vendredi 26 novembre 2010

Cours : Dampa Sangyé et l'apaisement de l'inquiétude



Pa Dampa Sangyé (pha dam pa sangs rgyas -1118), prototype du yogi indien (S. ācārya – T. a tsa ra) à la peau noire ou bleue. Il serait originaire du sud de l’Inde et né avec toutes ses dents, ce qui fait penser à la légende du maître taoïste Lao Tseu , né au bout d’une gestation de 64 ans. Il fait de nombreux voyages (cinq selon Djamgon Kongtrul[1]), dont le cinquième en Chine, où il resta 12 ans. Au terme de son séjour chinois, il alla à Dingri au Tibet. Il était actif pendant le onzième siècle[2].

Le système de l’Apaisement de l'inquiétude semble être inspiré par une instruction que Dampa reçut du brahmane Āryadeva. [3] Dampa avait amené l’original en sanskrit avec lui au Tibet et il avait traduit oralement les Instructions sur la perfection de la sagesse (S. Ārya Prajñāpāramitā-upadeśa T. ‘phags pa shes rab kyi pha rol tu phyin pa’i man ngag), annotées et révisées plus tard par Zhama le traducteur.[4] Ces instructions se distinguent sur le fond très peu d’un texte comme Les instructions sur la Mahāmudrā (T. phyag chen gang ga ma) de Tailopa.

La lignée de Zhi byed est divisée en trois transmissions, première, intermédiaire et dernière. La première est une lignée Cachemirienne (T. kha che lugs), dont le premier cycle d'instructions s'appelle "semblable à l’espace". Cette lignée compte de nombreux mahasiddhas (54 masculins et féminins), parmi lesquelles une certaine Sukkhasiddhi. Elle comporte une méthode de Mahāmudrā particulière qui consiste en une contemplation qui prend le ciel pour objet.

Quand son disciple principal Kun dga' (1062-1124)[5] demande à Dampa comment il doit méditer, Dampa repond :"Tu dois méditer en fixant les yeux vers le ciel, vers le haut, puisque c'est une posture favorable qui est particulière à la Prajñāpāramitā".[6]

La lignée intermédiaire est celle de rMa (chos kyi shes rab), So (chung dge ‘dun ‘bar) et sKam. Celle-ci se divise en une lignée des mots (T. tshig brgyud) et une lignée du sens (S. don brgyud). Selon Jamgon Kongtrul (pp. 538-543).

Les doctrines appartenant à la dernière lignée s’appellent « Le cycle des méthodes des gouttes de la Mahāmudrā immaculée » (T. phyag rgya chen po dri med thigs pa phyag bzhes kyi skor).[7] Dans ce contexte « Mahāmudrā » se réfère au système de Maitrīpa, car Dam pa avait été un disciple personnel de Maitrīpa. « Immaculée » se réfère aux dits de Dampa. Le mot « méthode » T. phyag bzhes) signifie la méthode des instructions, qui sont très différentes des autres instructions (on pourrait presque dire la "patte" de Dampa, voir Deb ther sngon po p. 1133). Ces instructions appartiennent par leur nature à la Prajñāpāramitā, mais suivent le système des tantra.

La tradition dit que la Mahāmudrā de Dampa est le système de Maitrīpa et qu’elle est basée sur les Prajñāpāramitā-sūtra. Lorsque son disciple rma (1055-) lui dit qu’il connaissait la Mahāmudrā , Dampa répondit : « Ta Mahāmudrā est celle des paroles. Moi, je t’introduirai à la Mahāmudrā du sens ». Il lui enseignait ensuite la doctrine de base (T. rtsa) en utilisant des termes comme « la phase pendant laquelle les yeux restent ouverts, que le (flot) mental cesse et que le souffle est arrêté se réalise grâce au Guide authentique (T. dpal ldan bla ma) ».[8] 'Gos précise que cette phase correspond au moment où iḍā et piṅgalā entrent dans le canal médian, et que le yogi est alors capable de contempler l’absolu, c’est-à-dire la Mahāmudrā. Mais les vers cités sont ceux des Distiques de Saraha, dont Advayavajra a fait le commentaire. Il est très clair dans les Distiques, tels qu'interprétés par Advayavajra, qu'il n'est question d'aucune artifice, soit-elle la pratique du Prāṇāyāma. Cela est réellement réalisé par le Guide authentique intérieur.

Dans le cadre de la mahamudra, il eut onze maîtres selon 'Gos[9], qui comprennent pratiquement toute la lignée de transmission traditionnelle de la Mahāmudrā. On y retrouve également Maitrīpa, mais non pas Tailopa, ni Nāropa. 'Gos fait une distinction entre mahamudra et l’introduction en l'expérience driecte (T. rig pa ngo sprod pa) que dix maîtres, masculins et féminins, lui transmirent. Dans le lot, on retrouve entre autres une certaine Sukhasiddhi, qui prend une place importante dans la lignée Shangpa Kagyu.

Un fichier PDF bilingue avec la traduction française de la rencontre entre Milarepa et Dampa Sangyé peut être téléchargé ici. La traduction anglaise du Testament de Dampa Sangyé au peuple de Dingri, faite par Dan Martin, est disponible ici.

Lama Tsering Wangdu est un des plus grands spécialistes contemporains en les enseignements de l'apaisement de l'inquiétude et de Cheu (T. gcod). A l'initiative de Swami Chetanananda de l'institut Nityananda aux USA, sa communauté adepte du Trika yoga du shivaïsme cachemirien reçut des enseignements de Cheu de Lama Tsering Wangdu. Swami Chetanananda était particulièrement intéressé en la lignée cachemirienne des Kusali Mahasiddha que pratique Lama Tsering Wangdu. Les rencontres conduirent à la publication d'une collection de traductions en anglais (par David Molk) d'instructions de Dampa Sangyé : Lion Siddhas.

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Illustration : Représentation de Dampa Sangyé dans un monastère au Ladakh

[1] Shes bya kun khyab pp 538-543, aussi Blue Annals p. 871
[2] Il rencontra son disciple Dam pa rma en 1073, lorsque ce dernier avait 19 ans. BA p. 872
[3] Machig Labdron and the foundation of Chöd, Jérôme Edou, p. 34
[5] Blue Annals, pp. 922-923
[6] Blue Annals p. 976
[7] Blue Annals p. 873
[8] Blue annals p. 921-922 Deb ther : p. 1021 la citation vient des distiques de Saraha (n°66) :
"mig ni mi 'dzums sems ni 'gags pa dang*/ rlung 'gags pa ni dpal ldan bla mas rtogs/
[9] Blue annals p. 869

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