vendredi 1 octobre 2010

Les chemins des Paramita et des Vidyadhara



Sachen Kunga Nyingpo (sa chen kun dga' snying po 1092-1158) était le 3ème détenteur du siège de Śākya, le père de Drakpa gyaltsen (grags pa rgyal mtshan 1147–1216) et un des maîtres principaux de Phamodrupa (Phag mo gru pa 1110–1170). Il est l'auteur d'un commentaire sur le Cakrasaṁvaratantra (T. dpal 'khor lo bde mchog gi rtsa ba'i rgyud kyi tika mu tig phreng ba), dans lequel il divise le Mahāyāna en deux catégories, la classe (T. sde snod) des pāramitā (S. pāramitā-piṭaka) et la classe des vidyādhara (S. vidyādhara-piṭaka T. rig pa 'dzin pa'i sde snod).

Les arguments qu'il développe pour expliquer la supériorité des vidyādhara sont devenus la norme. Pour Sachen Kunga Nyingpo les personnes de capacité supérieure sont des personnes qui sont déjà passées par la pratique des pāramitā et les personnes qui débutent sur le chemin des pāramitā sont par définition des personnes de capacité inférieure.[1]


Le qualificatif "tantrique" que l'on utilise habituellement pour distinguer entre la Mahāmudrā selon les pāramitā et selon le mantrayāna n'est pas adéquat. Le système de la Mahāmudrā enseigné par Gampopa et qui se base sur les instructions de Maitrīgupta est un produit des pāramitā et des tantra. Il s'accorde avec le sens des tantra tout en se situant en dehors du cadre des consécrations des yogatantra ultimes. Autrement dit, il ne suit pas le chemin des vidyādhara dans le sens où Sachen Kunga Nyingpo l'entend.

Cette distinction deviendra la norme dans le bouddhisme tibétain et c'est en l'applicant rétroactivement que des adeptes du chemin des vidyādhara peuvent affirmer, comme Pema Karpo (
1527-1592), Tāranātha (1575-1634) etc. que Maitrīgupta ainsi que ses élèves majeurs, n'ont pas réalisé la Mahāmudrā de leur vivant, et, comme le 8ème Karmapa, que la Mahāmudrā de Gampopa, qualifiée plus tard de "Sūtra Mahāmudrā", ne conduit pas à la réalisation ultime. Pour cela, il faut que les trois types d'engagements de śrāvaka, de bodhisattva et de vidyādhara (S. trisaṃvara T. sdom gsum) soient au complet et que l'on passe par les anuttarayogatantra.

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[1] David Barton Gray, On Supreme Bliss: a study on the history and the interpretation of the Cakrasaṃvara Tantra p. 52

1 commentaire:

  1. Bonjour Janus,
    Tout d'abord je tenais à vous remercier pour les articles de ce blog dont je ne cesse de me délecter. Les thèmes qui y sont abordés me passionnent et sont une invitation à creuser toujours plus profond dans la compréhension de ces courants de pratiques.
    Etant donné votre expérience, j'aurai aimé avoir votre avis sur certains points ( je suis désolé de vous écrire ce message en commentaire cela devrait plutôt être en mail mais je n'arrive pas à le paramétrer).
    A force de lire les études, biographies, autobiographies, thèses et autres sur les nombreux aspects du bouddhisme tantrique et la mahamudra, plutôt qu'un sentiment de clarté c'est plutôt le flou qui m'emplit. Comment se fait il que de si grands maitres ait des vues divergentes sur l'éveil et sur les moyens d'y parvenir alors que leurs successeurs les décrivent comme ayant atteint de haut niveaux de réalisation. Je pense ici bien sur à la controverse sur le sutra mahamudra, mais aussi aux divergences entres lignées sur la superiorité de tel ou tel tantra sur un autre, ou encore sur les critiques que certains maitres ont pu faire à l'égard de la réalisation d'autres maitres. Plus j'étudie plus je me rends compte a quel point l'hagiographie a remplacé la biographie, a quel point les enjeux sociaux et politiques et culturels ont influencé la structuration des pratiques et theories les entourant.
    Si j'élargi la focale aux religions dans leur ensemble on remarque qu'aucun musulman, chretien, gnostique, kabbaliste, soufi, hindouiste, jain etc... n'as eu de vision d'une divinite bouddhique et inversement, toutes ces religions se disent néanmoins être les détentrices de la vérité. Ainsi j'en vient a me demander si l'expérience de l'éveil est unique mais que le cadre dans lequel elle se produit fait que la verbalisation (ecrite ou orale) de cette expérience, sera fortement teintée par:
    -le contexte socio culturel
    - la lignée (s'il y en a une)
    -les moyens qui ont permis a cette expérience de ce produire
    -les connaissances théoriques où cette expérience prend place.
    L'autre versant de la question est il y a t il plusieurs éveil ?
    Ce qui impliquerait que leur nombre est théoriquement infini sachant que le spectre des expériences humaines est infini, ainsi les pratiquants des dzogrim de tel tantra aurait un éveil différent des dzogrim d'un autre tantra et les pratiquant de thögal aurait un éveil différent du chöpa errant. Comment pourrait on alors clamer la supériorité d'une expérience sur une autre; l'expérience est d'une certaine manière purement objective (directe) du point de vu de celui qui la vit mais dès que ce dernier veut la transmettre pour quelque raison que ce soit il a recours a des concepts hautement subjectifs. Pourquoi l'éveil d'un vajrayaniste serait supérieur à celui d'un advaita vedantiste ou d'un moine theravada, ces trois personnes sont persuadés d'être dans le vrai et à la vue du bonheur vécu cherchent à le transmettre en toute bonne foi.
    Pour ma part je suis bouddhiste pratiquant depuis plusieurs années, j'ai fait plusieurs retraites de types theravada intensives, j'aurai aimé faire la traditionnelle retraite de trois ans chez les kagyupa mais les circonstances n'étaient pas réunies, en attendant je suis les cours de Mr kapstein à l'Ephe et continue à étudier dès que j'ai du temps libre en espérant devenir interprete.
    Mon message peut paraître un peu flou mais je crois que vous comprendrez les doutes qui m'assaillent, je vous crois plus expérimenté que moi ( peut être avez vous fait la retraite de trois ans) et c'est pourquoi j'aurai aimé avoir votre avis sur ces quelques considérations.
    Voici mon email si vous voulez evitez de surchargez le blog:
    obobinde@hotmail.com

    Merci

    Nicolas

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