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jeudi 14 octobre 2021

Sur les intentions des uns et des autres

Message sur Diffi.Cult de Tenzin Peljor

Pour le bouddhisme l'intention détermine le type de karma créé et éprouvé.
" L'intention, je vous le dis, est le kamma. C'est à partir d'une intention qu'une personne crée du kamma en rapport au corps, à la parole, et à l'intellect. " — Nibbedhika Sutta AN 6.63
En théorie, quand nos actes, propos et pensées ont des conséquences, dont on n’avait pas l’intention, le bouddhisme considère qu’aucun karma n’a été créé. Il en va autrement de la notion de responsabilité telle que nous la connaissons.
Les personnes morales de droit public peuvent voir leur responsabilité engagée à l'égard des particuliers ou d'autres collectivités publiques soit pour faute, soit sans faute (responsabilité dite de risque)

Charge entraînant la prise de décisions importantes et obligeant celui qui en est investi à rendre compte de ses actes et de ses résultats à ceux qui la lui ont confié”.
Dans le cas des abus dans l’église catholique de France, celle-ci est tenue responsable des conséquences de ses actions ou omissions d’actions, par le rapport CIASE (dit Sauvé). De nombreuses constatations, conclusions et recommandations que la commission fait à l’église de France pourraient aussi s’appliquer au bouddhisme tibétain, notamment tel qu’il s’enseigne et se pratique en France, sauf qu’il n’y a pas d’église bouddhiste tibétaine en France dont la responsabilité pourrait être engagée.

Il n’y a pas non plus d’église bouddhiste tibétaine dans la communauté des tibétains en exil, avec une responsabilité en la matière, ni de pontife responsable de l’ensemble, surtout si ses intentions sont bonnes... Personne n’est responsable de ce qui s’enseigne, se pratique et se fait sous l’enseigne “bouddhisme tibétain”. Un proverbe tibétain dit : “chaque lama sa religion, chaque région son patois” (tib. bla ma re re chos lugs re// lung pa re re skad lugs re). Il est mal vu entre lamas de se critiquer mutuellement. Le Sūtra du samādhi de la marche héroïque, le Śūraṃgamasamādhi (T642) met en garde contre les jugements hâtifs des comportements de bodhisattva laïques respectés. Quand on n’est pas soi-même un Bouddha, on ne peut pas juger de la réalisation d’un autre, qui pourrait être un bodhisattva de haut niveau pratiquant la marche héroïque (voir mon blog “La précieuse étoffe uniquement visible aux connoisseurs (vaijñānika)”. Ou comme l’a dit récemment encore Lama Zöpa Rinpoche au sujet de Dagri Rinpoche : “We will have to achieve enlightenment in order to investigate the beginningless rebirths of Dagri Rinpoche. We have to be enlightened; otherwise, we can’t investigate. This is my logic.”[1]

Il n’y a donc pas de jugement ou d’évaluation entre lamas, personne n’est rappelée à sa responsabilité, car il n’y en a pas. Si du mauvais karma a été commis, c’est le Karma métaphysique qui s’en chargera. Si chaque lama a sa religion - et du moment qu’un lama est bien affilié à un autre lama et à une lignée - il n’y a pas de bouddhismedévié possible. La lignée et l’affiliation à celle-ci est tout.

Joanne Clark et Tenzin Peljor du site Diffi.Cult ont fait un procès d’intention[2] aux auteurs de l’article Not The Tibetan Way’: The Dalai Lamas Realpolitik Concerning Abusive Teachers, car leur article oublie de mentionner que le Dalaï-lama agit toujours avec de bonnes intentions. Dans un message du 11 octobre 2021[3], Tenzin Peljor invite à faire une distinction a priori entre les bonnes intentions du Dalaï-lama et les éventuelles mauvaises conséquences que pourraient avoir ses actes et prises de parole. Quand le Dalaï-lama invite les victimes/survivants de rendre public les abus qu’ils ont subis (quand leur lama et leur communauté n’a pas voulu les entendre), et qu’ils se trouvent tout seuls à affronter les vagues de critiques des bouddhistes loyalistes, sans soutien du Dalaï-lama ou d’autres porte-paroles du bouddhisme tibétain (où personne n’est responsable), ces conséquences néfastes n’étant pas l’intention du Dalaï-lama, on ne doit pas les lui reprocher… Ce ne serait pas juste.

On ne doit donc pas mettre en doute les bonnes intentions du Dalaï-lama, mais de l’autre côté on ne prête pas de “bonnes” intentions aux victimes/survivants osant prendre la parole en public, ou s’exposer dans un procès, où leurs vies et celles de leurs proches sont passées au peigne fin. Comment une discussion équitable serait-elle alors possible ?

Après la publication du report CIASE (dit Sauvé), nous avons en mains une autre façon bien réfléchie d’aborder les abus commis sous couvert d’une religion. Quelle que soit la doxa du bouddhisme tibétain, de nombreuses constatations, conclusions et recommandations du rapport peuvent très bien s’appliquer aux abus commis dans des communautés BT en France. Peu importe les intentions des représentants du bouddhisme tibétain, ce rapport pourrait bien inspirer une feuille de route pour lutter contre les abus commis dans les communautés, et éviter que ceux-ci se reproduisent.

***

[1] Lama Zopa Rinpoches Advice to Students of Dagri Rinpoche

[2]A Disheartening Article: Stuart Lachs & Rob Hogendoorn on the Dalai Lama

[3] Diffi.Cult, Tenpel on October 11, 2021 at 8:20 pm Reply

"I think it would be helpful for the debate to consider the difference between intention and impact.

While the Dalai Lama likely does not have bad intentions, his acting or non-acting has an impact. It would be good for him as well as the office or the TGI to consider the impact of not having set up a proper structure and good procedures to address abuse.

There is for sure an impact for endorsing Sogyal with the inauguration of the Lerab Ling temple, there is an impact for OKC kids of Spatz’s center being endorsed, there is an impact of leaving the burden to speak up on the survivors. I think such considerations and reminding the difference between impact and intention could really help the discussion and bring it forward.

While Joanne or I (maybe others’s too) seem to focus on the intentions, critical voices or critical survivors stress the impact. Stressing the impact is an important, a very important point
."

https://buddhism-controversy-blog.com/2021/10/04/a-disheartening-article-stuart-lachs-rob-hogendoorn-on-the-dalai-lama/#comment-736844

mercredi 13 octobre 2021

The patriarchal model as a primary suspect?

Article de Jean-Loup Adenor dans Marianne

I just read the article “Le disciple d'un gourou New Age mis en examen pour des agressions sexuelles sur huit victimes” by Jean-Loup Adenor, published in Marianne on May, 27th 2021.

It’s quite good and factual, but what struck me while reading it was the editing line in which Lama Kunzang Dorje (Robert Spatz) is presented as a “New Age Guru”, whose principles are those of a “Buddhism deviated to his own glory[1].

The article explains that the “liberalisation of morals” and the popularity of “orientalism” (especially Buddhism) in the aftermath of the May 68 unrest created the context in which the abuse could take place[2]. “New forms of spirituality” appear, that seem acceptable because “the figure of the Dalaï-lama is reassuring[3]. Lama Kunzang Dorje is also referred to as the “lama[4], as if he weren’t a genuine lama, i.e. a lama considered as such by Tibetan hierarchs.

The article finishes by stating that other court cases will be filed against Robert Spatz and the OKC organisation. OKC is short for Ogyen Kunzang Choling, both the name of the organisation when it was directed by Robert Spatz and the current organisation under the direction of Shechen Rabjam Rinpoche, abbot of Shechen Nepal, and Pema Wangyal Rinpoche, a son of the founder Kangyur Rinpoche. The website of the current organisation doesn’t seem to consider “Lama Kunzang[5] as a “New Age Guru” teaching a “deviated Buddhism”.

I don’t know who decided on this “New Age” editing line. It seems to me that what Lama Kunzang was teaching was Nyingma Buddhism, as he learned it from his teachers, and as he understood it. Was his Buddhism more deviated than that of Chogyam Trungpa or Sogyal Lakar? Both the Buddhism taught in Vajradhatu/Shambala and Rigpa is still considered as Buddhism and endorsed as such by Tibetan hierarchs. OKC and Lama Kunzang were and are still endorsed as a Buddhist center and a Buddhist teacher. Notwithstanding the fact that those three forms of Buddhism do look like New Age religions and that all three had issues with abuse. Condemnations have been pronounced for two of them. Sogyal Lakar’s Rigpa is still under investigation and a Report has been published about the allegations. In France, a Bhutanese lama and retreat instructor, Lama Tempa (Karma Tshojay) of Kagyu Ling in Bourgogne, was condemned to 12 years prison for rape and sexual aggression on four women.

New Age” and “new forms of spirituality” in the aftermath of May 68 don’t seem like an obvious explanation for the cases of abuse in these four Buddhist centers. For Tibetan hierarchs these centers and their teachers are/were authentically Buddhist. They even issued letters to prove so.

In the complete CIASE report about Sexual Violence in the Catholic Church France 1950 – 2020, we find the following paragraph:
§0617 En particulier, les abus sexuels sont plus fréquents dans le cadre de l’Église catholique que dans d’autres instances de socialisation non familiales ou amicales, comme les colonies, camps de vacances et centres aérés (0,36 %), l’Éducation nationale (0,34 %)140, les clubs de sport (0,28 %) ou encore dans le cadre d’activités culturelles et artistiques (0,17 %). La conclusion qu’il est possible d’en tirer au plan sociologique est que les deux institutions qui fonctionnent sur un modèle patriarcal, revendiqué dans le cas de l’Église, implicite dans celui de la famille, favorisent l’exposition des personnes socialement « dominées », que sont les femmes et les enfants, aux violences masculines[6].”
Like the Catholic Church, Tibetan Buddhism is very clearly a patriarchal religion, no matter the adoration of female deities and yoginis in its tantric forms, and therefore is likely to “favour the exposure of socially 'dominated' people, such as women and children, to male violence”. It doesn’t matter whether it’s Catholicism, Buddhism, or a New Age religion, if it operates on a patriarchal model (with a priest, Guru, lama, ...), there is a fair chance abuse may take place.

It’s not about specific lama’s, or their Western disciples, being “rotten apples”, nor about their respective deviated doctrines, but if the (religious) community operates on a patriarchal model, like in some families, abuse may be favored or be more likely to take place.

The TB relation between a teacher and a student (guruvāda) can be a supplementary risk factor. One should not forget that a teacher most often doesn’t have one single student, but a group of students, with the same guruvādin link to the teacher, plus a “samaya” link between students. The relationship is not only with the teacher, but with a whole group of initiates. Secrecy is an important part of vajrayāna and can be made use of by a predator.

Accentuating the importance of picking the right lama, is to be blind to what really goes on in a TB community. If it’s not the guru, it can be one of the educators, or one of the other students of the guru, as in the case of the above mentioned article. It’s about the community and its patriarchal (religious) model. The obligation to secrecy and the commitment to the guru and the gurukula, favor secrecy and denial and create a bigger barrier for whistle-blowers.

***

[1]Le disciple d'un gourou New Age mis en examen pour des agressions sexuelles sur huit victimes”
“Les enfants doivent y recevoir une éducation conforme aux principes de Spatz, un bouddhisme dévoyé à sa seule gloire
.”

[2]Pour comprendre ces dérives, il faut se replacer dans le contexte de la fin des années 60. La société française traverse une période de libéralisation des mœurs, c'est l'arrivée en France du New Age, baigné d'orientalisme et notamment du bouddhisme.”

[3]À l’époque, ce sont de nouvelles formes de spiritualité dont personne ne se méfie vraiment car la figure du dalaï-lama rassure.”

[4]Le « lama », qui n'a assisté à aucun de ses procès, est condamné à cinq ans de prison avec sursis.”

[5]Conformément aux vœux de ce grand maître, Lama Kunzang, un de ses disciples d’Occident, fonda en 1972 à Bruxelles le centre d’études tibétaines Ogyen Kunzang Chöling, grâce à l’appui et aux conseils du fils aîné de Kangyour Rinpotché, Tsétrul Péma Wangyal Rinpotché.”

Après le parinirvana de Kangyour Rinpotché, survenu en 1975, ce sont Kyabjé Dudjom Rinpotché et Kyabjé Dilgo Khyentsé Rinpotché qui ont assumé la direction spirituelle des centres Ogyen Kunzang Chöling, qu’ils ont visités et dans lesquels ils ont enseigné à plusieurs reprises.

Depuis le départ de Kyabjé Dilgo Khyentsé Rinpotché en 1991, Ogyen Kunzang Chöling s’est placée sous l’autorité spirituelle de son petit-fils et successeur Shétchen Rabjam Rinpotché, abbé du monastère de Shétchen, ainsi que de Péma Wangyal Rinpotché
.” OKC-net

[6] Automatic translation :

“§0617 In particular, sexual abuse is more frequent in the Catholic Church than in other non-family or friendly socialisation settings, such as camps, holiday camps and leisure centres (0.36%), national education (0.34%)140 , sports clubs (0.28%) or cultural and artistic activities (0.17%). The sociological conclusion that can be drawn from this is that the two institutions that operate on a patriarchal model, which is asserted in the case of the Church and implicit in the case of the family, favour the exposure of socially 'dominated' people, such as women and children, to male violence.”