dimanche 28 novembre 2021

Les deux "Mères" de tous les Bouddhas

Mañjuśrī HA154, Sakya XIVème, détail

La tradition bouddhiste mahāyāna fait souvent référence à la prajñāpāramitā, la perfection de la sapience, comme la Mère de tous les bouddhas. Cette idée semble avoir son origine dans Le Traité de la Grande Vertu de Sagesse de Nāgārjuna (Mahāprajñāpāramitāśāstra MPPS)[1], traduit en français par Mgr. Etienne Lamotte en 1970. Ce texte est un commentaire de la Prajñāpāramitā en 25.000 articles (Pañcaviṃśatisāhasrikā-prajñāpāramitā-sūtra). C’est dans le MPPS, que la métaphore de la sapience (prajñā) ou de sa perfection comme la “Mère de tous les Bouddhas” est davantage[2] élaborée, et que la perfection de la sapience commence son processus de personnification et de divinisation, pour finalement aboutir en śākti[3]. C’est à la “Mère” Prajñā que le Bouddha doit l’initiative de son acquisition des 32 marques (du grand être, mahāpuruṣa) et de l’actualisation de sa “suprême et parfaite illumination” (anuttarasamyaksaṃbodhi).

Prajñāpāramitā XIIIème s. (Singhasari, East Java)

Au départ, il s’agissait simplement d’une métaphore, sans la sapience pas d'Éveil, tout comme sans la mère l’enfant ne naîtra pas. La prajñā est donc comme la Mère de l’Eveillé. Mais la métaphore devient une allégorie, qui mène sa propre vie, et se mélange à d’autres doctrines tantriques de Clan, de filiation, de (re)génération, d’autogénération, etc. La célèbre version abrégée de la Prajñāpāramitā, le Sūtra du Coeur (Prajñāpāramitā Hṛdaya VII-VIIIème s.), sera d’ailleurs assortie d’une incantation (dhāraṇī), ou plutôt d’un mantra vidyā[4].

La Prajñāpāramitā aura sa version tantrique en la figure du yogi indien Dampa Sangyé, à l’origine de la doctrine de la pacification de toutes les souffrance (tib. Zhi byed), en référence au grand mantra du Sūtra du Coeur, qui est justement dit avoir cette qualité (sarva duḥkha praśmanaḥ). Dampa aurait eu une disciple tibétaine du nom de Machik Labdrön, une réincarnation de la Prajñāpāramitā (“Mère universelle” yum chen mo), la prajñāpāramitā personnifiée et divinisée s’entend. Machik Labdrôn serait à l’origine du système dit Chöd” (tib. gcod).

Lévolution du bodhisattva Mañjuśrī, autre figure importante de la transmission de la Prajñāpāramitā, est aussi spectaculaire. Au début du premier millénaire, nous le voyons au Gāndhāra, représenté assis à côté du Bouddha, écoutant et notant les paroles de celui-ci. Il était considéré comme d’autres bodhisattvas comme un bodhisattva de la dixième terre. Rapidement, il prendra des attributs du messager des dieux, le roi des gandharva Pañcaśikha, à son tour l’émanation de Sanatkumāra, le messager céleste. Son omniprésence et ubiquité dans les mondes célestes et terrestres, en font le dépositaire idéal des nombreux enseignements simultanés des saṃbhogakāya du Bouddha du mahāyāna.

On voit l’activité de ce Mañjuśrī du mahāyāna bien élaborée dans L’Enseignement de Vimalakīrti (Vimalakīrtinirdeśa) et dans La Concentration de la Marche héroïque (Śūrāṅgamasamādhisūtra, Śgs), où Mañjuśrī joue un rôle majeur. On le voit déjà prendre la place de tous les grands protagonistes des traditions non-bouddhistes. Pour ce Mañjuśrī, il ne s’agit pas de mettre fin au saṃsāra, de combattre Māra et ses troupes, ni même de se débarrasser des vues fausses. Quand tous les bodhisattvas présents dans la "maison vide" de Vimalakīrti ont exprimé leur vue de la non-dualité, on demande à Mañjuśrī de s’exprimer à son sujet. “Vous avez tous bien parlé ; cependant, à mon avis, tout ce que vous avez dit implique encore dualité. Exclure toute parole et ne rien dire, ne rien exprimer, ne rien prononcer, ne rien enseigner, ne rien désigner, c’est entrer dans la non-dualité."[5] Quand Mañjuśrī demande alors à Vimalakīrti sa vue de la non-dualité, ce dernier garde le silence. Il n'y a pas encore de Gnose pour recouvrir ce silence.

Dans la Concentration de la Marche héroïque, nous apprenons que Mañjuśrī est en fait un Bouddha (Nāgāvaṃśāgra) depuis longtemps (p. 261)... Les douze actes d’un Bouddha, et notamment l’entrée (et la sortie) du nirvāṇa, c’est le moindre de ses exploits. Dans l’espace d’un éon (kalpa), un Bouddha ne peut pas tout faire, son temps est compté. Le potentiel et la promesse du Śgs lui sont nettement supérieurs. Mañjuśrī travaille derrière les coulisses de chaque nouveau kalpa à Bouddha. Selon le même texte, Śākyamuni est par ailleurs le Bouddha cosmique Vairocana, et tant que celui-ci enseigne dans son univers, Śākyamuni ne rejoindra pas le nirvāṇa final. Le véritable moteur continu du mahāyāna, quelque soit le Bouddha qui règne, semble être Mañjuśrī au commencement du bouddhisme ésotérique.

Mañjuśrī, dynastie Pala, IXème s. , assis sur deux lions 

“Dans l'Ajātasatrukaukrtyavinodana [Sūtra MS 2378], Śākyamuni se plaît à rendre au Bodhisattva [Mañjuśrī] ce témoignage solennel :
Si aujourd'hui je suis Buddha, si je possède les 32 marques (lakṣāna) et les 80 sous-marques (anuvyanjana), la majesté et la noblesse, si je sauve tous les êtres des dix régions, tout cela est une faveur de Mañjuśrī. Autrefois, il fut mon maître [kalyāṇamitra]. Dans le passé, d'innombrables Buddha furent tous les disciples de Mañjuśrī, et les Buddha du futur également seront menés par sa force majestueuse et bienveillante. De même que, dans le monde, tout enfant a un père et une mère, ainsi dans la religion du Buddha, Mañjuśrī est le père et la mère[6]. “ 41 MANJUSRÎ, Étienne Lamotte, Source: T'oung Pao, 48 (1960): 1-96.
Celui qui prend la place d’Indra, Brahma, Māra, etc., tirant toutes les ficelles et faisant de ceux-ci de simples entités en paille, deviendra avec l’avènement des tantras, tout simplement le dépositaire de tous les mantras, qu’ils soient bouddhistes ou non-bouddhistes[7]. Il est normal qu’un des premiers livres de rituels, le Mañjuśrīmūlakalpa (en sanskrit, MMK, tib. 'phags pa ’jam dpal gyi rtsa ba'i rgyud)[8] (VIIIème s.) lui fut dédié. Avec ce que nous savons de Mañjuśrī dans les textes du mahāyāna, nous comprenons que la transmission du MMK est une “mise en scène” habile[9], où Mañjuśrī prend la place d’un bodhisattva de la dixième bhūmi, qui, décidant que le moment était opportun[10], demande à Bouddha Śākyamuni, d’instruire la noble assemblée en la pratique des mantras (mantracaryā). Cela a lieu dans le pavillon magique au nom de "Au-delà du monde symbolique” (śuddhāvāsopari), devant une assemblée constituée de tous les êtres du monde symbolique (śuddha). Mañjuśrī est lui-même le paramahṛdaya mantra (svayam eva mañjuśrīḥ). Le bodhisattva et le mantra sont identiques en essence. Le pouvoir du bodhisattva Mañjuśrī, le messager universel, d’aller partout, d’être à la fois tous les protagonistes de l’univers bouddhiste et au-delà, en essence, lui vient de sa pratique des mantras. Et cette pratique des mantras est désormais rendue accessible à tous les initiés. Le Manuel des rituels de Mañjuśrī contient également les mantras d’un autre bodhisattva présent : Vajrapāṇi. Ce sont au départ principalement ces deux bodhisattvas qui dotent le monde bouddhiste ésotérique des mantras (bouddhistes et non-bouddhistes[11]), dont il aurait besoin pendant l’ère des cinq dégénérescences. Notamment dans un monde indien, où le bouddhisme commence à perdre pied.

Mañjuvajra, XIème s., Bangla Desh, Metmuseum 

Pour l’appropriation des mantras shivaïtes, Mañjuśrī se double en Kārttikeya/Skanda, le fils (kumāra) à six têtes de Maheśvara/Śiva, et prend l’aspect de Kārttikeyamañjuśrī. La lance, qui est un de ses attributs, fait peut-être iconographiquement pendant (au Népal, au Tibet, ...) à la fameuse épée (khāḍga) de Mañjuśrī, qui apparaît tardivement (XIème ? Mañjuvajra ?). Au lieu d'un paon, la monture (également plus tardive, IXème s. ?) de Mañjuśrī est un lion. Skanda est le chef de tous les dieux-démons, tout comme son frère Gaṇeśa. Contrôler Skanda, c’est contrôler tous les dieux-démons, et ce contrôle passe par l’utilisation de rituels et de mantras. Pour exercer du pouvoir dans un monde en dérive, il faut contrôler ceux qui sont censés le gérer, les troupiers de la Nature. Kārttikeya devient l’aide (anucara) de Mañjuśrī.
This divine youth called Mañjuśrī-Kārttikeya is an attendant of Mañjuśrī, the divine youth. He may be employed in all rites. By merely reciting him, he will accomplish all tasks‍—frighten any being away, summon it, enthrall it, cause it to wither, or smash it; or, he will bring whatever the practitioner who has mastered his mantra may desire. {2.85} 84.000
Mañjuśrī en ādibuddha, Alchi, Ladakh photo : Jaroslav Poncar

Les tantras (upāya) évoluant, Mañjuśrī évolue avec eux. Un autre texte, le Mañjuśrī-Nāma-Saṃgīti (MNS), présentera le Mañjuśrī 2.0 compatible avec les yogatantras supérieurs et leurs yogas. Ce texte est classé dans le canon tibétain juste devant la série des textes consacrés au Kālacakra Tantra, qui enseigne et développe le concept du Bouddha primordial (ādibuddha), Mañjuśrī et plus tard Kālacakra.
MNS, VI, 19
Géniteur de tous les éveillés
Meilleur fils des Eveillés
Source (yoni) du monde porté par la sapience
Source de la Doctrine (dharmayoni) mettant fin au devenir
[12]
Dans un des commentaires du Kālacakra Tantra (plus précisément le Paramādibuddhoddhṛtaśrīkālacakra-nāma-tantrarāja tib. mchog gi dang po'i sangs rgyas las byung ba rgyud kyi rgyal po dpal dus kyi 'khor lo zhes bya ba), on trouve :
Tu es la mère, tu es le père. Tu es le guru du monde. Tu es l’ami et le bon compagnon. Tu es le Seigneur (nātha). Tu es celui qui accomplit [tous les objectifs], l’aide, celui qui dissipe la négativité. Tu es l’état parfait, le recueillement dans la liberté (kevala vihara), le recueillement dans la meilleure qualité, tu es celui qui détruit les fautes. Tu es le protecteur des misérables, le joyau qui exauce les désirs, le prince des vainqueurs, je prends refuge en toi.[13] Kālacakra Tantra, fin de chapitre 2.
Et Bu ston[14] de commenter le premier vers :
Tu” renvoie à Mañjuśrī. “Tu es le vieillard, tu es le jeune (kumāra), le fils spirituel du Vainqueur. Tu es depuis toujours le Bouddha primordial.”[15]
Et Mañjuśrīmitra dans son commentaire du MNS (Bodhicitta-bhāvanā-dvādaśārtha-nirdeśa) : "Mañjuśrī" est la compréhension infaillible des caractéristiques de la pensée éveillée et la source de tous les éveillés. C’est pourquoi il est la Mère de tous les bienheureux, la voie unique de tous les Vainqueurs[16].

Il y a ainsi un passage de la prajñā, la Mère de tous les éveillés, à l’upāya(marga) ou la Gnose (jñāna, ce qui revient au même), que représente Mañjuśrī, qui devient la "Mère de tous les bienheureux", ainsi que le Bouddha primordial et le guru du monde. L’upāya n’est plus la pratique des cinq perfections (adikarma) dans le cadre de la perfection de la sapience, mais est désormais synonyme de Gnose. L’upāya devient la Gnose permettant aux êtres de se libérer du devenir et des souffrances associées, en devenant des bienheureux (sugata) dans des Corps de Gnose (jñānakāya), auquel l’initiation dans le maṇḍala donne accès. Cette génération est présentée comme une auto-génération (svayambhu), le guru, indissociable du Bouddha primordial (Mañjuśrī), servant à la fois de guide et de support (tib. rten).
Puisse le parfait éveillé (saṃbuddha), le Bhagavat
Le guru et guide du monde
Qui connaît le grand Engagement (samaya)
Et qui connaît les dispositions et les motivations les élucider
” MNS chapitre I, 9
Le Corps de Gnose (jñānakāya) du Bhagavat,
La grande protubérance (mahoṣṇīṣa), Maître de la Parole (gīṣpateḥ)[17],
Ce Corps de Gnose autogénéré (svayambhuvaḥ)
Est celui de 
Mañjuśrī, l'être de Gnose (Mañjuśrījñānasattva)
Le grand Engagement (mahāsamaya) est une inféodation spirituelle en vue d’une libération spirituelle par la Gnose, le grand projet “alchimique” qui engendre l’embryon du Bouddha à partir de l’essence du Père (upāya, voyelles), l’essence de la Mère (prajñā, consonnes) et de l’être à naître (gandharva)[18], transmutant les cinq skandha en les cinq tathāgata, les cinq kleśa en les cinq gnoses du parfait Bouddha, etc. C’est la dernière “renaissance”, ou la véritable naissance, ou autogénération dans la Gnose.

Nous avons vu comment une simple métaphore (la prajñā comme la mère de tous les Bouddhas) peut donner lieu à des élaborations spéculatives très complexes (au niveau de la théorie et de la pratique), à force d’interpréter, de réinterpréter des matériaux anciens, nouveaux et étrangers au bouddhisme, et d’en construire de nouveaux systèmes. Si à chaque réforme, les dernières interprétations sont celles qui font foi, et s’appliquent rétroactivement à toute la Doctrine, les métaphores des débuts deviennent inaudibles et invisibles, tout comme les doctrines anciennes où ces métaphores sont utilisées.

Les qualités attribuées à Mañjuśrī l'ādibuddha, deviennent par la force des choses celles du guru.
 
"Vajrayana texts state that for one who seeks enlightenment a guru is more important than all the buddhas of the three times put together. His job is not only to teach students but to lead them. He is our most important companion, our family, husband, wife and beloved child, because only he can bring us to enlightenment." Not for Happiness: A Guide to the So-Called Preliminary Practices
de Dzongsar Jamyang Khyentse

Article Buddha Weekly : “Manjushri is the father and mother of the Bodhissatvas, and their spiritual child.”
***

[1] Plus précisément dans le chapitre VIII qui traite des Bodhisattvas, et notamment dans la note 1 de la page 281 (Lamotte)/lappendice 9 de ce chapitre.
« Question. — Pourquoi le Bodhisattva orne-t-il (alaṃkaroti) son corps de marques ?

Réponse. — 1. Certaines personnes ont obtenu la pureté de foi (śraddhāviśuddhi) en voyant les marques corporelles du Buddha. C’est pourquoi il orne son corps de marques.

2. En outre, les Buddha triomphent (abhibhavanti) de toutes manières : ils triomphent par leur beauté physique (kāyarūpa) , leur puissance (prabhāva), leur clan (gotra), leur famille (jāti), leur sagesse (prajñā), leur extase (dhyāna), leur délivrance (vimukti), etc. Mais si les Buddha ne s’ornaient pas des marques corporelles, ces supériorités ne seraient pas nombreuses. 3. Enfin, certains disent que la suprême et parfaite illumination (anuttarasamyaksaṃbodhi) réside dans le corps du Buddha, mais que, si les marques corporelles n’ornaient pas son corps, l’Anuttarasamyaksaṃbodhi ne résiderait pas en lui. Ainsi, quand un homme veut épouser une fille noble, celle-ci envoie un messager lui dire : « Si tu veux m’épouser, tu dois auparavant orner ta maison, en enlever les crasses et en chasser les mauvaises odeurs. Tu dois y placer des lits, des couvertures, du linge, des rideaux, des tentures, des tapisseries et des parfums de façon à la garnir. Après seulement j’irai dans ta demeure». De même l’Anuttarasamyaksaṃbodhi dépêche la sagesse (prajñā) auprès du Bodhisattva et lui fait dire : « Si tu veux m’obtenir, cultive d’abord les marques merveilleuses et ornes-en ton corps. Après seulement je résiderai en toi. Si elles n’ornent pas ton corps, je n’habiterai pas en toi »1. C’est pourquoi le Bodhisattva cultive les trente-deux marques et en orne son corps, pour obtenir l’Anuttarasamyaksaṃbodhi.
» Vol I, p. 280-281

[2]The oldest source for the idea of Prajñāpāramitā as "Mother of the Buddhas" is the Aṣṭasāhasrikā Prajñāpāramitā ( the Eight-Thousand One), Chapter 12, "Showing the World." This scripture here treats Prajñāpāramitā as "mother" in two ways: to be honored, accordingly protected; and as the source of the Tathagatas' "all-knowledge." The first way starts curiously, so in Conze's translation: 8 "It is as with a mother who has many children-five, or ten, or twenty, or thirty, or forty, or fifty, or one hundred, or one thousand. If she fell ill, they would all exert themselves to prevent their mother from dying .... " For this, one should accept that there is just one "mother" in this sense; hence the numbers, five or one thousand, do not matter.” Chanting the Names of Manjushri, The Manjusri-Nama-Samgiti, Sanskrit and Tibetan Texts par Alex Wayman

[3] « Note 1

1 Cette prosopopée du Buddha et de l’Anuttarasamyaksambodhi est caractéristique de la littérature des Prajñāpāramitā qui tend à faire de la Prajñā, la Mère des Buddha ; cf. T 220, k. 306, p. 558 b. : Tous les Tathāgata s'appuient sur la profonde Prajñāpāramitā pour réaliser (sakṣātkāra) la Vraie nature (tathatā), le Sommet (niṣṭhā) de tous les Dharma et obtenir l’Anuttarasamyaksaṃbodhi. C’est pourquoi il est dit que la profonde Prajñāpāramitā engendre les Buddha, est la « Mère des Buddha ». — Dans son chapitre consacré à la Mère des Buddha, la Pañcaviṃśati (T 223, k. 14, p. 323 b) dit que les Buddha actuels des dix régions considèrent de leur œil de Buddha la profonde Prajñāpāramitā parce qu’elle engendre les Buddha, que tous les Buddha qui ont obtenu, obtiennent et obtiendront l'Anuttarasamyaksaṃbodhi, l’obtiennent grâce à la Prajñāpāramitā. — Beaucoup de sūtra sont consacrés à la glorification de la « Mère des Buddha » : cf. T 228, 229 et 258. —Le Mpps indique à plusieurs reprises en quel sens cette métaphore doit être prise : —k. 34, p. 314 a : La Prajñāpāramitā est la Mère des Buddha. Parmi les parents, la mère est la plus méritante ; c’est pourquoi les Buddha tiennent la Prajñā pour leur Mère. Le Pratyutpannasamādhi (décrit dans T. n° 416-419) est leur père : ce samādhi est seulement capable d’empêcher les distractions (vikṣiptacitta) pour que la Prajñā soit réalisée, mais il ne peut pas percevoir le Vrai caractère des Dharma. La Prajñāpāramitā, elle, voit tous les Dharma et discerne leur Vrai caractère. A cause de ce grand mérite, elle est appelée Mère ; — k. 70, p. 550 a : La Prajñāpāramitā est la Mère des Buddha, c’est pourquoi les Buddha subsistent en se fondant sur elle. Dans les autres sūtra, on dit que le Buddha s’appuie sur la Loi et que la Loi est son maître, mais ici le Buddha déclare à Subhūti que cette Loi, c’est la Prajñāpāramitā.

Toutes ces métaphores préparent la voie au « Shaktisme » du Vajrayāna qui accouple les Buddha et les Bodhisattva à des divinités féminines, à des Mahiṣī comme Locanā, Pāṇḍaravāsinī, Māmakī, Tārā, etc, Cf. H. von Glasenapp, Buddhistische Mysterien, p. 154 sq
. » Vol I, p. 281, note 1

[4] 7 tasmāj jñātavyam: prajñāpāramitā mahā mantro mahā vidyā mantro ‘nuttara mantro ‘samasama mantraḥ, sarva duḥkha praśmanaḥ, satyam amithyatvāt. prajñāpāramitāyām ukto mantraḥ. tadyathā: gate gate pāragate pārasaṃgate bodhi svāhā.

[5] Lamotte, Vimalakīrti, p. 316

[6] Ajātasatrurājasūtra T 626, k. 1, p. 394 b 18-20. “Mañjuśrī est le père et la mère des Bodhisattva, et il est leur ami spirituel [kalyāṇamitra].”

[7]The MMK also draws from non-Buddhist sources, thereby demonstrating the exchanges that took place between various religious traditions during the period when it was compiled. The Śaiva mantras and mudrās taught in the MMK are specifically held in high regard (35.­139–42).” Introduction à la traduction du MMK sur 84.000.

[8] Mañjuśrī reçoit les mantras du Bouddha Sakusumitarājendra dans la terre pure de Kusumāvatī, et aura comme mission de les transmettre ailleurs.

Pour la date du MNS "According to Sanderson (2009: 129) and the study by Matsunaga (1985), the text is datable to about 775 CE". 
Sanderson, Alexis. "The Śaiva Age: The Rise and Dominance of Śaivism during the Early Medieval Period. In: Genesis and Development of Tantrism, edited by Shingo Einoo. Tokyo: Institute of Oriental Culture, University of Tokyo, 2009. Institute of Oriental Culture Special Series, 23, pp. 41-350".
Matsunaga, Yukei (1985). "On the Date of the Mañjuśrı̄mūlakalpa". In Strickmann, Michael (ed.). Tantric and Taoist Studies in honour of R.A. Stein. Brussels: Institut Belge des Hautes Études Chinoises. pp. 882–894.

[9]Being so addressed, the thus-gone lord Saṃkusumita Rājendra said this to Mañjuśrī, the divine youth:

“You may go, divine youth Mañjuśrī, if you think that this is the right time. And please ask Lord Śākyamuni, on my behalf, if he is without pain and without worry, if his efforts come easily to him, and if his life is comfortable.” {1.9}
““Also, O divine youth, the tathāgatas, the arhats, the completely awakened ones, numerous as grains of sand in one hundred thousand Gaṅgā rivers, have taught and will teach again of your proficiency in mantra practice, maṇḍala ritual, the secret empowerment, the mudrās, the picture drawing procedure, the homa rite, the mantra recitation, and the regular observations, all of which fulfill every wish and bring joy to every being. They will teach of your proficiency in the vast fields of astrology and gemology; of your knowledge of the past, present, and future; and of your ability to govern and make predictions. They will teach of your mantra repetition, your ability to travel to the ends of the earth and to become invisible, and your vast knowledge of the right time and occasion for anything. They will teach how to traverse all the stages of the buddhas, bodhisattvas, śrāvakas, and pratyeka­buddhas, and all the mundane and supramundane stages without exception. They will teach the way in which you are established in the practice of all of these. So that I too may rejoice, please go Mañjuśrī, O divine youth, if you think that the time is right. You will hear these teachings in the presence of Śākyamuni, face to face with him, and you will later give them yourself
.” 84.000

[10] L’ère des cinq dégénérescences.

[11]Non-Buddhist mantras
In this vein, the section on mantras at Mmk ends with an appropriation of the mantras of major non-Buddhist deities. This sub-section is prefaced by a polemical "revisionist" history of the mantras that are then presented. The central contention of the history is that all previous mantras - those of Brahma, Śiva, Viṣṇu, etc. - were originally spoken by the Buddhist bodhisattva Mañjuśrī, though in the form of Brahma, Śiva, etc. Mañjuśrī merely took the form of these Hindu deities as an upāya - in this case, as a means of conversion. Specifically, the preface identifies Mañjuśrī with Kārttikeya (also called Skanda), the six-headed son of Śiva in Purānic mythology. In this manner, the Mmk presents its own Purāna fragment of sorts, rewriting the history of Kārttikeya, revealing essential facts about his life that had been left out of the Saivite account. In the Mmk version, Kārttikeya's name is combined with Mañjuśrī's: Kārttikeyamañjuśrī. This synthetic name gives a clear picture of the authors' intention to co-opt Saivite claims and subordinate these to those of the MMK
.” The Buddha' s Remains : mantra in the Mañjuśrīmūlakalpa, Glenn Wallis, Journal of the International Association of Buddhist Studies Volume 24 • Number 1 • 2001

[12] Sangs rgyas thams cad skyed pa po// sangs rgyas sras po dam pa mchog// shes pas srid 'byung skye gnas te// chos las byung ba srid pa sel//

[13] 153 khyod ni ma dang khyod ni pha ste khyod ni ‘gro ba’i bla ma khyod ni gnyen dang grogs bzang yang*/ khyod ni mgon po khyod ni byed po phan dang sdig ‘phrog khyod ni go ‘phang phun sum tshogs pa yang*/ khyod ni ‘ba’ zhig gnas dang khyod ni yon tan mchog gi gnas te skyon rnams bcom pa khyod nyid do/ khyod ni dman pa rnams kyi mgon dang yid bzhin nor bu rgyal ba’i dbang po khyod la bdag skyabs mchi//

[14] “Kālacakra-tantra and Other Texts, Part I, ed. by Raghu Vira and Lokesh Chandra (New Delhi: International Academy of Indian Culture, 1966), ed. (n. 23 above), line V, 256a.” Note Wayman, p. 49

[15] “Again, Bu ston annotates the first "You are" with "Mañjuśrī." It starts: "You are the old man, entirely a youth, spiritual son of the Jina. You are from the beginning, the primordial Buddha."

[16] 'Jam dpal zhes bya ba/ byang chub kyi sems kyi mtshan nyid ma nor bar rtogs pa ni sangs rgyas ma lus pa'i 'byung gnas yin pa'i phyir/ bder gshegs ma Ius yum du gyur pa rgyal ba kun gyi lam gcig go / zhes smos te /.

[17] NMS IV, 2
A Ā I Ī U Ū E AI O AU AṂ AḤ
demeurant dans le Cœur
Je suis le Corps de Gnose (jñānamūrti), l’Eveillé,
Où les éveillés des trois temps résident


A Ā I Ī U Ū E AI O AU AṂ AḤ snying la gnas//
ye shes sku bdag sangs rgyas te//
sangs rgyas dus gsum bzhugs rnams kyi’o//

[18]Nāro-pa says [in his commentary on the Hevajra Tantra]: "The ālayavijñāna in the middle of the bodhicitta is the gandharva-sattva" (byan chub kyi sems kyi dbus su kun gzhi’i rnam par shes pa dri za'i sems can no). And he continues (20-4-2), "Then the mirrorlike and the other Wisdoms along with their images." He gives the emanation process in this order: (I) the moon or bodhicitta possessed of vowels is the Mirrorlike Wisdom, Vairocana who engenders [as "image"] the personal aggregate of forms (rūpa-skandha); (2) the Sllll or menstrual blood possessed of consonants is the Sameness Wisdom, Ratnasambhava who engenders the personal aggregate of feelings (vedanā-skandha); (3) the gandharvasattva possessed of the HūṂ-syllable is the Discriminative Wisdom, Amitābha who engenders the personal aggregate of ideas (saṃjñā-skandha); (4) the unification of these, the prāṇa-wind possessed of the HAṂ-syllable is the Procedure-of-Duty Wisdom, Amoghasiddhi who engenders the personal aggregate of motivations (saṃskāra-skandha); (5) the completion of all parts (cha shas) of the body and perception (vijñāna) possessed of the HAṂ-syllable is the Pure Dharmadhātu Wisdom, Akṣobhya who engenders the personal aggregate of perceptions (vijñāna-skandha). The merger of those (five) into one is the seed Vajrasattva. From that account, we may conclude that the M-N-S's phrase "the master of living beings" refers to the five Buddhas and their merger, Vajrasattva, as "the master." Alex Wayman, p. 17

dimanche 21 novembre 2021

Le quatrième, le cinquième etc. rapide enquête sur les six yogas

Devenir  tout et le Coeur de tout... (photo : Be something wonderful)

J’avais écrit un blog (L'incrémentation comme indicateur chronologique, 18 janvier 2011) pour présenter l’idée d’une potentielle inflation des nombres dans les différentes catégories dans les doctrines bouddhistes, notamment ésotériques. Il n’est pas exclu que cette “inflation” ait également pu jouer un rôle dans l’origine des “Six yogas”. La plus célèbre série de “Six yogas” est celle de Nāropa, mais il y aussi les Six yogasde Lavapa (alias Kambhala, Titre des instructions : lwa ba pa'i zhal gdams skor chos tshan drug), de Niguma[1], de Sukhasiddhi etc.

Les “Six yogas de Nāropa”, tels que nous le connaissons, concernent (je reprends tout simplement les traductions françaises habituelles) 1. la chaleur intérieure (tib. gtum mo) 2. le corps illusoire (tib. sgyu lus) 3. la claire lumière (tib. ‘od gsal) 4. l'état de rêve (tib. rmi lam) 5. l'état intermédiaire (tib. bar do), et 6. le transfert de la conscience au moment de la mort (tib. ‘pho ba).

L’idée de base générale des “Six yogas” est de transformer l’expérience illusoire de l’état de veille, de l’état du rêve et de l’état du sommeil, en rejoignant le “quatrième état”, qui les transcende. On peut donc concevoir une méthode spécifique (“yoga”) pour remédier à “l’illusion” spécifique de chaque état, ainsi qu’une méthode (non-méthode) pour rejoindre le quatrième état, que j’ai comparé à " une basse continue " de la pensée éveillée (blog La méditation continue dans L'amas de joyaux 31 mars 2013). Dans cette optique, les deux derniers yogas (bardo[2], et transfert de la conscience), plus tardifs, viennent un peu comme un cheveu sur la soupe.

Selon la tradition, Nāropa (1016-1100) aurait reçu les “Six yogas” de son maître Tailopa (988-1069). Ils sont énumérés dans un texte intitulé Instruction des six dharma (skt. saddharmopadeśa tib. chos drug gi man ngag Toh. 2330), attribué à Tailopa. Dans ce texte, il est précisé que Tailopa aurait reçu respectivement les yogas du 1. Corps illusoire et de 2. la Claire lumière de Nāgārjuna, celui de 3. la “Chaleur interne” (skt. caṇḍalī tib. gtum mo) de Caryapa, celui du 4. Rêve de Lvavapa et ceux de 5. l'État intermédiaire (tib. bar ma do’i srid pa skt. antarābhava et du 6. Transfert de conscience (tib. ‘pho ba skt. citta-saṃkranti) de Sukasiddhi.

Dans la deuxième partie de sa Vie de Nāropa, Von Guenther fait part de ses réflexions au sujet des Six yogas de Nāropa. En parlant de l'entrée dans le corps d'un autre ("Resurrection" tib. grong ‘jug skt. grāmapraveśa[3]), il mentionne comment les maîtres de la lignée Kagyupa avaient regroupé les deux pratiques du transfert de la conscience à la mort (tib. 'pho ba) et de l'entrée d'un corps en un seul " Transfert de conscience ". Pour combler le manque ainsi causé par rapport au nombre 6 des Six yogas de Naropa, ils auraient ajouté la pratique de l'état intermédiaire post-mortem (tib. bar do)[4]. Ce regroupement était selon Von Guenther causé par une certaine gêne : en incorporant les instructions de l'entrée dans le corps d’autrui dans la pratique du transfert de la conscience vers un champs de Bouddha, on se débarrassait d'une pratique qui, hors contexte, pourra être considérée comme de la magie noire. Von Guenther remarque encore que Nāropa lui-même semble avoir été impliqué dans la magie noire et que certaines pratiques auraient été expurgées ultérieurement (à partir de Gampopa). Ce thème resurgit dans un chapitre des Chants de Milarepa (voir mon blog Réchungpa, l'enfant terrible de Milarepa 19 juin 2016). Selon les hagiographies Rechungpistes[5], Nāropa aurait reçu de Tailopa quatre des Six yogas : le corps illusoire, le rêve, la claire lumière et la (śakti) Féroce (skt. caṇḍalī tib. gtum mo)[6]. “Nāropa” y aurait donc ajouté deux yoga supplémentaires (bar do et ‘pho ba).

Les quatre yogas que Nāropa aurait reçu correspondent aux trois états de conscience transformés ainsi qu'au "quatrième”. Quelle est l’origine de ces “quatre yogas” ? Dans un commentaire[7] du Mañjuśrī-Nāma-Saṃgīti (MNS)[8], le vers VI, 18 “Bouddha à la nature du corps quintuple” est glosé "Ce Bouddha a la nature du quintuple corps de l’état de veille, du rêve, du sommeil profond, du quatrième et au-delà du quatrième."[9] Le tout dernier terme viendrait du shivaïsme, où l’on trouve les cinq états suivants : état de veille (jāgrat), état de rêve (svapna), sommeil sans rêve (suṣupti), le quatrième (turīya) et “l’essence au-delà du quatrième état”[10] (turyātīta). Le même commentaire fait référence aux cinq gnoses (au lieu de quatre) du Bouddha, ainsi qu’à des citations où le Bouddha est présenté en termes de cinq éléments[11]. Le MNS permet ces interprétations nouvelles et l’incrémentation du nombre des corps et des gnoses, qui deviennent rapidement le nouveau standard.

Au départ, sans doute dans le Māṇḍūkya Upaniṣad, le sens de la syllabe AUM (oṃkāra) est dit traverser les trois “états de la conscience”, et le silence qui suit est dit être comme l'état turīya de libération. Il y a une similarité avec l’idée bouddhiste des trois temps et d’un “quatrième” élément qui est “le quatrième qui est l’égalité des quatre temps” (tib. dus bzhi mnyam pa nyid) ou "le temps de l'égalité" (tib. mnyam pa nyid kyi dus). Ce quatrième élément transcende les trois temps dans leur égalité.
"Quand on discerne le quatrième temps
Même le nom du temps n'existe plus
." (rGyud kyi rgyal po chen po rdo rje bkod pa kun 'das rig pa'i mdo Toh 831)
La tradition shivaïte y ajoute un cinquième élément (turyātīta), l’état au-delà du quatrième état, ou bien le “cinquième état de conscience totale”. D’un point de vue bouddhiste (voie du milieu), l’idée d’une conscience totale (qui seule existerait), est clairement éternaliste et investi dans l’extrême de la permanence en posant une conscience totale, comme réalité ultime. D’ailleurs, même l’idée d’ “états de (la) conscience” est déjà ambivalente, et on voit bien que dans certaines approches du bouddhisme ésotérique, il n’y a plus guère de différence avec la tradition shivaïte. On pourrait dire que le quatrième état transcende les trois “états” de conscience, et que le cinquième état est à la fois transcendant et immanent aux trois états et à toute expérience. Entre Śiva et Vajradhara (présent dans les 14 niveaux[12]), il n’y a pas beaucoup de différence. Et Vajrapāṇi, le récipiendaire du MNS, est indissociable de Vajradhara (tib. rdo rje ‘dzin pa[13]).

Le projet de la Voie du Milieu qui ne sinvestit en aucun extrême (skt. apratiṣṭhāna-madhyamaka, tib. dbu ma rab tu mi gnas pa), est le dépassement des trois temps, dans l’égalité des trois temps, et il en va de même pour les quatorze niveaux (bhūmi), mais là nous entrons dans un domaine cosmo-mythologique.

Le projet tantrique consiste donc aussi à transcender les trois “états de conscience”, tout en restant présent (immanent) en chacun. Il y a de toute façon une Continuité entre la cause/base, le chemin et le fruit. Le titre du Mahāyānottaratantra Śāstra/Ratnagotravibhāga, un des cinq Traités de Maitreya, a parfois été traduit par "The Sublime Continuum" ou "The Changeless Nature", etc. Cela ressemble à une “Conscience” qui comprend les états de conscience, et qui est à la fois transcendante et immanente. Cette Conscience (positive) est considérée “divine”, représentée par un dieu (Śiva) ou un Bouddha primordial (ādibuddha). L’approche et la réalisation de cette divinité (“Conscience totale”) sont enseignées dans le cadre d’un tantra, et les yogas associés à ce tantra, doivent conduire à l’atteinte de la “Conscience totale” (le quatrième, l’au-delà du quatrième). Ils en sont les moyens ou les techniques (upāyamarga).

Les quatre, cinq ou six yogas (dont le nombre et le contenu peuvent varier) sont donc les techniques tantriques correspondantes à cet objectif. Aux quatre premiers (voir ci-dessus) s’ajoutent deux yogas plus éternalistes, qui peuvent varier : le yoga des états dits intermédiaires, et initialement le transfert de la conscience sur un autre corps, qui a été ultérieurement remplacé par le transfert de la conscience au moment de la mort.

Il faut préciser que l’intégration des états intermédiaires (trois) visés par le yoga sont : 1. l’état intermédiaire entre la naissance et la mort (tib. skye shi bar do), 2. l’état intermédiaire du rêve (tib. rmi lam bar do) et 3. l’état intermédiaire du devenir (tib. srid pa’i bar do). Le premier (1) est le corps en chair et en os, résultat de la maturation karmique, le deuxième (2) est le corps subtil qui est un mélange du souffle vital (skt. prāṇa) et de pensée (skt. citta) et le troisième (3) est le corps mental (skt. manomaya) du gandharva (l’être désincarné allant vers une nouvelle naissance). Trois états qui correspondent, selon la tradition bouddhiste, à une réalité physique, verbale et mentale et aux trois niveaux du triple monde, sensible, forme et sans forme. Les états intermédiaires des Six yogas ne sont pas le système des six états intermédiairestels que les avait introduit Karma Lingpa ( (1326–1386), qui est nettement plus éternaliste.

Le yoga restant du transfert de la conscience conçoit celle-ci clairement de façon dualiste comme une entité transférable. Il y a le corps et il y a l’esprit, qui, en vue de son “transfert” peut être imaginé sous forme d’un corps dit “subtil” sous différentes formes. Cette “conscience” peut se détacher du corps, pour être transférée dans un autre corps (tib. grongjug) temporairement ou définitivement, dans le Coeur d’Amitābha, dans une Khecarī, etc., au moment de la mort. Tous ces yogas se pratiquent donc dans le cadre de consécrations tantriques, de la pratique d’une divinité de yogatantra supérieur, et sous la direction d’un guru indissociable de la divinité et de la transmission.

Si l'on considère l'évolution du bouddhisme indien dans son ensemble, ce qui semble avoir “commencé” (il y a évidemment aussi une évolution préalable) par une méthode de réintégration de la division des trois temps en “l’égalité des trois temps”, a dans certains systèmes évolué (par emprunt, influence, etc.) en une méthode susceptible de dépasser et intégrer les trois états de la conscience dans “le quatrième état”, qui à son tour est intégré dans un “cinquième état”, intégrant le quatrième état, et permettant ainsi une conscience à la fois transcendante et immanente. Cette “Conscience totale”, étant à tout point “théocompatible”, a pu être mariée assez aisément avec des cultes divers, ici tantriques en occurrence.

Je me pose parfois la question si les “six yogas”, dans la mesure où ils visent le dépassement et l’intégration des trois “états de conscience”, auraient pu être possibles sans passer par des initiations tantriques, mais l’objectif même des yogas marque déjà le passage à un dualisme éternaliste, qui peut être à minima ou à maxima.

Quand Droukpa Kunleg (1455-1529) posa la question suivante à un de ses premiers maîtres, Lama bSod nams mChog ldan[14] “Comment pratiquer les Six yogas au niveau de la conscience non-duelle (tib. rig pa) ?[15]
Celui-ci répondit : “Lorsque la conscience non-duelle est laissée dans son état naturel, et que l’énergie karmique cesse d’elle-même, c’est Caṇḍālī (la pratique énergétique). Quand l’énergie karmique a cessé, et que le corps apparaît comme un reflet dans un miroir, c’est le Corps illusoire. Si l’on n’attribue pas de réalité à ce qui apparaît, c’est le Rêve. Les reflets (tib. gsal bya) étant sans fin (aniruddha) et vifs, c’est la Claire lumière. Errance (saṃsāra) et Extinction (nirvāṇa) ne pouvant être déterminés, c’est l’état intermédiaire (tib. bar do). Tout objet-sujet transféré dans l’absence de saisie [dualiste], c’est le Transfert.”[16]
***

[1] Dans le Annales bleus, Nigouma, matriarche de la lignée Shangpa, déclara par ailleurs que “ ces doctrines [=les six yogas de Nigouma] sont seulement connues par moi-même et Lavapa. “.
Note de l’article Seeking Niguma de Sarah Harding : “The Blue Annals (Deb ster ngon po) by Gö Lots›wa Zhonnu Pal (1392-1481): “chos drug gi gdams pa ‘di rnams shes pa nga dang lwa ba pa ma gtogs med “ (vol. 2:856). In the translation, Roerich inserts Kambalapāda as another name for Lavāpa, though this identity is not certain in this case. The statement in Khyungpo Naljor’s life story is in Shangpa texts, vol.1:92 (f.17b4).”

[2]Les instructions sur l’état intermédiaire de [la] série de six [de Lavapa] concernent trois états intermédiaires : la méditation (tib. bsgom pa’i bar do), le devenir (tib. srid pa’i bar do) et l’état intermédiaire “ qui est naturellement présent “ (tib. rang bzhin gnas pa’i bar do), quand la pensée individuelle est spontanément reconnue comme le Corps réel (skt. dharmakāya)Les six yogas de Lavapa

[3] Phung po'i grong la rnam shes 'jug pa. « Grong » signifie village (grāma), un groupement de maisons. Dans cette expression, les cinq constituants psychophysiques (skandha) sont comparés à un village, dans lequel entre « le principe vital ». Mais de quelle nature est ce principe vital ?

[4] P. 201. Cette information provient d'un texte sur la lignée orale : la table de matières des vers-vajra de la lignée orale (snyan rgyud rdo rje'i tshig rkang gi sa bcad ma rig mun sel zhib mo bkod pa Vol. KHA p. 6b)

[5] The Life of the Mahāsiddha Tilopa, Fabrizio Torricelli and Acharya Sangye T. Naga, p.34-35

[6] The Life of the Mahāsiddha Tilopa,  p.34-35

[7] L’Amṛtakaṇikā-āryanāmasaṃgīti-ṭippaṇī de Sūryaśrījñāna (tib. 'grub thob nyi ma dpal ye shes) (Wayman), qui serait en fait Raviśrījñāna, un commentateur du Kālacakra Tantra, et auteur de l’Amṛtakanikā. (source : Study Guide to the Namasamgiti, edited and tabulated by Phillip Lecso. Quelques oeuvres de cet auteur :
l'Amṛtakaṇikā-ṭippaṇī de Raviśrījñāna.
Le Guṇabharaṇīnāmaṣaḍaṅgayogaṭippaṇī de Raviśrījñāna

[8] Traduit en français par Patrick Carré sous le titre Le tantra du choral des noms de manjushri : Commenté par Vimalamitra.
Cette instruction fut donné par le Bouddha à Vajrapāṇi et son entourage. Celui-là même qui avait triomphé sur Śiva. Dans la tradition bouddhiste ésotérique, triompher sur Śiva, etc., c’est “dompter” ses adeptes et sa doctrine, souvent en l’intégrant et l’adoptant.

[9] "In the M-N-S, VI, 18, the phrase "Buddha with five-body nature," is commented: "with five-body nature of waking, dream, deep sleep, the fourth, and beyond the fourth." The term "pervading lord" of the verse is explained: "because pervading the states of child, etc., with the nature of bliss." Chanting the Names of Manjushri, The Manjusri-Nama-Samgiti, Sanskrit and Tibetan Texts, Alex Wayman

[10]l’Essence au-delà du Quatrième état, dans laquelle ne règne que la Splendeur, l'évidence même, la Conscience absolue ‘ plus haute encore que ce qui n'a pas d'autre que soi ' (niruttaratara).” Lilian Silburn, Hymnes Aux Kali La Roue Des Energies Divines

[11] Wayman, p. 6
Voir aussi mon blog L'incrémentation comme indicateur chronologique 18 janvier 2011
« 1. la transformation de la conscience de base en l'intuition du grand miroir (S. mahādarśa-jñāna) 2. la transformation du mental (S. manas en tant que notion du soi) en l'intuition égalisatrice (S. samatā-jñāna) 3. la transformation de la perception mentale (S. manovijñāna) en l'intuition attentive (S. pratyavekṣanā-jñāna) et 4. la transformation des cinq perceptions sensorielles en l'intuition agissante (S. kṛtyānuṣṭhāna-jñāna)[5]. C'est le nombre enseigné dans les Cinq traités de Maitreya et c'est celui qu'utilise Gampopa[6] (12ème siècle). Une autre version "Yogācāra" semblerait exister[7] avec une série de cinq intuitions, la série ci-dessus plus l'intuition du Réel (S. tathatā-jñāna) ou intuition du dharmadhātu. Cette nouvelle intuition sert d'appui à une doctrine dans laquelle la conscience primordiale (T. rig pa) est en essence le dharmakāya, défini comme la pure vision de l'intuition[8]. »

[12] Pour une correspondance cosmo-mythologique. Extrait du Commentaire de Chomden Raltri (1227-1305) : Du chemin de l’accumulation au onzième niveau, toute lumineux, il y a treize niveaux. Comme dans le mantrayāna secret, il y des bouddhas même au-délà, on l’appelle “le quatorzième niveau”. On retrouve cela dans des textes tels que Les Instructions orales de Mañjuśrī. Dreaming the Great Brahmin, Kurtis R Scheffer p.165
Guenther dit qu’on arrive à ce chiffre en faisant en additionnant les six niveaux du monde des désirs, les quatre niveaux du monde des formes et les quatre niveaux des mondes sans formes. Chez les Jains, ce monde s’appelle le siddhaloka et c’est une sphère de désincarnés, appelés siddhas.

[13] Voir DKG n° 89 ji ltar phyi rol de bzhin nas// bcu bzhi ba'i sa la rgyun du gnas// lus med lus la sbas pa ste// gang gis de shes de yis grol bar 'gyur// 89.1 Comme à l’extérieur, ainsi à l’intérieur. 89.2 [L'essence cachée naturelle] est continuellement présente comme "le quatorzième niveau” 89.3 le sans-corps "habite" le corps 89.4 Celui qui sait cela, se libèrera par cette connaissance".

[14] Disciple de rGyal dbang rJe Kun dga' dpal 'byor, 2ème Droukchen (1428-1476).

[15] Chos drug ‘di rig thog tu nyams su ji ltar bzhed gsungs/ de la ngas ‘di zhus/ rang rig pa so mar bzhag pa dang*/ las rlung rang ‘gags su ‘gro bar ‘dug pas gtum mo/ las rlung ‘gags pas lus me long nang gi gzugs brnyan ltar snang bas sgyu lus/ snang bzhin du ma grub pas rmi lam/ gsal bya mi ‘gags par hrig ge ‘dug pas ‘od gsal/ ‘khor ‘das gang du yang ma grub pas bar do/ gzung ‘dzin thams cad ‘dzin med du ‘phos pas ‘pho ba yin par ‘dug zhus/
ngo bo khyab gdal du gcig pa la/ so sor ma ‘dres pa zhig byung na/ rten ‘drel yang de ka yin gsungs/

[16] Voir aussi la traduction de R.A. Stein, Vie et chants de ‘Brug-pa Kun-legs le yogin, p. 58-59

jeudi 18 novembre 2021

Mañjuśrī, au tout début de sa longue carrière

Mañjuśrī, détail de la Triade bouddhique, Victoria and Albert Museum, n° I.M. 53. 1936,
probablement originaire de la vallée de Swat (Photo : A.M. Quagliotti)

Mañjuśrī, le grand héro de la Concentration de la marche héroïque (Śūraṃgamasamādhi - Śgs - T642) a une longue histoire, dont on trouve néanmoins des traces iconographiques concrètes au Gandhara. Il semblerait que la plus ancienne représentation où figure Mañjuśrī soit le relief I.M. 53 - 1936 dans le Victoria and Albert Museum.

Triade bouddhique (Photo : A.M. Quagliotti)

Il y a la triade au milieu, flanquée par d’autres figures à leur gauche (2) et à leur droite (1). On trouve le Bouddha au milieu de la triade. A sa droite un jeune bodhisattva et à sa gauche, celui qui est sans doute Mañjuśrī, que l’on reconnaît à sa chevelure[1] et au livre (skt. pustaka[2] hindi : pothi) qu’il tient dans la main gauche, où l’on perçoit des lettres de lalphabetKharoṣṭhī”, qui a “une relation nette avec l'alphabet araméen, auquel on a ajouté des symboles supplémentaires pour noter les phonèmes des langues indiennes”, et qui atteint “sa forme finale vers le IIIe siècle av. J.-C.
[Mañjuśrī] apparaît sous la forme d'un bodhisattva religieux, coiffe du pañcacīraka, composé de cinq mèches de cheveux ou d'une tiare à cinq pointes, ce qui lui vaut le titre de pañcacīra”. (41 Mañjuśrī, Lamotte, T'oung Pao, 48 ( 1960): 1-96).
Nous n’en sommes pas encore à la représentation mythique tantrique, où les cinq mèches deviennent les cinq pointes d’une tiare ou d’une coiffe. Ce type de chevelure est considéré comme caractéristique d’un jeune homme de type kumāra[3].

Anna Maria Quagliotti précise que l’épithète pañcacīra renvoie au roi des gandharva Pañcaśikha, une émanation de Sanatkumāra, le messager céleste[4], qui fait l’intermédiaire entre Indra et le Bouddha (il renseigne le Bouddha sur ce qui se passe dans le monde des deva), comme Mañjuśrī est le messager entre Bouddha Sākyamuni et les hommes. Mañjuśrī-kumāra-bhūta (tib. gzhon nur gyur pa) semble réunir les deux fonctions.

Sur la représentation, Mañjuśrī semble écouter le Bouddha, assis à sa droite, et noter ses paroles. Dans la tradition bouddhiste, Mañjuśrī est parfois considéré comme le compilateur des sūtra du mahāyāna, le “Seigneur de la Parole” (Vādirāja, Vāgiśvara, Vāgirāṭṭa). Il est donc à la fois le compilateur de la parole du Bouddha mahāyāna et le messager entre les deva et le Bouddha et entre le Bouddha du mahāyāna et les humains. Avec l’avènement des tantras, il deviendra une sorte de Hermès/Tôt, détenteur des enseignements ésotériques du Bouddha. Comme Hermès (inventeur de la lyre), Mañjuśrī en tant qu' habitant du Mont Wu-t’ai shan (Wou-t’ai chan, le Mont des cinq terrasses, tib. ri bo rtse lnga), aurait collectionné les instruments de musique qu’il garda dans une “grotte vajra” selon un texte chinois du VIIème siècle.
[...] des instruments de musique célestes offerts par un démon au buddha du passé Kāśyapa [...] il y a la une cithare [...] en argent, jouée par un être céleste en argent, ainsi que deux parties du Tripiṭaka (Vināya et Sūtra) du temps de Kāśyapa, sur papier d'or et écriture d'argent, également transportés là par Mañjuśrī” (Stein 1988: 7[5]).
Notons que Hermès était également le dieu des voleurs. Le rôle de Mañjuśrī évolue avec les siècles. Attribuons à chaque époque son Mañjuśrī. 

Grotte Tun-huang 158, détail Mahāparinirvāṇa (Photo : A.M. Quagliotti)

Le geste d’écoute du Mañjuśrī du Gandhara n’a pas le même sens que le geste de Milarepa écoutant les chants de ḍākinī, recevant ainsi les instructions des transmissions “aurales” (tib. bsnyan brgyud). Selon Quagliotti ce geste indiquerait plutôt le deuil[6] ou un état pensif. D’autres statues du Gandhara semblent pointer dans le même sens.

Peut-être Avalokiteśvara (Photo : A.M. Quagliotti)

Quagliotti propose que le bodhisattva, également d’apparence jeune, à la droite du Bouddha soit Avalokiteśvara. Mañjuśrī et Avalokiteśvara sont considérés comme deux bodhisattvas de la dixième bhūmi (kumārabhūta) en attente de leur moment de gloire de Bouddha manifeste[7]. Quagliotti admet cette possibilité puisque l’iconographie d’Avalokiteśvara n’avait pas encore été fixée à cette époque, et qu’il était représenté assez librement.

Rappelons-nous que c’est Avalokiteśvara qui s’adresse à Śariputra dans le Sūtra du Coeur (Prajñāpāramitāhṛdaya). Nāgārjuna aurait reçu sa doctrine de la vacuité de Mañjuśrī. Traditionnellement, les deux bodhisattvas de la dixième bhūmi prennent donc une place particulière dans la diffusion de la perfection de la sapience. Les références symboliques du saṃbhogakāya font défaut dans “la triade bouddhique”.

Cette représentation de Mañjuśrī et Avalokiteśvara, si ce sont eux, daterait donc d’avant le Sūtra du Coeur, d’avant la carrière de Messager cosmique et ésotérique de Mañjuśrī, sans doute pas très éloigné de la rédaction des Stances du Milieu (Madhyamaka-kārikā) par Nāgārjuna, très proches de la littérature de la Prajñāpāramitā (Mañjuśrī apparaît dans le Saptaśatikā Prajñāpāramitā). Dans ses écrits (traduits en tibétain), Nāgārjuna (ou le traducteur) commence souvent par rendre hommage à Mañjuśrī-kumāra-bhūta.

Nous assistons ici à une scène d’une rare sobriété, profitons-en. Mañjuśrī fera rapidement carrière dans le Saddharmapuṇḍarīkasūtra, où il se nommera Mañjuśvara et Mañjughoṣa, dans la Concentration de la Marche héroïque (Śūraṃgamasamādhi) où il se dévoile comme l’homme orchestre d’un Bouddhisme ésotérisant, Sudhana le rencontre dans le Gandavyūha sūtra, le Mañjuśrīmūlakalpa où il entame clairement sa carrière ésotérique, avec la transmission du Guhyasamāja au siddha Nāgārjuna, ses diverses émanations courroucées etc.
La popularité du Gandharva Pañcaśikha et le culte du Bodhisattva Mañjuśrī paraissent dériver d’une même source mythique : la croyance à un dieu éternellement jeune. Timidement représenté dans le bouddhisme du Petit Véhicule par Pancasikha, qui ne joue jamais qu’un rôle épisodique, ce mythe a pris une importance considérable dans certaines sectes du Grand Véhicule. Mañjuśrī, comme le prouvent ses épithètes et ses attributs, paraît bien être l’équivalent mahâyâniste du Kārttikeya brâhmanique et du Pañcaśikha hînayâniste”. Marcelle Lalou citée par Étienne Lamotte dans son article consacré à Mañjuśrī.
A partir de cette représentation relativement sobre, on verra donc graduellement Mañjuśrī et Avalokiteśvara, même au Gandhara, prendre de plus en plus d’attributs de plus en plus riches et/ou spectaculaires. Voir aussi mon blog La foi qui déplace la montagne (de Mañjuśrī) de 23 février 2016, qui mentionne les différents lieux de culte dédiés à Mañjuśrī.

Bodhisattva "pensif", un lotus à la main, Padmapāṇi ?
Amitābha dans les cheveux, Gandhara II-IIIème, Christies
 

Bodhisattva "pensif", trône de lions,
son pied sur un lotus, Mañjuśrī 


Avalokiteśvara III-ème, Matsuoka Museum Tokyo

Pour des exemples de coupe de cheveux à la mode au Gandhara (IV-Vème)

Tête de bodhisattva, IVème siècle (Asian Civilisations Museum)

Tête de femme, IV-Vème siècle,
combien de mèches comptez-vous ?

Têtes en stuc IV-Vème s. Gandhara,
Musée Guimet (photo Amit Guha)


Notez le yogi dans la chevelure

***

[1]Divinities such as Krsna and Balarāma, or Sanatkumāra, the 'eternally young', the son or hypostasis of Brahmā and already known from the Upaniṣads, now appear either as the gandharva Pañcaśikha (so called because he has five tufts or 'tresses' as worn by youths, Lamotte 1960: 2) or as Skanda/Kumāra/Kārttikeya, or Pradyumna/Kāma (Mallmann 1949: 175).” Mañjuśrī in Gandharan Art A New Interpretation of a Relief in the Victoria and Albert Museum Author(s): Anna Maria Quagliotti, ource: East and West , December 1990, Vol. 40, No. 1/4 (December 1990), pp. 99-113 Published by: Istituto Italiano per l'Africa e l'Oriente (IsIAO) Stable URL: https://www.jstor.org/stable/29756926

[2] Un livre en format de feuilles de palmier.

[3]Garçon, adolescent vierge, ou jeune homme non marié. Les premiers Kumâra sont les sept [ou quatre] fils de Brahmâ, nés des membres du dieu, dans ce qui est appelé la neuvième création. Il est dit que ce nom leur fut donné en raison de leur refus formel de « procréer » leur espèce : en conséquence, ils “restèrent yogis”.” Voir aussi l’article Wikipedia (anglais) “Four Kumaras”.

[4]The epithet pañcacīra refers to Pañcaśikha, an emanation of Sanatkumāra, the heavenly messenger and musician with whom Manjusri appears to have numerous affinities (Lalou 1930: 66-68; Lamotte 1960: 2-3; Mallmann 1964: 17). He is the intermediary between Indra and the Buddha and renders account to the latter of what happens among the devas, just as Mañjuśrī is the intermediary between Sākyamuni and man (Lalou 1930: 68-69).”

[5] Stein, R.A. (1988) Grottes-matrices et lieux saints de la déesse en Asie Orientale. Paris.

[6]
Le même geste se retrouve au parinirvāṇa du Bouddha dans des représentations diverses.

[7] « Enfin, c’est dans la dixième terre que le Bodhisattva entre en possession du Śūrāṅgamasamādhi ‘concentration de la Marche héroïque’ qu’il ne partage qu’avec les Buddha. Par cette concentration „il domine le champ de toutes les concentrations”. ‘Par la force de cette concentration, il manifeste au choix, dans les dix régions, naissance (jāti), sortie du monde (abhiniṣkramaṇa), Nirvāṇa, Parinirvāṇa ou partage de ses reliques (śarīrānupradāna): tout cela pour le bien des êtres”. Lamotte, Mañjuśrī