jeudi 8 juin 2023

Bouddhisme : la fin des dérives ? (LCP)

Bouddhisme : la fin des dérives ? | Les débats de Débatdoc

Un peu de fact-checking et quelques réflexions suite au documentaire “Bouddhisme, la loi du silence” et le débat[1] qui le suivait sur la chaine LCP le 06/06/2023, sous le titre “Bouddhisme : la fin des dérives ?

Les révélations des cas d’abus de pouvoir, de violences sexuelles, d’emprise, de déni de responsabilité (“DARVO[2]”), d'ostracisme et de silence, etc., dans le cadre du bouddhisme tibétain, ont quasi uniquement eu lieu en Occident, comme si ce problème n’existait pas dans les communautés bouddhistes tibétaines en Asie. Les clercs bouddhistes tibétains, dans un déni de responsabilité, présentent ces problèmes alors souvent  comme une mauvaise perception, compréhension ou pratique de la part des convertis Occidentaux, sans lesquels ces problèmes n'auraient pas pu se produire et reproduire sans cesse.

Faut-il rappeler que les abus de l'Église catholique en Occident sont “relativement récents” (deuxième moitié du 20ème siècle) ? N'y avait-il pas d'abus avant cette période ? Ce n’est évidemment pas le cas, seulement, les croyants catholiques vivaient encore sous l’emprise de leur Église, confiant leurs enfants à des internats catholiques, tout comme les parents bouddhistes confiaient leurs enfants à des monastères ou des écoles monastiques. Les quelques cas d'abus émergeant à la surface étaient étouffés. Depuis, les catholiques sont sortis de l’emprise et les procès faits à l'Église sont désormais courants. Le sujet est librement débattu dans les médias, et des mesures préventives sont prises de façon pragmatique.

Quand, dans les années 1970, une nouvelle possibilité d'emprise s’installe dans une nouvelle religion importée sur le sol français, le poids (et donc l'emprise) de cette nouvelle tradition est moins grand, et les cas d’abus sont révélés relativement plus facilement, ce qui n’empêche pas le déni, le silence, et la pression sur les co-croyants de fonctionner dans les nouvelles communautés bouddhistes tibétaines. Sortir d’une emprise en quittant le catholicisme, pour retrouver une autre emprise, plus exotique et souriant à prime abord...

Face aux abus dans le bouddhisme tibétain, les Occidentaux pouvaient initialement avoir le même réflexe que leurs parents face à l'église catholique, son pape et son Vatican, en se retournant contre les clercs bouddhistes abuseurs et leurs hiérarques, qui déclinèrent aussitôt toute responsabilité. L'hiérarchie fonctionne parfaitement dans le sens des offrandes, mais personne ne s’y sent responsable en cas de pépin. Il y a de très nombreux hiérarques tibétains (tulkus), aucun d’eux n’accepterait cependant une quelconque forme de responsabilité pour les abus. “Ne mettez pas toute la responsabilité sur mes épaules” (le Dalai-Lama aux victimes à Rotterdam en 2018), signifie au fond “je ne suis pas responsable, allez voir ailleurs”.

Le bouddhisme tibétain a différentes écoles, chacune ayant à leur tête un chef. A l’exception de l’école Nyingmapa, dont aucun hiérarque ne souhaite accepter la direction depuis le décès du dernier chef en 2016. Certains considèrent l’absence de chef et de responsabilité hiérarchique poétiquement comme un sens de “liberté”, les nyingmapas seraient l’école la plus libre et horizontale du bouddhisme tibétain…

Le système DARVO du bouddhisme tibétain en Occident se reflète aussi dans le choix de certains éléments de langage de sa “clause de non-responsabilité” et qui reviennent sans cesse dans la bouche de certains de ses représentants ou experts. L’entière responsabilité est alors rejetée sur les victimes/survivants. Quelques exemples : “Le Dalai-Lama n’est pas un pape”, “les Occidentaux comprennent mal le bouddhisme”, et “Il faut bien examiner un maître au préalable”. 

La particularité du vajrayāna, qui est le véhicule phare du bouddhisme tibétain est la relation maître-disciple, indispensable pour la transmission de la grâce et des pouvoirs spirituels (siddhi), nécessaires pour devenir à terme un Bouddha pleinement accompli et actif. Sans cette grâce et sans les pouvoirs spirituels, une réalisation “bouddhiste” est incomplète. Seul le bouddhisme ésotérique vajrayāna donnerait accès à cette réalisation, dans le cadre d’une transmission où le maître serait indispensable. Le maître serait donc le garant de votre salut et future bouddhéité, et indirectement de celui de tous les êtres.

Le bouddhisme des auditeurs a bien des arhats, des anciens, des instructeurs, mais pas de Bouddhas parfaitement accomplis. Le bouddhisme mahāyāna a bien des maîtres/amis spirituels, qui peuvent même donner des transmissions (comme dans le ch’an/zen), mais celles-ci ne donnent pas accès à la grâce et aux bénédictions que seul le vajrayāna pourrait offrir, et qui seraient indispensables pour atteindre la bouddhéité ultime.

Quelle chance pour les adeptes occidentaux d’avoir eu, sur leur sol, immédiatement accès à ce bouddhisme-là, qui est en fait trois bouddhismes en un : le bouddhisme des auditeurs (“petit véhicule”), le bouddhisme mahāyāna (“grand véhicule”) et le bouddhisme ésotérique, la voie la plus rapide et complète. La voie la plus rapide, mais aussi la plus “vertigineuse”, qui permet de monter très haut, mais aussi de tomber très bas (6:44), tel Icare et ses deux ailes en cire.

Pour les experts sur le plateau, ce discours triomphaliste semble aller de soi. Nous savons par expérience que dans le vajrayāna, on peut tomber très bas, mais qu’en est-il des revendications concernant la réalisation la plus haute (grâce et pouvoirs spirituels) ? Qui en a fait l’expérience, et peut témoigner de cette réalisation par une expérience directe. Qu’un maître “réalisé” serait en effet au-dessus de “l’illusion”. Qu’il pourrait nous guider pour passer nous aussi au-dessus de “l’illusion”. En brisant notre “ego” et “nos concepts” (fondements de “l’illusion”) grâce à sa “folle sagesse” ? Car, en nous “abandonnant” totalement à un maître, et en s’engageant sur cette “voie vertigineuse” de la transformation, d'où l’on pourrait tomber très bas, il faudrait avoir des garanties en contrepartie. Qui pourrait les donner ? Qui les donne effectivement ? Quel expert les aurait vérifiées ? Ou tout cela serait il purement performatif ?

Les experts sur le plateau ne semblent pas trop s’intéresser à ce point, et préfèrent passer directement aux manquements et aux responsabilités des adeptes occidentaux. Notamment la nécessité d’examiner pendant longtemps un maître avant de s’engager auprès de lui. Il y aurait "énormément de textes" qui en parlent, mais ils seraient "quasiment passés sous silence par les disciples occidentaux" (8:07). Si ceux-ci ne font pas d'examen approfondi, ou s’ils choisissent mal, et que cela se passe mal pour eux, c’est donc un peu de leur faute, ou peut-être n’étaient-ils pas des “disciples authentiques” (8:38). Si les victimes sont des enfants, ce sont sans doute les parents qui auraient mal fait leur boulot ? Des parents ayant confié leurs enfants à un lama "pas authentique" (9:33), même si celui-ci dispose de lettres de crédit des plus grands lamas, y compris le Dalai-Lama pour certifier qu'il est authentique. Ce n'est finalement pas très différent des parents catholiques qui, au siècle dernier, confiaient leurs enfants à des religieux et à des institutions religieuses ? Ou des parents bouddhistes asiatiques, qui confient leurs enfants à des monastères ? Quand ces enfants sont abusés, c’est la faute aux parents d’avoir mal choisi le ou les religieux ? Qui est responsable, ou co-responsable si l’on veut ?

On peut donc parler de "système" quand il y a des affaires à répétition et quand les institutions concernées gardent le silence (13:40). Cela vaut d'ailleurs pour les enfants comme pour les adultes. Le silence et le déni font en sorte que ce système soit “verrouillé”. Ce verrouillage est-il intentionnel ? Comment le silence et déni sont-ils maintenus ?

Selon Raphaël Liogier (12:45), dans le véhicule tantrique “tout est illusion”, et cela est vrai pour le bouddhisme en général ajoute-t-il, le premier vers du Dhammapada, ne dit-il pas que “tout est mental” ?

En fait non, dans le bouddhisme, on trouve souvent l’expression que les dharma (objets mentaux) sont “semblables à une illusion” (māyopama), puisqu’ils apparaissent et disparaissent aussitôt. C’est leur nature éphémère qui fait qu’ils sont “comme une illusion”, ils ne durent qu’un moment.
1. Le mental est l'avant coureur des conditions, le mental en est le chef, et les conditions sont façonnées par le mental. Si avec un mental impur, quelqu'un parle ou agit, alors la douleur le suit comme la roue suit le sabot du bœuf. ” Les dits du Bouddha” (Albin Michel, 1993)
Le premier vers du Dhammapada ne dit pas en gros “tout est mental”, mais que le mental (mano) est l’avant-coureur des conditions, et déterminant pour les paroles et les actes qui suivent. Celui qui contrôle son mental, contrôle ses paroles et ses actes (et leurs fruits), qui ne sont pas des illusions.

Tout est mental” et “tout est illusion” ne correspondent pas à la pensée du Bouddha. Le “mental” collectif ou partagé, ce sont les conventions. Les conventions, les lois, les règles morales, etc., ne sont pas des illusions. Que les dharma apparaissent de causes et de conditions n’implique pas qu’elles soient des illusions. Celui qui prendrait les conventions pour de simples illusions serait quelqu’un qui est perdu, incapable d’agir de façon efficace. Celui qui croit qu’étant “éveillé”, il est au-dessus des conventions est perdu, et d’un point de vue bouddhiste causerait sa propre perte et celle de ceux qui le suivent.

Si c’est cela que croient les “groupes tantriques”, ils ont en effet perdu toute boussole. S’ils croient que leur maître serait en effet au-dessus des conventions, qui ne seraient que des illusions, et qu’ils devraient sabandonner à lui et à ses caprices, corps-parole-et-esprit, tout en sabstenant de juger, pour le rejoindre au-dessus de la mêlée saṃsārique, malheur aux “groupes tantriques”, et bonjour les dérives...

Ce lamaïsme-là, est-ce une invention nouvelle de Trungpa (années 1970), une mouture spécialement destinée aux adeptes occidentaux ? Pas vraiment, Trungpa n’était pas le premier maître tantrique autocrate, alcoolique, libertaire et transgressant les conventions. Le mot “folle sagesse”, probablement oui, et la forme occidentalisée de son système, aussi, mais le comportement transgressif des théocrates était bien connu au Tibet, et en Mongolie et ailleurs. D’autres (p.e. Sogyal Lakar) ont d’ailleurs repris sa méthode, et de nombreux lamas tibétains contemporains sont ouvertement admirateurs de Trungpa, et le voient comme un pionnier pour enseigner le bouddhisme tibétain en Occident.
Raphaël Liogier : “[17:53] L'autre élément c'est que le bouddhisme est une religiosité, qui a été en partie reconstituée à travers les valeurs occidentales. Autrement dit, il est presque par nature depuis les années 1980, immunisé contre la critique, et tout en étant extrêmement désirable parce qu'il correspond aux logiques de développement personnel, etc. Autrement dit, il y a un plus grand nombre de victimes potentielles, donc c'est plus facile pour les gourous potentiels qui sont humains, comme tout le monde, et qui vont glisser parce qu'ils ont la facilité du point de vue de l'évolution de notre culture et la facilité du point de vue de la doctrine.”
Cela est juste, mais le “glissement entre points de vue” est une spécialité bouddhiste depuis le mahāyāna. Le Dalaï-lama le pratique d'ailleurs aussi à merveille. J’ai déjà écrit dans mes blogs que pour défendre “le bouddhisme” (le bouddhisme tibétain), des clercs tels que Dzongsar Khyentsé peuvent selon le besoin glisser d’un point de vue vajrayāna, vers un point de vue bouddhisme des auditeurs (souvent le Kalama sutta…), ou sinon vers la vacuité du madhyamaka.

Les nouveaux convertis occidentaux tout frais qui abordent le bouddhisme tibétain, et qui souhaitent avoir accès à des pratiques tantriques, sont demandés de commencer par les pratiques dites préliminaires, dont la dernière est le “guru-yoga”. Le commentaire (“Le Flambeau de la certitude”) expliquant ces pratiques existe en version française depuis les années 1980. On peut y lire :
Une fois que l’on a écouté ne serait-ce que de brefs propos,
Si l’on manque de respect pour son Lama,
On renaîtra en tant que chien cent fois
Et ensuite comme boucher.
Mais on y lit aussitôt après, qu’il est inutile d’examiner au préalable son maître, à l’époque de son auteur (19ème siècle), et au Tibet.
En ces temps, il est impossible de trouver un Lama qui se soit débarrassé de tous les défauts et qui ait porté à la perfection les grandes qualités. Même s’il était possible de trouver un tel Lama, sans la vision pure nous prendrions ses grandes qualités pour des défauts, tout comme Devadatta voyait des défauts dans le Bhagavan.”
Heureusement, la lignée Kagyupa est si excellente, qu’on peut faire confiance à tout lama ayant reçu cette transmission.
Si [un disciple] considère comme son propre Lama-racine quiconque a reçu la grâce de la lignée comme de père en fils, il trouvera ceci satisfaisant. Il n’aura aucun besoin d’examiner les qualités de son Lama.
Un tel examen n’est pas nécessaire même en ce qui concerne les autres Kagyupas. Tous les Lamas d’autrefois - les grands qui reçurent la transmission - ont transféré leur réalisation, leur conscience ultime à leurs disciples. Ainsi, tous ces Lamas ont la faculté de bénir les autres
.”
Bref, on peut faire confiance à tout lama de la lignée (Kagyupa), sans examen préalable, mais une fois la relation maître-disciple établie, il vaut mieux arrêter d'examiner et ne plus le juger. En fait, les lamas n'étant plus à la hauteur "en ces temps" qui sont aussi les nôtres, c'est aux disciples de mettre les bouchées doubles et d'assumer la responsabilité, toute la responsabilité. 
De même, notre propre attitude mentale nous amène à voir des fautes en notre Lama. Comment un Bouddha peut-il avoir des défauts ? Quoi qu’il fasse, laissez-le faire. Même si vous voyez votre Lama avoir des relations sexuelles, raconter des mensonges, etc. méditez calmement ainsi: "Tels sont les moyens habiles insurpassables de mon Lama pour former les disciples. Par ces méthodes il a amené beaucoup d’êtres sensibles à la maturité spirituelle et à la Libération. Ceci est cent fois, mille fois plus merveilleux que de préserver une conduite morale pure. Ceci n’est pas une duperie ni de l’hypocrisie mais le mode de conduite le plus élevé. En particulier, quand il nous réprimande, pensons : « Il détruit mes mauvaises actions. » Quand il nous frappe, pensons : « Il chasse les démons qui entravent mon progrès spirituel. » Considérons principalement que notre Lama nous aime comme un père aime son fils, Son amitié est toujours sincère. Il est très bon. S’il parait mécontent ou indiffèrent envers nous, pensons que c’est la rétribution qui ôtera le reste de nos voiles karmiques. Essayons de faire plaisir au Lama en le servant de toutes les façons possibles.
En deux mots, ne voyons aucune faute en notre Lama
.”
Voilà ce qu’ont lu et entendu de nombreuses personnes en France dès les années 1980, qui ont ensuite fait confiance à leur lama de bonne lignée.

L’enquête ayant servi au documentaire et le livre “Bouddhisme, la loi du silence” portait sur 32 victimes. Ce ne sont pas des “cas anciens”, “qui n’ont pas eu l’écho qu’ils nécessitaient” avant le documentaire. Pour quelles raisons d'ailleurs ? Ce serait intéressant à savoir. Ce n’est pas comme si ce dossier est maintenant clos, qu'il faut tourner la page, l'époque de “la loi du silence” étant enfin terminée, les faits ayant été rendu publics. Les bouddhistes occidentaux discutent-ils désormais réellement ouvertement sur ces choses, et sur la manière de les prévenir, maintenant que “le bouddhisme nest plus immunisée contre la critique” (le fameux exceptionnalisme bouddhiste). C’est vrai que la fin de l'exceptionnalisme bouddhiste avait commencé avec la démission et la fuite de Sogyal Lakar en 2017, et le documentaire était très attendu, mais nous n’en sommes toujours qu’au début.

Un article paru dans Le Parisien le 7 juin 2023 nous apprenait hier :
Un moine lama [de la lignée Kagyupa] sera prochainement jugé aux assises du Puy-de-Dôme, à Riom, accusé de viol par deux anciennes disciples lors de retraites dans un centre bouddhiste en France. La fin de la loi du silence, et le début d’un changement pour ce culte.”
J’en profite encore pour corriger une autre erreur faite pendant l’émission, ainsi que dans un Tweet de LCP :
En 2017, le Dalaï-lama, chef spirituel du Tibet, prononçait la disgrâce de Sogyal Rinpoché. Ce lama bouddhiste était accusé depuis des décennies de frapper et d’abuser sexuellement ses disciples.”
Le DL n'avait pas "prononcé la disgrâce" de Sogyal. Il avait dit “Now recently Sogyal Rinpoche, my very good friend, he [is] disgraced. So, some of his own students now made their criticism public.La "disgrâce" de Sogyal consiste en la dénonciation publique par un groupe de disciples du premier cercle. Le Dalai-lama avait expliqué (en 1990) que ce sont les disciples qui font (et donc défont) un gourou[3].

En revanche, et ce sera ma dernière réflexion, ce que propose la commission éthique de l'UBF (Antony Boussemart) sur une proscription des relations entre enseignants et disciples irait dans le bon sens. Cette proscription avait déjà été abordée pendant la réunion à Dharamsala en 1993 entre le Dalai-Lama et un groupe d'enseignants bouddhistes, mais elle n'avait pas été retenue à l'époque.

Aux Pays-Bas la loi (art. 249b) a sanctuarisé tous les rapports thérapeutiques dans le sens le plus large. Un exemple, il existe un point-contact aux Pays-Bas pour signaler "les comportements transgressifs et les abus sexuels dans le tantra et le coaching d'intimité". Il y a eu notamment une condamnation à 30 mois de prison dont 10 avec sursis pour un masseur tantrique en 2021.

***

[1]Axé sur la méditation et la recherche de la paix intérieure, aux yeux des occidentaux, le Bouddhisme tibétain apparaît souvent comme une religion au-dessus de tout soupçon. Pourtant, la réalité s'avère parfois tout autre comme en témoigne l'enquête réalisée par les journalistes Elody Emery et Wandrille Lanos. Viols, emprises mentales et détournements de fonds n'épargnent pas cette religion.

Pour en parler Jean-Pierre Gratien reçoit Elodie Emery, journaliste et réalisatrice du documentaire « Bouddhisme, la loi du silence », Antony Boussemart co-président de l'Union Bouddhiste de France et enseignant à l'Institut catholique de Paris, et Raphael Liogier, philosophe et sociologue des religions, enseignant à Science Po Aix en Provence et au Collège international de philosophie à Paris
.” (Site Youtube LCP)

[2] DARVO est un acronyme pour « nier, attaquer et inverser la victime et l'agresseur » (en anglais : Deny, Attack, and Reverse Victim and Offender).

[3][Jack] Engler brought up the topic by saying, ‘Every other week, I hear of another therapist who is accused of misusing power, of sexually abusing clients.’ He noted that the situation is similar in American Buddhist communities where spiritual teachers have had sexual relations with students. He explained that in the Western psychotherapeutic tradition, a therapist’s license to practice can be revoked. ‘How should we handle this with Buddhist teachers?’ he asked.

The Dalai Lama replied that part of the blame rests with the students. ‘They pamper and spoil the teacher,’ he said. He went on to explain that in the East, no piece of paper certifies a spiritual teacher. ‘You are a lama because you have students,’ he explained. He suggested that Western students take time to cultivate a relationship with a teacher. ‘Go slowly. Take two, five, ten years.’ Regard the teacher only as a spiritual friend, he instructed. He also warned against seeing all the teacher’s actions as noble and divine, adding that it is appropriate for students to criticize a teacher’s unsuitable behavior.
” ‘The Elephant in the Meditation Hall”, Common Boundary issue 3, May/June 1990

8 commentaires:

  1. d'après ce que je comprends du bouddhisme tibétain, en matière d''éthique : le problème n'est pas "que tout est illusion " mais bien plutôt c'est que les critères de l'éthique sont déplacés des seuls actes vers la prise en considération de la qualité des intentions compatissantes ou bienveillantes , celles ci étant insondable par autrui , celui qui prétendrait que l'intention du maitre est son plaisir personnel s''illusionnerait car il se tromperait sur la réalité des intentions du maitre.

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  2. Nous ne pouvons de toute façon pas sonder l’esprit d’un autre, ni même moi le mien... Le maître, tout maître ? Idéalement ? C’est un point de doctrine qu’un maître bouddhiste aurait toujours des intentions compatissantes ou bienveillantes. Comment définir un maître, et les intentions compatissantes ou bienveillantes ne dépendent-elles pas de leur définition qui n’est pas forcément bouddhiste ?

    Pour un bouddhiste, l’objectif est de mettre fin à la souffrance (dukkha), et pour un bodhisattva à la souffrance de tous les êtres. Cela comprend mettre fin à la (re)naissance dans le saṃsāra. Il se peut qu’il y ait des êtres qui ne demandent pas à être sauvés du saṃsāra. Faut-il passer outre ce voeu, et les sauver malgré eux ? En laissant de côté si cela est vraiment possible par les moyens envisagés… Cette compassion, et toutes les tentatives de libération (y compris de “folle sagesse”) qui en découlent doivent-elles être mesurées à l’aune de cette intention de salut universel, et donc approuvées ? Cela revient à se mettre totalement du point de vue bouddhiste et lui donner le monopole de la meilleure compassion (insondable), devant laquelle toutes autres formes de compassion et de bienveillance devraient céder. Plus brièvement, il ne faut pas juger, et la fin justifie-t-elle les moyens ?

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    1. Se pose un double problème d''un point de vue épistémologique : 1 - quels sont les moyens dont nous disposons pour connaitre les intentions d'autrui ? Parfois nous nous en tenons à ce que dit la personne sur ses propres intentions, par exemple Sogyal pourra dire : " je n'ai agit que par compassion", meme si c'est faux . 2 . les actes pour aider l'élève à s'éveiller peuvent générer de la souffrance immédiate pour lui et être considérer comme immoraux en apparence : par exemple frapper l'élève. Ces 2 problèmes épistémologiques permettent aux manipulateurs de dire aux abusés qu'ils ne peuvent pas juger car ils n'ont pas les facultés d'accéder à cette connaissance, et donc de maintenir la croyance aux bonnes intentions de leur maitre et des moyens qu'il utilise.

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  3. En fait, je vois “un maître” plutôt comme le symbole vide d’un groupe, autour duquel le groupe s’agite. Il n’a pas besoin de dire qu’il agit par compassion, les autres le feront ou le penseront pour lui. Il est porté par les peurs et les désirs des uns et des autres, comme une table tournante. C’est un dynamique de groupe, et l’apparence de force et du charisme est attribuée à lui, mais n’est visible que pour les membres du groupe, comme les habits de l’empereur. Il n’y a rien que le groupe ressent plus fortement que “l’éveil” du maître, car il est la raison d’être du groupe. Sans cette conviction avec les peurs et les désirs qu’il suscite, le groupe s’effondrerait. A la disparition ou à la mort d’un maître, tout est souvent à refaire. Le transfert du charisme au successeur est possible, mais pas garanti. L’aspect épistémologique de qui n’est qu’une histoire de rapports de force n’est pas important. La dissonance cognitive fait le reste.

    Exemple de dissonance cognitive vécue de l’intérieur par un disciple de Sogyal Lakar
    https://docs.google.com/document/d/1_Jx9io4GQzdLyW_UvdAmIXtyX87wJT6SUXJvGFS39No/edit?usp=sharing

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  5. A mon sens, le maitre ici n'est pas qu'un symbole vide, il s'agit ici d'une personne en chair et en os présentant les caractéristiques réelles d'un manipulateur pervers et cela n'est pas sans conséquence sur les actes commis par lui dans cette institution et les difficultés que cela pose à ses élèves sur les plans émotionnels et du jugement. On voit bien dans ce témoignage à quel point cette personne est enfumée, même si elle croit qu'elle n'est pas dans une perception religieuse mais dans une perception plus avancée qu'elle nomme "spirituelle", elle ne fait que minimiser les erreurs de son professeur et s'aveugler sur ce qu'il fait réellement.

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  6. Oui, bien sûr, dans le cas de Sogyal, aussi un manipulateur pervers. Je voulais montrer que c’est une coproduction entre un manipulateur et des “facilitateurs” (enablers). Le Dalai-Lama disait des disciples ‘They pamper and spoil the teacher’. Et puis le pouvoir corrompt, progressivement. Le manipulateur pervers ne se voit pas comme tel. Ce que croit Sogyal sur lui-même et son rôle, j’imagine, est partagé par les disciples.

    Une perception plus avancée qu'elle nomme "spirituelle", oui, comme le titre de la thèse de Marion Dapsance “Ceci n’est pas une religion”.

    https://hridayartha.blogspot.com/2018/03/lirresistible-energie-interieure-du.html

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  7. je trouve intéressant dans l'extrait du livre que l'adepte se persuade que le jugement négatif qu'il ressent envers Sogyal relativement au fait qu'il couche avec ses élèves, malgré la mauvaise presse que cela occasionne , ne soit que le fuit de sa jalousie et donc qu'il ai lui même un problème narcissique.

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