Il y a une métaphore [reprise de Rob Hogendoorn] qui peut aider à bien comprendre ce que c’est une culture de violence et d’abus, qui permet de perpétuer la violence et les abus par exemple au sein d’une institution religieuse. C’est celle de la toile d’araignée. où l’araignée est le prédateur, la mouche la victime et la toile tous les facilitateurs (“enablers”).
Transposée aux abus dans le bouddhisme tibétain, cette métaphore nous éclaire sur les rôles et les responsabilités des uns et des autres.
Les spin doctors, qui entretiennent le storytelling, racontent les lettres de noblesse “tulkou” du maître, la "formation traditionnelle" du maître, les "autorisations et adoubements reçus" (lire Sex and Violence in Tibetan Buddhism: The Rise and Fall of Sogyal Rinpoche de Mary Finnigan et de Rob Hogendoorn pour voir ce qu'il en est réellement).
Le livre bestseller, une coproduction, qui puise dans diverses sources en donnant l’espoir que tout n’est pas fini après la mort, qui est comme son produit d’attrait majeur, attirant des artistes et des célébrités.
Les grands lamas qui rendent visite au prédateur, se font prendre en photo avec lui, le recommandent auprès de ses étudiants et font son éloge quand il "passe au parinirvana". Au passage, leurs organisations caritatives reçoivent parfois des dons de la congrégation du prédateur.
Le management de la congrégation du prédateur et ses cercles proches, qui sont les témoins privilégiés de ses prédations et violences, et aident parfois à les organiser. Ils maintiennent le secret et les manipulations (Marianne, 26/02/2016). Marion Dapsance raconte dans son livre comment des jeunes femmes sont sélectionnées et préparées pour faire partie du cercle intime appelé “Lama Care”, dans la villa du maître sur le terrain de la congrégation. C’est en même temps des anciens membres du management qui avaient donné les alertes, qui ont finalement conduit à la chute du prédateur.
Les étudiants, qui reçoivent ses instructions, mais surtout celles des membres de cercles proches qui racontent la grandeur du maître. La lecture des hagiographies de Padmasambhava et de Yéshé Tsogyal est recommandée, pour que les étudiants comprennent l’objectif du parcours.
Quand les premières victimes d'abus psychologiques et sexuels commencent à faire du bruit, la congrégation fait appel à “une agence professionnelle de communication de crise à Paris pour apprendre à quelques porte-parole [...] à répondre aux allégations de harcèlement sexuel et d'abus financier. [...] Ne pas répondre aux questions, il s'agissait de répéter en boucle certaines phrases clés ; il fallait citer le Dalaï-Lama au maximum comme caution morale.” (Marianne, 26/02/2016). Continuer à inviter les grands maîtres qui continueront de cautionner. Nettoyer le Web de toutes les traces négatives. Faire des procès en diffamation, p.e. à l’avocat des victimes, Jean-Baptiste Cesbron, et au journal Midi Libre (relaxés le 17/07/2019), qui avait publié son interview. Pendant ce procès la congrégation avait faire valoir son authenticité d’institution religieuse bouddhiste en montrant qu’elle était un culte inscrit auprès du Ministère de l’Intérieur, auprès de l’Union Bouddhiste de France (suspendu le 03/08/2017) et L’Union Bouddhiste Européenne. Comme par miracle, la suspension de la qualité de membre (UBF) de la congrégation avait disparu, à en juger par la déclaration Rigpa du 17/07/2019 suite à la relaxe de l’avocat et du journal.
“ En tant que congrégation religieuse et communauté laïque et monastique, reconnue par décret du Ministère de l’Intérieur en 2002 et membre de l’Union Bouddhiste Française et Européenne, nous faisons appel à ce jugement. Nous avons confiance que la chambre civile de la Cour d’appel de Montpellier saura reconnaître la responsabilité délictuelle de l’auteur des propos ainsi que du journal et sa journaliste qui nous mettent gravement en cause.” Communique UBF du 03/09/2019 supprimé du site (archives Net)La congrégation est donc de nouveau (depuis quand ?) un membre à part entière de l’UBF, argument qu’elle utilise pour faire appel dans le procès contre l’avocat des victimes et le journal. Sur le site de l’UBF, la congrégation figure en effet parmi les membres (première place), et il n’y plus aucune trace du communiqué du 03/08/2017. Il n’y a pas eu de communiqué pour annoncer la réintégration de la congrégation.
L'araignée est peut-être morte, mais sa toile est intacte, prête à laisser la place à d'autres prédateurs ?
PS Ma question adressée à la page FaceBook de l'UBF avait reçu une réponse que je reprends ci-dessous :
"Bonjour, vous avez raison et nous vous remercions de votre message. Lorsque Sogyal Rinpoché s’est retiré de la direction spirituelle du mouvement Rigpa, le mouvement Rigpa s’est retrouvé sans représentation officielle d’une autorité spirituelle formelle. De par ce fait, son statut de membre a été provisoirement suspendu par l’UBF.
Depuis le 10 août 2019, les représentants du mouvement Rigpa ont officiellement informés l’UBF que Son Eminence Mindrolling Jetsün Khandro Rinpoché assumait la direction spirituelle du mouvement. Ce qui restitue complètement à Rigpa son statut de membre de l’UBF et le fait figurer dans notre annuaire.
Cette publication figure en tête de liste dans notre annuaire car c’est la dernière modification de l’annuaire enregistrée par notre système de publication internet. Cordialement." (Page FaceBook de l'UBF)
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'What I am calling a conceptual-conative scheme, Willard Van Orman Quine calls the “web of belief”, and he compares it to a spider web. When the web’s periphery is damaged, repair is simple. When the center is damaged, you hit me, the spider, where I live, and I may have to rebuild from scratch. I may need to build a new web elsewhere. Some kinds of damage to an existing conceptual-conative scheme may be easily fixed, other kinds of damage, depending on how close to the center they hit, are more costly.'Owen Flanagan. The Problem of the Soul: Two Visions of Mind and How to Reconcile Them. New York: Basic Books, 2002. p. 35)
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