Alexandre Jollien et Matthieu Ricard : en chemin vers la liberté intérieure, article de Benoît Merlin dans Bouddhanews.
J’aurais pu choisir plein d’autres articles sur des sujets similaires, mais ce sera celui-ci sur trois amis à la conquête de la liberté intérieure. Ils se sont retrouvés aux pieds des montagnes pour faire leur livre “A nous la liberté” qui aborde les voies de la libération. “Autant dire que le chemin côtoie les sommets spirituels du quotidien”. Les sommets spirituels du quotidien, mais tous les quotidiens ne se ressemblent pas.
Il en va un peu de la spiritualité comme il en va de la vie en société.
"Ce n’est pas le premier de cordée qui tire les autres sur la corde. Chacun doit aller, aspérité après aspérité, prendre sa propre prise. Mais quelqu’un a ouvert la voie"L’article nous raconte comment Christophe André, Alexandre Jollien et Matthieu Ricard “tracent un itinéraire joyeux et non balisé vers la liberté intérieure” et nous invite : “Rejoignez la cordée.”
"Je le dis parce qu’une société qui n’a pas ses premiers de cordée, qui n’a pas des gens qui arrivent à ouvrir la voie dans un secteur économique, social, dans l’innovation, ne monte pas la paroi. Mais quand il n’y a personne qui assure, le jour où ça tombe, ça tombe complètement." Macron devant les patrons des cent plus grandes entreprises françaises le 17/07/2018.
Mathieu Ricard explique que la liberté intérieure est presque l’équivalent d’atteindre l’Éveil, donc rejoindre la cordée en devenant des “progredientes” (qui font un pas après l’autre) à la suite des trois amis peut nous conduire vers un état qui tutoie l’Éveil. On nous prévient : la voie de la libération n’est pas facile, elle demande beaucoup d’effort. Il y a une notion d’ascèse. La cordée, qui est un “chemin de crête entre la dictature du « on » (conformisme) et la tyrannie du « je » (narcissisme) est extrêmement dur”.
Dans les pas d'un Bouddha ? ... |
"Full House" à Lérab Ling, arrivée de grands lamas pour le Droupchen de Vajrakilaya contre les obstacles |
Le chemin entre le “on” et le “je” est très très compliqué en effet. Alexandre Jollien le précise bien : “la dictature du « on », c’est être pétri par le conformisme, la peur du rejet, l’idée de déplaire ; la tyrannie du « je », c’est le narcissisme qui trouble la vie.” Une fois que l’on a bien écouté la boussole de son coeur et que l’on a choisi son premier de cordée, le chemin entre le “on” et le “je” risque de passer par des zones plus escarpées. Le premier de cordée n’est pas forcément celui qui a ouvert la voie, il avait suivi un autre premier de cordée etc. Il se peut que la voie soit ancienne, pas bien entretenue et balisée partout etc. Il se peut que notre premier de cordée n’ait pas atteint lui-même le sommet. Il se peut que l’idée de suivre cette voie ne vienne pas de lui et qu’il ait subi la dictature du “on” dans ce domaine. Bref, il est possible que notre premier de cordée est en fait une personne assez ordinaire qui n’a jamais atteint le sommet. Pourtant, d’autres premiers de cordée disent qu’il est excellent, et ceux dont la boussole du coeur accorde du crédit aux référents peuvent ainsi se décider à suivre un premier de cordée qui n’a jamais atteint le sommet.
Malheureusement non. Les premiers cordées du bouddhisme tibétain ne semblent pas être libres de “la dictature du « on » et d’un narcissisme institutionnel (image publique). La dictature du “on” est même utilisée pour exercer une pression sur ceux qui leur parlent des abus. Pour une bonne cause diront peut-être les premiers suivants de cordée. La “bonne cause” est cependant bien connue et annoncée : la liberté intérieure entre “la dictature du « on » et la tyrannie du « je » ! Ou bien on est libre et un potentiel premier de cordée, ou on ne l’est pas.
L’affaire Sogyal Lakar/Rigpa est celle qui a marqué tous les esprits. De nombreuses autres affaires (plus anciennes out des nouvelles) ont émergées depuis. Et la “liberté intérieure” des premiers des cordées n’a pas été brillante dans ces affaires. La véritable liberté entre “la dictature du « on » et la tyrannie du « je » venait plutôt d’en bas… Des personnes qui oubliant le “on” et leur propre image, mettaient en cause ce qui devait l’être, en s’exposant à toutes sortes de critiques du “on” et des premiers de cordée.
La dernière affaire en date est celle qui concerne un des lamas de la Fondation pour la préservation de la tradition du Mahayana (FPMT) de Lama Zöpa Rinpoché. Une ancienne nonne espagnole met en cause Dagri Rinpoché (FPMT) sur Youtube, après que celui fut arrêté (puis libéré sous caution) pour avoir harcelé une passagère américaine à bord d’un vol Air India le 3 mai dernier. Il s’agit d’allégations (à répétition) pour l’instant, ce que ne manque pas de souligner la FPMT qui a néanmoins suspendu le lama en question. Ce qui est plus inquiétant, ce sont les réactions de Lama Zöpa Rinpoché, le chef de l’organisation. Une première lettre (Lama Zopa Rinpoche’s Advice to Students of Dagri Rinpoche 14/05/2019)[5] suivie d’une deuxième, que certains avaient jugée trop dure et où il manquait les regrets exprimés aux victimes (Lama Zopa Rinpoche’s Additional Advice to Students of Dagri Rinpoche 24/05/2019). Cette deuxième longue lettre comporte de nombreux éléments de type “ dictature de ‘on’ ” et elle finit par réaffirmer que Dagri Rinpoché est un saint et donc incapable d’actes qui ne soient pas ceux d’un saint. Elle explique que seul un éveillé (saint) ne peux juger un autre saint. Ce qui revient à dire que personne ne peut le juger, car personne dans le bouddhisme tibétain, où la modestie en matière de réalisation est une injonction absolue au risque d’invalider son “Éveil”, ne se présenterait comme un saint pour juger un autre “saint”.[6] Dagri Rinpoché est techniquement "injugeable" pour Zöpa Rinpoché.
Dans la deuxième lettre, Zöpa Rinpoché présente ses regrets (phrase ambiguë en anglais difficile à traduire) :
“Je veux dire que je suis profondément désolé pour toutes les personnes qui ont souffert des saints actes de Rinpoché.”[7]En anglais on dirait "to add insult to injury".
MàJ 17112020 Update from FPMT Inc.
"Therefore, we accept that, according to the standard applied by FaithTrust Institute, Dagri Rinpoche committed sexual misconduct, which also qualifies as spiritual abuse given his position as a spiritual teacher."
[1] Voir Folle sagesse, blog Dans le sillage d’Advayavajra
Insulter l'ego en torturant des animaux, blog Dans le sillage d’Advayavajra
Réussir, blog Dans le sillage d’Advayavajra
Un gourou pour insulter l'ego (II), blog Dans le sillage d’Advayavajra
[2] Suite à l’affaire Sogyal Lakar/Rigpa, Orgyen Tobgyal Rinpotché, Neten Chokling, Jigmé Khyentsé Rinpotché, Tsetrul Pema Wangyal Rinpotché, Tsawa Rinam Rinpotché et les lamas et moines de Pema Ewam Tcheugar Gyourmé Ling avaient pratiqué pendant l’été 2018 en France un Droupchen de Vajrakilaya, afin de pacifier les conflits et lever les obstacles et les souffrances.
[3] Voir Finie la lune de miel ?, blog Dans le sillage d’Advayavajra
L'union de vacuité et d'encens brûlé, blog Dans le sillage d’Advayavajra
Le bâton ou la carotte, le rôle du gourou, blog Dans le sillage d’Advayavajra
[4] “The first reaction is usually a phase of institutional self-protection and institutional narcissism, during which attempts are made to save the organization’s image, keep the scandal out of the public eye, play it down internally, and warn members against spreading unverified rumors. Hush money may flow. The victims may be discredited as untrustworthy and psychologically unstable; they may even be threatened. Media reports may be rejected as sensationalism or targeted smear campaigns.
If these measures turn out to be unsuccessful, the next phase is an often rather vague statement of remorse, issued directly by the master in a sort of publicly celebrated purification ritual. Next, the master announces a personal retreat, a period of withdrawal and self-examination, and expresses despair over having—without having wished to do so—possibly harmed male or female students. What makes these humble gestures unsatisfactory and reveals them as sheer strategy is the fact that anything from injuries to a crime like rape is recast along the way as a problem of perception on the part of the victim. What really happened remains hazy, but the master is sorry if someone feels injured, because of course he loves his students more than himself.
Whether events will be reconstructed objectively—for instance, by employing an independent law firm to review the accusations and publish the results of its investigations—will depend on the power structure inside the organization. Generally the faction of investigators will fight with the group of hushers-up and trivializers, who may fear the loss of their influence and their livelihood in the maelstrom of the scandal." Unmasking the Guru, Interview with Bernhard Pörksen by Ursula Richard
[5] Extraits, classés en différents types d’arguments
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[1] Voir Folle sagesse, blog Dans le sillage d’Advayavajra
Insulter l'ego en torturant des animaux, blog Dans le sillage d’Advayavajra
Réussir, blog Dans le sillage d’Advayavajra
Un gourou pour insulter l'ego (II), blog Dans le sillage d’Advayavajra
[2] Suite à l’affaire Sogyal Lakar/Rigpa, Orgyen Tobgyal Rinpotché, Neten Chokling, Jigmé Khyentsé Rinpotché, Tsetrul Pema Wangyal Rinpotché, Tsawa Rinam Rinpotché et les lamas et moines de Pema Ewam Tcheugar Gyourmé Ling avaient pratiqué pendant l’été 2018 en France un Droupchen de Vajrakilaya, afin de pacifier les conflits et lever les obstacles et les souffrances.
[3] Voir Finie la lune de miel ?, blog Dans le sillage d’Advayavajra
L'union de vacuité et d'encens brûlé, blog Dans le sillage d’Advayavajra
Le bâton ou la carotte, le rôle du gourou, blog Dans le sillage d’Advayavajra
[4] “The first reaction is usually a phase of institutional self-protection and institutional narcissism, during which attempts are made to save the organization’s image, keep the scandal out of the public eye, play it down internally, and warn members against spreading unverified rumors. Hush money may flow. The victims may be discredited as untrustworthy and psychologically unstable; they may even be threatened. Media reports may be rejected as sensationalism or targeted smear campaigns.
If these measures turn out to be unsuccessful, the next phase is an often rather vague statement of remorse, issued directly by the master in a sort of publicly celebrated purification ritual. Next, the master announces a personal retreat, a period of withdrawal and self-examination, and expresses despair over having—without having wished to do so—possibly harmed male or female students. What makes these humble gestures unsatisfactory and reveals them as sheer strategy is the fact that anything from injuries to a crime like rape is recast along the way as a problem of perception on the part of the victim. What really happened remains hazy, but the master is sorry if someone feels injured, because of course he loves his students more than himself.
Whether events will be reconstructed objectively—for instance, by employing an independent law firm to review the accusations and publish the results of its investigations—will depend on the power structure inside the organization. Generally the faction of investigators will fight with the group of hushers-up and trivializers, who may fear the loss of their influence and their livelihood in the maelstrom of the scandal." Unmasking the Guru, Interview with Bernhard Pörksen by Ursula Richard
[5] Extraits, classés en différents types d’arguments
"From my understanding, in my view and according to my mind, Dagri Rinpoche is a very positive, holy being—definitely not an ordinary person."
"Therefore, I want to tell the students who have received initiations and teachings from Dagri Rinpoche that you should definitely one hundred percent rejoice, no matter what the world says, no matter if some people criticize him.'
[L'argument Folle sagesse]
"Then, in the sutra Meeting of the Father and Son, it says, “Buddha works for sentient beings by taking the costume of Indra, Brahmin, sometimes as mara, (but people in the world do not know this). He also shows the conduct, the costume, of a woman. Also, Buddha takes animal forms. There is no attachment but he shows attachment; there is no fear but he shows fear; there is no ignorance but he shows ignorance; there is no craziness but he shows craziness; there is no lameness but he shows being lame. In various aspects, Buddha works for sentient beings and subdues the minds of sentient beings.”"
[L'argument Voir le lama comme le Bouddha]
"Otherwise, it means you don’t need to meditate, you don’t need to practice Dharma, from your side. Otherwise, why do you need to meditate? Why do you need to practice Dharma? Without needing to put effort from your side, you expect everything outside to be positive. To be able to see the Guru is numberless past, present, and future buddhas, to be able to realize that, you have to put effort from your own side."
"Since we (myself, for example) don’t have that understanding, we expect that we don’t have to do anything from our side. We only expect to see the guru’s qualities, to see the guru as pure, as the essence of buddha, from outside. It doesn’t happen like this."
[L'argument du samaya]
"Even if you saw the person before as full of mistakes, after you make a Dharma connection with them, you need to practice the root of path to enlightenment: correctly following the virtuous friend."
[L'argument du fruit karmique : une renaissance en enfer pour croire avoir perçu des défauts dans le Bouddha/lama]
"Guru Shakyamuni Buddha was enlightened eons ago, according to Mahayana, according to reality. Gelong Lekpai Garma, Buddha’s attendant, served Buddha for twenty-two years, but he always looked at Buddha as a liar. This was because one time when Buddha was on alms round, a young girl offered a handful of grain in Buddha’s begging bowl. At that time Buddha predicted that from that karma she would become enlightened as Buddha Tseme. Gelong Lekpai Garma thought that was a lie and that Buddha was just flattering her. He thought it was too much: “How is it possible for that to happen from offering one handful of grain?” So, for his whole life he saw Buddha as a liar and as an ordinary being. Buddha was a buddha, but he never saw him as a buddha. He had more faith in his Hindu guru. One time his Hindu guru was sick and Buddha advised his Hindu guru not to eat brown sugar. Gelong Lekpai Garma didn’t believe Buddha, he thought he was lying, so he offered his Hindu guru brown sugar. His Hindu guru died and was reborn as a preta; one time this preta made a sound as Buddha was walking by on a road. When Gelong Lekpai Garma died, he was reborn in the hell realms for eons. It is important to know these stories."
[6] “We will have to achieve enlightenment in order to investigate the beginningless rebirths of Dagri Rinpoche. We have to be enlightened; otherwise, we can’t investigate. This is my logic.”
[7] “ I want to say that I am deeply sorry about all the people who got hurt from Rinpoche’s holy actions.”
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