mardi 27 avril 2021

Ce n'est pas une coutume tibétaine...


Le Dalai Lama rencontre des survivants et des victimes à Rotterdam (2018) [Photo : Marlies Bosch]

‘Not The Tibetan Way’: The Dalai Lama’s Realpolitik Concerning Abusive Teachers


Stuart Lachs et Rob Hogendoorn viennent de publier un article sans fard sur des aspects moins connus du Dalaï-lama, chef spirituel et porte-parole du peuple tibétain après avoir été son chef séculier officiel (jusqu’en 2011). Les deux auteurs considèrent l’activité du Dalaï-lama comme celle d’un prêtre ordinaire (tout comme le Dalaï-lama lui-même “Je suis un simple moine”) et d’un point de vue terrestre. Il n’y a donc pas de place pour des raisons impénétrables, de folle sagesse, de prescience, de clairvoyance, de sagesse supramondaine etc. Dans l’article, le statut du tulkou se limite ainsi à l’institution ou l’office d’un tulkou, dont le nouveau fonctionnaire est choisi après la mort du précédent. L’institution du Dalaï-Lama commença officiellement au XVIIème siècle, et la plupart des Dalaï-Lamas ont dû partager leur pouvoir avec des régents, des patrons laïcs, des ministres, … Seuls, “le grand cinquième”, “le grand treizième” et “le grand quatorzième”, l’actuel, ont pu activement gouverner le Tibet et les Tibétains.

L’article nous apprend que le règne du XIVème DL a été plus long que celui de la reine Elizabeth II, et qu’il a vu passer huit papes et connu l’inauguration de 15 présidents étatsuniens, et d’autres puissants du monde. Il a entretenu des amitiés diplomatiques avec bon nombre parmi eux. D’autres amitiés sont plus personnelles et/ou d’ordre spirituel, notamment avec des leaders religieux (sectaires ou non) bouddhistes et non-bouddhistes. Et puis, il y a quelques amitiésencombrantes et malvenues. Nos auteurs passent en revue les relations du Dalaï-lama avec quatre maîtres abusifs bouddhistes et non-bouddhistes : Keith Raniere de Nxivm (condamné à 120 ans de prison), Chogyam Trungpa et son organisation (Thomas Rich - le régent vajra -, Sakyong Mipham), Shoko Asahara (condamné à mort et exécuté) d’Aum Shinrikyō, et Sogyal Lakar de Rigpa. Pour les détails, je renvoie vers l’article (en anglais), qui donne des détails moins connus, et à des blogs anciens (en français).

Comment “Océan de Doctrine du Bouddha” (tib. bstan ‘dzin rgya mtsho, le nom du Dalaï-lama XIV), réincarnation du Dalaï-Lama et avatar d’Avalokiteśvara, a-t-il pu avoir de si mauvaises fréquentations, à répétition, et longtemps après avoir été informé des abus ? Adeptes de folle sagesse et de compassion impartiale et inconditionnée s’abstenir. Qu’y avait-il à gagner dans ces relations ?[1] Pourquoi ne pas avoir fait appel à son autorité spirituelle (ou séculière) pour mettre de l’ordre, comme il l’avait su le faire dans d’autres cas ?[2] Certains disent que cela ne se fait pas chez les bouddhistes, qui ne seraient pas “des justiciers[3]... ou que le Dalaï-lama préfère que les maîtres abusifs voient par eux-mêmes leur erreur et s’améliorent[4]. Compliqué, si l’erreur n’est pas vue, voire considérée comme l’expression d’un comportement éveillée antinomique, destinée à “faire s’éveiller” autrui, ou à dompter lego.

Le Dalaï-lama, et quelques autres (plutôt très rares), admettent qu’il s’agit bien d’erreurs et des fautes morales. Entre laisser faire les abuseurs se rendre compte d’eux-mêmes de leur “erreur” (y compris parfois des crimes), et inciter les survivants à rendre publiques ces fautes dans les médias, le grand quatorzième lui-même reste impassible (le changement ne viendra pas de Dharamsala). Impassible, tout en fréquentant depuis 1993 (tenue de la fameuse réunion), des maîtres abusifs et leurs communautés abusives, les cautionnant par des lettres de recommandation, s’affichant avec eux, les recommandant à leurs disciples “fortunés” de les avoir rencontrés, rédigeant les avant-propos de leurs livres, et recevant leurs dons pour les divers projets et les charités du Dalaï-lama. Ne pas cracher dans la soupe et ne pas faire des vagues semblent être les mots d’ordre général.

Ce n’est pas la coutume tibétaine (“Not the Tibetan way”, bod kyi lugs srol ma yin) de soutenir les survivants d’abus de pouvoir. Il y en a même qui prétendent que ce ne sont pas des abus de pouvoir, qu’il n’y a pas de survivants, et que les “survivants” devraient au contraire s’estimer heureux que le maître s’était occupé d’eux[5]. Ce n’est pas le cas du Dalaï-Lama, mais ce n’est pour autant qu’il réprimande les maîtres abusifs ou qu’il soutient les survivants.

En la personne du Dalaï-Lama, le peuple tibétain en exil avait signé la Charte des Tibétains en exil et la Déclaration universelle des droits de lhomme. Le Dalaï-Lama, à titre plus individuel, pense que le monde a plutôt besoin d’une éthique séculière que de davantage de religion. Il a dit qu’il pensait que l'institution des tulkous est un relief féodal, qui conduit souvent à “de la politique de lamas” (“lama politics”), et qu’il faudrait y mettre fin. Sans prendre aucune mesure dans ce sens. Ces engagements ne sont pas traditionnellement une “coutume tibétaine”, mais ils pourraient le devenir, et y souscrire y engage en théorie. Le Dalaï-lama a l’image d’un sage engagé, et il s’adresse régulièrement aux occidentaux dans ce sens. Réellement mettre en pratique ces engagements est nettement plus difficile, et pas seulement pour les Tibétains…

Pour nos deux auteurs, le Dalaï-lama est un “simple” prêtre[6], comme les prêtres experts en médias et en politique d’autres religions, avec les mêmes qualités et les mêmes défauts. Notamment la même tendance à ne pas gérer le problème des abus de pouvoir, à maîtriser les dégâts, et à ne pas intervenir en faveur des survivants.

En septembre 2018, suite à une pétition, le Dalaï-lama avait accepté de recevoir une petite délégation de survivants à Rotterdam (Pays-Bas). Rob Hogendoorn raconte la scène en plus de détails. Le Dalaï-lama passa les 15 premières minutes en mode “enseignement”, sans écouter ce que les survivants avaient à lui dire. L’un d’eux a dû lui couper la parole, pour que leur témoignage soit entendu. Le Dalaï-lama ne se rendait pas compte de la difficulté d’effectivement “rendre public” (“make public”) les abus, et du courage que cela demande aux survivants (notamment face aux fortes pressions de la communauté, voir le cas de Dagri Rinpoché). Quand le Dalaï-lama répliqua qu’il ne fallait pas mettre toute la responsabilité sur ses épaules à lui, une des femmes lui répondit qu’il en alla de même pour les survivants en voulant leur faire porter tout le poids pour rendre public les abus. Quand un autre membre de la délégation racontait au Dalaï-lama sa vie de jeune garçon dans un centre au Sud de la France, où il fut battu fréquemment par son éducateur sous les instructions de son lama, tandis que le lama abusait sexuellement des filles du centre, le Dalaï-lama eut du mal à faire preuve de sympathie. Une des femmes présentes demanda au Dalaï-lama s’il ne pouvait pas dire simplement qu’il regrettait ce qui s’était passé…

Suite à cette rencontre, le Dalaï-lama avait accepté de demander à l’institut Mind & Life d’organiser une rencontre autour du thème la sexualité humaine, l’abus sexuel par des enseignants religieux et laïcs, et les traumatismes sexuels. Il avait également accepté de mettre le sujet des abus à lordre du jour dune grande rencontre entre chefs décoles tibétaines prévue à Dharmasala 2018. Pas de nouvelles depuis



Je vous recommande vivement la lecture de l’article ‘Not The Tibetan Way’: The Dalai Lama’s Realpolitik Concerning Abusive Teachers

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[1] Voir le paragraphe “Symbolic Capital”, dans Not the Tibetan Way

[2] L’affaire Shougden, Michael Roach, ...

[3] « Ce n’est pas notre rôle d’œuvrer en justiciers », affirme Ricard. « Il existe maintenant des milliers de centres bouddhistes dans le monde, tous indépendants les uns des autres », rappelle-t-il, soulignant que «le bouddhisme n’est pas organisé de façon hiérarchique comme c'est le cas, par exemple, de l’Eglise Catholique ». Marianne, Scandale chez les bouddhistes : Matthieu Ricard recommande aux disciples plus de vigilance, Elodie Emery, 20/07/2017.

[4] “‘It is not the Tibetan way to confront errant behavior on the part of the lamas.
We prefer to let them learn about their mistakes on their own,’ the Dalai Lama told John Steinbeck IV and his wife Nancy
.” Not the Tibetan Way...

[5] Voir les propos de Gyatrul Rinpoche :

N’ayez pas de pensée ordinaire à ce sujet, du type “Oh, il a couché avec moi, alors je suis son égal ; cela fait de moi quelqu’un de spécial, car il a couché avec moi”. Ce n’est pas la façon de penser qui convient à une sangyum. Il est de la responsabilité d’une sangyum de considérer qu’il voyait en vous une connexion karmique à cultiver. Et n’oubliez pas que c’était à cause de sa bonté qu’il avait reconnu votre karma de cultiver cette connexion et de l’actualiser. Si votre attitude en est une d’humilité et de dévotion, et que vous suivez ses instructions, cela pourra être très bénéfique pour vous à cause de la nature particulière de votre connexion avec lui. Si vous cultivez cette situation, vous pourrez progresser, et être très utile aux autres. Mais si vous ne reconnaissez pas le niveau de cette connexion et la percevez comme quelque chose d’ordinaire, en vous gonflant d’orgueil et d’ego, vous aurez réellement manqué cette opportunité. Ce serait plutôt comme coucher avec un roi, mais [votre maître] n’était pas un roi, mais un bodhisattva. C’est une grande différence” Gyatrul Rinpoche, Oral Commentary on the Natural Great Perfection by Dudjom Lingpa, given in Boulder, 1992, trans. Sangye Khandro, ed. Ian Villarreal, later published by (Ashland, Oregon: Mirror of Wisdom Publications, 2000), 58-59 Voir aussi mon blog Du féminisme éveillé, vraiment ?

[6]We use the word ‘priest’ here in its neutral sense, derived from the ecclesiastical Latin presbyter or ‘elder,’ to denote a person who performs religious ceremonies and duties in a non-Christian religion.” Not the Tibetan Way

dimanche 11 avril 2021

Gurubusters (Sos Gourous)



Matthew Remski, un pratiquant et prof de yoga canadien, auteur de plusieurs livres sur le yoga, et depuis quelque temps un journaliste d’investigation sur les abus et les dérives sectaires dans des groupes religieux et spirituels, y compris le lien entre “Yoga”, New Age, ... et complotisme (“Conspirituality”).

Ci-après la traduction automatique amendée d’un extrait de la page dintroduction de son site web.
Nous avons tous entendu le cliché : "yoga signifie union".
Cela peut sonner creux quand nous apprenons que la spiritualité, tout comme l'inconscient, peut être un espace brisé :
Il est possible qu’en pensant pratiquer pour guérir nos blessures, nous les approfondissons.
Il est possible d’aimer des enseignants et des méthodes, qui peuvent être toxiques pour nous.
Il est facile de confondre les sensations de transcendance avec celles d’un traumatisme.

Nous pouvons avoir l'impression d'aimer les autres et de sauver le monde, alors qu'en réalité nous renforçons les privilèges de race, de sexe et de classe, et ignorons la destruction qui nous entoure.

L'"union" qui fait l’objet de ma pratique, mes écrits et mes formations fait appel à un scepticisme venant du cœur, qui permet de voir ces clivages plus clairement, afin de les réparer, avec tous les moyens.

"Avec tous les moyens" implique souvent qu'il faut chercher au-delà de ses propres ressources limitées et de la littérature conventionnelle/patriarcale du yoga, en se tournant vers les auteurs et les activistes des groupes marginalisés, qui en ce moment font le travail spirituel le plus profond. J'espère pouvoir les soutenir et continuer à apprendre d'eux dans mon travail
.”
Dans un article récent (Sam Harris Is Right About Things Because He Likes to Meditate), il esquisse quelques critères[1] permettant d’identifier des candidats BS gurus (BS = “bullshit”). Son article fait suite au podcast Decoding the Gurus de Chris Kavanagh et de Matthew Browne, analysant un podcast de Sam Harris (Making Sense, #243 - A FEW POINTS OF CONFUSION), dans lequel ce dernier recommande son propre app de méditation Waking Up (99$/an), où science et méditation font progresser main dans la main vers l’éveil.

Sam Harris y explique que 99% de ceux qui s’intéressent à la méditation ne savent pas de quoi il s’agit. Il ne suffit pas de comprendre les idées scientifiques dans son contenu, et que leur véritable sens se médite. La méditation n’a aucun lien avec une religion orientale. Les religions pervertissent l’expérience de la transcendance du soi, et par exemple de l’expérience dont parlait Jésus. L’app de Harris fera un meilleur compagnon que ces traditions.

Les opinions politiques de Harris sont également alimentées par son expérience de la méditation. Tenez, au hasard, les politiques identitaires sont des impasses psychologiques et éthiques. Si s’identifier à son reflet dans le miroir est signe de confusion, que dire de l’identification à une race. La méditation de Sam apprend à transcender toute identification et à accéder à une compassion impartiale pour tous les êtres. L’identification à une race est une forme de maladie mentale. Harris se rend compte que certains auditeurs pourraient lui reprocher que son invitation à dépasser à toute identification raciale lui vient de son privilège blanc, il leur répond “Bullshit !”. Quand il parle de “politiques raciales” dans son podcast, il parle aussi de “méditation”, même si ce sujet ne sera jamais abordé dans ce contexte.

Il n’est pas éveillé, mais il a compris des choses sur “son” esprit et sur l’esprit en général, que 99% des gens pourraient apprendre de son app. Par exemple que la compassion doit être intégrée dans le capitalisme, car elle n’en fait pas naturellement partie (9:40)... Les autre détails et les choses à intégrer dans le capitalisme pour empêcher que les gens deviennent des psychopathes, se trouvent dans l’app de Harris. A bientôt parmi les 1% !

***

[1]*conflate the categories of spirituality and science, usually bullshitting about both,
*propose that most people in the world are “asleep”, but that they have the herbs, exercises, tools (or apps) for “waking up”,
*collapse the boundary between professional identity and private religion,
*create charismatic feedback loops with their followers,
*position intuition as the final arbiter of truth, even while appealing to “science” and “evidence”,
*offer access to that intuition through their own products and services, the value of which they nimbly inflate to capitalize on any cultural trend or event, from social justice to COVID
.” Extrait de Sam Harris Is Right About Things Because He Likes to Meditate



jeudi 8 avril 2021

Un faux problème ?


"Wang Saen Suk Hell Garden", le parc d'attraction de la Transmigration (photos : Shane Hawke)

Comme d’autres religions, le bouddhisme expose le problème auquel il serait la solution, si ce “problème” n’est pas déjà généralement admis. À l’origine, ce problème était celui de toutes les sectes des Renonçants (śramaṇa) : la Transmigration incessante de “l’âme” ou du soi (ātman), ou de “ce qui passe d’existence à existence”, pour diverses raisons, sans définir davantage ce qui passe effectivement d’une existence à une autre, et en attribuant à ces facteurs suffisamment de réalité, pour s’en inquiéter et vouloir s’en libérer.


Ce qui mettait une fin définitive à cette Transmigration-là était ainsi considéré comme la solution au problème, et pour chaque secte la solution pouvait différer. L’ensemble des théories et des pratiques d’une solution constituait “la Loi” (Dharma), telle que le Bouddha l’aurait enseigné, après avoir (re)découverte cette “Loi” au bout de son ascèse et de ses investigations.


Pour tous ceux qui ont un problème de Transmigration, et qui ne veulent plus passer d’un monde à l’autre après leur mort, le bouddhisme, tout comme les méthodes des autres śramaṇa, proposent une solution. Venez essayer ma solution (Ehi passiko), elle marche ! aurait dit le Bouddha. La preuve, quand le Bouddha est mort, il n’a plus pris naissance, et n’a plus transmigré dans un autre monde…


Voilà, ce qui est enseigné comme la raison dêtre du bouddhisme. Comment la comprennent les bouddhistes, la prennent-ils au sérieux ? Certes, ils peuvent avoir peur de renaître dans un des mondes inférieurs, mais comment savoir si ceux-ci existent, que “le soi” transmigre, et qu’il est possible de mettre une fin à cette Transmigration, de la façon même dont cela est enseignée ? Si l’on croit tout cela, on a en effet un problème, notre présence ici-bas en étant la preuve. Cette croyance peut-elle se chasser par une autre qui en prendrait la place ? Comment être certain que le problème et sa solution soient “vrais”, et qu’il convient de passer à l’action pour résoudre le problème ?


La tradition bouddhiste dit que tout cela est vrai, même si nous ne le savons pas, et ce non-savoir (avidyā) est justement ce qui nous ferait transmigrer sans cesse, en oubliant nos existences précédentes, le problème et la solution. Voilà encore un autre élément qui s’ajoute au problème initial, et qu’un bouddhiste devrait ajouter à son crédo. D’ailleurs, comment les bouddhistes savent-ils tout cela ? D’autres bouddhistes avant eux le leur ont appris. C’est donc une question de confiance. Les générations précédentes de bouddhistes expliquent que nous avons un problème, qu’ils connaissent la solution, qu’il suffit de croire et faire ce qu’ils disent de croire et faire, et que cela se fait ainsi de génération en génération depuis la découverte du Bouddha. Dès que l’on fait le premier pas avec eux, on serait en voie de solutionner le problème, même si le Bouddha avait critiqué ce procédé de transmission d'une tradition dans le Tevijja sutta ("Où sont les vrais brāhmanes?") par rapport au brahmanisme[1].


Comment savoir que nous faisons du progrès et qu’après notre mort, nous ne transmigrons plus ? Du vivant du Bouddha, sa dernière existence, c’était lui, qui savait confirmer le passé et le progrès de chacun de ses disciples en prédisant le moment précis de leur sortie définitive du cycle des transmigrations. Mais comme il n’est plus là[2], il n’y a pas moyen de savoir. Tout ce que nous pouvons faire est de progresser, en compagnie du Sangha, en faisant un pas après l’autre et s’il faut, une existence après l’autre, en attendant le grand jour de notre parinirvāṇa. Ni nous, ni les autres bouddhistes ne saurons si nous ne transmigrons plus à partir de là, c’est une question de confiance. Le problème, dont nous n’avions peut-être pas conscience à cause de l’avidyā, peut être résolu, mais personne de ceux qui auraient pu le résoudre, et mettre fin à la transmigration, n’est là pour nous le confirmer. Et le problème, et la solution, et la réalisation de l’objectif ne peuvent être prouvés in fine et sont une question de confiance…


Les plus inquiets et précautionneux parmi nous feront peut-être le pari de Pascal, en faisant comme si ce qu’enseigne le bouddhisme était vrai. Il se peut que leur peur soit plus forte que leur confiance, mais par principe de précaution…

D’autres, qui ne voient pas “le problème”, à cause de leur avidyā et leur manque de confiance, s’accommoderont peut-être très bien de leur avidyā, et continueront à transmigrer dans l’insouciance, ou pas, qui sait ? Il y en a même pour qui la Transmigration est une bonne nouvelle, car la mort n’est pas la fin, et tant pis pour les inconvénients passagers dans les aventures transmigratoires de leur conscience immortelle.

Boîtes d'offrandes bleues

Le bouddhisme dans ses diverses formes a évidemment d’autres raisons d’être et autre chose à offrir, mais certains semblent vouloir présenter le problème de transmigration avec sa solution comme principale raison d’être, sans laquelle tout l’édifice bouddhiste s’effondrait. D'autres demandent de l'accepter par simple respect d'une autre tradition. Si vous voulez que l'on respecte vos croyances et avidyā, respectez celles des autres, et les vaches seront bien gardées.


Ceci concerne plutôt les nouveaux convertis bouddhistes occidentaux. Pour les bouddhistes natifs, il s’agit simplement de la religion de leurs parents, qu’ils héritent peut-être ensemble avec une monarchie dharmarājique ou une théocratie. Ils peuvent alors adhérer à cet héritage, l’accepter, l’ignorer ou se rebeller contre, en ignorant tout du problème et de sa solution, et en vivant simplement au rythme du calendrier bouddhiste national avec son cérémoniel et ses jours fastes. Ils feront éventuellement une année de service monastique, comme on faisait son service militaire dans le passé, et pour se divertir, ils iront rire de leurs peurs en famille dans un parc de Transmigration, en prenant des selfies et des photos de souvenir.

MàJ 27042021 Pour échapper à une mauvaise réincarnation et pour accéder à une réincarnation d'un niveau spirituel supérieur, un moine thaïlandais de 68 ans, se tranche la tête avec une guillotine faite maison, pour l'offrir au dieux Indra.  

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[1] "Y a-t-il, ô Vāseṭṭha, un seul brāhmane, parmi les brāhmanes versés dans les trois Veda, qui ait vu Brahmā face à face personnellement ?
- Il n’y en a pas, honorable Gōtama.
- Y a-t-il, ô Vāseṭṭha, un seul maître des brāhmanes, parmi les maîtres des brāhmanes versés dans les trois Vedas, qui ait vu Brahmā face à face personnellement ?
- Il n’y en a pas, honorable Gōtama.
- Y a-t-il, ô Vāseṭṭha, un seul précepteur ou maître des précepteurs, parmi les précepteurs ou maîtres des brāhmanes versés dans les trois Vedas, qui ait vu Brahmā face à face personnellement ?
- Il n’y en a pas, honorable Gōtama.
- Y a-t-il, ô Vāseṭṭha, un seul brahmane parmi les brāhmanes versés dans les trois Veda, pendant les sept dernières générations jusqu'à la grande époque des premiers maîtres, qui ait vu Brahmā face à face personnellement ?
- Il n'y en a pas, honorable Gōtama.
- Est-ce que, ô Vāseṭṭha, les anciens sages des brāhmanes versés dans les trois Veda, les auteurs de formules sacrées, qui ont énoncé des formules sacrées, dans lesquelles des formes anciennes de mots sont chantées, émises ou composées, que les brāhmanes de nos jours chantent encore et encore après eux, récitent après eux - à savoir Aṭṭhaka, Vāmaka, Vāmadeva, Vessāmitta, Yamataggi, Aṅgīrasa, Bhāradvāja, Vāseṭṭha, Kassapa, Bhagu -, ont jamais dit : "Nous savons qui est Brahmā. Nous savons d'où il vient et où il va" ?
- Non, honorable Gōtama.
- Ainsi, ô Vāseṭṭha, vous admettez qu'aucun des brāhmanes versé dans les trois Veda n'a jamais vu Brahmā face à face personnellement. Vous admettez qu'aucun des maîtres des brāhmanes versés dans les trois Veda n'a jamais vu Brahmā face à face personnellement. Vous admettez qu'aucun précepteur ou précepteur des précepteurs des brāhmanes versés dans les trois Veda n'a jamais vu Brahmā face à face personnellement. Vous admettez qu'aucun des brāhmanes pendant les sept dernières générations jusqu'à la grande époque des premiers maîtres n'a vu Brahmā face à face personnellement. Également, vous admettez que les anciens sages des brāhmanes versés dans les trois Veda, qui étaient des auteurs de formules sacrées, des faiseurs de formules sacrées, d'anciennes formes de mots que les brāhmanes de nos jours chantent encore et encore après eux, récitent après eux - à savoir Aṭṭhaka, Vāmaka, Vāmadeva, Vessāmitta, Yamataggi, Aṅgīrasa, Bhāradvāja, Vāseṭṭha, Kassapa, Bhagu -, n'ont jamais dit : "Nous savons qui est Brahmā. Nous savons d'où il vient et où il va." Cependant, les brāhmanes versés dans les trois Veda, en disant : "Voici la voie directe, voici la véritable voie, la voie qui mène l'individu qui la suit à l'état d'union avec Brahmā", disent en réalité ceci : "Nous montrons la voie de l'union avec quelqu'un dont nous ne savons rien, que nous n'avons pas vu." Maintenant, qu'en pensez-vous, ô Vāseṭṭha? Selon les faits, la parole des brāhmanes versés dans les trois Veda ne s'avère-t-elle pas un propos stupide ?
- Certainement, honorable Gōtama, selon les faits, la parole des brāhmanes versés dans les trois Veda s'avère un propos stupide.
- Bien, ô Vāseṭṭha. Si ces brāhmanes versés dans les trois Veda montrent la voie pour s'unir avec quelqu'un dont ils ne savent rien, qu'ils n'ont jamais vu en disant : "Voici la voie directe, voici la véritable voie, la voie qui mène l'individu qui la suit à l'état d'union avec Brahmā", c'est un fait qui ne tient pas debout. Ô Vāseṭṭha, la parole des brāhmanes versés dans les trois Veda est semblable à une rangée d'aveugles attachés ensemble - le premier ne peut pas voir, celui qui est au milieu ne peut pas voir et celui qui est à la fin ne peut pas voir. Le premier ne peut pas voir, celui qui est au milieu ne peut pas voir et celui qui est à la fin ne peut pas voir. Alors, la parole de ces brāhmanes versés dans les trois Veda s’avère une parole qui mérite d’exciter le rire, une prétendue parole, une parole insensée, une parole vide
. » [Sermons du Bouddha, Môhan Wijayaratna, Sagesses, pp. 141-161]

[2] Selon le bouddhisme des auditeurs.