa n’affirme pas l’être, en fait, elle n’affirme rien positivement, ni même le non-être. Son éthique est définie négativement, car “d'abord, ne pas faire de mal”, ce qui correspond à la non-violence (ahiṃsā).

Ces cinq préceptes de base (pañcaśīla) sont donnés à la négative.
1) s'abstenir de tuer toute créature vivante ;
2) s'abstenir de voler ;
3) s'abstenir d'inconduite sexuelle ;
4) s'abstenir de paroles fausses ;
5) s'abstenir d'user de drogues.
Le bouddhisme n’affirme pas positivement ce que l’absence de ses actes négatifs et leurs conséquences (dukkha) laisse en place (sukha). Pourquoi le ferait-il ? Ce serait comme vouloir placer une deuxième tête sur une tête déjà en place, comme on dit dans le ch’an, un acte en trop[1]. Une grande partie des méthodes bouddhistes vise justement à “enlever” cette deuxième tête artificiellement ajoutée à l’aide d’analyse et d’exercices mentaux. Ce qui a été ajouté par le mental, peut être enlevé par le mental. Ce qui reste est naturellement présent. On peut lui donner un nom, faire son éloge, se gargariser avec, mais cela ne lui sert à rien. On peut évidemment montrer que l’on est heureux en tapant dans ses mains, mais on était probablement déjà heureux avant de taper dans ses mains (“if you’re happy and you know it clap your hands”), cet acte n’y change rien, et ne fait pas partie du travail en lui-même.

C’est la même chose avec la vacuité, que certains trouvent “trop vide”, et manquant de choses positives, de qualités etc. Pourtant rien ne manque à la vacuité. Vacuité est le nom que le bouddhisme (Nāgārjuna) a donné à l’abstention de s’investir mentalement dans un des extrêmes.
"Sans rien qui cesse ou se produise, sans rien qui soit anéanti ou qui soit éternel, sans unité ni diversité, sans arrivée ni départ, telle est la coproduction conditionnée, des mots et des choses apaisement béni. Celui qui nous l'a enseignée, l'Éveillé parfait, le meilleur des instructeurs, je le salue."
Sans investissement dans un des huit extrêmes cités par Nāgārjuna, toute la coproduction conditionnée, toute la vacuité, toute notre expérience reste entière. Rien n’est détruit ou annihilé. Reste à vivre notre vie d’être social (avec bienveillance, compassion, sympathie, équanimité, et conformément aux consignes sanitaires...), en s’abstenant de ce qui peut nuire aux autres. Appelez cela comme vous voulez.


"Je vous le dis : il n'y a pas de Bouddha, il n'y a pas de Loi ; pas de pratiques à cultiver, pas de fruits à éprouver. Que voulez-vous donc tant chercher auprès d'autrui ? Aveugles qui vous mettez une tête sur la tête ! Qu'est-ce qui vous manque ? C'est vous, adeptes, qui êtes là devant mes yeux, c'est vous-mêmes qui ne différez en rien du Bouddha-patriarche ! Mais vous n'avez pas confiance, et vous cherchez au-dehors. Ne vous y trompez pas : il n'y a pas de Loi au-dehors ; il n'y en a pas non plus qui puisse être obtenue au-dedans de vous-mêmes. Plutôt que de vous attacher à mes paroles, mieux vaut vous mettre au repos et rester sans affaires. Ce qui s'est produit, ne le laissez pas continuer ; ce qui ne s'est pas encore produit, ne le laissez pas se produire. Cela vaudra mieux pour vous que dix années de pérégrinations." Les Entretiens de Lin-Tsi, Paul Demiéville. 

samedi 19 décembre 2020

Inaction par un excès de bouddhisme ?


Le cri, Edvard Munch

Adage ironique ma non troppo

Dans les sociétés bouddhistes on fait la distinction entre ce qui relève de l'individu et de ce qui relève de la société, mais avec beaucoup de confusions. Le bouddhisme met l’accent sur la responsabilité individuelle quasi totale d’un individu, à travers la loi du karma. Cela commence à la naissance, et même à la conception, voire au dernier soupir du corps précédent. Un bouddhiste est responsable d’être né, puisqu’il n’avait pas épuisé tout son karma dans son existence antérieure, ou s’identifie aux agrégats de son existence actuelle. Il naît dans un pays, dans une époque, dans une famille, dans un corps qui correspondent parfaitement à son mérite. C’est entièrement à lui d’améliorer sa situation, si tel était son voeu.

En même temps, il n’y a pas d’entité (anatta) qui puisse renaître ou être responsable, et toute identification ou appropriation serait une erreur, dont le bouddhiste est de nouveau entièrement responsable. Il ne tient qu’à lui de ne pas être ignorant, et à déposer le fardeau une fois pour toutes. Qu’attend-il ?

Un bouddhiste ne peut s’en prendre qu’à lui-même, et n’a donc pas à se plaindre :
Il m’a insulté, il m’a frappé, il m’a volé ».
Qui nourrit ces rancunes ne verra pas sa haine se calmer
.”[1]
Sa haine, son avidité, son ignorance, c’est son problème. A la limite, une société injuste rend service au bouddhiste, en multipliant des occasions pour lui rappeler sans cesse son véritable problème. En plus, un vrai bouddhiste qui se respecte n’a qu’une idée en tête : se sauver d’ici ! Si on rencontre un bouddhiste ici-bas, on sait rien que par sa présence qu’on a à faire à un loser. C’est dangereux un loser qui sait qu’il est un loser, mais qui ne veut pas l’admettre à soi, ou ne pas perdre la face. Un loser qui n’a plus rien à perdre, peut vouloir vous le faire payer cher, s’il sait que vous savez qu’il est au fond un loser. Un loser avec du pouvoir peut être particulièrement dangereux.

L’attitude d’un bouddhiste face aux injustices et les inégalités peut être diverse. Il peut se dire que ceux qui en souffrent en sont eux-mêmes responsables, à cause de leur manque de mérite, et les laisser épuiser leur mauvais karma. Il peut être charitable envers eux, pour accumuler du mérite, et augmenter son solde de karma positif, investir dans son propre avenir. S’il est un roi bodhisattva, il peut même donner un coup de main aux pauvres et défavorisés délinquants, en accélérant l’épuisement de leur mauvais karma par d’atroces souffrances, à linstar du roi Anala. Un remboursement anticipé pour éviter une naissance en enfer. Le bouddhisme propose diverses manières pour être un bon camarade.

Les élites dans une communauté bouddhiste sont à cette place à cause de leur mérite. Dans la culture bouddhiste, les rois sont souvent des bodhisattvas, surtout s’ils suivent les principes bouddhistes. Les hiérarques du clergé bouddhiste sont forcément des bodhisattvas, la loi de karma ne fait pas d’erreurs, elle est infaillible, sinon ce serait trop injuste. Les tulkus tibétains ont prouvé par leur retour, leur re-naissance, qu’ils maîtrisent les lois de la vie et de la mort. Quels meilleurs guides un bouddhiste pourrait-il avoir ?

Cette vision bouddhiste se reflète évidemment dans les organisations bouddhistes partout dans le monde, y compris en France. Dans un centre bouddhiste tibétain, le maître spirituel est une sorte de théocrate, à la fois chef spirituel et administrateur, de fait, du centre. Sa place dans la méritocratie est le résultat du karma et de son progrès spirituel. Il sait gérer sa haine, son avidité, et son ignorance mieux que ceux à qui il sert de modèle. Triomphant dans ses propres batailles contre l’égo, il sait accompagner ses disciples dans leur propres batailles contre l’égo, en les aidant à lui donner les coups sur la tête, comme il le mérite, leur égo.

La première pratique donnée à un disciple, sont ce qui s'appellent les pratiques préliminaires (tib. sngon ‘gro). Le disciple les achète généralement avec un livre qui explique comment les faire et comment bien se préparer pour la suite. Un de ces livres est Le Flambeau de la certitude, composé par Jamgon Kongtrul Lodrö Thayé (1813-1899). Oui, c’est un livre qui date du XIXème siècle, donc pas très “Françoise Dolto”.
Toutes les actions de ce précieux et parfait Lama,
Quelles qu’elles soient, sont bonnes.
Tout ce qu’il fait est excellent.
Entre ses mains le travail, maléfique d’un boucher
Est bon, et apporte des bienfaits aux bêtes,
Inspiré par la compassion pour toutes.
Quand il s’unit sexuellement de façon impropre,
Ses qualités s’accroissent, et s’élèvent comme renouvelées,
Montrant que les moyens et la sagesse ont été réunis.
Ses mensonges qui nous dupent,
Ne sont que les signes habiles par lesquels il nous
Guide sur le chemin de la liberté.
Lorsqu’il vole, les biens volés se changent en denrées nécessaires pour soulager la pauvreté de tous.
Quand un tel Lama réprimande
Ses paroles sont de puissants mantras
Pour faire disparaître la détresse et les obstacles.
Ses coups sont des bénédictions
Qui accordent les deux siddhis et réjouissent tous les hommes fervents et respectueux.
Ainsi qu’il est dit ci-dessus, apprécions les aspects bienfaisants de toutes ses actions
.”
Pour davantage illustrer ce que devrait être “idéalement” la relation entre maître et disciple, la lecture de la vie de Nāropa, et notamment son “apprentissage” auprès de Tailopa est conseillé. Après les pratiques préliminaires, le disciple est prêt pour entrer proprement dans la relation maître et disciple. Quand ça dérape, le disciple sait quoi faire, et ses condisciples l’y aideront sur ce que Trungpa appelait “la voie dure”.

Le Flambeau de la Certitude, l’avait prévenu, ce qui peut sembler comme des abus, de la violence, de l’inconduite sexuelle sont en fait “les signes habiles par lesquels [le maître] nous guide sur le chemin de la liberté”. Si le coup est trop difficile à accuser, les condisciples peuvent d’abord tenter de recadrer le disciple dans “la voie dure”. Si cela ne fonctionne pas et que le disciple s’ouvre à d’autres sur l’incident, y compris à l’extérieur de la communauté bouddhiste, alerte les médias ou porte plainte, il convient de protéger le maître et son “bouddhisme”, et de faire front, en appliquant lapprocheDARVO[2], et en maîtrisant les dégâts.

La protection du maître et la maîtrise des dégâts peuvent être volontaire et involontaire, consciente et inconsciente. Il s’agit avant tout d’éviter que la victime porte plainte, et de régler l’affaire en interne.
Un élément clé de la maîtrise des dégâts est de garder le contrôle du récit officiel et de l’agenda. Par exemple en organisant en interne l’accompagnement psychologique des victimes par des professionnels membres de la congrégation ou de l’association, en communiquant sur les abus sexuels (p.e. en publiant des codes de conduites), ou en commandant et en finançant des enquêtes indépendantes, où enquêteurs rencontrent les victimes et écoutent leurs propos. En agissant ainsi, les dégâts sont maîtrisés dans le sens que cela pourrait avoir l’effet souhaité (?) que les victimes ne portent pas plainte (ayant déjà été prises en charge en interne) ou que des enquêtes externes ne soient pas menées, sur lesquelles la congrégation n’aurait aucun contrôle.” (blog Maîtrise des dégâts, une nouvelle pratique bouddhiste ? du 29 février 2020).
Dans notre ère de réseaux sociaux, la maîtrise des dégâts peut aussi se faire en libérant la parole aux victimes dans des forums privés. Une fois que les victimes ont fait leur compte-rendu, ont éventuellement reçu des témoignages de sympathie (ou pas, voire le contraire), elles ne ressentent peut-être plus le besoin de porter plainte. A travers la modération etc., des (anciens) condisciples ou conbouddhistes, peuvent orienter les discussions.

La législation sur la présomption d’innocence et la diffamation protège à juste titre ceux envers qui des allégations ont été portées. Sappuyer uniquement sur des condamnations en justice, une fois tous les recours épuisés, pour enfin “réagir”, et faire fi du principe de précaution, serait une grosse erreur, très préjudiciable au bouddhisme. Il vaut mieux prendre les devants. Les bouddhistes français sont peut-être encore trop bouddhistes pour cela, ou encore dans la phase du déni. Cela ne devrait pas être le combat de quelques individus.

"Soyez résolus de n'obéir point, et vous voilà libres" De la Boétie

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[1] Dhammapada, La voie du Bouddha, Version française, introduction et notes établies par Le Dong

[2] Acronyme pour « Deny, Attack, and Reverse Victim and Offender » (ou NARVA en français : Nier, Attaquer, Renverser les rôles de la Victime et de l’Agresseur).

jeudi 17 décembre 2020

The subjectivity of "groping"


Tweet du 16/12/2020

In the discussions about abuse and violence in Buddhism on social networks, different approaches can be distinguished. One can assume that all those participating in the discussions are interested in Buddhism. Some may have been deeply involved in Buddhism for a long or short time, others may have a looser interest in Buddhism, most will have frequently visited Buddhist centers for some time.

As with many other human organisations, once one is deeper and longer involved in it, the precautions taken with outsiders, sympathizers and visitors (even regular ones) are dropped, and one will get a more direct taste of its workings and of what goes on behind the scenes. “Sunday Buddhists” do not experience the same “Buddhism” as those in close everyday contact with a Buddhist organisation. And I am not even considering those centers whose gurus and their close circles specialise in the “smashing of concepts” and/or the “crushing of egos”. In the context of this blog, I will prefer to talk about the guru and his (too few exceptions, to use another possessive pronoun) circles, since a man on his own doesnt have any authority. I will use the word “Gurukula”. The experience of “Sunday Buddhists” is therefore necessarily more shallow than the one of those who were sitting at the first rank every day and got a real taste of it. Their experiences don’t compare, and yet in many discussions this aspect is not often taken into account. It is sometimes simply one “Sunday” opinion against a more informed opinion.

Among those who have been around for a longer period, there are those who may have never witnessed any harassment, violence and abuse[1] and who are happy with the Gurukula. They probably have taken on responsibilities themselves and play an active role in the Gurukula. Others may have witnessed such incidents, but consider these are part of “growing up” spiritually. They may or may not consider that those undergoing the abuse knew what they were getting into, and that the teacher was acting like this in the student’s spiritual interest. They too may have taken on a role in the Gurukula.

Some may have been disillusioned early on, simply because the Gurukula thing wasn’t their cup of tea, or because they witnessed things that didn’t agree with them. Some of those may even have decided to stay in the Gurukula for various reasons and put up with the unpleasant stuff. Others may have left for various reasons. Anyone who follows Buddhist centers for a while will notice a huge turnover of visitors, guests and Sunday Buddhists. Less old faces and always many new faces. A Gurukula has rules that are not really written down somewhere, but the Guru is its center and ultimate authority. Contacts with Buddhist Gurukula members are far more frequent than direct contacts with the Guru. A Gurukula has many unspoken rules, and loyalty towards the Guru and the Gurukula are definitely the top ones.

Coming back to the discussions about abuse and violence in Buddhism on social networks, there are many participants with various motives, but those who are involved with a Gurukula will mostly adopt positions in favour of Gurukula rules. They see a purpose in Gurukula rules and behaviour, and will defend these by making as few concessions as possible. They don’t see any problem with the Gurukula approach in itself, on the contrary. There may be some individuals that don’t live by its rules, and who abuse their power. Those individuals may be sacrificed, shamed, convicted etc. in order to save and stick to the Gurukula approach. Who dies if the Gurukula live?

If one ignores the Gurukula approach and its huge potential for psychological suffering, peer pressure, harassment, “ego-crushing” and “concept-smashing”, and possibly damage control, and DARVO techniques, then one will certainly misjudge the gravity of some “allegations”.

I happened to read the following tweet by the German monk Tenzin Peljor, responsible for the website Diffi-Cult (Controversy Blog), reacting to a tweet by Buddhist Leaks run by a group of survivors of abuse in Buddhist circles. Tenzin Peljor took offense at the qualification of Dagri Rinpoche as a predator.
the perpetrator is a teacher and a predator (the allegations were in all cases groping). since i've worked many years with criminals I chose to see criminals as human beings. i don’t call them criminals but human beings who have done crimes. it seems we two have diff. approaches
If I get it right, the position of Tenzin Peljor and of Diffi-Cult wants to be a consensual one. Along the lines of making a distinction between the man or the artist and his work. According to that point of view teachers like Sogyal, Trungpa, Sakyong Mipham, Robert Spatz (Lama Kunzang Dorje) etc. (the list is too long) ought not only to be remembered for their abuse, but also for the good things they did. Individuals may make mistakes, but the Gurukula system is infallible and needs to be defended by all means. In the case of Dagri Rinpoche, the survivors first got the full DARVO treatment, Zopa Rinpoche taking the lead[2]. After investigations, Zopa Rinpoche’s FPMT Inc. concludedDagri Rinpoche did engage in a pattern of intentional and inappropriate sexual behavior that persisted over many years towards women who were in his company due to his position as a trusted incarnate lama and teacher”. Some of the women were ordained nuns, and thus also affiliated with a Gurukula and its rules.

In the above tweet Tenzin Peljor writes “the perpetrator is a teacher and a predator (the allegations were in all cases groping)”. I read this as an attempt to limit the abuse to “groping”. One may hope that the judge will be able to appreciate the difference between the “groping” of a passager on a bus or a plane..., and the abuse by a Gurukula leader of female Gurukula members (including ordained nuns), where the survivors are confronted with a full DARVO treatment by the other Gurukula members and lineage hierarchs.

MàJ 18122020 Also see the article "Hostile Takeover" by Rob Hogendoorn on the rather hostile reception on Diffi-Cult of his former article Knave or Fool? The Dalai Lama and Shōkō Asahara Affair Revisited.

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[1] Pema Chodron about her teacher Chogyam Trungpa : « He said that the job of a teacher is to insult you, insult your ego. »
" [Chogyam Trungpa] said, well, the problem with Merwin — this was several years ago — he said, Merwin’s problem was vanity. He said, I wanted to deal with him by opening myself up to him completely, by putting aside all barriers. “It was a gamble.” he said. So I said, was it a mistake? He said, “Nope.” So then I thought, if it was a gamble that didn’t work, why wasn’t it a mistake? Well, now all the students have to think about it —so it serves as an example, and a terror. But then I said, “What if the outside world hears about this, won’t there be a big scandal?” And Trungpa said, “Well, don’t be amazed to find that actually the whole teaching is simply emptiness and meekness.” When the Party’s Over, interview avec Allen Ginsberg dans Boulder Monthly, mars 1979.

[2] "From my understanding, in my view and according to my mind, Dagri Rinpoche is a very positive, holy being—definitely not an ordinary person."

"Therefore, I want to tell the students who have received initiations and teachings from Dagri Rinpoche that you should definitely one hundred percent rejoice, no matter what the world says, no matter if some people criticize him.'

“We will have to achieve enlightenment in order to investigate the beginningless rebirths of Dagri Rinpoche. We have to be enlightened; otherwise, we can’t investigate. This is my logic.”

“ I want to say that I am deeply sorry about all the people who got hurt from Rinpoche’s holy actions.”


Lama Zopa Rinpoches Advice to Students of Dagri Rinpoche