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vendredi 12 novembre 2021

Des enfants dans les monastères ?

"Shangri-La" poster

Les jeunes moines bouddhistes souriants dans leur milieu monastique au Tibet, en Inde, au Bhoutan, au Népal, etc. sont vraiment très photogéniques. Difficile de rater la photo, capable de faire craquer le cœur d’un sponsor potentiel. Quelle chance ont ces jeunes enfants de grandir dans un milieu bouddhiste expert et bienveillant, et d'être exposé à la théorie et la pratique de la doctrine du Bouddha. 

Enfants et adultes de l'Himalaya, Matthieu Ricard

Ils seront sans doute un jour des adultes épanouis, qu’ils restent moines ou qu’ils redeviennent laïcs. S’ils sont intelligents et qu’ils ont de bonnes dispositions, étant pris en charge dès leur plus jeune âge, ils pourront même devenir des maîtres spirituels hors pair. Les jeunes moines sont un investissement idéal pour à la fois sauvegarder la culture bouddhiste tibétaine et d’aider les tibétains en exil ainsi que les porteurs de cette culture. Si on aime le bouddhisme tibétain et/ou la cause tibétaine, le soutien de jeunes enfants dans les monastères semble aller de soi. Il y a eu des tentatives d’implanter le même type de projets (éducation “holistique”, à la fois “scientifique” et religieuse sur le sol européen, p.e. OKC).

Enseignement à Shechen, Népal

Voilà le facteur Shangri-La, savamment entretenu avec beaucoup defforts, envers toutes sortes d’obstacles, qui font l’actualité notamment depuis l’été 2017. Il y a eu un autre réveil, il y a 10 ans, en novembre 2011, avec la publication sur Youtube des Confessions de Kalou Rinpoché II. Celui-ci raconte comment pendant son adolescence, il avait été régulièrement violé durant plusieurs années par des moines plus âgés dans un monastère en Inde.
Mais Kalu dit que dans les premières années de son adolescence, il a été abusé sexuellement par une bande de moines plus âgés qui se rendaient dans sa chambre chaque semaine. Quand j’aborde la notion d’ « attouchements », il éclate d’un rire tendu. C’était du sexe hard-core, dit-il, avec pénétration. « La plupart du temps ils venaient seuls », dit-il. « Ils frappaient violemment à la porte et je devais ouvrir. Je savais ce qui allait se passer, et après on finit par s’habituer ». C’est seulement après son retour au monastère après la retraite de trois ans, qu’il a réalisé à quel point cette pratique était incorrecte. Il dit qu’à ce moment-là le cycle avait recommencé sur une plus jeune génération de victimes.” 
Il peste contre le coût humain du système monastique, qui consomme des milliers d’enfants, simples moines et tulkus vénérés, sans leur fournir d’éducation pratique ou de solution de repli, tout ça pour produire une poignée de maîtres spirituels commercialement brillants. « Le système des tulkus c’est comme des robots », dit-il. « Vous construisez 100 robots, et peut-être que 20 % réussiront alors que 80 % seront mis au rebut.”[1]
Lors d’une conférence publique à Marseille (janvier 2013, j’y étais), il avait expliqué que depuis 2010, on ne prenait plus de novices dans son monastère de Sonada. Il préférait que la voie monastique soit suivie par des personnes avec une pleine expérience de la vie qui la choisissent de plein gré et en connaissance de cause.[2]
Le jeune Yangsi Kalou avait été éduqué par son père, Lama Gyaltsen Ratak (le neveu du premier Kalou rinpoché), jusqu’à la mort de celui-ci en 1999. Il avait alors 9 ans. Peu après, il fut décidé de son départ au monastère de Mirik, pour y étudier avec Bokar Rinpoché. Il reçut de lui toutes les initiations et instructions de la lignée Shangpa et entra en retraite à l’âge de 15 ans (2005). Il sortit de retraite en septembre 2008 peu avant ses 18 ans. « Il dit qu’à ce moment-là le cycle avait recommencé sur une plus jeune génération de victimes. "…[3] 
A partir de cette sortie de retraite, il devait assumer la succession de son prédécesseur Kalou Rinpoché I, tâche impossible. Sans parler même de réalisation spirituelle, les décalages étaient trop nombreux et trop grands. Les temps avaient changé. Il était visiblement mal à l’aise et a dû passer par une sorte de dépression.

En 2011, il était prêt à assumer son rôle et au mois d’avril congédia l'ancienne équipe de Kagyu Ling avec le soutien de Taï Sitou Rinpoché. Il mit en place une nouvelle équipe de lamas occidentaux. Certains membres de l'ancienne équipe étaient accusés de viol. Il y a eu des condamnations depuis. Fin septembre 2011, il parla pour la première fois des viols qu’il avait subis, dans sa jeunesse monastique.[4]

A part cela, et quelques décisions (HIV et éducation sexuelle) du gouvernement Bhoutanais qui s’appliquent (aussi) à des problèmes dans les monastères au Bhoutan, nous ne savons pas ce qui s’y passe réellement. Une des sources souvent citées est The Struggle for Modern Tibet: The Autobiography of Tashi Tsering par Melvyn Goldstein, William Siebenschuh, Tashi Tsering.
Le mot tibétain pour désigner un garçon dans ma situation est drombo. Dans notre langue, ce mot signifie littéralement "invité", mais c'est aussi un euphémisme pour "partenaire (passif) homosexuel". En raison du statut et de la visibilité de Wangdu, je suis devenu un drombo très connu, et ma réputation a parfois causé plus de problèmes que je ne pouvais en gérer. Par exemple, un jour, un moine puissant du monastère de Sera a été attiré par moi et a fait plusieurs tentatives avortées pour m'enlever pour son plaisir sexuel. Parmi les moines de Sera figuraient de nombreux dobdos célèbres, ou moines "punks". Il s'agissait de moines déviants acceptés qui portaient des armes et se pavanaient dans les rues, se distinguant dans la foule par leur agressivité ouverte et leur façon particulière de s'habiller. Ils étaient également connus pour se battre entre eux pour voir qui était le plus fort et pour leur prédation sexuelle sur les garçons laïcs. Tous les écoliers de Lhassa étaient des proies faciles pour ces dobdos, et la plupart d'entre eux essayaient de rentrer de l'école en groupe pour se protéger d'eux.[5]” (traduit avec www.DeepL.com).
Parfois, des universitaires me disent qu’il n’existe au fond que ce témoignage-là. C’est vrai, il n’y a pas beaucoup de témoignages à ce sujet. Il n’y a pas beaucoup de curiosité pour la situation des jeunes moines et les abus de ceux-ci dans les monastères bouddhistes tibétains. Je ne connais pas d’études à ce sujet, ni d'enquêtes ou de statistiques. Ni de la part des autorités religieuses, des gouvernements de pays bouddhistes ou du gouvernement en exil du peuple tibétain en Inde, ni même de la part des universitaires occidentaux, tibétologues, bouddhologues, anthropologues, etc. Et pourtant, nous savons que les abus et la pédocriminalité ont lieu dans tous les milieux, y compris religieux, et certainement depuis la publication du rapport CIASE sur les abus dans l’Eglise catholique en France.


Qu’est-ce qui explique ce manque d’intérêt pour la problématique des abus dans les monastères bouddhistes tibétains ? Les hiérarques tibétains et leurs représentants ne s’y intéressent pas et ne se sentent pas responsables, les journalistes (à quelques très rares exceptions près) ne s’y intéressent pas et brossent leurs invités bouddhistes tibétains dans le sens des poils Shangri-la. Les universitaires français et occidentaux ne s’y intéressent pas beaucoup[6] (je vous serais très reconnaissant de me contredire à ce sujet), les fidèles ne s’y intéressent pas, cette question les embarrasse le plus souvent. Dans ce grand silence, il ne reste donc que la propagande Shangri-La habituelle, qui continue son bonhomme de chemin, sans contradiction. Les monastères bouddhistes tibétains en Asie seraient des lieux d’amour, de compassion, d’altruisme par excellence, on n’y trouverait pas les mêmes tares qu’en Occident. Les moinillons continuent d’être heureux et souriants sur les photos, et si vous pouviez aider les monastères à continuer de les aider, et le rêve de Shangri-La (ou de lÂge dor) de se réaliser, ce serait vraiment très chouette.


Récemment, je tombais sur le site Shangpakagyu, qui représente les monastères de Sonada et Salugara de Kalou Rinpoché II. On y voit des photos de jeunes moines, avec des formules de sponsoring, “les enfants comptent sur vous”. Apparemment, Kalou Rinpoché II a changé d’avis, et continue désormais (de quand date la reprise ?) la tradition de prendre de tout jeunes enfants dans des monastères bouddhistes tibétains, en faisant appel à de généreux donateurs.

En attendant des statistiques sur le nombre d’enfants confiés aux monastères, librement ? Par leurs parents ? Pour quelles raisons ? Des raisons économiques, autres ? Quelle est l’éducation qu’ils y reçoivent ? Obtiennent-ils des diplômes utiles et généralement reconnus ? Combien parmi eux quittent le monastère ? Combien ? A quel âge ? Pourquoi ? Combien restent moine ? Comment se déroule leur carrière monastique ? Combien ont été victimes d’abus par des moines plus âgés ? Que s’est-il passé ensuite ? Comment les monastères luttent-ils contre les abus ?

Je reprends ici ma conclusion de mon blog Le prix à payer pour Shangri-La du 20 octobre 2021 :
C’est à se demander si plus on continue à faire miroiter la beauté, Shangri-La, d’un côté, et plus cela donne envie de l’autre, en créant une demande forte et une générosité forte. Placer des bémols à cette vision risquerait de faire s’effondrer cette demande et cette générosité dans l'exceptionnalisme bouddhiste, et à mettre en danger la “culture tibétaine traditionnelle en pleine vigueur”."
En attendant, un article dans Payul nous apprend le défroquage forcé et l’expulsion des monastères de jeunes moines (11-15 ans) en Amdo (Tibet). Pas de la bonne manière, pas forcément pour les bonnes raisons, et qu'est-ce qui se passent avec ces enfants ? Mais des musées à ciel ouvert ou des réserves de bouddhisme tibétains, avec enrôlement d'enfants ne sont plus une solution acceptable de nos jours.

***

[1] Leaving Om: Buddhism's lost lamas" / site mirror. Traduction française de l'article : Les lamas perdus du bouddhisme

[2] Blog Des anges oui, de langélisme non 30 mars 2013

[3] Blog Le silence incorrect 20 décembre 2015

[4]L’article wikipédia sur Kalour rinpoché nous apprend que c’est pendant la session de questions à la fin d’une conférence donnée à Vancouvert en automne 2011, que suite à une question posée par un étudiant sur l’abus sexuel et la sexualisation d’enfants en occident, Yangsi Kalou rinpoché parle pour la première fois des viols qu’il avait subi à l’âge de 12 et 13 ans (donc app. en 2002-2003). C’est suite à cette révélation, et « pour ne pas que cette histoire devienne une rumeur infondée » qu’il avait posté la vidéo sur youtube.” Blog Le silence incorrect 20 décembre 2015

[5]The Tibetan word for a boy in my situation is drombo. In our language the word literally means “guest,” but it also is a euphemism for “homosexual (passive) partner.” Because of Wangdu’s status and visibility, I became a very well-known drombo, and my reputation sometimes caused more trouble than I could handle. For example, once a powerful monk from the Sera Monastery became attracted to me and made several abortive attempts to abduct me for sexual pleasure. The monks of Sera included many famous dobdos, or “punk” monks. These were accepted deviant monks who carried weapons and swaggered through the streets, standing out in a crowd because of their openly aggressive manner and distinctive way of dressing. They were also notorious for fighting with each other to see who was toughest and for their sexual predation of lay boys. All schoolboys in Lhasa were fair game for these dobdos, and most tried to return from school in groups for protection against them.”

[6] Je parle plus précisément ici de la pédocriminalité au sein de monastères bouddhistes tibétains. Pour ce qui est des abus sur des adeptes bouddhistes occidentaux, il y a eu des publications, notamment en France, la thèse de Marion Dapsance sur Rigpa.

samedi 23 octobre 2021

L’enfumologie bouddhiste

Offrande de fumée (tib. bsang mchod) - (photo : site Lotsawa)

Grâce à une émission de France Culture, je découvre le mot agnotologie[1], la science de l’ignorance, et les agnotologues, qui pratiquent cette “science”, qui est en fait une entreprise de désinformation, de “production volontaire de l’ignorance”. Le contexte c’est l’industrie du tabac qui a produit une contre-science pendant 40 ans, produite par des “vrais” scientifiques à la demande de leur commanditaire.
Une demi-douzaine de prix Nobel, de physiologie et de médecine ont eu leurs travaux initiés par l'industrie du tabac. [...] Une grande partie de la question réside dans la manière dont cette connaissance nouvelle va être utilisée politiquement”. Stéphane Foucart, auteur de La fabrique du mensonge (Editions Denoël)
On pourrait aussi parler en bon français de “enfumologie” et de “enfumologues”... Ce qui m’intéresse dans ce concept à plusieurs définitions, c’est “l’ignorance produite”, intentionnellement, avec l’aide de scientifiques, d’universitaires, d’experts, d'hagiographes et autohagiographes, etc. qui ont souvent pignon sur rue. Un prix Nobel est évidemment un atout très impressionnant...

Trungpa, en costume colonial, enfumant l'Amérique
 (photo :balkhandshambhala.blogspot
)

Dans la maîtrise des dégâts (“damage control”), il s’agit d’éviter par tous les moyens qu’une vérité émerge et risque de nuire à la renommée d’un individu, d’une institution, d’une organisation. Mettre sous pression ceux qui veulent donner l’alerte, et faire émerger une vérité, les empêcher de parler, les décrédibiliser, minimiser les faits/les allégations, en trouvant toutes sortes d’explications et de justifications, rappeler que les choses alléguées ne sont pas l’apanage de l’individu ou de l’institution en question, qu’elles sont même habituelles, etc. Et cela tout en continuant la communication habituelle, comme si de rien n’était.

Enfumage à Shechen
(photo :Dilgo Khyentse Fellowship - Shechen
)

On peut aussi allumer des contre-feux et faire distraction en pointant vers d’autres problèmes en espérant que le buzz prenne. On peut rappeler tous les bienfaits de l’individu ou de l’institution pour équilibrer... et séparer l'oeuvre d'art et l'artiste. L’industrie du tabac était un sacré créateur d’emploi et permettait à l’état de remplir les caisses. Voulez-vous réellement détruire tous ces emplois, réduire ces revenus de l’état ? Comment ferait-on pour rembourser le trou des caisses de la sécurité sociale ?

Chögyam Trungpa fumant (photo : Bob Morehouse)

Quand une religion qui a pour objectif apparent d’éveiller les humains de l’ignorance (skt. avidyā), et qui est depuis longtemps le chouchou des médias, se met à faire de l’agnotologie pour protéger ses clercs, sa renommée, son exceptionnalisme, sa tolérance, et envoie ses enfumologues en mission sur les plateaux de télé, on peut se demander si elle ne trahit pas ses propres principes, ou peut-être aussi, tout bien considéré, nous ne la connaissions pas bien, à cause de missions agnotologiques précédentes, mais au moins nous savons qu’elle existe. Le bouddhisme s’est fait connaître en Occident principalement par deux biais : le biais religion rationaliste et le biais théosophique. Ainsi, nous avons l’idée d’un bouddhisme éveillé, rationnel, non-dogmatique, tolérant, égalitaire et pacifique, et au-dessus des croyances, et de l’autre un bouddhisme théosophique plein de promesses et de gadgets spirituels. Les deux ont bien fait rêver l’Occident.

Dzongsar Khyentsé, le contrefeu n'a pas l'air de bien prendre...
(photo : RYG Sangha Danemark)

Dans un premier temps, le bouddhisme arrivé sur le sol occidental a tenté d’être à la hauteur de ces diverses attentes, en mettant l’accent sur le bouddhisme rationaliste et raisonnable (p.e. le Dalaï-lama), du moins dans les discours et sa présentation, tout en faisant rêver, et en gardant l’oeil fixé sur ses propres objectifs traditionnels, plus près de lui. Il a appris à exploiter cette “ignorance produite”, dont il n’était pas l’auteur.

Gold Lake Oil, compagnie pétrolière de Trungpa en businessman,
consécration du champs de forage
(photo : Chronicle Project

Aveuglé par son succès, certains missionnaires bouddhistes se sont sentis pousser des ailes, et se sont mis à repousser plus loin encore les limites de l’ignorance occidentale. Ce faisant, d'autres limites ont été transgressées et les abus se sont multipliés. Comme le dit Matthieu Ricard, “il y a 3% de psychopathes partout”. Mais dans le bouddhisme, on ne parle ni d’abuseurs, ni d’abus, ni de victimes. Au pire, on admet une certaine méconnaissance du bouddhisme, et notamment de la relation très particulière entre maître et disciple dans le vajrayāna. En témoignent les nombreux livres sur ce que le bouddhisme n’est pas, sur ce qu’un bouddhiste ne doit pas faire et sur ce que le Bouddha n’a jamais dit. Le bouddhisme tibétain, par le biais de ses représentants, admet même qu’il y a beaucoup de charlatans en Occident, et très peu de maîtres authentiques. Il est donc essentiel et responsable de bien examiner les candidats avant de s’engager auprès d’eux.

Matthieu Ricard, s'auto-enfumant, Solu Khumbu district, Nepal, 2005.
(Photo by Wade Davis/Getty Images)

En cas d’abus (à répétition...), qui sont pour eux au fond le fruit de malheureux malentendus, les clercs bouddhistes s’adressent aux victimes, “Que n’avez vous pas fait mieux attention !” Jamais aux maîtres, car ce nest pas une coutume tibétaine… L’enfumologie bouddhiste a tout un arsenal de raisons pour expliquer pourquoi cela ne se fait pas. En résumé, “parce que ![2]

Kopan sous la fumée, avec Khadro-la, Tsoknyi Rinpoche,
Mingyur Rinpoche, Lama Zopa Rinpoche etc.

(photo : FMPT)

Mais sur les faits, les allégations, pas un mot. Silence et déni. Pas de compassion pour les victimes, car il n’y a pas de victimes. A la limite, il y a des personnes imprudentes qui n’ont pas pris assez au sérieux l’injonction d’examiner le maître au préalable, et qui paient ainsi le prix de leur imprudence, on pourrait dire que c’est leur karma. Cela peut passer pour de “lindifférence cruelle” auprès de ceux qui comprennent mal le bouddhisme (tibétain). Pour ceux qui le “comprennent bien”, il n’y a ni abus, ni abuseur, ni abusé (“la pureté des trois cercles[3]). Il y a silence et perception pure[4].

"Les trois ronds de fumée" (photo : wiktionary)






Enfumage autour du stoupa de l'éveil à Nyima Dzong (photo : OKC-net)

Lire aussi Blog L'art d'enfumer 1 juin 2016

***

[1]L'agnotologie est une discipline aux confins de la philosophie, de la sociologie et de l'histoire des sciences dont l'objet est l'étude des moyens mis en œuvre pour produire, préserver et propager l'ignorance, mais aussi l'étude de l'ignorance elle-même.”

L'agnotologie se réfère aussi à l'étude de l'ignorance dans un sens plus général. Dans son ouvrage, Robert Proctor distinguait deux autres catégories d'ignorance en plus de l'ignorance produite, à savoir l'ignorance comme une question posée et encore irrésolue, et l'ignorance qui résulte de l'absence d'étude d'un sujet. Dans le premier cas, l'ignorance peut être un moteur pour la recherche scientifique. Dans le second cas, elle n'est pas forcément due à une volonté délibérée d'ignorer mais peut découler de l'évolution des centres d'intérêt des chercheurs.” Wikipedia

[2]I want to say that I am deeply sorry about all the people who got hurt from Rinpoche’s holy actions.”
We will have to achieve enlightenment in order to investigate the beginningless rebirths of Dagri Rinpoche. We have to be enlightened; otherwise, we can’t investigate. This is my logic.”
Letters by Zöpa Rinpoché in support of Dagri Rinpoche.

[3] ‘khor gsum, bya byed las gsum. Les trois sphères, acte, l'auteur et l'objet de l'acte.

[4] "So, how does pure perception work? As a Vajrayana student, if you look at Sogyal Rinpoche and think he’s overweight, that is an impure perception. To try to correct your impure perception you might then try visualizing him with the body of Tom Cruise, but that is still not pure perception. One of the Vajrayana’s infinite number of skilful methods that are used to deconstruct and dismantle impure perception, is to visualize Sogyal Rinpoche with a horse’s head, a thousand arms and four legs. But even this technique must ultimately be transcended in order fully to realize pure perception." Dzongsar Jamyang Khyentse, Guru and Student in the Vajrayāna

mercredi 13 octobre 2021

The patriarchal model as a primary suspect?

Article de Jean-Loup Adenor dans Marianne

I just read the article “Le disciple d'un gourou New Age mis en examen pour des agressions sexuelles sur huit victimes” by Jean-Loup Adenor, published in Marianne on May, 27th 2021.

It’s quite good and factual, but what struck me while reading it was the editing line in which Lama Kunzang Dorje (Robert Spatz) is presented as a “New Age Guru”, whose principles are those of a “Buddhism deviated to his own glory[1].

The article explains that the “liberalisation of morals” and the popularity of “orientalism” (especially Buddhism) in the aftermath of the May 68 unrest created the context in which the abuse could take place[2]. “New forms of spirituality” appear, that seem acceptable because “the figure of the Dalaï-lama is reassuring[3]. Lama Kunzang Dorje is also referred to as the “lama[4], as if he weren’t a genuine lama, i.e. a lama considered as such by Tibetan hierarchs.

The article finishes by stating that other court cases will be filed against Robert Spatz and the OKC organisation. OKC is short for Ogyen Kunzang Choling, both the name of the organisation when it was directed by Robert Spatz and the current organisation under the direction of Shechen Rabjam Rinpoche, abbot of Shechen Nepal, and Pema Wangyal Rinpoche, a son of the founder Kangyur Rinpoche. The website of the current organisation doesn’t seem to consider “Lama Kunzang[5] as a “New Age Guru” teaching a “deviated Buddhism”.

I don’t know who decided on this “New Age” editing line. It seems to me that what Lama Kunzang was teaching was Nyingma Buddhism, as he learned it from his teachers, and as he understood it. Was his Buddhism more deviated than that of Chogyam Trungpa or Sogyal Lakar? Both the Buddhism taught in Vajradhatu/Shambala and Rigpa is still considered as Buddhism and endorsed as such by Tibetan hierarchs. OKC and Lama Kunzang were and are still endorsed as a Buddhist center and a Buddhist teacher. Notwithstanding the fact that those three forms of Buddhism do look like New Age religions and that all three had issues with abuse. Condemnations have been pronounced for two of them. Sogyal Lakar’s Rigpa is still under investigation and a Report has been published about the allegations. In France, a Bhutanese lama and retreat instructor, Lama Tempa (Karma Tshojay) of Kagyu Ling in Bourgogne, was condemned to 12 years prison for rape and sexual aggression on four women.

New Age” and “new forms of spirituality” in the aftermath of May 68 don’t seem like an obvious explanation for the cases of abuse in these four Buddhist centers. For Tibetan hierarchs these centers and their teachers are/were authentically Buddhist. They even issued letters to prove so.

In the complete CIASE report about Sexual Violence in the Catholic Church France 1950 – 2020, we find the following paragraph:
§0617 En particulier, les abus sexuels sont plus fréquents dans le cadre de l’Église catholique que dans d’autres instances de socialisation non familiales ou amicales, comme les colonies, camps de vacances et centres aérés (0,36 %), l’Éducation nationale (0,34 %)140, les clubs de sport (0,28 %) ou encore dans le cadre d’activités culturelles et artistiques (0,17 %). La conclusion qu’il est possible d’en tirer au plan sociologique est que les deux institutions qui fonctionnent sur un modèle patriarcal, revendiqué dans le cas de l’Église, implicite dans celui de la famille, favorisent l’exposition des personnes socialement « dominées », que sont les femmes et les enfants, aux violences masculines[6].”
Like the Catholic Church, Tibetan Buddhism is very clearly a patriarchal religion, no matter the adoration of female deities and yoginis in its tantric forms, and therefore is likely to “favour the exposure of socially 'dominated' people, such as women and children, to male violence”. It doesn’t matter whether it’s Catholicism, Buddhism, or a New Age religion, if it operates on a patriarchal model (with a priest, Guru, lama, ...), there is a fair chance abuse may take place.

It’s not about specific lama’s, or their Western disciples, being “rotten apples”, nor about their respective deviated doctrines, but if the (religious) community operates on a patriarchal model, like in some families, abuse may be favored or be more likely to take place.

The TB relation between a teacher and a student (guruvāda) can be a supplementary risk factor. One should not forget that a teacher most often doesn’t have one single student, but a group of students, with the same guruvādin link to the teacher, plus a “samaya” link between students. The relationship is not only with the teacher, but with a whole group of initiates. Secrecy is an important part of vajrayāna and can be made use of by a predator.

Accentuating the importance of picking the right lama, is to be blind to what really goes on in a TB community. If it’s not the guru, it can be one of the educators, or one of the other students of the guru, as in the case of the above mentioned article. It’s about the community and its patriarchal (religious) model. The obligation to secrecy and the commitment to the guru and the gurukula, favor secrecy and denial and create a bigger barrier for whistle-blowers.

***

[1]Le disciple d'un gourou New Age mis en examen pour des agressions sexuelles sur huit victimes”
“Les enfants doivent y recevoir une éducation conforme aux principes de Spatz, un bouddhisme dévoyé à sa seule gloire
.”

[2]Pour comprendre ces dérives, il faut se replacer dans le contexte de la fin des années 60. La société française traverse une période de libéralisation des mœurs, c'est l'arrivée en France du New Age, baigné d'orientalisme et notamment du bouddhisme.”

[3]À l’époque, ce sont de nouvelles formes de spiritualité dont personne ne se méfie vraiment car la figure du dalaï-lama rassure.”

[4]Le « lama », qui n'a assisté à aucun de ses procès, est condamné à cinq ans de prison avec sursis.”

[5]Conformément aux vœux de ce grand maître, Lama Kunzang, un de ses disciples d’Occident, fonda en 1972 à Bruxelles le centre d’études tibétaines Ogyen Kunzang Chöling, grâce à l’appui et aux conseils du fils aîné de Kangyour Rinpotché, Tsétrul Péma Wangyal Rinpotché.”

Après le parinirvana de Kangyour Rinpotché, survenu en 1975, ce sont Kyabjé Dudjom Rinpotché et Kyabjé Dilgo Khyentsé Rinpotché qui ont assumé la direction spirituelle des centres Ogyen Kunzang Chöling, qu’ils ont visités et dans lesquels ils ont enseigné à plusieurs reprises.

Depuis le départ de Kyabjé Dilgo Khyentsé Rinpotché en 1991, Ogyen Kunzang Chöling s’est placée sous l’autorité spirituelle de son petit-fils et successeur Shétchen Rabjam Rinpotché, abbé du monastère de Shétchen, ainsi que de Péma Wangyal Rinpotché
.” OKC-net

[6] Automatic translation :

“§0617 In particular, sexual abuse is more frequent in the Catholic Church than in other non-family or friendly socialisation settings, such as camps, holiday camps and leisure centres (0.36%), national education (0.34%)140 , sports clubs (0.28%) or cultural and artistic activities (0.17%). The sociological conclusion that can be drawn from this is that the two institutions that operate on a patriarchal model, which is asserted in the case of the Church and implicit in the case of the family, favour the exposure of socially 'dominated' people, such as women and children, to male violence.”