Message sur Diffi.Cult de Tenzin Peljor |
Pour le bouddhisme l'intention détermine le type de karma créé et éprouvé.
" L'intention, je vous le dis, est le kamma. C'est à partir d'une intention qu'une personne crée du kamma en rapport au corps, à la parole, et à l'intellect. " — Nibbedhika Sutta AN 6.63En théorie, quand nos actes, propos et pensées ont des conséquences, dont on n’avait pas l’intention, le bouddhisme considère qu’aucun karma n’a été créé. Il en va autrement de la notion de responsabilité telle que nous la connaissons.
“Les personnes morales de droit public peuvent voir leur responsabilité engagée à l'égard des particuliers ou d'autres collectivités publiques soit pour faute, soit sans faute (responsabilité dite de risque)”Dans le cas des abus dans l’église catholique de France, celle-ci est tenue responsable des conséquences de ses actions ou omissions d’actions, par le rapport CIASE (dit Sauvé). De nombreuses constatations, conclusions et recommandations que la commission fait à l’église de France pourraient aussi s’appliquer au bouddhisme tibétain, notamment tel qu’il s’enseigne et se pratique en France, sauf qu’il n’y a pas d’église bouddhiste tibétaine en France dont la responsabilité pourrait être engagée.
“Charge entraînant la prise de décisions importantes et obligeant celui qui en est investi à rendre compte de ses actes et de ses résultats à ceux qui la lui ont confié”.
Il n’y a pas non plus d’église bouddhiste tibétaine dans la communauté des tibétains en exil, avec une responsabilité en la matière, ni de pontife responsable de l’ensemble, surtout si ses intentions sont bonnes... Personne n’est responsable de ce qui s’enseigne, se pratique et se fait sous l’enseigne “bouddhisme tibétain”. Un proverbe tibétain dit : “chaque lama sa religion, chaque région son patois” (tib. bla ma re re chos lugs re// lung pa re re skad lugs re). Il est mal vu entre lamas de se critiquer mutuellement. Le Sūtra du samādhi de la marche héroïque, le Śūraṃgamasamādhi (T642) met en garde contre les jugements hâtifs des comportements de bodhisattva laïques respectés. Quand on n’est pas soi-même un Bouddha, on ne peut pas juger de la réalisation d’un autre, qui pourrait être un bodhisattva de haut niveau pratiquant la marche héroïque (voir mon blog “La précieuse étoffe uniquement visible aux connoisseurs (vaijñānika)”. Ou comme l’a dit récemment encore Lama Zöpa Rinpoche au sujet de Dagri Rinpoche : “We will have to achieve enlightenment in order to investigate the beginningless rebirths of Dagri Rinpoche. We have to be enlightened; otherwise, we can’t investigate. This is my logic.”[1]
Il n’y a donc pas de jugement ou d’évaluation entre lamas, personne n’est rappelée à sa responsabilité, car il n’y en a pas. Si du mauvais karma a été commis, c’est le Karma métaphysique qui s’en chargera. Si chaque lama a sa religion - et du moment qu’un lama est bien affilié à un autre lama et à une lignée - il n’y a pas de “bouddhisme” dévié possible. La lignée et l’affiliation à celle-ci est tout.
Joanne Clark et Tenzin Peljor du site Diffi.Cult ont fait un procès d’intention[2] aux auteurs de l’article ‘Not The Tibetan Way’: The Dalai Lama’s Realpolitik Concerning Abusive Teachers, car leur article oublie de mentionner que le Dalaï-lama agit toujours avec de bonnes intentions. Dans un message du 11 octobre 2021[3], Tenzin Peljor invite à faire une distinction a priori entre les bonnes intentions du Dalaï-lama et les éventuelles mauvaises conséquences que pourraient avoir ses actes et prises de parole. Quand le Dalaï-lama invite les victimes/survivants de rendre public les abus qu’ils ont subis (quand leur lama et leur communauté n’a pas voulu les entendre), et qu’ils se trouvent tout seuls à affronter les vagues de critiques des bouddhistes loyalistes, sans soutien du Dalaï-lama ou d’autres porte-paroles du bouddhisme tibétain (où personne n’est responsable), ces conséquences néfastes n’étant pas l’intention du Dalaï-lama, on ne doit pas les lui reprocher… Ce ne serait pas juste.
On ne doit donc pas mettre en doute les bonnes intentions du Dalaï-lama, mais de l’autre côté on ne prête pas de “bonnes” intentions aux victimes/survivants osant prendre la parole en public, ou s’exposer dans un procès, où leurs vies et celles de leurs proches sont passées au peigne fin. Comment une discussion équitable serait-elle alors possible ?
Après la publication du report CIASE (dit Sauvé), nous avons en mains une autre façon bien réfléchie d’aborder les abus commis sous couvert d’une religion. Quelle que soit la doxa du bouddhisme tibétain, de nombreuses constatations, conclusions et recommandations du rapport peuvent très bien s’appliquer aux abus commis dans des communautés BT en France. Peu importe les intentions des représentants du bouddhisme tibétain, ce rapport pourrait bien inspirer une feuille de route pour lutter contre les abus commis dans les communautés, et éviter que ceux-ci se reproduisent.
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[1] Lama Zopa Rinpoche’s Advice to Students of Dagri Rinpoche
[2] “A Disheartening Article: Stuart Lachs & Rob Hogendoorn on the Dalai Lama”
[3] Diffi.Cult, Tenpel on October 11, 2021 at 8:20 pm Reply
"I think it would be helpful for the debate to consider the difference between intention and impact.
While the Dalai Lama likely does not have bad intentions, his acting or non-acting has an impact. It would be good for him as well as the office or the TGI to consider the impact of not having set up a proper structure and good procedures to address abuse.
There is for sure an impact for endorsing Sogyal with the inauguration of the Lerab Ling temple, there is an impact for OKC kids of Spatz’s center being endorsed, there is an impact of leaving the burden to speak up on the survivors. I think such considerations and reminding the difference between impact and intention could really help the discussion and bring it forward.
While Joanne or I (maybe others’s too) seem to focus on the intentions, critical voices or critical survivors stress the impact. Stressing the impact is an important, a very important point."
https://buddhism-controversy-blog.com/2021/10/04/a-disheartening-article-stuart-lachs-rob-hogendoorn-on-the-dalai-lama/#comment-736844
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