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lundi 19 mai 2025

Une controverse qui ne dit pas son nom

Les trois Père-fils spirituels de la lignée Dashang Kagyu (dwags shangs bka' brgyud kyi rje yab sras rnam gsum), montage photo (FB Lama Sochoe)

Au 14e siècle, Shangtön Gyawo (Zhang ston rgya bo, 1292-1370), recevait les transmissions Shangpa de Dolpopa Sherab Gyaltsen (Dol po pa Shes rab rGyal mtshan, 1292-1361) de Jonang, grand expert du Kālacakra et propagateur de la doctrine Shentong (gzhan stong pa). Le lien avec la lignée Shangpa perdure avec Jetsün Kunga Drölchog (1507-1566) et Jetsün Tāranātha (1575-1635)[1], et le Jonang prend un nouvel essor avec Jamgön Kongtrul I (1813-1899), résidant à Palpung, et le mouvement Rimé (ris-med), qui avait par ailleurs aussi une portée politico-religieuse anti-gelugpa. Jamgön Kongtrul I composa la méthode d’initiation de Kālacakra selon la tradition Jonang[2] (dus 'khor jo nang lugs), et que l’on trouve dans sa collection rGya chen bka' mdzod.

L'un des objectifs principaux du mouvement Rimé (ris med) était de sauvegarder les enseignements et les pratiques des lignées mineures qui risquaient de disparaître. Des maîtres comme Jamgön Kongtrul, Jamyang Khyentsé Wangpo et Chogyur Lingpa ont collecté, compilé et préservé systématiquement les enseignements de nombreuses lignées plus petites, notamment la Shangpa Kagyu, la Jonang, et diverses transmissions de terma (trésors spirituels).

Détenteur de la lignée Shangpa, Kalu I Rinpoché (1905-1990) était aussi considéré comme le principal détenteur de la lignée Kālacakra pour les Kagyupa, qu’il avait transmise à Bokar II Rinpoché (1940-2004), en lui remettant également la "cape" du Kālacakra. Tout comme Jamgön Kongtrul I, Kalu I Rinpoché et son maître Lama Norbu Töndrub étaient rattachés au monastère de Palpung, et au 11ème Tai Situpa Pema Wangchok Gyalpo (1886-1952) au Tibet. Karmapa XVI (1924-1981) avait reçu l’initiation du Kālacakra de ce dernier, ainsi que plus tard du Dalai-Lama.

Dans les années 1970, alors que de nombreux Occidentaux manifestaient un intérêt croissant pour le bouddhisme tibétain, c’est Karmapa XVI qui confia explicitement à Kalou Rinpoché la mission de diffuser le Dharma en Occident. C’est ainsi que Kalou Rinpoché effectua ses premiers voyages hors d’Asie à partir de 1971, visitant d’abord Israël puis l’Europe et l’Amérique du Nord, et fondant de nombreux centres bouddhistes, dont “Dashang Kagyu Ling” à La Boulaye en France, premier centre européen de retraite de trois ans. Sur le site de “Dachang Kagyu Vadjradhara-Ling” on peut encore lire l’explication suivante :
Très proches à l’origine, ces lignées se sont rejointes dès le 19ème siècle, et au 20ème c’est le très vénérable Kalou Rinpoché qui fut le parfait détenteur de la transmission issue de ce rapprochement entre Dagpo Kagyu et Changpa Kagyu, ainsi nommée Dachang Kagyu. Appellation que l’on retrouve dans le nom de l’un des centres fondés par Kalou Rinpoché en France, Dachang Vajradhara Ling.”
Au tout début, le premier nom donné au centre de Bourgogne était "Kagyu Yiga Tcheu Dzin", et la première maison d'édition associée avait repris le même nom. Ce nom avait été changé dans les statuts depuis. L'actuel nom de "Palden Shangpa La Boulaye", anciennement Kagyu-Ling, ou le Temple des mille Bouddhas, en Bourgogne, est toujours “Dashang Kagyu Ling” dans les statuts de ce centre. Dashang, Dachang, Dagshang, Dag Shang, etc. sont divers rendus phonétiques pour transcrire དྭགས་ཤངས་བཀའ་བརྒྱུད. A cette série se joint depuis quelque temps également le siège de Kalu I Rinpoché à Sonada (དྭགས་ཤངས་བཀའ་བརྒྱུད་བསམ་གྲུབ་དར་རྒྱས་ཆོས་གླིང) dans les publications sur les réseaux sociaux. Les centres occidentaux fondés par Kalu I étaient rattachés à la fois à la lignée Shangpa et à la lignée Karma Kagyu. Les noms de refuge et de moine donnés par Kalu I en occident étaient précédés par Karma, pour indiquer cette appartenance. La mort du Karmapa XVI en 1981 et la controverse qui s'ensuivit était un premier facteur de complication ; le décès de Kalu I en mai 1989 allait en devenir un deuxième. Après sa mort, Bokar II Rinpoché (1940-2004) lui succède à la tête de la lignée Shangpa Kagyu. 

Mirik novembre 2001, dans le Jardin de Shambala (scan photo Claire Lumière)
Kalu II au centre

Yangsi Kalu II, né en septembre 1990, fut reconnu comme le tulku de Kalu I, et intronisé à Samdrup Tarjayling Sonada en février 1993 par Taï Sitou Rinpoché, Gyaltsab Rinpoché et Bokar II Rinpoché. Il reçoit le nom Karma Ngedön Tenpay Gyaltsen. Après le décès de son père, Lama Gyaltsen en 1999, neveu et ancien secrétaire de Kalu I, et gérant du siège Samdrup Tarjayling à Sonada en Inde, Yangsi Kalu II est allé au monastère Bokar Ngedhon Choekhor Ling à Mirik, pour étudier auprès de Bokar II Rinpoché, qui décéda en août 2004. À l’âge de 15 ans, Yangsi Kalu II fit la retraite traditionnelle de 2004 à 2008.

En 2010, il fit un voyage en occident pour reprendre en charge les divers centres fondés par Kalu I. Durant son deuxième voyage, en avril 2011, il change la direction du centre “Dashang Kagyu Ling”, notamment suite à des abus (voir aussi Violence dans le bouddhisme), et change le nom du centre en “Palden Shangpa La Boulaye”, avec l’accord de Situ Rinpoche. Dans la “Lettre dinformation de Paldenshangpa La Boulaye” :
Historiquement, Kyoungpo Neljor (978-1127) n’est pas le contemporain de Gampopa ; c’est Motchokpa, son principal disciple, qui le fut. Kyoungpo Neljor fut plutôt le contemporain de Marpa (1012-1097) le traducteur, le maître de Milarepa. Ils étudièrent tous deux en Inde auprès de maîtres communs tels que Maitripa. Néanmoins, les maîtres principaux de Kyounpo Neljor furent deux femmes, Dakinis de Sagesse, Nigouma et Soukka Siddhi. Il y eut aussi, parmi les plus importants, Dordge Denpa qu’il rencontra à Bodh Gaya et le Yogi Rahula. De retour dans la région de Shang au Tibet Kyounpo Neljor fut à l’origine d’une lignée bien distincte qui, bien que partageant des enseignements et pratiques avec les autres, avait aussi ses pratiques spécifiques.

Il est ainsi clair qu’il n’existe pas d’ « École Dashang » ! La juxtaposition de ces deux vocables fut choisie parce que le premier Kalou Rinpotché était un maître particulièrement éminent dans les deux traditions Karma et Shangpa Kagyu et qu’il transmettait principalement ces deux traditions
.”
Dans une confession publique, en novembre 2011, Kalu II déclare avoir été abusé sexuellement par des moines lorsqu'il était âgé de 12-13 ans (au monastère de Mirik), et il accuse son tuteur au monastère Samdrub Darjay Choling à Sonada, d'avoir essayé de le tuer.

En janvier 2014 Karmapa XVII Ogyen Trinley Dorje annonce la nouvelle de la réincarnation de Bokar II Rinpoche. Et en 2015, yangsi Bokar III est officiellement reconnu et intronisé par Karmapa XVII. Khenpo Lodrö Donyö (1943), l’abbé de Mirik, est son tuteur, et se charge de son éducation.


Le 27 juillet 2018, le monastère Samdrub Darjay Choling à Sonada publie une lettre en anglais et en français, accusant Yangsi Kalu II, d’avoir rendu ses voeux en 2009 sans concertation avec ses maîtres et d’avoir disgracié la réputation de Kalu I. La lettre liste les méfaits de Yangsi Kalu II, qui ont conduit le siège de Kalu I de créer son propre fonds pour recevoir les donations des disciples de Kalu I. Parmi les méfaits :
"Au cours des dernières années, l'incarnation actuelle a expulsé plusieurs lamas résidents de divers centres bouddhistes affiliés à notre monastère, des personnes qui avaient une foi inébranlable en son prédécesseur.

À l'avenir, ce n'est que lorsque l'incarnation actuelle aura regagné le respect de tous, tant sur le plan temporel que spirituel, qu'il sera digne de nos rêves et de nos espoirs dans cette vie et au-delà. Un jour, lorsqu'il sera pleinement capable d'assumer cette responsabilité, nous lui confierons les affaires externes et internes du monastère sans obstination. Cependant, si sa conduite actuelle, contraire à l'éthique et scandaleuse, devait se poursuivre, nous avons fermement résolu de ne pas lui remettre ce monastère et sa gestion, bien que nous n'ayons aucun pouvoir pour intervenir dans ses actions personnelles ou les restreindre. Si nous devions lui confier le monastère maintenant, en pensant qu'il a l'obligation et la responsabilité automatiques de le gérer, notre monastère et sa communauté monastique seraient certainement voués à la destruction.
[3]"

Situ Rinpoché publie une lettre un mois plus tard, dans laquelle il soutient Yangsi Kalu II et son projet de lignée Shangpa Kagyu[4]. Extrait :
L'actuel 2ème Kyabjé Kalu Rinpoché a été reconnu traditionnellement par moi et confirmé par Sa Sainteté le Dalaï-Lama. Depuis lors, Kalu Rinpoché détient la pleine autorité et responsabilité de maintenir l'ensemble de l'établissement de son prédécesseur, ainsi que de préserver et propager l'authentique lignée du Dharma du Bouddha, et de guider et nourrir le développement spirituel de chaque disciple selon les voies du Saint Dharma.

Pour cela, chaque Lama et disciple de Kalu Rinpoché sert sous sa direction et le soutient avec une dévotion et un dévouement complets, pour le bien de la lignée du Dharma du Bouddha et pour le bénéfice de tous les êtres sensibles.

L'actuel Kalu Rinpoché m'a également exprimé à plusieurs reprises qu'il souhaite maintenir la lignée Shangpa Kagyu comme sa responsabilité principale. Cette intention étant celle du Rinpoché, c'est très profond car le Rinpoché a la responsabilité de maintenir et de servir la lignée du Dharma du Bouddha, la Shangpa Kagyu étant l'une des lignées importantes du bouddhisme tibétain, et son prédécesseur pratiquait également la Shangpa Kagyu et la Dhagpo (Marpa) Kagyu
.”
Il est vrai que la lignée Shangpa est une des huit lignées avec des origines indiennes, appelées “sgrub brgyud shing rta brgyad” par Jamgön Kongtrul I. Il est vrai aussi que le précédent Kalu I avait utilisé la dénomination “Dwags shangs”. Le précédent Kalu I et son maître à lui, Norbu Tondrup, étaient rattachés à Palpung, le siège des Situpas au Tibet. L’actuel Situ Rinpoche soutient Kalu II dans son initiative d’école Shangpa indépendante. L’ancien siège de Kalu I, Samdrub Darjay Choling à Sonada, mentionne dans sa lettre “Un jour, lorsqu'il sera pleinement capable d'assumer cette responsabilité, nous lui confierons les affaires externes et internes du monastère sans obstination." Avec l’approbation de Situ Rinpoche, et la gestion actuelle de la lignée Shangpa par Kalu II, “les affaires externes et internes du monastère” pourraient sans doute lui être confiées, “sans obstination”...

Cela ne semble cependant pas être le cas. L’office du monastère Bokar Ngedhon Choekhor Ling est proche du Karmapa XVII Ogyen Tinlay et de Gyaltsab Rinpoché de la lignée Karma/Kamtsang Kagyu, et semble vouloir rester sous la tutelle de celle-ci. Kalu II est invisibilisé à Sonada, à Mirik, et dans les centres de Bokar II. Le monastère se présente comme appartenant à la lignée “Dagshang Kagyu” (དྭགས་ཤངས་བཀའ་བརྒྱུད) qui se rattache aux lignées Dagpo Kagyu et Shangpa Kagyu. Il y avait en effet un lien entre Gampopa (dwags po lha rje 1079-1153) et Mogchokpa Rinchèn Tseundru (1110-1170). C’est ce lien historique avec Gampopa et le Dagpo Kagyu, qui a sans doute conduit au choix du nom “Dagshang Kagyu”. C’est avec ce préfixe que Kalu I Rinpoché avait nommé ses centres fondés en Europe. Dans les centres de retraite affiliés à ces centres, on pratiquait à la fois les yidams et yogas Shangpa et Kagyupa, de Niguma/Sukhasiddhi et de Nāropa. Comme ce fut le cas à Palpung au Tibet.

Bokar II Rinpoche semble avoir eu une inclinaison particulière pour le Kālacakra Tantra. C’était son souhait de construire un stūpa de Kālacakra, un temple de Kālacakra, un jardin Shambala, et d’ajouter la pratique de Kālacakra et des six yogas associés dans ses centres de retraite à Mirik. Kalu I Rinpoche n'avait pas pu transmettre la tradition complète des six yogas du Kālacakra à Bokar II Rinpoche, en partie à cause de la difficulté à trouver les textes nécessaires en Inde. Pour y remédier, Bokar II Rinpoche avait invité le maître Jonang Khenpo Kunga Sherab Rinpoche du Tibet en 2004, pour recevoir la transmission complète des six yogas Jonang. Bokar II Rinpoche avait transmis la "cape" du Kālacakra ainsi que la responsabilité du monastère Bokar à Khenpo Lodrö Donyö Rinpoché, qui est l'actuel détenteur de cette lignée et le chef du monastère de Bokar Ngedhon Choekhor Ling (voir aussi mon blog Transmissions récentes du Kālacakra de 2013, et Kālacakra Tantra et Mahāmudra ésotérique de 2025).

L'enseignement et la pratique du Kālacakra Tantra occupent une place importante au monastère. Un grand rituel de Kālacakra, basé sur le mandala de sable, est conduit chaque année. Ce rituel suit une séquence précise et inclut la préparation, la création, et la dissolution ultérieure du mandala de sable. Elle inclut également une initiation de Kālacakra. Le centre de retraite du monastère propose un programme Jonang-Shangpa, incluant la pratique du Kālacakra Tantra, en plus d'autres pratiques comme les six yogas de Niguma. L'actuel chef du monastère, Khenpo Lodrö Donyö Rinpoche, est également actif dans la transmission, ayant donné des enseignements et a publié une histoire du Kālacakra Tantra en 2005[5].

Félicitations à l'occasion du 19ème anniversaire de Bokar III
signées Dashang Samdrup Tarjeyling (post FB)

Depuis quelque temps, la dénomination “Dashang” semble faire son retour sur les réseaux sociaux. Sonada, le siège de Kalu I signe ses publications en tibétain avec དྭགས་ཤངས་བཀའ་བརྒྱུད་བསམ་གྲུབ་དར་རྒྱས་ཆོས་གླིང (dwags shangs bka’ brgyud bsam grub dar rgyas chos gling). Une photo avec les trois détenteurs de la lignée Dashang (Les trois Père-fils spirituels de la lignée Dag shang Kagyu (dwags shangs bka' brgyud kyi rje yab sras rnam gsum) est publiée (voir en haut). 

The enthronement of the Third Bokar Rinpoche,
who illuminates the teachings of the Dagsang Kagyu.
VOA 23.11.2024 Gyaltsen Chodrak

Quand la radio Voice of Tibet (VOA) fait une émission dédiée à l’intronisation de Bokar III Rinpoché, on lit dans le titre : “Intronisation de la troisième réincarnation de Bokar, illuminateur de l'enseignement Dashang Kagyu”.  
 
Le Kagyu Monlam à Bodhgaya avait été instauré par Kalu I Rinpoché en 1983. Le Shangpa Monlam est tenu séparément par Kalu II Rinpoché, et le monastère de Sonada. Bokar III Rinpoché et Khenpo Lodrö Donyö organisent plutôt des Kagyu Monlam dans les centres de Bokar II rinpoché et au siège à Mirik.

Étant désormais loin des milieux bouddhistes tibétains, ce blog est fait à partir d'informations et des documents que l’on peut glaner sur Internet. Les photos des uns avec les autres publiées sur les réseaux sociaux sont autant d'indications sur les rapprochements et éloignements des uns et des autres, et donc sur l’état de lieu des relations entre lignées et offices. Les tulkus indépendants qui cherchent à se libérer de l’emprise des lignées et de leurs offices ont le plus grand mal de perdurer, comme dans l’Eglise d’ailleurs. Ça passe ou ça casse. L’indépendance se paie cher. Mais la dépendance aussi

Cette structure de lignées et d’offices (bla brang) régis autoritairement d’une main de fer, est-elle un modèle à suivre en Occident ? Avec un lien prêtre-bienfaiteur (mchod yon) ? Un bouddhisme relativement passif pour le grand public ? Des rituels complexes exécutés par des professionnels auxquels peuvent assister les fidèles ? La réponse peut évidemment être positive, cela dépend de chacun. Les centres et temples qui se vident en France fournissent peut-être un début de réponse. Disons que les bouddhistes tibétains de ma génération, inspirés par des yogis et des moines (souvent dans cet ordre), et des influenceurs moins avouables, voulaient souvent s’y engager davantage. Avec un ascenseur hiérarchique en panne… Pour faire de beaux rituels complexes dans des temples -- si c’est cela qu’on veut proposer dans le cadre de la transmission en Occident -- il faudra des “professionnels” ou des volontaires enthousiastes, moines ou yogis. Je ne pense pas qu’il y a réellement de l’intérêt pour cela (hormis en tant que spectacle ou événement), mais je peux me tromper. Et pourtant c’est cela que le bouddhisme tibétain semble vouloir offrir, et à quoi il passe le plus gros de son temps et énergie. Puis, la légende et le message d'une société théocratique ou "éveillée", façon Shambala, est-elle réellement encore une option ? Quant à la véritable paix mondiale, qui n'est pas une Pax impériale, ne commence-t-elle pas d'abord autour de soi ?

***

[1] Oeuvres complètes 1 et 2 répertoriées par Edward Henning.

[2] dpal dus kyi 'khor lo sku gsung thugs yong rdzogs kyi dkyil 'khor du byis pa 'jug pa'i dbang bskur bklag chog tu bkod pa ye shes rgya mtsho'i bcud 'dren
bdr:MW23723_9161F6

[3] Traduction automatique d'extraits choisis de la lettre en anglais ci-dessous
Over the past few years, the present incarnation has expelled some residential lamas of several Buddhist centers affiliated to our monastery , people who have had unwavering faith in his predecessor.”

In the future, only when the present incarnation regains everyone’s respect in worldly and religious terms will he be worthy of our dreams and hope in this life and beyond. One day, when he is fully capable of shouldering the responsibility, we will hand over the external and internal affairs of the monastery to him without being obstinate. However, if his current unethical and scandalous conduct were to continue, we have therefore resolved firmly, not to hand over this monastery and its affairs to him, although we have no power to interfere and restrain his personal actions. If we were to hand over the monastery to him now. thinking that he has the automatic obligation and responsibility to manage it. then our monastery and it’s monastic community would certainly come to be destroyed.”

[4] Lettre de Situ Rinpoche 27/08/2018
In Tibetan Buddhist the reincarnation system and tradition was established around 900 years ago and since then the responsibility of each reincarnated master is to uphold without question, according to their predecessors, all responsibility of authority, presentation and propagation of that individual lineage.

The late 1st Kyabje Kalu Rinpoche Karma Rangjung Kunkyab who was retreat master in Palpung Monastic Seat Tibet of Both Naro Retreat Center and Shangpa Retreat Center and who contributed tremendous spiritual guidance in many people's lives all around the world and also established numerous Buddhist Monasteries and Centers in various countries.

The Current 2nd Kyabje Kalu Rinpoche was recognized traditionally by me and confirmed by His Holiness Dalai Lama. Since then Kalu Rnpoche has full authority and responsibility to uphold the entire establishment of his predecessor and to preserve and propagate the genuine lineage of Buddha Dharma and guide and nurture the spiritual development of every follower according to the ways of the Holy Dharma.

For this, every Lama and disciple of Kalu Rinpoche serves under his direction and supports with full devotion and dedication for the sake of the lineage of Buddha Dharma and tor the benefit of all sentient beings.

The current Kalu Rinpoche also expressed several times to me that he wishes to uphold the lineage of Shangpa Kagyu as his main responsibility. Since that is Rinpoche's intention, it is very profound being as Rinpoche has the responsibility of upholding and serving the lineage of Buddha Dharma with Shangpa Kagyu being one of the important lineages of Tibetan Buddhism and his predecessor also used to practice Shangpa Kagyu and Dhagpo(Marpa) Kagyu
.” 

[5] 'Bo-dkar Mkhan-po Blo-gros-don-yod, Bde-bar-gshegs-pa'i Ring-lugs Spyi dang Bye-brag Rgyud Thams-cad-kyi Rgyal-po Dpal Dus-kyi-'khor-lo'i Chos-skor-gyi Byung-ba Brjod-pa Thub-bstan Mdzes-par Byed-pa'i Rgyan Indra-nî-la'i Phra-tshom, Bokar Ngedon Chokhor Ling (Darjeeling 2005), 727 pages, réf. BDRC W00EGS1016994.

jeudi 1 septembre 2022

Dare to know - Sapere aude

Sapere aude - Dare to know[1]

Sacrifice of Iphigenia (detail), Naples National Archaeological Museum

Disclosure of Conflicts of Interest: I was a student of the former Kalu Rinpoche (1905-1989).

The Dutch journalist Rob Hogendoorn (Open Buddhism website) published a short article “Enlightened Fleaing” on the public endorsement by Dilgo Khyentse Rinpoche and Kalu Rinpoche in the aftermath of the controversy around the Vajra Regent Ösel Tendzin. The article contains some interesting links such as a recording of the talk by Kalu Rinpoche to students of Chögyam Trungpa and the Vajra Regent and members of the Dharmadhātu center in Los Angeles on December 22th 1988. At that occasion Kalu Rinpoche was translated into English by Chökyi Nyima (Richard Barron). A short summary of questions and answers can be found in this article by Tashi Armstrong, Director of Dzogchen Meditation Center “which is dedicated to engaging the pith teachings of the Vidyadhara Chogyam Trungpa Rinpoche and Vajra Regent Osel Tendzin within a retreat setting”. 

The day before, December 21st 1988
(Youtube screen capture, "how to chose an authentic teacher")

Hearing the voices of Kalu Rinpoche and Richard Barron brought back memories to me, but this time, some forty years later, the effect was very different and quite terrifying. I recommend following the link to Stuart Lachs’ article Tibetan Buddhism Enters the 21st Century: Trouble in Shangri-la for general background information about what follows. The part that particularly interests me here in Lachs’ article is the following.
It is widely recognized that sexual abuse is to a large extent about power. That seems to be the case with the teachers discussed in this paper. Trungpa often had sex with the wives and girlfriends of students, and at the snap of a finger could have disciples forcibly stripped naked whether they agreed to it or not. A close disciple of Sogyal stated that Sogyal slept with the wives of some of his students, that is, aside from seducing other women, married or single who came to him for spiritual counseling. This is on top of the physical abuse and humiliation he dealt to his dakinis. The Sakyong we saw also seduced many young women, some involved with other men and ghosted them when he was finished with them. The Vajra Regent liked straight men who had no previous homosexual experience, in one case it was a young man less then half his age who he infected with HIV.” (Trouble in Shangri-la)
It’s the Vajra Regent’s transmission of HIV to his sexual partners, knowing he had AIDS, that had caused the turmoil in the “Vajradhatu International Buddhist Church”.
Osel Tendzin, the 45-year-old regent of the Vajradhatu International Buddhist Church, is said to be in seclusion in La Jolla, Calif., and could not be reached for comment. Many members have urged that he resign, after a man with whom he had sex received a positive test for the AIDS virus. In December, a high priest of Tibetan Buddhism told a group of American Buddhists that there was concern that Mr. Tendzin ''might have passed this on to many, many people.'' (New York Times February 21st, 1989).
The “high priest” mentioned in the article was no doubt Kalu Rinpoche. Here are some extracts from his talk to Trungpa students on December 22th 1988.
All of you here have as your main lama Trungpa Rinpoche. And after him your lama is the Vajra Regent Osel Tendzin. Now in the Vajrayana our main samaya is to our root lama and after this with our vajra brothers and sisters. Now, basically there are many ways of describing samaya to the root lama but in brief one would say that one must regard everything that they do with sacred vision – whatever they do as being excellent. And we must take as truth everything that they say. These two points briefly summarize the samaya that one has with the root lama.

So we must never turn away from your faith and your respect and devotion for the lama. Now once again your main root lama is Trungpa Rinpoche and the Vajra Regent Osel Tendzin is also your lama. So all of you have a very strong connection as vajra brothers and sisters. It’s important for all of you because you have this very close samaya with your teacher and with one another that there be no anger, fighting, disharmony within the sangha. And if this is the case if you are able to maintain your samaya connection with your lamas and with one another. Then it is possible for any sickness, any disturbance to be pacified and to disappear and that all of you continue your practice in great happiness and in great harmony.”

Getting upset, getting angry at persons you feel are spreading AIDS or spreading disturbance within the sangha is only breaking samaya. There is absolutely no benefit whatsoever to doing this.

So what we have to do as to our practice is to put our trust in the three jewels to help persons who have AIDS or other sicknesses to do what we can to benefit others. If in the future the American government comes in and says these persons are spreading diseases – if they come to that particular conclusion. A person who is in that situation has to admit what has happened. We have no other means but to face up to the government authorities if they happen to investigate this particular situation, but this isn’t our role as Buddhists.”
The transmission of HIV was obviously an aggravating factor, and the direct cause of the negative media publicity. The promiscuous conduct of the teachers in itself wouldn’t have made the headlines, and would certainly not have caused a turmoil in the Vajradhatu saṅgha. See the following exchange of questions and answers.
56:08 Question: Rinpoche you have said many things in terms of proper attitude for the students towards the teacher. I am wondering what is the proper attitude for the teacher towards the students at this time and also towards the students that the teacher may have, in some way, physically, or causing them to experience so much negative emotion.

57:55 [Translator (Richard Barron) sighs] Well you know, he gives the example of Marpa and Milarepa [slight laughter in the audience]. Marpa was terrible to Milarepa. He forced him to undergo a tremendous number of hardships. His whole body back and front was one big scar. Marpa insisted and had given him the command to build a nine-story house all by himself. A tremendously difficult task that Marpa had Milarepa do. So Rinpoche says this is an example of a lama being extremely hard on his student, making a lot of difficulties for his student. He says the lama acts in various ways.

59:36 Or, for example, in the past Nāropa had a wife. He loved his wife very very much. Tilopa asked Nāropa to offer his wife to Tilopa. Nāropa did so with sacred vision (tib. dag snang) and faith and respect to his lama. Tilopa was very pleased by this particular offering and he was very happy to be with Nāropa’s wife (laughter). However, at one particular occasion they were out in public and Nāropa had a chance to see his wife again and he looked very longingly at his wife. Tilopa noticed this and got completely enraged at Nāropa and said ‘How do you dare look at this woman with desire and he beat him, so he wasn’t able to move for a few days (laughter).

1:00:45 Question: Rinpoche, when we study the stories of the teachers, we understand that the teacher has done those things with full consciousness of knowing what he is doing. In this particular case the Regent has said that he did what he did through ignorance. This does not seem the same.

[In his translation of the question, the translator refers to the stories of the 84 mahāsiddhas and the “full consciousness” is translated as clairvoyance (abhijñā, mngon shes). Ignorance is translated as avidyā, ma rig pa.]

1:02:40 Whatever the case, when we take refuge, we take refuge in the saṅgha and we take refuge in two levels of the saṅgha, both the higher, the enlightened saṅgha, those persons who have both extraordinary mental powers and full consciousness as you say, they have miracle powers, but we also take refuge in the saṅgha of ordinary persons who teach the dharma and lead us to liberation. However Rinpoche says whether in this case it’s appropriate to say that Ösel Tendzin is a member of the Enlightened saṅgha or the Saṅgha of ordinary beings, he says well, students are often unable to see the full enlightenment or the miracle powers of the other teachers. E.g in the region where Marpa lived, except for very few people of that particular region, nobody had any awareness of his complete enlightenment as well as of his miracle powers. People just referred to him as old man Marpa.”
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The anecdote about Nāropa told by Kalu Rinpoche comes from Nāropa’s hagiography (mKhas grub kun gyi gtusg rgyan paN chen nA ro pa’i rnam thar ngo mtshar rmad byung), written by Lha’i btsun pa Rin chen rNam rGyal (1473 - 1557), a student of Tsangnyön Heruka (1452–1507), 500 years after Nāropa’s life (11th century). It differs from the anecdote told by Kalu Rinpoche in that Tilopa beats up the “girl”, Nāropa’s sexual consort (mudrā). Below is Guenther’s translation of the passage. I added the Tibetan terms between brackets. Mahāmudrā has to be understood here in the tantric sense of mahāmudrā.
Again Tilopa acted [sat silent and motionless] for one year as before. When Nāropa made his maṇḍala and venerated him with folded hands, Tilopa glanced once at him. Nāropa prayed and asked for instruction. 'If you want instruction, give me your girl (shes rab ma)!' When Nāropa did so, the girl turned her back to Tilopa, looked at Nāropa, smiled and cast sidelong glances at him. Tilopa beat her (phyag rgya mo) and said: 'You do not care for me, you only care for Nāropa.' Nāropa did not lose faith in the propriety of his Guru's action, and when he sat there happily without the girl, Tilopa asked him: 'Are you happy, Nāropa?'
And Naropa answered
:

Bliss is to offer the Mudrā as fee
To the Guru who is Buddha himself, unhesitatingly[2].

Tilopa said:

You are worthy of bliss eternal, Nāropa,
On the path of infinite Reality.
Look into the mirror of your mind, which is Mahāmudrā,
The mysterious home (gsang ba’i gnas) of the Ḍākinī[3].

And he gave him the instruction on the illumining Mahāmudrā transcending awareness
.” (The Life and Teaching of Nāropa, Herbert V. Guenther, Shambala, 1995, p. 80)
The girl was not Nāropa’s wife, but the mudrā he found a year earlier when Tilopa told him to get a mudrā (phyag rgya ma long). But in the context of the Vajradhatu situation, “wife” certainly was more appropriate. It showed that in a classic or optimal guru-student relationship, a student would give up his/her wife/partner happily and “unhesitatingly”. The relationship between Tilopa and Nāropa is often quoted as a model for the guru-student relation, especially when things go awry.

A couple years later (1992), another “high priest” of Tibetan Buddhism conveyed to Trungpa’s students that if a lama showed sexual interest in one, it ought to be considered an honor. During a Dzogchen retreat, Gyatrul Rinpoche (born in 1925) talked to a large group about the proper conduct for students to whom a lama bodhisattva shows sexual interest:
"So if you are doing the Shambhala training, and if you have faith in the place of Shambhala and in those great enlightened beings who have manifested in this place for our welfare, then the blessings that enter your mind will be very swift, and this will help increase your own understanding of your Buddha nature. … Shambhala is not to be mistaken with Shangri-la. Everyone thinks: ‘I want to go there.’ But that’s just made up, that’s a movie…. Now this is really not my business, but I want to mention anyway, to some of the women who are the sagyum, or the consorts, of Trungpa Rinpoche, you should be very careful about your attitude. Don’t have an ordinary mind about it, thinking in an ordinary sense: ‘Oh, he slept with me, so I’m equal to him; this makes me special, because he slept with me.’ This is not the way that a sagyum of someone like this should think. It’s the sagyum’s responsibility to consider that he saw in you a karmic connection that could be cultivated. And consider that it was because of his kindness in recognizing your karma that there was an ability to cultivate that and bring that out. If you have an attitude of him with humility and devotion, then if you follow whatever teachings he gave you, because of the special aspect of your connection with him this can be of tremendous benefit to you. If you cultivate your situation, you can then go ahead and be of tremendous benefit to others. But if you fail to see the level of the connection and think of it as being only ordinary, and elevate your pride and ego, you’ve really failed in that connection. That would be like sleeping with a king-but he was not a king, he was a great bodhisattva. There’s a difference."[4]
Coming back to Kalu Rinpoche, what is more disturbing in the context of the Vajra Regent’s knowingly spreading of AIDS is preventing one of his own students from informing Vajradhatu students about the Vajra Regent’s situation. 
In Los Angeles, Lama Ken McLeod[5], a senior student of the late Kalu Rinpoche, consulted with the Center for Disease Control and the Los Angeles Buddhist AIDS Project, then prepared to announce publicly the details of Tendzin’s illness so that those at risk could take appropriate and responsible steps. Before he could do so, senior Vajradhatu officials approached Kalu Rinpoche, then visiting in Los Angeles, and within the hour Ken McLeod was told that Rinpoche required that he not speak publicly about Tendzin. McLeod obeyed the wishes of his teacher.” (The Sun Magazine issue 162, in reaction to the essay When the Teacher fails by Stephen Butterfield)
Some Trungpa students now seem to admit that the Vajra Regent was for the least controversial, but that he is still essential to the transmission of the Trungpa and Shambhala lineage. Without him Trungpa's transmission would be lost.
The Vajra Regent will forever remain a controversial lineage holder in the Trungpa and Shambhala lineage. However he holds a tremendously important place in the transmission of this authentic lineage. He is so important, in fact, that without thoroughly studying and integrating his oral instructions and commentaries this authentic transmission will be lost and the fresh and profound Trungpa lineage will end with our generation. That is why we continue to study and practice according to both the Vidyadhara's and Vajra Regent's instructions.” (Tashi Armstrong)
And that’s why the Vajra Regents rehabilitation was absolutely necessary. Who dies when the lineage live!

***

[1]Originally used in the First Book of Letters (20 BC), by the Roman poet Horace, the phrase Sapere aude became associated with the Age of Enlightenment, during the 17th and 18th centuries, after Immanuel Kant used it in the essay, "Answering the Question: What Is Enlightenment?" (1784). As a philosopher, Kant claimed the phrase Sapere aude as the motto for the entire period of the Enlightenment, and used it to develop his theories of the application of reason in the public sphere of human affairs.” Wikipedia

[2] ltos med bla ma sangs rgyas la// shes rab yon phul rnal ‘byor (b)de//

[3] chos nyid klong gi lam chen du// bde yang rung gi nA ro pa// mkha’ ‘gro ma yi gsang ba’i gnas/ phyag chen sems kyi me long ltos// phyag rgya chen po ye shes gsal byed kyi gdams ngag gnang ngo/

[4] Gyatrul Rinpoche, Oral Commentary on the Natural Great Perfection by Dudjom Lingpa, given in Boulder, 1992, trans. Sangye Khandro, ed. Ian Villarreal, later published by (Ashland, Oregon: Mirror of Wisdom Publications, 2000), 58-59

[5] Ken McCleod: "In 1988, I moved away from both the teacher-center model and the minister-church model and developed a consultant-client model. This model later became the basis for Unfettered Mind." Unfettered Mind, About Ken McCleod

vendredi 12 novembre 2021

Des enfants dans les monastères ?

"Shangri-La" poster

Les jeunes moines bouddhistes souriants dans leur milieu monastique au Tibet, en Inde, au Bhoutan, au Népal, etc. sont vraiment très photogéniques. Difficile de rater la photo, capable de faire craquer le cœur d’un sponsor potentiel. Quelle chance ont ces jeunes enfants de grandir dans un milieu bouddhiste expert et bienveillant, et d'être exposé à la théorie et la pratique de la doctrine du Bouddha. 

Enfants et adultes de l'Himalaya, Matthieu Ricard

Ils seront sans doute un jour des adultes épanouis, qu’ils restent moines ou qu’ils redeviennent laïcs. S’ils sont intelligents et qu’ils ont de bonnes dispositions, étant pris en charge dès leur plus jeune âge, ils pourront même devenir des maîtres spirituels hors pair. Les jeunes moines sont un investissement idéal pour à la fois sauvegarder la culture bouddhiste tibétaine et d’aider les tibétains en exil ainsi que les porteurs de cette culture. Si on aime le bouddhisme tibétain et/ou la cause tibétaine, le soutien de jeunes enfants dans les monastères semble aller de soi. Il y a eu des tentatives d’implanter le même type de projets (éducation “holistique”, à la fois “scientifique” et religieuse sur le sol européen, p.e. OKC).

Enseignement à Shechen, Népal

Voilà le facteur Shangri-La, savamment entretenu avec beaucoup defforts, envers toutes sortes d’obstacles, qui font l’actualité notamment depuis l’été 2017. Il y a eu un autre réveil, il y a 10 ans, en novembre 2011, avec la publication sur Youtube des Confessions de Kalou Rinpoché II. Celui-ci raconte comment pendant son adolescence, il avait été régulièrement violé durant plusieurs années par des moines plus âgés dans un monastère en Inde.
Mais Kalu dit que dans les premières années de son adolescence, il a été abusé sexuellement par une bande de moines plus âgés qui se rendaient dans sa chambre chaque semaine. Quand j’aborde la notion d’ « attouchements », il éclate d’un rire tendu. C’était du sexe hard-core, dit-il, avec pénétration. « La plupart du temps ils venaient seuls », dit-il. « Ils frappaient violemment à la porte et je devais ouvrir. Je savais ce qui allait se passer, et après on finit par s’habituer ». C’est seulement après son retour au monastère après la retraite de trois ans, qu’il a réalisé à quel point cette pratique était incorrecte. Il dit qu’à ce moment-là le cycle avait recommencé sur une plus jeune génération de victimes.” 
Il peste contre le coût humain du système monastique, qui consomme des milliers d’enfants, simples moines et tulkus vénérés, sans leur fournir d’éducation pratique ou de solution de repli, tout ça pour produire une poignée de maîtres spirituels commercialement brillants. « Le système des tulkus c’est comme des robots », dit-il. « Vous construisez 100 robots, et peut-être que 20 % réussiront alors que 80 % seront mis au rebut.”[1]
Lors d’une conférence publique à Marseille (janvier 2013, j’y étais), il avait expliqué que depuis 2010, on ne prenait plus de novices dans son monastère de Sonada. Il préférait que la voie monastique soit suivie par des personnes avec une pleine expérience de la vie qui la choisissent de plein gré et en connaissance de cause.[2]
Le jeune Yangsi Kalou avait été éduqué par son père, Lama Gyaltsen Ratak (le neveu du premier Kalou rinpoché), jusqu’à la mort de celui-ci en 1999. Il avait alors 9 ans. Peu après, il fut décidé de son départ au monastère de Mirik, pour y étudier avec Bokar Rinpoché. Il reçut de lui toutes les initiations et instructions de la lignée Shangpa et entra en retraite à l’âge de 15 ans (2005). Il sortit de retraite en septembre 2008 peu avant ses 18 ans. « Il dit qu’à ce moment-là le cycle avait recommencé sur une plus jeune génération de victimes. "…[3] 
A partir de cette sortie de retraite, il devait assumer la succession de son prédécesseur Kalou Rinpoché I, tâche impossible. Sans parler même de réalisation spirituelle, les décalages étaient trop nombreux et trop grands. Les temps avaient changé. Il était visiblement mal à l’aise et a dû passer par une sorte de dépression.

En 2011, il était prêt à assumer son rôle et au mois d’avril congédia l'ancienne équipe de Kagyu Ling avec le soutien de Taï Sitou Rinpoché. Il mit en place une nouvelle équipe de lamas occidentaux. Certains membres de l'ancienne équipe étaient accusés de viol. Il y a eu des condamnations depuis. Fin septembre 2011, il parla pour la première fois des viols qu’il avait subis, dans sa jeunesse monastique.[4]

A part cela, et quelques décisions (HIV et éducation sexuelle) du gouvernement Bhoutanais qui s’appliquent (aussi) à des problèmes dans les monastères au Bhoutan, nous ne savons pas ce qui s’y passe réellement. Une des sources souvent citées est The Struggle for Modern Tibet: The Autobiography of Tashi Tsering par Melvyn Goldstein, William Siebenschuh, Tashi Tsering.
Le mot tibétain pour désigner un garçon dans ma situation est drombo. Dans notre langue, ce mot signifie littéralement "invité", mais c'est aussi un euphémisme pour "partenaire (passif) homosexuel". En raison du statut et de la visibilité de Wangdu, je suis devenu un drombo très connu, et ma réputation a parfois causé plus de problèmes que je ne pouvais en gérer. Par exemple, un jour, un moine puissant du monastère de Sera a été attiré par moi et a fait plusieurs tentatives avortées pour m'enlever pour son plaisir sexuel. Parmi les moines de Sera figuraient de nombreux dobdos célèbres, ou moines "punks". Il s'agissait de moines déviants acceptés qui portaient des armes et se pavanaient dans les rues, se distinguant dans la foule par leur agressivité ouverte et leur façon particulière de s'habiller. Ils étaient également connus pour se battre entre eux pour voir qui était le plus fort et pour leur prédation sexuelle sur les garçons laïcs. Tous les écoliers de Lhassa étaient des proies faciles pour ces dobdos, et la plupart d'entre eux essayaient de rentrer de l'école en groupe pour se protéger d'eux.[5]” (traduit avec www.DeepL.com).
Parfois, des universitaires me disent qu’il n’existe au fond que ce témoignage-là. C’est vrai, il n’y a pas beaucoup de témoignages à ce sujet. Il n’y a pas beaucoup de curiosité pour la situation des jeunes moines et les abus de ceux-ci dans les monastères bouddhistes tibétains. Je ne connais pas d’études à ce sujet, ni d'enquêtes ou de statistiques. Ni de la part des autorités religieuses, des gouvernements de pays bouddhistes ou du gouvernement en exil du peuple tibétain en Inde, ni même de la part des universitaires occidentaux, tibétologues, bouddhologues, anthropologues, etc. Et pourtant, nous savons que les abus et la pédocriminalité ont lieu dans tous les milieux, y compris religieux, et certainement depuis la publication du rapport CIASE sur les abus dans l’Eglise catholique en France.


Qu’est-ce qui explique ce manque d’intérêt pour la problématique des abus dans les monastères bouddhistes tibétains ? Les hiérarques tibétains et leurs représentants ne s’y intéressent pas et ne se sentent pas responsables, les journalistes (à quelques très rares exceptions près) ne s’y intéressent pas et brossent leurs invités bouddhistes tibétains dans le sens des poils Shangri-la. Les universitaires français et occidentaux ne s’y intéressent pas beaucoup[6] (je vous serais très reconnaissant de me contredire à ce sujet), les fidèles ne s’y intéressent pas, cette question les embarrasse le plus souvent. Dans ce grand silence, il ne reste donc que la propagande Shangri-La habituelle, qui continue son bonhomme de chemin, sans contradiction. Les monastères bouddhistes tibétains en Asie seraient des lieux d’amour, de compassion, d’altruisme par excellence, on n’y trouverait pas les mêmes tares qu’en Occident. Les moinillons continuent d’être heureux et souriants sur les photos, et si vous pouviez aider les monastères à continuer de les aider, et le rêve de Shangri-La (ou de lÂge dor) de se réaliser, ce serait vraiment très chouette.


Récemment, je tombais sur le site Shangpakagyu, qui représente les monastères de Sonada et Salugara de Kalou Rinpoché II. On y voit des photos de jeunes moines, avec des formules de sponsoring, “les enfants comptent sur vous”. Apparemment, Kalou Rinpoché II a changé d’avis, et continue désormais (de quand date la reprise ?) la tradition de prendre de tout jeunes enfants dans des monastères bouddhistes tibétains, en faisant appel à de généreux donateurs.

En attendant des statistiques sur le nombre d’enfants confiés aux monastères, librement ? Par leurs parents ? Pour quelles raisons ? Des raisons économiques, autres ? Quelle est l’éducation qu’ils y reçoivent ? Obtiennent-ils des diplômes utiles et généralement reconnus ? Combien parmi eux quittent le monastère ? Combien ? A quel âge ? Pourquoi ? Combien restent moine ? Comment se déroule leur carrière monastique ? Combien ont été victimes d’abus par des moines plus âgés ? Que s’est-il passé ensuite ? Comment les monastères luttent-ils contre les abus ?

Je reprends ici ma conclusion de mon blog Le prix à payer pour Shangri-La du 20 octobre 2021 :
C’est à se demander si plus on continue à faire miroiter la beauté, Shangri-La, d’un côté, et plus cela donne envie de l’autre, en créant une demande forte et une générosité forte. Placer des bémols à cette vision risquerait de faire s’effondrer cette demande et cette générosité dans l'exceptionnalisme bouddhiste, et à mettre en danger la “culture tibétaine traditionnelle en pleine vigueur”."
En attendant, un article dans Payul nous apprend le défroquage forcé et l’expulsion des monastères de jeunes moines (11-15 ans) en Amdo (Tibet). Pas de la bonne manière, pas forcément pour les bonnes raisons, et qu'est-ce qui se passent avec ces enfants ? Mais des musées à ciel ouvert ou des réserves de bouddhisme tibétains, avec enrôlement d'enfants ne sont plus une solution acceptable de nos jours.

***

[1] Leaving Om: Buddhism's lost lamas" / site mirror. Traduction française de l'article : Les lamas perdus du bouddhisme

[2] Blog Des anges oui, de langélisme non 30 mars 2013

[3] Blog Le silence incorrect 20 décembre 2015

[4]L’article wikipédia sur Kalour rinpoché nous apprend que c’est pendant la session de questions à la fin d’une conférence donnée à Vancouvert en automne 2011, que suite à une question posée par un étudiant sur l’abus sexuel et la sexualisation d’enfants en occident, Yangsi Kalou rinpoché parle pour la première fois des viols qu’il avait subi à l’âge de 12 et 13 ans (donc app. en 2002-2003). C’est suite à cette révélation, et « pour ne pas que cette histoire devienne une rumeur infondée » qu’il avait posté la vidéo sur youtube.” Blog Le silence incorrect 20 décembre 2015

[5]The Tibetan word for a boy in my situation is drombo. In our language the word literally means “guest,” but it also is a euphemism for “homosexual (passive) partner.” Because of Wangdu’s status and visibility, I became a very well-known drombo, and my reputation sometimes caused more trouble than I could handle. For example, once a powerful monk from the Sera Monastery became attracted to me and made several abortive attempts to abduct me for sexual pleasure. The monks of Sera included many famous dobdos, or “punk” monks. These were accepted deviant monks who carried weapons and swaggered through the streets, standing out in a crowd because of their openly aggressive manner and distinctive way of dressing. They were also notorious for fighting with each other to see who was toughest and for their sexual predation of lay boys. All schoolboys in Lhasa were fair game for these dobdos, and most tried to return from school in groups for protection against them.”

[6] Je parle plus précisément ici de la pédocriminalité au sein de monastères bouddhistes tibétains. Pour ce qui est des abus sur des adeptes bouddhistes occidentaux, il y a eu des publications, notamment en France, la thèse de Marion Dapsance sur Rigpa.