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jeudi 8 juin 2023

Bouddhisme : la fin des dérives ? (LCP)

Bouddhisme : la fin des dérives ? | Les débats de Débatdoc

Un peu de fact-checking et quelques réflexions suite au documentaire “Bouddhisme, la loi du silence” et le débat[1] qui le suivait sur la chaine LCP le 06/06/2023, sous le titre “Bouddhisme : la fin des dérives ?

Les révélations des cas d’abus de pouvoir, de violences sexuelles, d’emprise, de déni de responsabilité (“DARVO[2]”), d'ostracisme et de silence, etc., dans le cadre du bouddhisme tibétain, ont quasi uniquement eu lieu en Occident, comme si ce problème n’existait pas dans les communautés bouddhistes tibétaines en Asie. Les clercs bouddhistes tibétains, dans un déni de responsabilité, présentent ces problèmes alors souvent  comme une mauvaise perception, compréhension ou pratique de la part des convertis Occidentaux, sans lesquels ces problèmes n'auraient pas pu se produire et reproduire sans cesse.

Faut-il rappeler que les abus de l'Église catholique en Occident sont “relativement récents” (deuxième moitié du 20ème siècle) ? N'y avait-il pas d'abus avant cette période ? Ce n’est évidemment pas le cas, seulement, les croyants catholiques vivaient encore sous l’emprise de leur Église, confiant leurs enfants à des internats catholiques, tout comme les parents bouddhistes confiaient leurs enfants à des monastères ou des écoles monastiques. Les quelques cas d'abus émergeant à la surface étaient étouffés. Depuis, les catholiques sont sortis de l’emprise et les procès faits à l'Église sont désormais courants. Le sujet est librement débattu dans les médias, et des mesures préventives sont prises de façon pragmatique.

Quand, dans les années 1970, une nouvelle possibilité d'emprise s’installe dans une nouvelle religion importée sur le sol français, le poids (et donc l'emprise) de cette nouvelle tradition est moins grand, et les cas d’abus sont révélés relativement plus facilement, ce qui n’empêche pas le déni, le silence, et la pression sur les co-croyants de fonctionner dans les nouvelles communautés bouddhistes tibétaines. Sortir d’une emprise en quittant le catholicisme, pour retrouver une autre emprise, plus exotique et souriant à prime abord...

Face aux abus dans le bouddhisme tibétain, les Occidentaux pouvaient initialement avoir le même réflexe que leurs parents face à l'église catholique, son pape et son Vatican, en se retournant contre les clercs bouddhistes abuseurs et leurs hiérarques, qui déclinèrent aussitôt toute responsabilité. L'hiérarchie fonctionne parfaitement dans le sens des offrandes, mais personne ne s’y sent responsable en cas de pépin. Il y a de très nombreux hiérarques tibétains (tulkus), aucun d’eux n’accepterait cependant une quelconque forme de responsabilité pour les abus. “Ne mettez pas toute la responsabilité sur mes épaules” (le Dalai-Lama aux victimes à Rotterdam en 2018), signifie au fond “je ne suis pas responsable, allez voir ailleurs”.

Le bouddhisme tibétain a différentes écoles, chacune ayant à leur tête un chef. A l’exception de l’école Nyingmapa, dont aucun hiérarque ne souhaite accepter la direction depuis le décès du dernier chef en 2016. Certains considèrent l’absence de chef et de responsabilité hiérarchique poétiquement comme un sens de “liberté”, les nyingmapas seraient l’école la plus libre et horizontale du bouddhisme tibétain…

Le système DARVO du bouddhisme tibétain en Occident se reflète aussi dans le choix de certains éléments de langage de sa “clause de non-responsabilité” et qui reviennent sans cesse dans la bouche de certains de ses représentants ou experts. L’entière responsabilité est alors rejetée sur les victimes/survivants. Quelques exemples : “Le Dalai-Lama n’est pas un pape”, “les Occidentaux comprennent mal le bouddhisme”, et “Il faut bien examiner un maître au préalable”. 

La particularité du vajrayāna, qui est le véhicule phare du bouddhisme tibétain est la relation maître-disciple, indispensable pour la transmission de la grâce et des pouvoirs spirituels (siddhi), nécessaires pour devenir à terme un Bouddha pleinement accompli et actif. Sans cette grâce et sans les pouvoirs spirituels, une réalisation “bouddhiste” est incomplète. Seul le bouddhisme ésotérique vajrayāna donnerait accès à cette réalisation, dans le cadre d’une transmission où le maître serait indispensable. Le maître serait donc le garant de votre salut et future bouddhéité, et indirectement de celui de tous les êtres.

Le bouddhisme des auditeurs a bien des arhats, des anciens, des instructeurs, mais pas de Bouddhas parfaitement accomplis. Le bouddhisme mahāyāna a bien des maîtres/amis spirituels, qui peuvent même donner des transmissions (comme dans le ch’an/zen), mais celles-ci ne donnent pas accès à la grâce et aux bénédictions que seul le vajrayāna pourrait offrir, et qui seraient indispensables pour atteindre la bouddhéité ultime.

Quelle chance pour les adeptes occidentaux d’avoir eu, sur leur sol, immédiatement accès à ce bouddhisme-là, qui est en fait trois bouddhismes en un : le bouddhisme des auditeurs (“petit véhicule”), le bouddhisme mahāyāna (“grand véhicule”) et le bouddhisme ésotérique, la voie la plus rapide et complète. La voie la plus rapide, mais aussi la plus “vertigineuse”, qui permet de monter très haut, mais aussi de tomber très bas (6:44), tel Icare et ses deux ailes en cire.

Pour les experts sur le plateau, ce discours triomphaliste semble aller de soi. Nous savons par expérience que dans le vajrayāna, on peut tomber très bas, mais qu’en est-il des revendications concernant la réalisation la plus haute (grâce et pouvoirs spirituels) ? Qui en a fait l’expérience, et peut témoigner de cette réalisation par une expérience directe. Qu’un maître “réalisé” serait en effet au-dessus de “l’illusion”. Qu’il pourrait nous guider pour passer nous aussi au-dessus de “l’illusion”. En brisant notre “ego” et “nos concepts” (fondements de “l’illusion”) grâce à sa “folle sagesse” ? Car, en nous “abandonnant” totalement à un maître, et en s’engageant sur cette “voie vertigineuse” de la transformation, d'où l’on pourrait tomber très bas, il faudrait avoir des garanties en contrepartie. Qui pourrait les donner ? Qui les donne effectivement ? Quel expert les aurait vérifiées ? Ou tout cela serait il purement performatif ?

Les experts sur le plateau ne semblent pas trop s’intéresser à ce point, et préfèrent passer directement aux manquements et aux responsabilités des adeptes occidentaux. Notamment la nécessité d’examiner pendant longtemps un maître avant de s’engager auprès de lui. Il y aurait "énormément de textes" qui en parlent, mais ils seraient "quasiment passés sous silence par les disciples occidentaux" (8:07). Si ceux-ci ne font pas d'examen approfondi, ou s’ils choisissent mal, et que cela se passe mal pour eux, c’est donc un peu de leur faute, ou peut-être n’étaient-ils pas des “disciples authentiques” (8:38). Si les victimes sont des enfants, ce sont sans doute les parents qui auraient mal fait leur boulot ? Des parents ayant confié leurs enfants à un lama "pas authentique" (9:33), même si celui-ci dispose de lettres de crédit des plus grands lamas, y compris le Dalai-Lama pour certifier qu'il est authentique. Ce n'est finalement pas très différent des parents catholiques qui, au siècle dernier, confiaient leurs enfants à des religieux et à des institutions religieuses ? Ou des parents bouddhistes asiatiques, qui confient leurs enfants à des monastères ? Quand ces enfants sont abusés, c’est la faute aux parents d’avoir mal choisi le ou les religieux ? Qui est responsable, ou co-responsable si l’on veut ?

On peut donc parler de "système" quand il y a des affaires à répétition et quand les institutions concernées gardent le silence (13:40). Cela vaut d'ailleurs pour les enfants comme pour les adultes. Le silence et le déni font en sorte que ce système soit “verrouillé”. Ce verrouillage est-il intentionnel ? Comment le silence et déni sont-ils maintenus ?

Selon Raphaël Liogier (12:45), dans le véhicule tantrique “tout est illusion”, et cela est vrai pour le bouddhisme en général ajoute-t-il, le premier vers du Dhammapada, ne dit-il pas que “tout est mental” ?

En fait non, dans le bouddhisme, on trouve souvent l’expression que les dharma (objets mentaux) sont “semblables à une illusion” (māyopama), puisqu’ils apparaissent et disparaissent aussitôt. C’est leur nature éphémère qui fait qu’ils sont “comme une illusion”, ils ne durent qu’un moment.
1. Le mental est l'avant coureur des conditions, le mental en est le chef, et les conditions sont façonnées par le mental. Si avec un mental impur, quelqu'un parle ou agit, alors la douleur le suit comme la roue suit le sabot du bœuf. ” Les dits du Bouddha” (Albin Michel, 1993)
Le premier vers du Dhammapada ne dit pas en gros “tout est mental”, mais que le mental (mano) est l’avant-coureur des conditions, et déterminant pour les paroles et les actes qui suivent. Celui qui contrôle son mental, contrôle ses paroles et ses actes (et leurs fruits), qui ne sont pas des illusions.

Tout est mental” et “tout est illusion” ne correspondent pas à la pensée du Bouddha. Le “mental” collectif ou partagé, ce sont les conventions. Les conventions, les lois, les règles morales, etc., ne sont pas des illusions. Que les dharma apparaissent de causes et de conditions n’implique pas qu’elles soient des illusions. Celui qui prendrait les conventions pour de simples illusions serait quelqu’un qui est perdu, incapable d’agir de façon efficace. Celui qui croit qu’étant “éveillé”, il est au-dessus des conventions est perdu, et d’un point de vue bouddhiste causerait sa propre perte et celle de ceux qui le suivent.

Si c’est cela que croient les “groupes tantriques”, ils ont en effet perdu toute boussole. S’ils croient que leur maître serait en effet au-dessus des conventions, qui ne seraient que des illusions, et qu’ils devraient sabandonner à lui et à ses caprices, corps-parole-et-esprit, tout en sabstenant de juger, pour le rejoindre au-dessus de la mêlée saṃsārique, malheur aux “groupes tantriques”, et bonjour les dérives...

Ce lamaïsme-là, est-ce une invention nouvelle de Trungpa (années 1970), une mouture spécialement destinée aux adeptes occidentaux ? Pas vraiment, Trungpa n’était pas le premier maître tantrique autocrate, alcoolique, libertaire et transgressant les conventions. Le mot “folle sagesse”, probablement oui, et la forme occidentalisée de son système, aussi, mais le comportement transgressif des théocrates était bien connu au Tibet, et en Mongolie et ailleurs. D’autres (p.e. Sogyal Lakar) ont d’ailleurs repris sa méthode, et de nombreux lamas tibétains contemporains sont ouvertement admirateurs de Trungpa, et le voient comme un pionnier pour enseigner le bouddhisme tibétain en Occident.
Raphaël Liogier : “[17:53] L'autre élément c'est que le bouddhisme est une religiosité, qui a été en partie reconstituée à travers les valeurs occidentales. Autrement dit, il est presque par nature depuis les années 1980, immunisé contre la critique, et tout en étant extrêmement désirable parce qu'il correspond aux logiques de développement personnel, etc. Autrement dit, il y a un plus grand nombre de victimes potentielles, donc c'est plus facile pour les gourous potentiels qui sont humains, comme tout le monde, et qui vont glisser parce qu'ils ont la facilité du point de vue de l'évolution de notre culture et la facilité du point de vue de la doctrine.”
Cela est juste, mais le “glissement entre points de vue” est une spécialité bouddhiste depuis le mahāyāna. Le Dalaï-lama le pratique d'ailleurs aussi à merveille. J’ai déjà écrit dans mes blogs que pour défendre “le bouddhisme” (le bouddhisme tibétain), des clercs tels que Dzongsar Khyentsé peuvent selon le besoin glisser d’un point de vue vajrayāna, vers un point de vue bouddhisme des auditeurs (souvent le Kalama sutta…), ou sinon vers la vacuité du madhyamaka.

Les nouveaux convertis occidentaux tout frais qui abordent le bouddhisme tibétain, et qui souhaitent avoir accès à des pratiques tantriques, sont demandés de commencer par les pratiques dites préliminaires, dont la dernière est le “guru-yoga”. Le commentaire (“Le Flambeau de la certitude”) expliquant ces pratiques existe en version française depuis les années 1980. On peut y lire :
Une fois que l’on a écouté ne serait-ce que de brefs propos,
Si l’on manque de respect pour son Lama,
On renaîtra en tant que chien cent fois
Et ensuite comme boucher.
Mais on y lit aussitôt après, qu’il est inutile d’examiner au préalable son maître, à l’époque de son auteur (19ème siècle), et au Tibet.
En ces temps, il est impossible de trouver un Lama qui se soit débarrassé de tous les défauts et qui ait porté à la perfection les grandes qualités. Même s’il était possible de trouver un tel Lama, sans la vision pure nous prendrions ses grandes qualités pour des défauts, tout comme Devadatta voyait des défauts dans le Bhagavan.”
Heureusement, la lignée Kagyupa est si excellente, qu’on peut faire confiance à tout lama ayant reçu cette transmission.
Si [un disciple] considère comme son propre Lama-racine quiconque a reçu la grâce de la lignée comme de père en fils, il trouvera ceci satisfaisant. Il n’aura aucun besoin d’examiner les qualités de son Lama.
Un tel examen n’est pas nécessaire même en ce qui concerne les autres Kagyupas. Tous les Lamas d’autrefois - les grands qui reçurent la transmission - ont transféré leur réalisation, leur conscience ultime à leurs disciples. Ainsi, tous ces Lamas ont la faculté de bénir les autres
.”
Bref, on peut faire confiance à tout lama de la lignée (Kagyupa), sans examen préalable, mais une fois la relation maître-disciple établie, il vaut mieux arrêter d'examiner et ne plus le juger. En fait, les lamas n'étant plus à la hauteur "en ces temps" qui sont aussi les nôtres, c'est aux disciples de mettre les bouchées doubles et d'assumer la responsabilité, toute la responsabilité. 
De même, notre propre attitude mentale nous amène à voir des fautes en notre Lama. Comment un Bouddha peut-il avoir des défauts ? Quoi qu’il fasse, laissez-le faire. Même si vous voyez votre Lama avoir des relations sexuelles, raconter des mensonges, etc. méditez calmement ainsi: "Tels sont les moyens habiles insurpassables de mon Lama pour former les disciples. Par ces méthodes il a amené beaucoup d’êtres sensibles à la maturité spirituelle et à la Libération. Ceci est cent fois, mille fois plus merveilleux que de préserver une conduite morale pure. Ceci n’est pas une duperie ni de l’hypocrisie mais le mode de conduite le plus élevé. En particulier, quand il nous réprimande, pensons : « Il détruit mes mauvaises actions. » Quand il nous frappe, pensons : « Il chasse les démons qui entravent mon progrès spirituel. » Considérons principalement que notre Lama nous aime comme un père aime son fils, Son amitié est toujours sincère. Il est très bon. S’il parait mécontent ou indiffèrent envers nous, pensons que c’est la rétribution qui ôtera le reste de nos voiles karmiques. Essayons de faire plaisir au Lama en le servant de toutes les façons possibles.
En deux mots, ne voyons aucune faute en notre Lama
.”
Voilà ce qu’ont lu et entendu de nombreuses personnes en France dès les années 1980, qui ont ensuite fait confiance à leur lama de bonne lignée.

L’enquête ayant servi au documentaire et le livre “Bouddhisme, la loi du silence” portait sur 32 victimes. Ce ne sont pas des “cas anciens”, “qui n’ont pas eu l’écho qu’ils nécessitaient” avant le documentaire. Pour quelles raisons d'ailleurs ? Ce serait intéressant à savoir. Ce n’est pas comme si ce dossier est maintenant clos, qu'il faut tourner la page, l'époque de “la loi du silence” étant enfin terminée, les faits ayant été rendu publics. Les bouddhistes occidentaux discutent-ils désormais réellement ouvertement sur ces choses, et sur la manière de les prévenir, maintenant que “le bouddhisme nest plus immunisée contre la critique” (le fameux exceptionnalisme bouddhiste). C’est vrai que la fin de l'exceptionnalisme bouddhiste avait commencé avec la démission et la fuite de Sogyal Lakar en 2017, et le documentaire était très attendu, mais nous n’en sommes toujours qu’au début.

Un article paru dans Le Parisien le 7 juin 2023 nous apprenait hier :
Un moine lama [de la lignée Kagyupa] sera prochainement jugé aux assises du Puy-de-Dôme, à Riom, accusé de viol par deux anciennes disciples lors de retraites dans un centre bouddhiste en France. La fin de la loi du silence, et le début d’un changement pour ce culte.”
J’en profite encore pour corriger une autre erreur faite pendant l’émission, ainsi que dans un Tweet de LCP :
En 2017, le Dalaï-lama, chef spirituel du Tibet, prononçait la disgrâce de Sogyal Rinpoché. Ce lama bouddhiste était accusé depuis des décennies de frapper et d’abuser sexuellement ses disciples.”
Le DL n'avait pas "prononcé la disgrâce" de Sogyal. Il avait dit “Now recently Sogyal Rinpoche, my very good friend, he [is] disgraced. So, some of his own students now made their criticism public.La "disgrâce" de Sogyal consiste en la dénonciation publique par un groupe de disciples du premier cercle. Le Dalai-lama avait expliqué (en 1990) que ce sont les disciples qui font (et donc défont) un gourou[3].

En revanche, et ce sera ma dernière réflexion, ce que propose la commission éthique de l'UBF (Antony Boussemart) sur une proscription des relations entre enseignants et disciples irait dans le bon sens. Cette proscription avait déjà été abordée pendant la réunion à Dharamsala en 1993 entre le Dalai-Lama et un groupe d'enseignants bouddhistes, mais elle n'avait pas été retenue à l'époque.

Aux Pays-Bas la loi (art. 249b) a sanctuarisé tous les rapports thérapeutiques dans le sens le plus large. Un exemple, il existe un point-contact aux Pays-Bas pour signaler "les comportements transgressifs et les abus sexuels dans le tantra et le coaching d'intimité". Il y a eu notamment une condamnation à 30 mois de prison dont 10 avec sursis pour un masseur tantrique en 2021.

***

[1]Axé sur la méditation et la recherche de la paix intérieure, aux yeux des occidentaux, le Bouddhisme tibétain apparaît souvent comme une religion au-dessus de tout soupçon. Pourtant, la réalité s'avère parfois tout autre comme en témoigne l'enquête réalisée par les journalistes Elody Emery et Wandrille Lanos. Viols, emprises mentales et détournements de fonds n'épargnent pas cette religion.

Pour en parler Jean-Pierre Gratien reçoit Elodie Emery, journaliste et réalisatrice du documentaire « Bouddhisme, la loi du silence », Antony Boussemart co-président de l'Union Bouddhiste de France et enseignant à l'Institut catholique de Paris, et Raphael Liogier, philosophe et sociologue des religions, enseignant à Science Po Aix en Provence et au Collège international de philosophie à Paris
.” (Site Youtube LCP)

[2] DARVO est un acronyme pour « nier, attaquer et inverser la victime et l'agresseur » (en anglais : Deny, Attack, and Reverse Victim and Offender).

[3][Jack] Engler brought up the topic by saying, ‘Every other week, I hear of another therapist who is accused of misusing power, of sexually abusing clients.’ He noted that the situation is similar in American Buddhist communities where spiritual teachers have had sexual relations with students. He explained that in the Western psychotherapeutic tradition, a therapist’s license to practice can be revoked. ‘How should we handle this with Buddhist teachers?’ he asked.

The Dalai Lama replied that part of the blame rests with the students. ‘They pamper and spoil the teacher,’ he said. He went on to explain that in the East, no piece of paper certifies a spiritual teacher. ‘You are a lama because you have students,’ he explained. He suggested that Western students take time to cultivate a relationship with a teacher. ‘Go slowly. Take two, five, ten years.’ Regard the teacher only as a spiritual friend, he instructed. He also warned against seeing all the teacher’s actions as noble and divine, adding that it is appropriate for students to criticize a teacher’s unsuitable behavior.
” ‘The Elephant in the Meditation Hall”, Common Boundary issue 3, May/June 1990

jeudi 1 septembre 2022

Dare to know - Sapere aude

Sapere aude - Dare to know[1]

Sacrifice of Iphigenia (detail), Naples National Archaeological Museum

Disclosure of Conflicts of Interest: I was a student of the former Kalu Rinpoche (1905-1989).

The Dutch journalist Rob Hogendoorn (Open Buddhism website) published a short article “Enlightened Fleaing” on the public endorsement by Dilgo Khyentse Rinpoche and Kalu Rinpoche in the aftermath of the controversy around the Vajra Regent Ösel Tendzin. The article contains some interesting links such as a recording of the talk by Kalu Rinpoche to students of Chögyam Trungpa and the Vajra Regent and members of the Dharmadhātu center in Los Angeles on December 22th 1988. At that occasion Kalu Rinpoche was translated into English by Chökyi Nyima (Richard Barron). A short summary of questions and answers can be found in this article by Tashi Armstrong, Director of Dzogchen Meditation Center “which is dedicated to engaging the pith teachings of the Vidyadhara Chogyam Trungpa Rinpoche and Vajra Regent Osel Tendzin within a retreat setting”. 

The day before, December 21st 1988
(Youtube screen capture, "how to chose an authentic teacher")

Hearing the voices of Kalu Rinpoche and Richard Barron brought back memories to me, but this time, some forty years later, the effect was very different and quite terrifying. I recommend following the link to Stuart Lachs’ article Tibetan Buddhism Enters the 21st Century: Trouble in Shangri-la for general background information about what follows. The part that particularly interests me here in Lachs’ article is the following.
It is widely recognized that sexual abuse is to a large extent about power. That seems to be the case with the teachers discussed in this paper. Trungpa often had sex with the wives and girlfriends of students, and at the snap of a finger could have disciples forcibly stripped naked whether they agreed to it or not. A close disciple of Sogyal stated that Sogyal slept with the wives of some of his students, that is, aside from seducing other women, married or single who came to him for spiritual counseling. This is on top of the physical abuse and humiliation he dealt to his dakinis. The Sakyong we saw also seduced many young women, some involved with other men and ghosted them when he was finished with them. The Vajra Regent liked straight men who had no previous homosexual experience, in one case it was a young man less then half his age who he infected with HIV.” (Trouble in Shangri-la)
It’s the Vajra Regent’s transmission of HIV to his sexual partners, knowing he had AIDS, that had caused the turmoil in the “Vajradhatu International Buddhist Church”.
Osel Tendzin, the 45-year-old regent of the Vajradhatu International Buddhist Church, is said to be in seclusion in La Jolla, Calif., and could not be reached for comment. Many members have urged that he resign, after a man with whom he had sex received a positive test for the AIDS virus. In December, a high priest of Tibetan Buddhism told a group of American Buddhists that there was concern that Mr. Tendzin ''might have passed this on to many, many people.'' (New York Times February 21st, 1989).
The “high priest” mentioned in the article was no doubt Kalu Rinpoche. Here are some extracts from his talk to Trungpa students on December 22th 1988.
All of you here have as your main lama Trungpa Rinpoche. And after him your lama is the Vajra Regent Osel Tendzin. Now in the Vajrayana our main samaya is to our root lama and after this with our vajra brothers and sisters. Now, basically there are many ways of describing samaya to the root lama but in brief one would say that one must regard everything that they do with sacred vision – whatever they do as being excellent. And we must take as truth everything that they say. These two points briefly summarize the samaya that one has with the root lama.

So we must never turn away from your faith and your respect and devotion for the lama. Now once again your main root lama is Trungpa Rinpoche and the Vajra Regent Osel Tendzin is also your lama. So all of you have a very strong connection as vajra brothers and sisters. It’s important for all of you because you have this very close samaya with your teacher and with one another that there be no anger, fighting, disharmony within the sangha. And if this is the case if you are able to maintain your samaya connection with your lamas and with one another. Then it is possible for any sickness, any disturbance to be pacified and to disappear and that all of you continue your practice in great happiness and in great harmony.”

Getting upset, getting angry at persons you feel are spreading AIDS or spreading disturbance within the sangha is only breaking samaya. There is absolutely no benefit whatsoever to doing this.

So what we have to do as to our practice is to put our trust in the three jewels to help persons who have AIDS or other sicknesses to do what we can to benefit others. If in the future the American government comes in and says these persons are spreading diseases – if they come to that particular conclusion. A person who is in that situation has to admit what has happened. We have no other means but to face up to the government authorities if they happen to investigate this particular situation, but this isn’t our role as Buddhists.”
The transmission of HIV was obviously an aggravating factor, and the direct cause of the negative media publicity. The promiscuous conduct of the teachers in itself wouldn’t have made the headlines, and would certainly not have caused a turmoil in the Vajradhatu saṅgha. See the following exchange of questions and answers.
56:08 Question: Rinpoche you have said many things in terms of proper attitude for the students towards the teacher. I am wondering what is the proper attitude for the teacher towards the students at this time and also towards the students that the teacher may have, in some way, physically, or causing them to experience so much negative emotion.

57:55 [Translator (Richard Barron) sighs] Well you know, he gives the example of Marpa and Milarepa [slight laughter in the audience]. Marpa was terrible to Milarepa. He forced him to undergo a tremendous number of hardships. His whole body back and front was one big scar. Marpa insisted and had given him the command to build a nine-story house all by himself. A tremendously difficult task that Marpa had Milarepa do. So Rinpoche says this is an example of a lama being extremely hard on his student, making a lot of difficulties for his student. He says the lama acts in various ways.

59:36 Or, for example, in the past Nāropa had a wife. He loved his wife very very much. Tilopa asked Nāropa to offer his wife to Tilopa. Nāropa did so with sacred vision (tib. dag snang) and faith and respect to his lama. Tilopa was very pleased by this particular offering and he was very happy to be with Nāropa’s wife (laughter). However, at one particular occasion they were out in public and Nāropa had a chance to see his wife again and he looked very longingly at his wife. Tilopa noticed this and got completely enraged at Nāropa and said ‘How do you dare look at this woman with desire and he beat him, so he wasn’t able to move for a few days (laughter).

1:00:45 Question: Rinpoche, when we study the stories of the teachers, we understand that the teacher has done those things with full consciousness of knowing what he is doing. In this particular case the Regent has said that he did what he did through ignorance. This does not seem the same.

[In his translation of the question, the translator refers to the stories of the 84 mahāsiddhas and the “full consciousness” is translated as clairvoyance (abhijñā, mngon shes). Ignorance is translated as avidyā, ma rig pa.]

1:02:40 Whatever the case, when we take refuge, we take refuge in the saṅgha and we take refuge in two levels of the saṅgha, both the higher, the enlightened saṅgha, those persons who have both extraordinary mental powers and full consciousness as you say, they have miracle powers, but we also take refuge in the saṅgha of ordinary persons who teach the dharma and lead us to liberation. However Rinpoche says whether in this case it’s appropriate to say that Ösel Tendzin is a member of the Enlightened saṅgha or the Saṅgha of ordinary beings, he says well, students are often unable to see the full enlightenment or the miracle powers of the other teachers. E.g in the region where Marpa lived, except for very few people of that particular region, nobody had any awareness of his complete enlightenment as well as of his miracle powers. People just referred to him as old man Marpa.”
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The anecdote about Nāropa told by Kalu Rinpoche comes from Nāropa’s hagiography (mKhas grub kun gyi gtusg rgyan paN chen nA ro pa’i rnam thar ngo mtshar rmad byung), written by Lha’i btsun pa Rin chen rNam rGyal (1473 - 1557), a student of Tsangnyön Heruka (1452–1507), 500 years after Nāropa’s life (11th century). It differs from the anecdote told by Kalu Rinpoche in that Tilopa beats up the “girl”, Nāropa’s sexual consort (mudrā). Below is Guenther’s translation of the passage. I added the Tibetan terms between brackets. Mahāmudrā has to be understood here in the tantric sense of mahāmudrā.
Again Tilopa acted [sat silent and motionless] for one year as before. When Nāropa made his maṇḍala and venerated him with folded hands, Tilopa glanced once at him. Nāropa prayed and asked for instruction. 'If you want instruction, give me your girl (shes rab ma)!' When Nāropa did so, the girl turned her back to Tilopa, looked at Nāropa, smiled and cast sidelong glances at him. Tilopa beat her (phyag rgya mo) and said: 'You do not care for me, you only care for Nāropa.' Nāropa did not lose faith in the propriety of his Guru's action, and when he sat there happily without the girl, Tilopa asked him: 'Are you happy, Nāropa?'
And Naropa answered
:

Bliss is to offer the Mudrā as fee
To the Guru who is Buddha himself, unhesitatingly[2].

Tilopa said:

You are worthy of bliss eternal, Nāropa,
On the path of infinite Reality.
Look into the mirror of your mind, which is Mahāmudrā,
The mysterious home (gsang ba’i gnas) of the Ḍākinī[3].

And he gave him the instruction on the illumining Mahāmudrā transcending awareness
.” (The Life and Teaching of Nāropa, Herbert V. Guenther, Shambala, 1995, p. 80)
The girl was not Nāropa’s wife, but the mudrā he found a year earlier when Tilopa told him to get a mudrā (phyag rgya ma long). But in the context of the Vajradhatu situation, “wife” certainly was more appropriate. It showed that in a classic or optimal guru-student relationship, a student would give up his/her wife/partner happily and “unhesitatingly”. The relationship between Tilopa and Nāropa is often quoted as a model for the guru-student relation, especially when things go awry.

A couple years later (1992), another “high priest” of Tibetan Buddhism conveyed to Trungpa’s students that if a lama showed sexual interest in one, it ought to be considered an honor. During a Dzogchen retreat, Gyatrul Rinpoche (born in 1925) talked to a large group about the proper conduct for students to whom a lama bodhisattva shows sexual interest:
"So if you are doing the Shambhala training, and if you have faith in the place of Shambhala and in those great enlightened beings who have manifested in this place for our welfare, then the blessings that enter your mind will be very swift, and this will help increase your own understanding of your Buddha nature. … Shambhala is not to be mistaken with Shangri-la. Everyone thinks: ‘I want to go there.’ But that’s just made up, that’s a movie…. Now this is really not my business, but I want to mention anyway, to some of the women who are the sagyum, or the consorts, of Trungpa Rinpoche, you should be very careful about your attitude. Don’t have an ordinary mind about it, thinking in an ordinary sense: ‘Oh, he slept with me, so I’m equal to him; this makes me special, because he slept with me.’ This is not the way that a sagyum of someone like this should think. It’s the sagyum’s responsibility to consider that he saw in you a karmic connection that could be cultivated. And consider that it was because of his kindness in recognizing your karma that there was an ability to cultivate that and bring that out. If you have an attitude of him with humility and devotion, then if you follow whatever teachings he gave you, because of the special aspect of your connection with him this can be of tremendous benefit to you. If you cultivate your situation, you can then go ahead and be of tremendous benefit to others. But if you fail to see the level of the connection and think of it as being only ordinary, and elevate your pride and ego, you’ve really failed in that connection. That would be like sleeping with a king-but he was not a king, he was a great bodhisattva. There’s a difference."[4]
Coming back to Kalu Rinpoche, what is more disturbing in the context of the Vajra Regent’s knowingly spreading of AIDS is preventing one of his own students from informing Vajradhatu students about the Vajra Regent’s situation. 
In Los Angeles, Lama Ken McLeod[5], a senior student of the late Kalu Rinpoche, consulted with the Center for Disease Control and the Los Angeles Buddhist AIDS Project, then prepared to announce publicly the details of Tendzin’s illness so that those at risk could take appropriate and responsible steps. Before he could do so, senior Vajradhatu officials approached Kalu Rinpoche, then visiting in Los Angeles, and within the hour Ken McLeod was told that Rinpoche required that he not speak publicly about Tendzin. McLeod obeyed the wishes of his teacher.” (The Sun Magazine issue 162, in reaction to the essay When the Teacher fails by Stephen Butterfield)
Some Trungpa students now seem to admit that the Vajra Regent was for the least controversial, but that he is still essential to the transmission of the Trungpa and Shambhala lineage. Without him Trungpa's transmission would be lost.
The Vajra Regent will forever remain a controversial lineage holder in the Trungpa and Shambhala lineage. However he holds a tremendously important place in the transmission of this authentic lineage. He is so important, in fact, that without thoroughly studying and integrating his oral instructions and commentaries this authentic transmission will be lost and the fresh and profound Trungpa lineage will end with our generation. That is why we continue to study and practice according to both the Vidyadhara's and Vajra Regent's instructions.” (Tashi Armstrong)
And that’s why the Vajra Regents rehabilitation was absolutely necessary. Who dies when the lineage live!

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[1]Originally used in the First Book of Letters (20 BC), by the Roman poet Horace, the phrase Sapere aude became associated with the Age of Enlightenment, during the 17th and 18th centuries, after Immanuel Kant used it in the essay, "Answering the Question: What Is Enlightenment?" (1784). As a philosopher, Kant claimed the phrase Sapere aude as the motto for the entire period of the Enlightenment, and used it to develop his theories of the application of reason in the public sphere of human affairs.” Wikipedia

[2] ltos med bla ma sangs rgyas la// shes rab yon phul rnal ‘byor (b)de//

[3] chos nyid klong gi lam chen du// bde yang rung gi nA ro pa// mkha’ ‘gro ma yi gsang ba’i gnas/ phyag chen sems kyi me long ltos// phyag rgya chen po ye shes gsal byed kyi gdams ngag gnang ngo/

[4] Gyatrul Rinpoche, Oral Commentary on the Natural Great Perfection by Dudjom Lingpa, given in Boulder, 1992, trans. Sangye Khandro, ed. Ian Villarreal, later published by (Ashland, Oregon: Mirror of Wisdom Publications, 2000), 58-59

[5] Ken McCleod: "In 1988, I moved away from both the teacher-center model and the minister-church model and developed a consultant-client model. This model later became the basis for Unfettered Mind." Unfettered Mind, About Ken McCleod

dimanche 20 décembre 2015

Le silence incorrect



Le monde du bouddhisme néerlandais avait été marqué en 2015 par les révélations sur les abus sexuels du moine thaïlandais Mettavihari (fondateur du mouvement vipassana aux Pays-Bas), leur médiatisation, la révélation d’autres affaires dans des communautés bouddhistes, la distanciation commune de Mettavihari par des enseignants vipassana et finalement la création d’un numéro vert pour les victimes d’abus sexuel dans les communautés bouddhistes. Ces révélations faisaient suite à celles concernant l’église catholique (et ailleurs dans le monde) en 2010 qui avait secoué toute la société néerlandaise. Un des principaux aspects qui était ressorti de l’affaire Mettavihari était le silence des autres enseignants vipassana, qui avait pu permettre (de 1974 à la mort de Mettavihari en 2007) la continuation des abus. Toutes proportions gardées, ce silence peut être comparée à une loi de silence (omertà). Mais dans les deux cas, le silence n’est pas vertueux. Le blogueur néerlandais Joop Romeijn (Boeddhisme blog) suggère d’inclure le « silence incorrect ») dans les actes verbaux à éviter dans le cadre de la parole correcte (samyag-vāc : ne pas mentir, ne pas semer la discorde ou la désunion, ne pas tenir un langage grossier, ne pas bavarder oisivement). On peut parler oisivement, mais on peut aussi se taire « oisivement », c’est-à-dire quand il est inopportun de se taire et qu’il serait plus opportun de parler ou d’agir.

Les abus sexuels se passant en secret, seule la victime est en droit d'en parler et éventuellement de demander réparation. En cas de sérieux soupçons, par principe de précaution une enquête serait sans doute à sa place.

En novembre 2011, l’actuel Kalou rinpoché (né en 1990) avait posté sur Youtube une vidéo, où il révélait avoir été victime de viols à répétition par des moines plus âgés, au début de son adolescence, au sein d’un monastère bouddhiste. En août 2012, il reviendra sur ses confessions dans une entrevue publiée dans l’article "Leaving Om: Buddhism's lost lamas" (Les lamas perdus du bouddhisme).
« Mais Kalu dit que dans les premières années de son adolescence, il a été abusé sexuellement par une bande de moines plus âgés qui se rendaient dans sa chambre chaque semaine. Quand j’aborde la notion d’ « attouchements », il éclate d’un rire tendu. C’était du sexe hard-core, dit-il, avec pénétration. « La plupart du temps ils venaient seuls », dit-il. « Ils frappaient violemment à la porte et je devais ouvrir. Je savais ce qui allait se passer, et après on finit par s’habituer ». C’est seulement après son retour au monastère après la retraite de trois ans, qu’il a réalisé à quel point cette pratique était incorrecte. Il dit qu’à ce moment-là le cycle avait recommencé sur une plus jeune génération de victimes. »
Le jeune Yangsi Kalou avait été éduqué par son père, Lama Gyaltsen Ratak (le neveu du premier Kalou rinpoché), jusqu’à la mort de celui-ci en 1999. Il avait alors 9 ans. Peu après, il fut décidé de son départ au monastère de Mirik, pour y étudier avec Bokar rinpoché. Il reçut de lui toutes les initiations et instructions de la lignée Shangpa et entra en retraite à l’âge de 15 ans (2005). Il sortit de retraite en septembre 2008 peu avant ses 18 ans. « Il dit qu’à ce moment-là le cycle avait recommencé sur une plus jeune génération de victimes. »…

L’article wikipédia sur Kalour rinpoché nous apprend que c’est pendant la session de questions à la fin d’une conférence donnée à Vancouvert en automne 2011, que suite à une question posée par un étudiant sur l’abus sexuel et la sexualisation d’enfants en occident, Yangsi Kalou rinpoché parle pour la première fois des viols qu’il avait subi à l’âge de 12 et 13 ans (donc app. en 2002-2003). C’est suite à cette révélation, et « pour ne pas que cette histoire devienne une rumeur infondée » qu’il avait posté la vidéo sur youtube.

Depuis, c’est le grand silence, médiatique du moins. Il ne me semble pas que Yangsi Kalou Rinpoché ait porté plainte. Il ne me semble pas non plus que le monastère, où les abus sexuels mentionnés par Yangsi Kalou Rinponcé auraient eu lieu (au moins jusqu'en 2008), ait fait une déclaration officielle. On peut espérer que, suite aux confessions de Kalou rinpoché, des mesures ont été prises en interne pour faire cesser « le cycle [qui] avait recommencé sur une plus jeune génération de victimes » et que les auteurs aient été sanctionnés. Mais on n’en sait rien à cause du silence (médiatique).

Ce phénomène n’est cependant pas rare dans les monastères bouddhistes. Le Bhoutan avait réagi (en 2013) en instaurant les droits de l’enfant et en créant un numéro vert pour les enfants des écoles monastiques, où ceux-ci pouvaient signaler des cas d’abus (source). Et afin d’éviter la propagation des maladies sexuellement transmissibles, on avait décidé de la distribution gratuite de préservatifs, y compris dans les écoles monastiques (source). Je ne sais pas si des mesures similaires aient aussi été prises dans les monastères indiens et népalais. Mais à défaut de traiter les véritables causes, on s’occupe de limiter les effets. Le tout quasiment sous silence, sans doute pour ne pas créer des vagues susceptibles de perturber la paix silencieuse de Shangrila.

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