Le mot tibétain « dag pa » (S. śuddha) a les significations suivantes : correct, vrai, exact 2) propre, pur, purifié, immaculé 3) propreté, purété, aspect pur/purifié 4) authentique 5) libre, libéré. Dans les systèmes "émanationnistes", où le monde est la manifestation (S. ābhāsa) ou le reflet (S. pratibimba) de l’absolu, la face véritable (S. bimba). Quand cette manifestation est authentique et inaltérée, elle est dite « pure » (S. śuddha T. dag pa) et quand elle est altérée par nos limitations, elle est dite « impure », incorrecte, non authentique (S. aśuddha T. ma dag pa).
Dans le système émanationniste comportant une hiérarchie des degrés de manifestation ou de pureté (tattva), les cinq premiers degrés[1] sont considérés comme « purs » (la création pure), puisqu’ils sont libres de déformation (S. mala) et de différenciation (S. bedha). A ce niveau de manifestation, il y a bien manifestation, mais sans la différenciation entre sujet et objet. C’est à partir du cinquième degré de manifestation (dans le sens de l’émanation/procession) de la subjectivité pure, de la connaissance authentique, voire de la connaissance de la pureté, que la Māyā devient opérationnelle et c’est le début des degrés de manifestations (S. tattva) impurs (la création impure).
Les exercices spirituels (S. sādhana) ont pour but d’opérer au niveau de la création pure (T. dag pa), sans différenciation entre le sujet et l’objet et sans souillures. Donc au niveau symbolique. Ces méthodes ne sont pas « magiques », ni automatiques. Il ne suffit pas de les pratiquer rituellement avec un réalisme naïf, pour qu’elles produisent les bénéfices dont elles se réclament Chaque méthode vient avec son tableau de correspondances du sens symbolique (T. dag pa). Cela rejoint tout à fait ce que dit La Hiérarchie céleste de Pseudo-Denys l'Aréopagite.
« Car il ne faut pas imaginer avec l’ignorance impie du vulgaire fine ces nobles et pures intelligences aient des pieds et des visages, ni qu’elles affectent la forme du bœuf stupide, ou du lion farouche, ni qu’elles ressemblent en rien à l’aigle impérieux, ou aux légers habitants des airs. Non encore ; ce ne sont ni des chars de feu qui roulent dans les cieux, ni des trônes matériels destinés à porter le Dieu des dieux, ni des coursiers aux riches couleurs, ni des généraux superbement armés, ni rien de ce que les Écritures nomment dans leur langage si fécond en pieux symboles. Car, si la théologie a voulu recourir a la poésie de ces saintes fictions, en parlant des purs esprits, ce fut, comme il a été dit, par égard pour notre mode de concevoir, et pour nous frayer vers les réalités supérieures ainsi crayonnées un chemin que notre faible nature peut suivre. »Ainsi, les divinités courroucées ou semi courroucés, Heruka etc. sont-ils des représentations symboliques de la création pure qui pointent vers elle. Prenons par exemple le sens symbolique (T. dag pa) de Cakrasaṃvara, expliqué par Tāranātha :
« Le teint bleu, parce que le fond des choses (dharmatā) est immuable [comme le ciel vide]. Un seul visage parce que toutes les choses (dharma) ont une saveur unique quant à leur nature. Deux bras, symboles des deux vérités. Les yeux injectés de sang, pour sa compassion universelle. Trois yeux à cause de la connaissance des trois temps. Le courroux, parce qu’il a rejeté les représentations (vikalpa). Le charme, parce qu’il a développé les qualités. La passion, à cause de sa compassion universelle. Quatre canines, parce qu’il a détruit les quatre māra. Etc. »[2]
Il ne s’agit pas de s’imaginer être effectivement Cakrasaṃvara, avec les attributs pris au premier degré, et de mettre ses pas dans les pas d’un être mythologique et symbolique. La voie spirituelle n'est pas une imitation. Il s’agit donc de prendre les symboles pour des symboles et pas pour une réalité.
[1] Dans le trika Śiva, Śakti, Sadāśiva, Īśvara et Śuddhavidyā/Sadvidyā.
[2] gnyis pa 'bras bu lhar rdzogs pa ni tshig don go sla la dag pa ni/chos nyid mi 'gyur bas sku mdog sngon po/chos thams cad de bzhin nyid ro gcig pas zhal gcig/bden gnyis dag pas phyag gnyis//snying rje chen pos spyan rtsa dmar ba/dus gsum mkhyen pas spyan gsum/rnam rtog spangs pas khro ba/yon tan rgyas pas sgeg pa/snying rje chen pos chags pa/bdud bzhi 'joms pas mche ba bzhi/ Extrait de shangs lugs bde mchog lha lnga'i sgrub thabs kyi rnam par bshad pa zab don gsal byed bzhugs so
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[1] Dans le trika Śiva, Śakti, Sadāśiva, Īśvara et Śuddhavidyā/Sadvidyā.
[2] gnyis pa 'bras bu lhar rdzogs pa ni tshig don go sla la dag pa ni/chos nyid mi 'gyur bas sku mdog sngon po/chos thams cad de bzhin nyid ro gcig pas zhal gcig/bden gnyis dag pas phyag gnyis//snying rje chen pos spyan rtsa dmar ba/dus gsum mkhyen pas spyan gsum/rnam rtog spangs pas khro ba/yon tan rgyas pas sgeg pa/snying rje chen pos chags pa/bdud bzhi 'joms pas mche ba bzhi/ Extrait de shangs lugs bde mchog lha lnga'i sgrub thabs kyi rnam par bshad pa zab don gsal byed bzhugs so
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