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samedi 7 mars 2020

A la recherche du lien entre Saraha et le Guhyasamāja

Akshobhyavajra Guhyasamaja“ XVIIIème Himalayanart 8009 

La transmission du Guhyasamāja est attribuée à Ārya Nāgārjuna le médiéval. Celui-ci l’aurait reçu de Saraha, mais comme ce dernier n’a pas composé d’oeuvres spécifiques au sujet de ce tantra, c’est Nāgārjuna le médiéval qui est considéré comme le fondateur de la transmission Ārya du Guhyasamāja.

Nuage des mahāsiddhas, détail du “Akshobhyavajra Guhyasamaja”
Indrabhūti, Nāgādevī et Saraha

Le Guhyasamāja est considéré comme un tantra-père, et c’est la pratique graduelle des cinq phases (pañcakrama) qui lui est associée. Les tantras-mère ou yoginī sont des tantras plus tardifs, et c’est le ṣaḍaṅgayoga à six branches (ou vajrayoga - sbyor drug) qui leur est associé comme pratique principale. L’accent était mis sur la félicité dans ces derniers.

Le Guhyasamāja est considéré comme un des tantras les plus anciens. Il en existe une traduction partielle (7 chapitres) en chinois (1002, traduit par Dānapāla) et une traduction tibétaine (XIème siècle) par le paṇḍit indien Śraddhakaravarman (X-XIème) et Rinchen Zangpo. Il existe encore une tradition plus tardive (même si elle se considère plus ancienne) du Guhyasamāja, qui est attribuée à Buddhaśrījñāna et qui l’aurait reçu lors d’une vision de Manjuśrī. Buddhaśrījñāna a composé plusieurs textes sur cette version du Guhyasamāja, par le biais de Vitapāda, et notamment les Instructions orales de Manjuśrī, où il explique le Guhyasamāja à la mode des tantras tardifs associés au ṣaḍaṅgayoga à six branches[1]. Disons que c’est une version mise à jour, même si la tradition Jñānapāda la considère plus ancienne (VIIIème). Tsongkhapa était très clairement en faveur du Guhyasamāja Ārya. Question de goût ou aurait-il eu des doutes sur leur authenticité ? Authenticité relative, bien évidemment.

Nuage des pandits, Nāgārjuna, Āryadeva et Candrakīrti

Si on jette un regard plutôt historique sur ces deux transmissions “indiennes” du tantra dit ancien, on est confronté à plusieurs difficultés. Saraha est associé au Guhyasamāja (il l’aurait transmis à Ārya Nāgārjuna le médiéval), mais comme c’est difficile à prouver scripturairement, il en est comme le fondateur émérite, tandis qu’Ārya Nāgārjuna serait le fondateur de fait. Contrairement à ce que pense la tradition tibétaine, Ārya Nāgārjuna le médiéval, ne peut pas être Nāgārjuna l’auteur des Vers du Milieu (voir Jean Naudou). D’ailleurs, on retrouve tous les disciples de Nāgārjuna l’ancien dans la transmission Ārya. Ils auraient tous composé des commentaires etc. sur le Guhyasamāja Ārya, et auraient donc tous été des pratiquants du Guhyasamāja.


Nuage de lamas gélougpa, Tsongkhapa, Khédroub Djé et Āryadeva 

Prenons Candrakīrti (VIIème siècle), “le tantrique”, qui est considéré comme l’auteur de la Lampe éclairante (pradīpodyotana-nāma-ṭīkā tib. sgron ma gsal bar byed pa zhes bya ba’i rgya cher bshad pa, abbr. gsal sgron, D1785), où il s’exprime même sur les tantras-mère, qu’il appelle les “tantras de sagesse”[2]. A Lamp to Illuminate the Five Stages fait à plusieurs endroits (p.e. pp. 64-65) mention des fausses attributions aux disciples de Nāgārjuna. Le problème de ces fausses attributions ou pseudépigraphes, est que le ver est déjà dans la pomme : Nāgārjuna et ses disciples pratiquaient et/ou auraient connu les tantras-père et mère. On pourrait donc lire et interpréter leurs propres écrits plus anciens avec cette idée derrière la tête, voire interpréter leurs écrits anciens sous une lumière anuttarayogatantrique. Les hagiographies ne manquent d’ailleurs pas d’exploiter cette opportunité.

Il y a toute une discussion “sérieuse”[3] dans A Lamp … sur la question si Candrakīrti (VIIème) était ou n’était pas un disciple direct de Nāgārjuna (IIème) ... et il y est question de leurs écrits sur ces tantras… Où commencer pour démêler tout cela ?

Bhavyakīrti (sKal Idan grags pa, début Xème siècle), mais est-ce vraiment lui, écrit dans un commentaire sur le commentaire de Candrakīrti[4] que “ ‘reçu de Nāgārjuna’ implique que Candrakīrti (VIIème) fut un disciple en présence directe de Nāgārjuna (IIème) et non pas un disciple de sa lignée”. (A Lamp p.67) Bhavyakīrti continue sa défense en citant/composant une courte prière de louange à la lignée du Guhyasamāja, telle qu’il la conçoit. N’oublions pas que ceci est censé être écrit par un Indien du Xème siècle, et non par un tibétain de la Renaissance tibétaine, où ce style devient très courant. Voici ma traduction de l’anglais[5] :
“Celui qui séjourna dans la ville de Koṅkana,
Sur la montagne de Śrī Parvata,
Dans une région solitaire,
Et en tant que le Seigneur des dieux et des hommes
Il enseigna le Dharma suprême
Puissent les propos de Rāhula[bhadra] se répandre dans ce monde.

A partir de ce dernier, celui qui ayant atteint la phase de la joie,
A travers le yoga de la voie du mahāyāna,
A progressé vers les autres phases,
Puisse régner le glorieux Nāgārjuna.

A partir de ce dernier, celui qui ayant rejoint l’état du joyau,
Est devenu célèbre dans le monde,
Et a traversé l’océan du Guhyasamāja,
Puisse régner l’illumination de Candrakīrti.”
Rāhulabhadra est un autre nom donné à Saraha. Il faudrait voir quand et comment s’est passée l’équation. Cette prière de louanges est avancée comme une preuve que Candrakīrti (VIIème) fut un disciple direct de Nāgārjuna (IIème), et doublement : mahāyāna (pré-médiéval/médiéval) et vajrayāna (médiéval). En fait, cela n’est réellement important que pour le vajrayāna, où la transmission de “la bénédiction” (adhiṣṭhāna) de maître à disciple est essentielle. Sans celle-ci la transmission n’est pas “ininterrompue”.

L’autre transmission, Jñānapāda” est une transmission de type révélation en trois temps : Mañjuśrī donne le Guhyasamāja “Jñānapāda’ à Buddhaśrījñāna (VIIIème) dans une vision, et Vitapāda (sman zhabs) serait celui qui diffusa le cycle à la Renaissance tibétaine.

Ceux à qui cela importe que ces écritures aient été transmises de façon historique sont priés d’en fournir les preuves, autre que des hagiographies et des attributions. Ceux qui n’ont pas besoin de cela pour les pratiquer, peuvent ignorer ce blog :-) Essayons tous (orientalistes, anti-orientalistes, modernistes, traditionalistes ...) d’être plus précis en présentant ces traditions et leurs sources comme historiques, ou en prenant des précautions (selon la tradition, l’usage de l’inconditionnel, …).

On peut se demander aussi, quand le Dalaï-Lama prône un retour au bouddhisme de Nalanda, s'il y inclue les oeuvres du Candrakīrti tantrique (le vidyādhara à la longévité exceptionnelle). 

***

[1] La montée en puissance du Kālacakra Tantra et son sytème de Yoga en six branches (skt. sadaṅga-yoga tib. sbyor ba yan lag drug), notamment à partir du XIIIème siècle, a en quelque sorte bousculé la Renaissance tibétaine.

[2] Les tantras-père sont des tantras centrés sur la Méthode, et les tantras-mère, ou yoginī-tantras, des tantras centrés sur la Sagesse.

[3] Tubten Jinpa : “Some Tibetan followers of Madhyamaka point to the statement in the colophon of Candrakīrti’s Clear Words that says, “The works composed by the Ārya and his disciples have been in decline for a long time, and so these days the textual tradition is not clear and precise.” Therefore, they say, Candrakīrti had no contact with the Ārya. This reasoning is not conclusive. It is stated in the works of Vajrāsana as reproduced in the historical narratives of Patsap Lotsawa that Candrakīrti attained vidyādhara powers and lived for a long time. Therefore, for the disciples and texts of the Ārya to have diminished in the latter part of his life and yet for him to have had contact with the Ārya are not mutually exclusive. Therefore, just as the glorious Atiśa explained Candrakīrti to be a disciple of Nāgārjuna, I agree with those Tibetans who say that he is a disciple of the Ārya.”

[4] Commentary Explaining the Meaning of Illuminating Lamp. Pradīpodyotanābhisaṃdhiprakāśikdvyākhyāṭīkā. Sgron ma gsal bar byed pa’i dgongs pa rab gsal bshad pa’i tl ka. Toh 1793.

[5] A Lamp to Illuminate the Five Stages, pp. 67-68

samedi 12 novembre 2011

Les Suiveurs de la Conscience




[3.4 Les Suiveurs de la Conscience (T. sems phyogs). Chengdu 212; Roerich 167)]

Sur les Suiveurs de la conscience.

[3.4.1 Introduction générale et défense des Suiveurs de la Conscience (Chengdu 212; Roerich 167)]

En ce qui concerne la « Section de la Conscience » (T. sems sde) de la Grande complétude, elle avait été enseignée par le Seigneur Mañjuśrīghoṣa, qui était le maître d'ācārya Buddhajñānapāda, au(x) moine(s) marié(s) (T. ban de chung ma can)[1].

La source des cycles d'instructions de [Buddha]jñānapāda, comme p.e. les Traditions orales (T. zhal lung) (S. Dvikramatattvabhāvana-mukhāgama), est le pandit Śrī Siṃha (paN+Di ta sing+ha) qui les étudia auprès du même Mañjuśrīmitra. Par la suite, Vairocana les étudia auprès de celui-ci [Śrī Siṃha]. Quand Vairocana était venu au Khams, il les avait enseignées partout[2].

De manière générale, le cycle des Traditions orales (T. rim pa gnyis pa'i de kho na nyid sgom pa zhes bya ba'i zhal gyi lung S. Dvikramatattvabhāvana-mukhāgama D715 et D716) de Buddhajñānapāda, les Suiveurs de la Conscience (T. sems phyogs) et les Suiveurs des préceptes (T. man ngag gi sde) ont beaucoup de points communs, mais quand ‘Bri gung dpal ‘dzin (14ème s.) (T. dpal 'dzin) [213] les corrigea (T. dag brjod) [Il avait publié une lettre circulaire autour de 1400], il avait dit que dans les commentaires, les pratiques (S. sādhana) et les instructions des nouveaux tantras même le nom « Grande complétude » (S. mahāsanti) ne figurait pas.

Cela montre combien sa vision était limitée, car il est écrit dans la Tradition orale de la culture de la réalité de l’état quiétif (S. Dvikramatattvabhāvana-mukhāgama[3] T. 'jam dpal zhal lung en abrégé, titre complet :  rim pa gnyis pa'i de kho na nyid sgom pa zhes bya ba'i zhal gyi lung)
« La Grande complétude est l'incarnation de l'intuition universelle[4]».
Fin de citation.Vitapāda (T. sman zhabs) [auteur du commentaire du Zhal lung] explique en outre que cela correspond à "la réalité telle quelle" (T. ji lta ba'i don).[5]

Le nom « Grande complétude » figure aussi dans l'Explication de la pratique (S. sadhāna) de Samantabhadrī (T. yan lag bzhi pa'i sgrub thabs kun tu bzang mo zhes bya ba'i rnam par bshad pa S. Caturaṅgasādhanasamantabhadrī-nāma-ṭīkā TG 1872) composée par [Buddha]jñānapāda, et dans le Trésor des siddhi (T. dpal gsang ba 'dus pa'i sgrub pa'i thabs dngos grub 'byung ba'i gter S. Śrī-Guhyasamājasādhanasiddhisaṃbhavanidhi-nāma TG 1874) composé par Vitapāda.
Et aussi dans le Commentaire des Traditions orales (T. mdzes pa'i me tog ces bya ba rim pa gnyis pa'i de kho na nyid bsgom pa zhal gyi lung gi 'grel pa TG 1866), il est fait mention des cinq consécrations des Puissances (T. nus pa'i dbang lnga po) enseignées dans le Guhyagarbha Tantra (T. gsang ba'i snying po)[6]. Cela correspondrait également à ce qui est enseigné dans les Mahāyoga tantras.

Il est d'ailleurs dit dans la Tradition orale (T. rim pa gnyis pa'i de kho na nyid sgom pa zhes bya ba'i zhal gyi lung S. Dvikramatattvabhāvana-mukhāgama D715[de [Buddha]jñānapāda] :
« Recommandé par toutes les lumières du triple monde
Le coeur de tous les phénomènes (S. dharma) qui est l'accomplissement (S. siddhi), le Réel (S. tathatā),
Qui détourne les eaux empoisonnées de l'existence et brille au-dessus de l'intérieur putride du triple [monde]
Sera expliqué pour y donner accès à travers la tradition de Mañjuguru. »
 Fin de citation. Et encore, dans « L'Or fondu qui se répand » (T. rdo la gser zhun), le premier des dix-huit traités sur la conscience (T. sems sde)[7] :
« Parfaitement et également recommandé par tous les guides qui sont les lumières du monde
Ce qui constitue le coeur des phénomènes dans les phénomènes est l'essence (tattva) du coeur de Mañjuśrīkumāra
Comme elle (tattva) est la mère de tous les Bienheureux (S. sugata), elle est l'unique chemin de tous les Vainqueurs
Ainsi que le Champs de tous les océans de l'ascèse des Perfections comme l'éthique etc. »
 L'usage des mots dans ces citations semble en effet très similaire. Dans le cas présent,
« Ainsi que la base (T. gzhir au lieu de zhing précédemment) de tous les océans de l'ascèse des Perfections comme l'éthique etc. »
cela refute les Suiveurs des Techniques (S. upāya-caryā) de la Grande complétude et ne les affirme clairement pas. Il est d'ailleurs dit dans la Tradition orale [de [Buddha]jñānapāda] :
« Les phénomènes, telle la matière (S. rūpa) etc.
Sont de la nature de l'Omniscient (S. sarvajñā)
Authentique comme le centre de l'espace
Tel est l'intuition de la non dualité de ce qui est sous-jacent et apparent. »
Fin de citation.
Si on en développe le sens,
« A l'abri de toute construction mentale
Elle ne peut être ni conçue ni exprimée
Elle s'étend partout comme le ciel découvert
Et est appellée [pour cette raison] « le principe sous-jacent libre d'imagination  (S. akalpita?) »
Dotée de la forme/substance de la Mahāmudrā
Elle apparaît comme un arc-en-ciel irréel (S. māyā)
Quand l'esprit de soi et autrui est purifié
Il s'appelle « manifestation authentique »
Voilà ce qui est écrit dans Guhyasamāja muktitilaka (D721)[8].

Par conséquent, les Suiveurs de la Conscience (T. sems phyogs pa rnams) [n'affirment] pas la non existence totale (S. atyant-oparama = atyanta-a-parama) du rayonnement [de la conscience][9], mais ils mettent plutôt (T. shas che bar snang) l'accent sur l'aspect de la réalité sous-jacente (T. zab mo'i phyogs).Les Suiveurs des préceptes (T. man ngag pa rnams) en revanche [affirment] bien l'aspect de la réalité sous-jacente, mais mettent plutôt l'accent sur le rayonnement [de la conscience]. Les Suiveurs de la Nature[10] (T. klong gi skor rnams S. āvarta, nisarga) expliquent l'importance égale de la réalité sous-jacente et le rayonnement [de la conscience].

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Il s’avère de ce passage des Annales bleues, qualifié par Samten G. Karmay de « première fois que l’on mette en question l’existence de Dzogchen dans les nouveaux tantras en réponse aux attaques de dpal ‘dzin (1400) », que la source première canonique de la Section de la Conscience du Dzogchen serait [Buddha]jñānapāda et plus précisément ses Traditions orales (T. rim pa gnyis pa'i de kho na nyid sgom pa zhes bya ba'i zhal gyi lung S. Dvikramatattvabhāvana-mukhāgama).

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Illustration : Geu lotsawa

MàJ081012 Selon Sam van Schaik (The Early Days of the Great Perfection, p. 167, n.6), le terme sems sde apparaît pour la première fois au 11ème siècle.

[1] Roerich traite ban de chung ma can comme un nom propre, et suggère Dārika (le siddha-roi vendu à une prostituée et qui la servait pendant 12 ans. Identifié quelquefois à Matsyendra ou à son « fils » Mīnanāth. Selon les sources tibétaines, quand le pécheur meurt, il renaît comme Dārika   ). On peut aussi le prendre comme un groupe nominal et traduire par « moine(s) marié(s) ». Quand Vitapāda (T. sman thabs) raconte la rencontre entre Buddhaśrījñāna et Mañjuśrīmitra, il précise que ce dernier avait une femme et qu’il porta une robe ouverte, un turban sur la tête…
[2] Voici ce qu’écrit ‘Gos. J’y attache personnellement peu d’importance. « On dit (T. grags) que Vairocana les a expliquées en deux temps et à trois reprises au Khams. Une première fois dans l'ermitage mGon po'i dgon pa à rGyal mo rong gi brag à la reine (T. rgyal mo) g.Yu sgra snying po). Il les aurait enseignées à gSang ston ye shes bla ma, dans l'ermitage stag rtse mkhar gyi dgon pa à tsha ba rong. Puis au mendiant sangs rgyas mgon po dans l'ermitage brag dmar gi dgon pa à stong khung rong. Dans le passé, il les aurait encore enseignées au roi et plus tard, il les enseignerait encore à la nonne La zi shes rab sgron ma. Cela fait cinq fois en tout. »
[3]  Karmay écrit : However, the work in question was probably translated only in the eleventh  century A.D. and it is not easy to guess what the original Sanskrit term  was in the line.
[4] rdzogs pa chen po ye shes spyi gzugs can/ La citation complète : rdzogs pa chen po ye shes spyi yi gzugs// yongs su dag sku rdo rje 'chang chen po// dpal ldan kun gyi ngo bo rim gnyis 'dis// sdug bsngal lam bcas bskal ba gsum du yang// rang gi rjes mthun byang chub bla dang bcas// thob nas de bde cung tzam rab tsogs pa// rnal 'byor de yis ci phyir de mi sgom// dad dang brtzon 'grus ting 'dzin shes rab dang// dran pa'i blo yis gong gi rim pa ltar// yid dga'i gnas brten kun du bzang po mchog /lam 'di bsgom par bya 'kho na'o/
[5] Karmay : ’Gos Lo-tsà-ba gZhon-nu-dpal without giving any  references states that Vitapàda (sMan-zhabs) explained the term rdzogs chen as “meditation  on the ‘proper object’” and this explanation according to G.N. Roerich (BA p. 168) is in  Caturangasādhanasamantabhadrìnàmatika of Vitapàda (Vol. 65, No. 2735), but in this work there  is no such explanation, see p. 201–1–1 where there is a discussion on the term rdzogs chen.  On the other hand, in his mDzes pa’i me tog ces bya ba’i rim pa gnyis pa’i de kho na nyid sgom  pa zhal gyi lung gi ’grel ba (Vol. 65, No. 2729, p. 68–4–3), Vitapàda explains that the term  rdzogs chen refers to rim pa gnyis pa (i.e. rdzogs rim): rdzogs pa chen po zhes bya ba ni rim pa gnyis  pa’o/.
[6] Je n’ai pas trouvé de terme « cinq consécrations des Puissances » dans l’outil de recherche d’ACIP. Selon Rigpawiki : five empowerments conferred as an entry point to the practice of Mahayoga in order to ripen students who have energy.
the empowerment of Ratnasambhava concerning listening
the empowerment of Akshobhya concerning meditation
the empowerment of Amitabha concerning teaching
the empowerment of Amoghasiddhi concerning enlightened activity
the empowerment of the five buddha families concerning the infinite teachings of the vajra king. Références : Jamgön Kongtrul, The Treasury of Knowledge, Book Six, Part Four: Systems of Buddhist Tantra, translated by Elio Guarisco and Ingrid McLeod (Ithaca: Snow Lion, 2005), page 315.
Longchenpa, Dispelling Darkness in the Ten Directions, pages 372-376.
[7] Geu cite ici un des dix-huit traités de la section de la conscience, « L'Or fondu qui se répand » (T. rdo la gser zhun), qui ne serait sans doute pas reconnu comme une source authentique par dpal 'dzin. Selon la hagiographie de Vairocana, il s'agirait du compte-rendu écrit par Mañjuśrīmitra des instructions que celui-ci avait reçu de 'dGa' rab rdo rje. Source : Samten G. Karmay, The Great Perfection, p. 19. Détail, Mañjuśrīmitra le disciple de Garab Dordjé est Mañjuśrīmitra l'ancien, tandis que le maître de [Buddha]jñānapāda est Mañjuśrīmitra le jeune.
[8] toh: 1870), attribué à Vitapāda
[9] Qui correspond à la phase de création selon le commentaire de Vitapāda « gsal ba zhes pa ni bskyed pa'i rim pa'o/ ches gsang ba zhes pa ni dngos po thams cad kyi de bzhin nyid do// de rnams ston par byed pa'i gong na med pa'i lung chen po ni 'dus pa'o ». « Kula est le mystère au-delà des états quiescents et émergents » Silburn
[10] Sur le terme « klong », souvent et apparemment par facilité traduit par « Espace ». En sanscrit : āvarta ou nisarga : [ni-sarga] m. évacuation; défécation | abandon; don, récompense | condition naturelle, nature innée. Entrée de Dan Martin : [= klongs]. receptive centre. Skt. āvarta, 'spiral inward' [M.Vy.], 'turning-place, whirlpool.' Nisarga [http://sanskrit.inria.fr/DICO/36.html#nisarga], 'array, nature.' Vipula, 'large, extensive, vast.' Stein. 75 2. See Germano, Poetic Thought 937, for the cowardly translation 'space.' This seems quite close to Sino-Tibetan words for 'middle' (related to Tib. gzhung); Coblin, Sinologist's 53. nags klong ni nags tshal chen po'i khrod. chu klung ni chu chen po. dba' klong ni rba rlabs. Utpal 11.2. Achard, L'Essence 88 n. 41.
[11] rtza ba'i rgyud kyi snying po 'dus pa nges par brjod pa'i rgyud bla ma rtza ba rtza ba'i 'grel pa (tg 1414) dans la cadre de la pratique avec dūtī, dbang gi cho ga'i rim pa zhes bya ba (tg 1535), dpal gsang ba 'dus pa'i dkyil 'khor gyi cho ga'i 'grel pa (tg 1871)(dans le cadre des pāramitā), mtsan yang dag par brjod pa'i 'grel pa tsul gsum gsal ba zhes bya ba (tg 2091), yang chub kyi sems bsgom pa don bcu gnyis bstan pa  (tg 2578) (theg pa chen po'i thabs kyi spyod pa)

jeudi 10 novembre 2011

Buddhajnanapada et le Guhya-Samaja-Tantra



Dans le bouddhisme, un des premiers tantras du genre mahāyoga or annutarayoga, est le Guhyasamāja tantra, dont il existe deux transmissions. Une qui remonte au siddha Nāgārjuna et une autre (T. ye shes zhabs lugs) qui est attribuée à Buddhajñānapāda/Buddhaśrījñāna[1] (T. sangs rgyas ye shes zhabs), qui accessoirement aurait aussi été un des maîtres de Vimalamitra[2].

Ce maître est généralement situé au 8ème siècle, mais le moment de l’introduction, de la traduction ainsi que le contenu des textes qui lui sont attribués pourraient changer la donne. Toutes les données hagiographiques (datant du 10ème siècle) sur ce maître sont à prendre avec la plus grande précaution. Cependant pour donner une idée de ce que lui et son approche du Guhyasamāja représentent dans le bouddhisme, et de l’intention des auteurs hagiographiques, voici un résumé de ce que Vitapāda (T. sman zhabs), son disciple, et ‘Gos lotsāva écrivent[3] à son sujet dans les Annales bleues, qui suit fidèlement l'hagiographie écrite par Vitapāda[4].

Après avoir étudié auprès de Haribhadra (8ème siècle), Buddhajñānapāda aurait étudié à Guṇodaya[5] auprès d’un maître du nom de Citrarūpa (« de couleur bigarrée ») alias Vilāsavajra[6] (T. sgeg pa'i rdo rje S. Lilavajra ou Lalitavajra), réputé pour avoir « trouvé la Mahāmudrā[7] ». Il aurait ensuite étudié les Instructions sur les Séquences de l’Inconcevable (Acintyākramopadeśa) [de Kuddālapāda ?] auprès d'une yoginī du nom de Guṇeru[8] dans le pays d'Oḍiyāna, "contrée bénie de nombreuses ḍākinī".

En pratiquant les instructions de la yoginī Guṇeru, il a un rêve, dans lequel on lui dit d'aller retrouver une fille hors caste (S. caṇḍalī) de seize ans, qui lui était présentée comme étant une "Mahā-Lakṣmī[9]" « une yoginī née du Clan (S. kulajā) »[10]. Il alla immédiatement la retrouver. Ils vivaient ensemble et pendant huit mois, il la contentait (S. tuṣṭa T. mnyes par byas). Elle comprit que l'ācārya la voulait (T. la brod pa) comme Mahāmudrā. Afin qu'il ait les biens matériels (T. cha rkyen) nécessaires pour sa pratique, elle lui donna une petite instruction (T. phra mo'i lung bstal ba), qui lui permettait de réaliser le pouvoir (S. siddhi) du dieu des richesses Jambala (T. gnod gnas). 

Il voyagea à Jālandhara [à Kanauj et Koṅkana], où il rencontra un siddha du nom "Balapāda" (T. byis pa chung ba'i zhabs)[11], Balīpāda pour Davidson, qui était très versé dans les Prajñā-tantra (T. shes rab kyi rgyud). [Il resta neuf ans avec lui pour étudier le Guhyasamaja[12] (sans doute selon la tradition ārya (de Nāgārjuna)  Il est possible que Davidson le confond avec le maître suivant Rakṣitapāda ).

Il alla ensuite à 300 yoyanas au sud de Magadha (T. yul dbus), dans une grande forêt située dans la région connue sous le nom de Kaṃkona (dist. Guntur, Madra). Dans cette forêt vivait le maitre Rakṣitapāda, disciple de Nāgārjuna (le tantrique)[13], versé dans les upāya-tantra (T. thabs kyi rgyud). Ce maître vivait entouré de disciples[14] de différent castes et des prostituées (T. smad 'tshong ma). Il vivait pendant neuf ans parmi eux. Pendant une période de dix-huit mois, il vécut avec des yoginī en pratiquant « l'ascèse naturelle » (S. sahajacaryā T. lhan cig pa'i spyod pa). Bien qu'il soit très diligent, il n'arriva pas à accéder au Réel[15]. Quand il en parla avec son guru Rakṣitapāda, ce dernier lui dit "Moi non plus", ce qui le découragea un peu[16]… Suite à cela, il transforma sa mudrā en volume de texte qu'il attacha autour de son cou (T. mgul), et partit. La suite de l'histoire raconte sa rencontre avec l'ācārya Mañjuśrīmitra (T. 'jam dpal bshes gnyen). C'est auprès de ce dernier qu'il trouva la réalisation et c'est de celui-ci qu'il obtint la permission de rédiger sa version du tantra (Dvikramatattvabhāvana-mukhāgama[17]) ainsi que textes associés, 14 traités sur Guhyasamāja (T. chos bcu bzhi). Comme dit précédemment, il est à l'origine du système dit jñānapāda du Guhyasamāja (T. gsang ba ‘dus pa).

 Ce qu’il faut retenir de l’apprentissage de Buddhaśrījñāna, c’est qu’il a étudié auprès de deux maîtres avant de réussir avec un troisième l'ācārya Mañjuśrīmitra [18]. Balapāda/ Jālandharipa à Kanauj et à Koṅkana, enseigna conformément aux Prajñā-tantra (T. shes rab kyi rgyud). Rakṣitapāda, « dans une grande forêt située dans la région connue sous le nom de Kaṃkona (dist. Guntur, Madra) », conformément aux Upāya-tantra (T. thabs kyi rgyud). Nous sommes ici peut-être en présence de la version bouddhiste de la fusion de Siddha Kula et du Yoginī Kula, qui était l’exploit de Matsyendra, pour lequel Abhinavagupta l’avait loué.[19] Abhinavagupta avait davantage systématisé et réformé les deux traditions. Mañjuśrīmitra est décrit comme un « moine à la robe ouverte » (T. dge slong ‘ban po sham thabs bye zhing/ Chez Davidson : byi ba’i sham thabs can (traduit par robe en peaux de souris…) = il faut sans doute lire "bye ba’i sham thabs can").

Selon ‘Gos lotsāva, Vitapāda aurait été un disciple direct de Buddhaśrījñāna. Il situe dans la même transmission, mais plus tard, Abhayākaragupta (T. 'jigs-med 'byung-gnas sbas-pa, mort en 1125). Toujours selon ‘Gos, la tradition de Buddhaśrījñāna fut introduite en premier au Tibet par Rin chen bzang po (958–1055). Buddhaguhya (T. sangs rgyas sang ba) et Buddhaśānta (T. sangs rgyas zhi ba) sont aussi considérés comme des disciples directs de Buddhaśrījñāna[20], et leur existence et présence au Tibet au 8ème siècle aurait été attesté par le Testament du clan de sBa (T. sba bzhed). Samten G. Karmay et Ron Davidson sont convaincus de l’authenticité de ce document.

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Illustration : Mañjuvajra Guhyasamāja

In search of the Guhyagarbha tantra

 [1] Disciple de Haribhadra, ce qui le situerait au 8ème siècle. Haribhadra (seng ge bzang po) était un disciple de Shantarakshita et l’auteur dun commentaire très important sur l’Abhisamayalankara Selon Dowman, Buddhaúrījñāna serait le disciple de Saraha (p. 93). Il y aura aussi une lignée de Cakrasamvara venant de krishna passant par Bhadrapa, Vinapa, Tilopa 
[2] Davidson, 1991:9 Cité par Gray dans sa thèse sur Cakrasamvara. 
[3] Blue Annals, pp. 367-369 
[4] Mdzes pa’i me tog ces bya ba rim pa gnyis pa’i de kho na nyid bsgom pa zhal gyi lung gi ‘grel pa (To 1866), traduction tibétaine (par Kamalaguhya et (Tsalana) ye shes rgyal mtshan) du Suksumanāmadvikramatattvabhāvanāmukhāgamavṛtti. Kamalaguhya/gupta avait travaillé avec le grand traducteur Rin chen bzang po (958-1055). Tsalana ye shes rgyal mtshan était roi de Samyé entre env. 920-950 (Source : The mirror illuminating the royal genealogies: Tibetan Buddhist ... Par Bsod-nams-rgyal-mtshan (Sa-skya-pa Bla-ma Dam-pa, p. 442), mais devint un moine plus tard dans sa vie. Il était aussi traducteur. (Source : Tibetan renaissance: Tantric Buddhism in the rebirth of Tibetan culture Par Ronald M. Davidson, p. 113) 
[5] A 230 yojana (920 miles) au nord de Magadha, chez ‘Gos lotsāva Oḍiyāna. 
[6] Auteur d’un commentaire sur le Mañjuśrīnāmasaṃgīti et le Guhyagarbha Tantra (T. rgyud gsang ba'i snying po) 
[7] Phyag rgya chen po thob pa 
[8] Davidson fait remarquer qu’ailleurs (toh 1853 Dvikramatattvabhāvana-mukhāgama), Guneru est appelé « Gunenu » et il s’agit d’un homme. Indian esoteric Buddhism: a social history of the Tantric movement Par Ronald M. Davidson, p. 410 
[9] Lakṣmī est la déesse de la beauté et de la prospérité. Mahā-Lakṣmī appartient au huit Mères (S. mātṝkā T. ma mo). 
[10] Vitapāda : Rigs las skyes pa’i rnal ‘byor ma. Chapitre 9 du KJN donne six types de śakti : « née du Champ » (S. kṣetrajā), « Né du Mont » (S. pīṭhajā), « née du Yoga » (S. yogajā), « née du Mantra » (mantrajā), « spontanée » (S. sahajā), et « née du Clan » (S. kulajā). (Source : White, Kiss of the Yoginī, p. 165). Le pratiquant Kaula est censé pratiquer avec les deux dernières śaktis. La śakti correspondant au type « née du clan » serait une prostituée. (White, p. 165) 
[11] Il serait le même que Jālandharipa (« l’homme de Jālandhara) ou encore Hāḍipa. Un des neuf premiers Nāths. 
[12] Davidson, reframing sahaja, p. 61 
[13] Et suivant donc le système ārya du Guhyasamaja.
[14] rdzu 'phrul slob ma. Roerich traduit par des disciples possédant des pouvoirs, mais il est plus probable qu'il s'agit de disciples produit miraculeusement, vu le denouement de l'histoire. 
[15] de kho na nyid mngon sum du ma rtog pas/ 
[16] Il faut conclure de cette anecdote, que le système ārya ne fonctionnait pas pour Buddhaśrījñāna, qui développera par la suite son propre système. 
[17] Egalement traduit par le duo Kamalaguhya et ye shes rgyal mtshan au 10ème siècle. 
[18] Nyingma : Many of Mañjuśrīmitra's works deal with a tantric text Mañjuśrīnāmasamgīti. He was the person who divided the Dzogchen teachings into three series of Semde, Longde and Manngagde. 
[19] (White, 2003), p. 163 [20] Roerich, p. 372