Affichage des articles dont le libellé est Matsyendranath. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Matsyendranath. Afficher tous les articles

mercredi 21 novembre 2012

Allers-retours et raccourcis



La route de la soie serait la conséquence de la curiosité de l'empereur Ou-ti (Wou Ti) des hans (140/141-86/87 av. J.-C.) pour les peuples civilisés au-delà des tribus barbares,[1] et n’est pas mentionnée dans les sources chinoises avant cette époque, bien qu’elle semblerait être plus ancienne. Elle consistait en des itinéraires terrestres et maritimes. L’âge d’or des échanges sino-indiens se situe entre le 3ème et le 8ème siècle. C’est par cette voie que le bouddhisme arriva en Chine (p.e. Bodhidharma serait venu par la mer) et c’est par la même voie que plus tard des éléments du taoïsme se sont introduites dans la religion et la culture indienne.[2] C’est-à-dire le taoïsme religieux (Tao-kio) avec son intérêt pour le cinabre[3] et par là pour l’alchimie. Le mot alchimie vient sans doute de la racine chinoise kim/chim qui signifie « aurification » ou du terme chin i, qui signifie « or potable ».[4] Ce terme aurait ensuite été translittéré par Pseudo-Zosimus comme « chymeia » ou « chemeia », plus tard arabisé en « al-chymeia » et introduits dans les traductions européennes comme « alchymia ».[5]


L’intérêt des alchimistes indiens pour le cinabre a sans doute subi cette influence. Tout le mercure utilisé par eux venait d’ailleurs de la Chine.[6] Par la suite, les alchimistes indiens et chinois étaient intéressés par les méthodes que développèrent les uns et les autres. Jean Filliozat[7] mentionne que les empereurs chinois, au moment d’être introduit au bouddhisme, demandèrent simultanément des élixirs d’immortalité. David Gordon White passe en revue différents échanges alchimiques entre la Chine et l’Inde : l’alchimiste indien Nandi (absent dans les sources chinoises), qui selon la tradition shivaïste aurait reçu la transmission de Pārvatī, qui l'avait reçue de son mari Śīva. La transmission de Nandi compta au total 18 siddhars. Le pandit indien Nārāyaṇasvāmin, détenteur d’une recette de longévité, capturé et gardé en captivité à la cour chinoise autour de 649. Plus tard, ce fut le tour d'un autre alchimiste indien Lokāditya. White rappelle également que les chinois offrirent en 649 une traduction en sanscrit[8] du Tao te ching au roi de Kāmarūpa (Assam) en échange d’informations sur l’élixir et l’alchimie « transmutationnelle ». Le mercure étant une substance dangereuse, il y eut pas mal d’accidents professionnels. Le chinois pélérin I-ching mentionne quelques cas graves d’abus de mercure constatés pendant ses voyages.

L’impression que donne tout cela est un échange intensif entre l’Inde et la Chine. L’Inde exporte du bouddhisme et importe du taoïsme et du cinabre. Puis, les labos de cinabre de part et d’autre échangent leurs recettes. L’importation du cinabre ne se limitait pas à sa forme extérieure, l’intérêt indien se portait sur les trois pratiques principales des taoïstes : 1. Le « cinabre intérieur » (nei-tan), 2. Le « cinabre extérieur » (wai-tan) et 3. « la pratique de la Chambre à coucher » (fang-tchong). On s’intéressait à la « respiration embryonnaire » pour « nourrir le principe vital » et à « l’inversion du fleuve jaune » (huan-ching), ainsi qu’aux « champs de cinabre » qui font penser aux cakra.

Les alchimistes indiens, les siddha, ont exploité ces données de leur côté, ont fait leurs propres expériences et développé leurs propres théories et méthodes, qui, homologuées par le bouddhisme, furent de nouveau exportées en Chine (au 8ème siècle) par des moines tantristes tels que Śubhākarasiṁha, Vajrabodhi et Amoghavajra etc. Encore plus tard, ce seront les maîtres tibétains qui apporteront leur connaissance en immortalité à la cour impériale. Nāgārjuna le siddha[9], réputé pour avoir été un grand alchimiste, aurait habité la région de Nāgārjunakoṇḍa et d’Amaravati dans l’Andhra Pradesh, et serait né à Kāñci selon le dpag bsam ljon bzang[10]. Or, ces lieux étaient à la croisée d’une route maritime et terrestre, et les siddhas pourraient y disposer de tout le cinabre dont ils rêvaient. Un autre port sur la route maritime état Tamluk au Bengale-Occidental, à côté de Kāmarūpa (Assam), où habitaient les yogini qui avaient ensorcellé avec leurs charmes Matsyendranāth, l’ancêtre du Kaula[11] et par Gorakṣanāth qui aurait sauvé Matsyendranāth et par la même occasion le Kaula en le réformant en le mouvement Nātha.

***

MàJ 16/10/2013



[1] Source wikipedia : François Bellec, Marchands au long cours, éd. du Chêne-Hachette, Paris, 2003

[2] David Gordon White, The Alchemical Body, p. 62

[3] Atilf : « Empr. au lat. impérial cinnabaris « cinabre », lui-même empr. au gr. κιννάβαρι « cinabre, sang de dragon, sorte de teinture; plante tinctoriale, garance », mot d'orig. orientale, prob. persane. »

[4] Joseph Needham, Science and Civilisation, vol. 5, pt. 4 (1980), pp. 351-53, 355. Référence donnée par David White.

[5] David White, p. 204

[6] David White, p. 62

[7] Taoïsme et yoga, p. 46

[8] Traduction faite par le pélérin Hsuan-tsang, qui ne fit apparemment pas que de la version mais aussi du thème…

[9] Selon la lignée de la Mahāmudrā, disciple de Saraha. Mais Saraha, du moins selon les Distiques rapportées par Maitrīpa, condamne l’alchimie (rasa-rasāyana).

[10] De Sum-pa Mkhan-po Ye-shes-dpal-'byor (1704-1788)

[11] On lui attribue le Kaulajñānanirṇaya

samedi 5 novembre 2011

Mères, Yoginis, dieux et démons



Les Yoginī sont des êtres que David Gordon White caractérise comme des déesses puissantes et quelquefois guerrières, qui contrôlaient le flux du sang, le leur ainsi que celui des animaux et des humains qui étaient leurs victimes. Elles jouaient un rôle essentiel dans les initiations tantriques, avaient le pouvoir de voler, d'adopter la forme d'un humain, animal, arbre..., étaient souvent représentées en cercles, avaient des temples dans des lieux isolés qui leur étaient dédiées mais n'étaient pas représentées comme des pratiquantes du yoga, puisque le yoga tel que nous le connaissons n'avait pas encore été inventé.[0]

Les Yoginī peuvent être au nombre de 64 ou 81. Quand elles sont au nombre de 64, elles peuvent être associées aux huit Mères (S. mātṝkā T. ma mo), et quand elles sont 81 aux neuf Mères. Soit huit groupes de huit, ou neuf groupes de neuf, chaque groupe ayant une Mère à sa tête. Les Mères étaient au départ sept (S. saptamātṝkā), respectivement les épouses des grands dieux hindous : Brāhmī (ou Brahmāṇī), Vaiṣṇavī, Māheśvarī (Raudri, Rudrani ou Maheśi), Aindrī (Indrani, Mahendri, Shakri ou Vajri), Kaumarī (Kārttikeyani ou Ambika), Vārāhī (ou Vairali) et Cāṃuṇḍā (ou Narasiṃhī). Dans le cas de huit Mères, la huitième est Devī, mais il peut y avoir quelques exceptions. Votre indulgence pour des signes diacritiques manquants ou de trop...

Par exemple, dans les Varāha Purāṇa, il y a une liste de huit Mères, où la septième Mère s’appelle Yami (śakti de Yama) et la huitième Yogiśvari, qui émerge sous la forme des flammes de la bouche de Śiva. Au Népal, on compte huit Mères, la huitième étant Mahā-Lakṣmī ou Lakṣmī. Dans les listes de neuf Mères (comme celle utilisée dans le Devī-Purāṇa), figure Gaṇanāyikā ou Vināyakī, comme la śakti de Gaṇeśa.[1]

Les Mères adoptèrent Skanda, le fils de Śiva/Bhairava, comme leur fils et ce dernier les reconnaît comme ses Mères. Elles sont à ses ordres. Pourquoi Skanda avait-il besoin de ces Mères ? Skanda signifie « Venu du sperme ». Il serait né du sperme de Śiva sans le secours d’aucune femme. Il serait resté indéfiniment un adolescent (S. kumāra T. gzhon nu) et aurait été élevé par les Mères, identifiées aux Pléïades, d’où son autre nom Kārttikeya.[2] Quand elles sont aux ordres de Skanda, les Mères deviennent les Saisisseuses (S. graha, grāhi). Dans le cas de nombreuses maladies, il convient de déterminer par quelle Saisisseuse le malade est « saisi ». Une fois la Saisisseuse identifiée, le médecin/sorcier négociera la guérison, le dessaisissement, avec la déesse en question par le biais d’un rituel en présentant un rançon/tribut.

Dans les oeuvres anciennes de sorcellerie tantrique, il était important de connaître le clan d’une Yoginī. Le connaître était un moyen de la contrôler. Le Netra Tantra explique :
« Dans chaque cas, où une personne est « scellée » ou « clouée » [par une Yoginī ou un démon] appartenant à un certain clan (kula), ou qui fait partie d’un certain pouvoir, cette personne pourra être délivrée de ses maux en présentant une offrande au [chef] de cette famille. » 
White précise que par exemple une personne qui est tourmentée par les Yoginī et leurs consorts, devrait rendre un culte à leur chef, Bhairava. Selon White, le Kaula a commencé comme une tentative de contrôler (T. dbang du byed pa, dbang du sdus pa) les Yoginī sauvages, en assumant la position de Bhairava au centre de leurs hordes en fureur.

A l’ouverture de La Démonstration de la gnose de l'essence Génétique (Kaulajnānanirṇaya KJN), Bhairava dit :
« Vous, Ô grande Déesse, êtes Umā et moi, ma chère, je suis votre mari. Je suis le glorieux Seigneur (S. śrī nātha T. dpal ldan mgon po) [de la déesse] ; c’est pourquoi je m’appelle Śrīnātha. (…) Lorsque la gnose [du Clan] avait été déscendue par vous et moi à Kāmarūpa, l’essence de [mon fils Skanda] A-six-bouches est descendue en vous. [Skanda avait déposé] la gnose [du Clan] dans l’écriture du Clan. (…) Je séjourne sur l’Île lunaire (S. Candradvīpa) dans ma forme non manifeste (S. avyaktam). »[3]   
Il dit encore :
« La Yoginī du nom Kālikā, dont la position exaltée est égale à la mienne [Bhairava] ».
Ainsi, la place centrale de Bhairava, pouvait aussi être occupée par Kālī, comme c’est le cas dans la tradition cachemirienne Séquence de Kālīs (Kālī-krama). Dans ce cas, c’est Kālī qui trônera au centre des 64 Yoginī. L’ensemble de la divinité centrale et son entourage constitue le maṇḍala. Hormis le pouvoir de Saisissement, les Yoginī avec les Mères à leur tête peuvent aussi accorder des dons ou des pouvoirs (S.siddhi), au nombre de huit… 1. Reduire son corps à la taille d’un atome (aṇimā), 2. (Agrandir son corps à l’infini (mahima), 3. Alourdir son corps à l’infini (garima), 4. Réaliser l’apésanteur totale (laghima), 5. Avoir accès à tous les lieux (prāpti), 6. Réaliser tout ce que l’on souhaite (prākāmya), 7. Devenir l’autorité absolue (iṣṭva), 8. Le pouvoir de subjuguer les autres (vaśtva). Il existe d’autres listes de pouvoirs/dons.

Le culte des Yoginī, dans le cadre de la pratique (S. sadhāna) d’une divinité centrale qui les contrôle, après avoir été initié dans son maṇḍala, permet ainsi de prevenir ou éliminer les obstacles et les maladies et d’obtenir des pouvoirs. D'autres interprétations plus symboliques sont apparues plus tard.

Le Kaulajnānanirṇaya (KJN) de Matsyendranātha est un ensemble très cohérent, pourtant fabriqué d’éléments hétérogènes (kula tantras). L’équivalent bouddhiste de la tradition Kaula n’a pas la même cohérence et on a davantage l’impression de bricolage dans le sens où l'entend Levi-Strauss. La tradition Kaula s’inscrit dans un mythe fondateur cohérent avec elle. Dans le bouddhisme, le mythe fondateur ne peut pas être le même sans donner l’impression d’un emprunt, mais il ne peut pas non plus être totalement différent. Voir à ce sujet les travaux d'Alexis Sanderson. Et puis il y a le problème d’affiliation réelle indispensable à la transmission de l’essence du Clan. Il faudra bien qu’elle remonte à la source. Et cette source sent le poisson

La divinité centrale du maṇḍala bouddhiste qui prend la place de Bhairava est le dieu Heruka. Ou dans l’école dite des « anciens » (rnying ma), Padmasambhava, qui a huit aspects, et qui trône au milieu des huit classes de dieux-démons (T. lha srin sde brgyad), parmi lesquelles figurent d’ailleurs les Mères, et qui intègrent des dieux locaux tibétains. Les huit classes sont : 1. bdud (māra), 2. ma mo (mātrika), 3. klu (nāga), 4. ging[4], 5. (rāhula), 6. btsan, 7. srin po (rākṣasa), 8. gnod sbyin (yakṣa). Tout comme les Mères, ces dieux-démons peuvent causer des troubles et des maladies, y renoncer et accorder des pouvoirs. Et cela en échange d'un rançon ou tribut (T. glud, gtor ma)

Pris au premier degré, il s'agit d'une approche magique. Rappelons certaines similitudes avec la sorcellerie pratiquée en milieu rural en France. Hugues Berton donnait l’exemple d’un enfant bègue. S’il est bègue c’est justement « par ce qu’il parle avec ce type de langage à un esprit particulier. » La médiation est alors une négociation avec cet esprit pour libérer « la partie de l’âme en relation avec le sens défaillant. Le tribut (T. glud) ayant été payé, l’enfant recouvre l’usage normal de la parole. » (Berton, p. 83).

***
Illustration : Les huit Mères

[0] Kiss of the Yoginī, David Gordon White, p. 27 

[1] Source
[2] Louis Frédéric, Dictionnaire de la civilisation indienne. Kārttikeya est celui qui avait dérobé les écritures Kula.
[3] (White, 2003), p. 24
[4] Selon Dan Martin, ce mot apparaît aussi comme gying, et est probablement un emprunt de l’arabe « Jinn »

vendredi 4 novembre 2011

Dans le ventre du poisson




Le fondateur légendaire de la tradition Kaula était Macchanda ou Matsyendranātha, considéré comme le grand ancêtre des (mahā)siddha aussi bien shivaïtes que bouddhistes. C’est à lui qu’est attribué la Démonstration de la gnose de l'essence Génétique[0] (Kaulajnānanirṇaya KJN), qui explique dans son seizième chapitre le mythe de l’origine de cette tradition. Bhairava, qui habituellement demeure seul sous une forme non manifeste à Candradvīpa (« Île lunaire »), est en compagnie de la Déesse à Kāmarūpa (« Corps d’amour »). Bhairava explique à la Déesse que leur fils Kārttikeya s’étant mis en colère à Candradvīpa, avait pris la forme d’une souris et avait volé les écritures (S. śastra) du clan. Bhairava les avait retrouvé dans le ventre d’un poisson dans l’océan et avait ainsi récupéré la « Tablette de la gnose » (S. jñānapaṭṭa), qu’il avait pris soin de cacher. Les écritures furent volées une deuxième fois par Kārttikeya et aterrissaient de nouveau dans le ventre d’un poisson. Cette fois-ci pour récupérer les écritures, Bhairava devait se transformer en un pécheur de basse caste, ce qui explique le nom de Matsyendranātha, Seigneur des poissons.[1]

Dans la tradition bouddhiste, celui que l’on trouve à la tête des 84 mahāsiddhas, est Lūipa, probablement du mot bengali « lohita ». D’autres variants de son nom sont Lūhipa, Lohipa, Lūyipa et Loyipa. En tibétain, son nom est « nya lto zhabs », « Ventre de poisson ». Mais c’est l’histoire du mahāsiddha Mīnapa, qui est plus directement inspiré par celle de Matsyendranātha. Mīnapa fut mangé par un poisson géant qui alla ensuite à l’endroit même dans l’océan ou Mahādeva donna en secret les instructions à sa compagne Umādevi. Mīnapa avait tout entendu, ce qui n’avait pas échappé à Mahādeva, qui lui donna les vœux (S. samaya) correspondants. C’est suite à sa réalisation que Mīnapa avait obtenu son nom. « Mīna », tout comme « maccha » et « matsya », signifie poisson. Son disciple était le mahāsiddha Gorakṣa (Gorakhnath), le maître fondateur de la transmission des yogis Nāth (S. nāth yogi sampradāya) à l’origine du haṭha-yoga.[2]

On peut encore remarquer qu’iconographiquement, Tilopa est représenté tenant un poisson à la main. La hagiographie de Nāropa raconte qu’en rencontrant Tilopa, ce dernier fait frire des poissons encore vivants. Quand Nāropa lui fait remarquer que ce n’est pas un comportement approprié pour un ermite, Tilopa claque ses doigts en disant « Lohivagaja » et les poissons s’en retournent dans le lac.[3]

Tāranātha (1575-1634), détenteur des lignées Jonang et Shangpa, a écrit une histoire de la transmission des tantras[4]. Dans cette oeuvre, la septième lignée d’instruction du bouddhisme ésotérique, descendant des 59 (sic) Mahāsiddha indiens, concerne la transmission de diverses traditions (S. amnāya T. man ngag), parmi lequelles figurent celles du Mahāsiddha Gorakṣa. Tāranātha écrit à ce sujet :
“Les douze branches (S. nikāya = bārah panth ?) de yogis[5] racontent que Mīnapa/Matsyendra suivait Maheśvara (Śiva) et qu’il atteint les pouvoirs mystiques (siddhi) ordinaires. Gorakṣa reçut de lui les instructions sur les énergies (S. praṇa), les metta en pratique suite à quoi la gnose de la Mahāmudrā naquit naturellement en lui.”[6]
Tāranātha, qui ne cite malheureusement pas ses sources, ajoute que plusieurs histoires du même genre circulent mais qu’elles sont sans fondement. Pour Tāranātha, qui avait sa propre liste de mahāsiddhas, parmi lesquels ne figurait pas non plus Tilopa, ces maîtres étaient des Nāths et ils pratiquaient des sādhana shivaïstes ou śakta hors d’un contexte bouddhiste et par conséquent la plus haute réalisation du bouddhisme tantrique, étant des non-bouddhistes, ne leur était pas accessible pour cette raison même...[7]

Le Tengyur tibétain contient néanmoins une pratique de cāṇḍalī (T. gtum mo) dite « cāṇḍalī non bouddhiste » (S. Tīrthikacāṇḍālīka T. mu thegs kyi gtum mo)[8] attribuée à Siddha Acinta (qui se dit « Acinta le Kapālika »), où on lit « Le lieu de la femme est la Mère à la tiare, l'essence Génétique (S. kula T. rigs) est l'essence Génétique de la cāṇḍalī » (T. bud med gnas ni dbu rgyan mA/ rigs ni gtum mo’i rigs gyur pa).[9]

***

[0] Génétique par référence à son sens original en grec : "Le génos (grec γένος, pluriel γένη, « clan ») est un sous-ensemble de la phratrie et regroupe des familles ayant un ancêtre commun. Les membres d’un génos sont unis par le culte qu’ils vouent à leur père fondateur. A l’origine, ils vivent sur les mêmes terres, partagent le même foyer et sont dirigés par un chef de famille, qui est aussi le prêtre du culte familial et le garant de la justice au sein du génos. Source
[1] (White, 2003), p. 102-103
[2] (Dowman, 1985), p. 79-80
[3] (Guenther, 1995), p. 35. L’auteur de cette hagiographie est Lha’i btsun pa rin chen rnam rgyal (1473-1557), disciple de gtsang smyon heruka (1452–1507).
[4] bka' babs bdun ldan gyi brgyud pa'i rnam thar ngo mtshar rmad du byung ba rin po che'i khungs lta bu'i gtam
[5] Il s’agit sans doute des 12 yoguis fondateurs des Kāpālika, parmi lesquels figurent Jālandhara/Hāḍipa, lui-même élève de Gorakṣa. Dowman, p. 249
[6] The Seven Instruction Lineages (Paperback) by Jonang Taranatha, traduit par David Templeman, Library of Tibetan Works & Archives, p. 75. Réf. TBRC W22276-2306-7-163. 117. grub chen gau ra+kSha’i man ngag rnams kyi bka’ babs yin te/ de yang sde tshan bcu gnyis kyi dzo gi rnams na re/ mA Ni pas lha dbang phyug chen po la brten te/ thun mong kyi dngos grub thob/ de la gau ra+kShas rlung gi gdams ngag zhus te bsgoms pas/ phyag rgya chen po’i ye shes rang byung du skyes pa yin zhes zer ba sogs khungs med kyi gtam sna tshogs yod kyang*/ re zhig bzhag go/
[7] Masters of Mahāmudrā, Keith Dowman, Suny Press, p. 83
[8] http://www.tbrc.org/#library_work_Object-O1GS6011%7CO00CR000800CR012870$W23703
[9] Voir aussi Ron Davidson, Indian Esoteric Buddhism p. 218