vendredi 19 juillet 2019

"Pratiquer"

Perpetuum mobile

Une des conséquences de la disparition de l’influence des religions et la progression de la sécularisation est la distinction entre adeptes “pratiquants” et non-pratiquants”. Les “non-pratiquants” étant le plus souvent des personnes nées dans une certaine religion et éventuellement ayant reçu une certaine éducation religieuse, mais qui ne la mettent pas “en pratique” conformément, voire pas du tout. Il est possible que ces personnes ne suivent même pas les dogmes et les croyances qu’impose leur religion. 

Les nouveaux convertis bouddhistes en Occident sont en revanche presque tous des bouddhistes “pratiquants”. Pourquoi se convertir à une nouvelle religion si c’est pour ne pas la “pratiquer” ? D’autant plus que le bouddhisme se veut une religion pragmatique et non-dogmatique. Le Bouddha ne fait qu’indiquer le chemin ; aux adeptes de le parcourir (“pratiquer”). Le bouddhisme a néanmoins présenté différentes façons de “pratiquer” la Loi bouddhique. Les bouddhistes laïques “pratiquent” essentiellement le don, c’est-à-dire qu’ils subviennent aux besoins des religieux qui eux marchent effectivement dans les pas du Bouddha et “pratiquent” réellement. Le mérite associé à ce type de dons permettra aux laïques d’accéder un jour (y compris dans une autre vie) au statut d’un véritable disciple du Bouddha. Le bouddhisme peut être un projet à très long terme.

Le bouddhisme, qui a des racines plutôt ascétiques, met l’accent sur la volonté. C’est l’action pragmatique qui sauve. Cela ressort très clairement de la Parabole de la flèche empoisonnée[1]. Même s’il arrive au Bouddha d’utiliser des éléments surnaturels et miraculeux (upāya), l’objectif reste pragmatique. Ainsi, le Bouddha détourna son cousin Nanda d’une amour terrestre en lui faisant miroiter des beautés célestes, et dans le Soutra du lotus, il fait sortir des jeunes enfants d’une maison en feu en leur promettant des jouets merveilleux à l’extérieur. L’objectif est la libération (mokṣa). La véritable “pratique” est alors ce qui approche de cet objectif (l’octuple chemin ou le triple entraînement), et non une orthodoxie ou une orthopraxie religieuse, qui peuvent avoir leur “utilité”. Le reste est moyen salvifique (upāya). Y compris les questions métaphysiques dont les réponses ne nous rapprochent pas de la libération.

Il n’y a pas de doute que cette libération, aux débuts du bouddhisme qui fut initialement un des multiples courants du mouvement des Renonçants (śramaṇa), était également un exploit ascétique, comme on peut voir dans l’histoire de Dabba Mallaputta, qui disparaît par le “recueillement dans l’élément igné” (P. tejodhātuṃ samāpajjitvā). Avec le temps, la nature de la libération et les moyens d’y arriver ont considérablement changé. Dire qu’il y a 84.000 dharmas pour se libérer est à peine exagéré. “Pratiquer” ne peut alors être autre que de faire le nécessaire pour se libérer, en théorie. Si le détachement se pratique effectivement en se détachant, et que le détachement réel est une des choses les plus difficiles à accomplir pour un être humain normalement constitué, des aides, des astuces et des moyens salvifiques ont été développés par les religions pour éviter le découragement. En “pratiquant” ces artifices, on devrait ultimement être capable de se libérer effectivement.

Pour qu’un artifice puisse légitimement être qualifié de méthode de libération, il faudrait qu’une Révélation ou un Guide (quelqu’un qui a atteint l’autre rive) confirme qu’il en est une. Si c’est le cas, “pratiquer” les artifices peut-être considéré comme “pratiquer” tout court. La libération est le fait de se libérer et le détachement le fait de se détacher. En se libérant on est libéré, et en se détachant on est détaché. Mais en “pratiquant” on n’est pas pas automatiquement libéré ou détaché. Le fruit peut se faire attendre, et tant que le fruit n’est pas atteint, on continue de “pratiquer”. En théorie, on pourrait pratiquer les 84.000 dharmas, sans être libéré ou détaché. Il semble donc y avoir un certain décalage qui perdure entre les artifices et les objectifs auxquels ils sont censés conduire.

Pourquoi la libération et le détachement sont-ils si difficiles à atteindre de façon durable ? Les Révélations et les Paroles du Bouddha confirment que c’est possible et que cela a déjà été fait. De certains “pratiquants” on a pu dire après leur mort ou de leur vivant qu’ils étaient “libérés”. D’autres “renaissent” par choix et seraient “libérés”. Ils enseignent la pratique des artifices pour que les autres se libèrent à leur tour. La vie des maîtres et des adeptes se focalise alors sur la pratique des artifices, qui devient le centre de leur vie et même de l’après-vie. Les uns et les autres sont aussi convaincus que pour se libérer et pour se détacher, il faudrait passer par la pratique des artifices et qu’il n’y pas d’autre moyen. Se libérer et se détacher par d’autres moyens et sans aide est impossible.

La pratique des artifices devient alors autosuffisante et une sorte de circuit fermé. Même sans atteindre le but final, une progression dans la pratique est possible, et elle peut même être confirmée par les maîtres. La “pratique” est alors pratiquée pour elle-même. Elle n’est pas que la pratique proprement dite des artifices, mais tout ce qui l’entoure, ce qui la justifie et la motive. Tout cela la maintient et l’entretient. Elle est un système symbolique, une idéologie, une superstructure. “Pratiquer” c’est entretenir celle-ci.

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[1] Cûla Mâlunkyâ Sutta (Court Soutra de Mâlunkyâ), Majjhima Nikâya, I, 426-432. Môhan Wijayaratna, « Sermons du Bouddha », Seuil/Points Sagesses, Paris, 2006, pp. 131-137.

vendredi 12 juillet 2019

Les racines puritaines du développement de soi et de l'émotionalisme



Methodist Camp Meeting 1819
Le sociologue Pierre Prades (élève d’Alain Caillé) avait présenté sa thèse “De la conversion à la guérison Puritanisme, psychothérapies, développement personnel” en 2013. Il en avait fait un livre, publié en 2014, sous le titre “De la sainteté à la santé. Puritanisme, psychothérapies, développement personnel” (Lormont, Le Bord de l'eau, coll. « La bibliothèque du MAUSS », 2014, 535 p., ISBN : 978-2-35687-339-2). Il a également publié une série d’articles « Y croire. » Retour sur l’« efficacité symbolique » et   
Psychothérapies et traditions chrétiennes, où il aborde la méthode de “MindCure” (guérison mentale ou psychique).

Ses recherches permettent aussi d’éclairer certains aspects de l’émergence et l’évolution du phénomène de la “méditation” en général et de la pleine conscience en particulier. Quoiqu’il en soit, il est vraisemblable que ce phénomène ait indirectement des origines puritaines.

Dans ces publications, Prades montre l’influence du puritanisme sur la psychothérapie, et, partant, sur les différentes formes du développement de soi. C’est le psychologue américain William James qui avait fait la jonction notamment en désécularisant/rationalisant l’« expérience religieuse » en « expérience thérapeutique ». Pour en donner la preuve, Prades remonte à la théologie de “lAlliance de grâce” (Covenant of Grace), propagée en Angleterre par William Perkins et William Ames, qui prend le contre-pied de “lAlliance des oeuvres” et qui servait de principe de conversion aux puritains. On trouve sa première formulation dans la Confession de Westminster (The Westminster Confession of Faith) des principaux théologiens anglais et écossais (1646). 
“Le chapitre VII traite de « l’Alliance de Dieu avec l’homme » (Of God’s Covenant with Man). En voici les points essentiels :
« 1. La distance entre Dieu et la créature est si grande que les êtres doués de raison, bien qu’ils lui doivent obéissance puisqu’il est leur Créateur, n’auraient cependant jamais trouvé en lui leur bonheur et leur récompense s’il ne lui avait plu de les leur accorder par le moyen d’une alliance.
2. La première alliance conclue avec l’homme a été une alliance des œuvres (Covenant of works), dans laquelle la vie a été promise à Adam, et en lui à sa postérité, sous la condition d’une obéissance parfaite et personnelle.
3. L’homme, par la chute, s’étant rendu incapable de vivre par cette alliance, le Seigneur a bien voulu en conclure une seconde, généralement nommée “l’Alliance de grâce” (Covenant of Grace). Dans cette Alliance, il offre gratuitement aux pécheurs la vie et le salut par Jésus-Christ, requérant d’eux la foi en celui-ci afin d’être sauvés, et il promet de donner son Saint Esprit à tous ceux qui sont destinés à la vie, afin de les rendre désireux et capables de croire.
4. Cette Alliance de grâce est fréquemment désignée dans l’Écriture par le nom de Testament, en référence à la mort de Jésus-Christ, le Testateur, et à l’héritage éternel qu’il lègue avec tous les biens qui le composent. » (Y croire).
C’est uniquement par la grâce (Sola Gratia), que l’on peut entrer dans l’Alliance. Après la chute d’Adam, l’Alliance des oeuvres n’étant plus possible, c’est désormais uniquement la foi (Sola Fide) qui permet la conversion. C’est la Révélation (écritures, Sola Scriptura) qui seule permet d’accéder au Salut. Ni la raison, ni les sacrements (contrairement au catholicisme) en sont capables. Voici les principes de l’Alliance de grâce, qui, selon Prades, a contribué à la psychothérapie moderne à travers des interprétations successives.

Pour Prades, sa contribution à la “guérison mentale” (mind-cure), apparue vers le milieu du XIXème siècle aux Etats-Unis, s’est développée selon deux axes : le “calvinisme sentimental[1] du pasteur américain Jonathan Edwards et le méthodisme du prêtre anglican britannique John Wesley.

Prades résume l’évolution du puritanisme en cinq “dynamiques”. L’opposition du salut par la grâce en opposition au salut (catholique) par les oeuvres (sacrements) (1). La grâce qui sauve est accordée par Dieu, mais comme la foi dépend aussi du croyant, c’est la foi qui devient la voie (2). “Y croire” vraiment, ce n’est pas uniquement croire par l’esprit, mais aussi par le coeur et le corps (sentiments et affects/émotions) (3). La voie (plus tard l’efficacité des psychothérapies) devient une “réarticulation du sentir, du penser et du vouloir”. Cette réarticulation n’est pas une affaire individuelle et passe par un engagement dans la société (une Alliance entre hommes - Social Covenant) (4). Le volontarisme optimiste (> optimisme thérapeutique) opposé au calvinisme pessimiste (5).

La “guérison psychique” qui résulte de cette voie ressemble à une “seconde naissance” (Revivalisme).
 “William James explique que le catholicisme est bien adapté aux âmes optimistes, aux healthy-minded et aux once born qui n’ont pas trop de problèmes. Aux sick souls, en revanche, il faut des remèdes plus forts, ceux qui produiront les twice born ; Pour ceux-là, toute guérison psychique ressemble à une seconde naissance.” (Y croire)
 La dynamique volontariste-optimiste de l’Alliance pratiquée par les puritains de la Nouvelle Angleterre a ainsi eu deux sorties (deux Réveils). Le Perfectionnement de soi (1), “premier jalon de l’évolution du protestantisme libéral vers une éthique thérapeutique” (autour de 1740). “La conversion du cœur comme expérience émotionnelle de transformation de soi", à l’origine de la tradition du « revivalisme », “l’émotionalisme” (entre 1800 et 1850) (2).

Le Perfectionnement de soi, qui peut-être considérée comme une recherche de “guérison”, voire d’une “seconde naissance” avait reçu une impulsion “émotionaliste” (Edwards et Wesley) au milieu du XIXème siècle, et se transforma par la suite proprement en “Revivalisme”. Les “revivals” étaient “des expériences individuelles et collectives de conversion publique, notamment lors de grands festivals religieux, les camp meetings.” (voir l'illustration ci-dessus)
 “Le revivalisme peut être considéré comme une technologie de mobilisation des affects, en groupe et individuellement, pour promouvoir une adhésion volontaire, un acte de foi.” (Y croire).
 Cette tradition a nourri les diverses méthodes de “mind cures” ou guérisons psychiques, qui allaient influencer les psychothérapies des deux rives de l’Atlantique. Les deux Réveils ci-dessus ont eu lieu dans un cadre de “sécularisation”/”rationalisation” (ou encore “déconversion”) progressives. Prades, en suivant Henri Ellenberger, donne l’exemple de la transformation de “l’âme” en “psyché”.
 “Dans le cours de la « sécularisation » des sociétés européennes et nordaméricaines, un processus de naturalisation-rationalisation a transformé l’âme en psychè : à la grâce transmise par l’action du pneuma, le souffle divin, se sont substitués, selon l’esprit du temps, le magnétisme animal puis l’hypnose, puis des modèles « psychodynamiques », c’est-à-dire fondés sur la dynamique interne des phénomènes psychiques, plus précisément sur le pouvoir moteur des représentations mentales.” (Y croire)
 C’est cette évolution qui permet à Caillé et à Prades de parler d’une transformation de conversion en guérison, de sainteté en santé, et d’une quasi-religion : “la religion séculière de l’individu[2], qui continue néanmoins de se servir des ressorts de l’efficacité symbolique des religions qui les ont inspirés. Prades tente d’établir les modalités du “cercle vertueux de la foi thérapeutique”. Il faut avoir le désir de guérir, croire en sa capacité de guérir, et croire en les capacités du thérapeute. La foi doit être à la fois corporel, affectif et intellectuel. Il faut réunir le “croire que”, le “croire à”, et le “croire en”. Il faut “y croire” et le ressentir. Tant que “le corps” “ne le sent pas”, rien ne peut changer. Il faut être “enthousiaste”[3] et “excited”...

La foi se rapporte à l’efficacité symbolique, d’un système symbolique (culture)[4] qui donne une transcendance à nos buts de vie. “The sky is the limit.”
 “Toutes les cultures ont une fonction thérapeutique, dans la mesure où elles sont des systèmes d’intégration symbolique, de type religieux, philosophique, idéologique ou autre. Cette fonction thérapeutique consiste à « préserver un certain niveau d’adéquation dans le fonctionnement social de l’individu, et à prévenir son effondrement psychologique ».”[5]   
 Une idéologie[6] est un système symbolique. Le niveau d’adéquation d’un individu se rapporte aussi au système symbolique, ou à l’idéologie. Si un individu est “inadéquate” ou autrement en “non-santé” par rapport au système symbolique, un thérapeute pourrait aider à le guérir ou le perfectionner, à condition que le patient “y croie”. Non au système symbolique dans son ensemble, mais, selon Prades, aux représentations que le thérapeute/tradipracticien partagera avec le patient, et qui agiront “sur le corps et l’âme en mobilisant affects et sensations si elles sont mobilisées dans un cadre rituel approprié” (Y croire). Prades rappelle (Norbert Elias) que les conflits se jouant autrefois entre les individus et les autres se sont progressivement intériorisées et se passent désormais plutôt entre la représentation qu’a un individu de lui-même et sa représentation des autres. Les deux types de conflit doivent donc être formulés, pensés et résolus dans un même discours cohérent. Ce n’est cependant pas intellectuellement et discursivement que le conflit est résolu. Tant que de nouvelles sensations et de nouveau sentiments ne s’y attachent, le conflit restera en place. C’est le transfert qui servira de levier. Il semblerait que le transfert soit même le principe actif des thérapies cognitivo-comportementales (TCC), qui déterminerait leur “efficacité symbolique”.[7]  Même les thérapies TCC qui se veulent davantage scientifiques seraient donc redevables à des principes actifs “quasi-religieux”... Pour les détails voir l’article de Pierre Prades.

On voit bien qu’il existe des points communs (“principes actifs”) entre les thérapies,, y compris les thérapies neurologiques et cognitivo-comportementales, qui veulent “guérir par l’esprit” et le discours symbolique. En tant qu’êtres sociaux conscients nous sommes condamnés à vivre en société dans des systèmes symboliques ou des idéologies. Ces systèmes ont pu être plus ou moins sécularisés, rationalisés, “déconvertis”, même si le religieux refoulé peut avoir des retours inattendus, mais ils peuvent véhiculer des éléments religieux, philosophiques, dualistes (esprit-corps, ciel-terre ...) anciens. “Derrière une couche symbolique, on trouvera encore d’autres couches symboliques” (Ricoeur), et quand une tradition véhicule différentes couches symboliques dans ses discours, rituels, imaginaire … leur influence perdure. L’idéologie a une fonction d’intégration symbolique qui est constitutive de tout groupe social selon Ricoeur.

Selon le marxisme, les systèmes symboliques et les idéologies peuvent être de type dominant, faisant partie intégrante de la domination. L’idéologie est une superstructure, qui pour exister ne peut que se développer sur une infrastructure. Cette superstructure peut se modifier et ne constitue pas d’ordre idéal éternel comme chez Jung et sa théorie des archétypes. Nous retrouvons ici un peu les termes du débat entre Platon (“spiritualiste”) et les “matérialistes” dans Les Lois.
 « Tout d'abord mon bienheureux ami, ils prétendent que les dieux n'existent point par nature, mais par art et en vertu de certaines lois, et que ces dieux diffèrent suivant que chaque peuple s'est entendu avec lui-même pour les imposer dans sa législation ; que la morale aussi est autre suivant la nature, et autre suivant la loi ; que la justice non plus n'existe pas du tout par nature, mais que les hommes sont toujours en contestation à son sujet et y font des changements continuels, et que les dispositions nouvelles qu'il ont adoptées s'imposent aussitôt avec l'autorité qu'elles tiennent de l'art et des lois, et non de la nature. Voilà, mes amis, ce que nos sages débitent à la jeunesse, soutenant que les prescriptions que le vainqueur impose par violence sont d'une justice parfaite. De là les impiétés qu'on voit chez les jeunes gens, quand ils pensent que les dieux ne sont pas tels qu'ils doivent se les représenter pour obéir à la loi ; de là les séditions, parce qu'ils sont attirés vers une vie conforme à la nature et qui consiste à dominer véritablement les autres et à ne point les servir conformément à la loi. » Les Lois, traduction d'Emile Chambry
Pour Platon, « l’âme commande et le corps obéit ». Dans une idéologie dualiste et avec des discours symboliques dualistes, il est difficile de poser les termes du débat autrement.[8] On semble donc condamné à faire avec les oppositions “matérialisme” et “spiritualisme”, “infrastructure” et “superstructure”, où la superstructure commande et l’infrastructure obéit… Il faudrait donc partir du principe (a priori) que la superstructure (l’idéologie, le système symbolique …) n’est pas un ordre idéal éternel, mais peut se modifier, un biais que les spiritualistes taxeront sans doute de matérialiste. Mais comme de plus en plus de religions et spiritualités déclarent aimer la science, et même d’avoir précédé certaines théories scientifiques dans leurs doctrines, cela pourrait être acceptable. Ne serait-ce que pour la discussion sur l’adaptabilité des systèmes symboliques.

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[1] Nommé ainsi en opposition du calvinisme ascétique.

[2] Le développement personnel est « la foi des sans foi » selon Christopher Lasch.

[3] “Le mot enthousiasme (du grec ancien : ἐνθουσιασμός enthousiasmós) signifiait à l'origine inspiration ou possession par le divin ou par la présence d'un dieu ; le terme sous-entend une communication divine.” Wikipedia

[4] “Toutes les cultures sont des systèmes symboliques basés sur un équilibre entre interdiction et rémission, exigence et relâchement.” Philip Rieff, The Triumph of The Therapeutic
“Système de signes. La langue, la peinture, la musique, les langages non-verbaux sont des systèmes symboliques. Une culture est formée des systèmes symboliques propre à une société donnée.” source

[5] Thèse Pierre Prades, De la conversion à la guérison, p. 36, citant Philip Rieff, The Triumph of The Therapeutic.


[6] “Lorsque Ricœur parle à cet effet de « fonction positive de l’idéologie », il se place dans une perspective anthropologique, proche de celle de Cl. Geertz. Il s’agit de penser l’idéologie comme un ensemble de médiations symboliques par lesquelles se structure la réalité sociale et politique. Ce qu’il y a de « positif » ici n’est autre que la nécessité pour tout groupe de recourir à ces médiations (mythes, légendes, récits historiques, valeurs structurantes…) pour se fabriquer une identité collective, pour se mettre en scène, pour se raconter. Le tort finalement de Marx et des marxistes, selon lui, est de prétendre accéder à une « réalité à nu », à une pure praxis désymbolisée. Or il ressort des analyses anthropologiques que « l’action est immédiatement réglée par des formes culturelles, qui procurent matrices et cadres pour l’organisation de processus sociaux ou psychologiques, de la même manière peut-être que les codes génétiques … procurent de tels cadres pour les processus organiques ». 
C’est pourquoi il est sans doute illusoire de vouloir démasquer derrière un système symbolique une réalité qui ne le serait pas : derrière une couche symbolique, on trouvera encore d’autres couches symboliques. Ainsi la fonction négative, dissimulatrice de l’idéologie, au sens marxiste, ne peut-elle prendre sens que sur fond d’une fonction plus primitive, constitutive de tout groupe social, une fonction d’intégration symbolique : « Si l’on n’accorde pas que la vie sociale a une structure symbolique, il n’y a aucun moyen de comprendre comment nous vivons, faisons des choses et projetons ces activités dans des idées, pas le moyen de comprendre comment la réalité peut devenir une idée ou comment la vie réelle peut produire des illusions ; elles ne seront toutes que des événements mystiques et incompréhensibles. Cette structure symbolique peut être pervertie, précisément par des intérêts de classe etc., comme l’a montré Marx, mais s’il n’y avait pas une fonction symbolique déjà à l’œuvre dans l’action la plus primitive, je ne pourrais pas comprendre, pour ma part, comment la réalité pourrait produire des ombres de cette sorte ». Reste à savoir ce qui permet d’affirmer qu’un système symbolique devient distordant, dès lors que l’accès à la « réalité à nu » est déclaré illusoire par Ricœur.” Le paradoxe de l'idéologie revisité par Paul Ricœur, Johann Michel, Dans Raisons politiques 2003/3 (no 11), pages 149 à 172






[7] Jonathan Shedler, The Efficacy of Psychodynamic Psychotherapy paru en février-mars 2010 dans The American Psychologist.


[8] "Je voy les philosophes Pyrrhoniens qui ne peuvent exprimer leur generale conception en aucune maniere de parler : car il leur faudroit un nouveau langage. Le nostre est tout formé de propositions affirmatives, qui leur sont du tout ennemies…"

Montaigne, Apologie de Raymond de Sebonde