Affichage des articles dont le libellé est monastères. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est monastères. Afficher tous les articles

vendredi 12 novembre 2021

Des enfants dans les monastères ?

"Shangri-La" poster

Les jeunes moines bouddhistes souriants dans leur milieu monastique au Tibet, en Inde, au Bhoutan, au Népal, etc. sont vraiment très photogéniques. Difficile de rater la photo, capable de faire craquer le cœur d’un sponsor potentiel. Quelle chance ont ces jeunes enfants de grandir dans un milieu bouddhiste expert et bienveillant, et d'être exposé à la théorie et la pratique de la doctrine du Bouddha. 

Enfants et adultes de l'Himalaya, Matthieu Ricard

Ils seront sans doute un jour des adultes épanouis, qu’ils restent moines ou qu’ils redeviennent laïcs. S’ils sont intelligents et qu’ils ont de bonnes dispositions, étant pris en charge dès leur plus jeune âge, ils pourront même devenir des maîtres spirituels hors pair. Les jeunes moines sont un investissement idéal pour à la fois sauvegarder la culture bouddhiste tibétaine et d’aider les tibétains en exil ainsi que les porteurs de cette culture. Si on aime le bouddhisme tibétain et/ou la cause tibétaine, le soutien de jeunes enfants dans les monastères semble aller de soi. Il y a eu des tentatives d’implanter le même type de projets (éducation “holistique”, à la fois “scientifique” et religieuse sur le sol européen, p.e. OKC).

Enseignement à Shechen, Népal

Voilà le facteur Shangri-La, savamment entretenu avec beaucoup defforts, envers toutes sortes d’obstacles, qui font l’actualité notamment depuis l’été 2017. Il y a eu un autre réveil, il y a 10 ans, en novembre 2011, avec la publication sur Youtube des Confessions de Kalou Rinpoché II. Celui-ci raconte comment pendant son adolescence, il avait été régulièrement violé durant plusieurs années par des moines plus âgés dans un monastère en Inde.
Mais Kalu dit que dans les premières années de son adolescence, il a été abusé sexuellement par une bande de moines plus âgés qui se rendaient dans sa chambre chaque semaine. Quand j’aborde la notion d’ « attouchements », il éclate d’un rire tendu. C’était du sexe hard-core, dit-il, avec pénétration. « La plupart du temps ils venaient seuls », dit-il. « Ils frappaient violemment à la porte et je devais ouvrir. Je savais ce qui allait se passer, et après on finit par s’habituer ». C’est seulement après son retour au monastère après la retraite de trois ans, qu’il a réalisé à quel point cette pratique était incorrecte. Il dit qu’à ce moment-là le cycle avait recommencé sur une plus jeune génération de victimes.” 
Il peste contre le coût humain du système monastique, qui consomme des milliers d’enfants, simples moines et tulkus vénérés, sans leur fournir d’éducation pratique ou de solution de repli, tout ça pour produire une poignée de maîtres spirituels commercialement brillants. « Le système des tulkus c’est comme des robots », dit-il. « Vous construisez 100 robots, et peut-être que 20 % réussiront alors que 80 % seront mis au rebut.”[1]
Lors d’une conférence publique à Marseille (janvier 2013, j’y étais), il avait expliqué que depuis 2010, on ne prenait plus de novices dans son monastère de Sonada. Il préférait que la voie monastique soit suivie par des personnes avec une pleine expérience de la vie qui la choisissent de plein gré et en connaissance de cause.[2]
Le jeune Yangsi Kalou avait été éduqué par son père, Lama Gyaltsen Ratak (le neveu du premier Kalou rinpoché), jusqu’à la mort de celui-ci en 1999. Il avait alors 9 ans. Peu après, il fut décidé de son départ au monastère de Mirik, pour y étudier avec Bokar Rinpoché. Il reçut de lui toutes les initiations et instructions de la lignée Shangpa et entra en retraite à l’âge de 15 ans (2005). Il sortit de retraite en septembre 2008 peu avant ses 18 ans. « Il dit qu’à ce moment-là le cycle avait recommencé sur une plus jeune génération de victimes. "…[3] 
A partir de cette sortie de retraite, il devait assumer la succession de son prédécesseur Kalou Rinpoché I, tâche impossible. Sans parler même de réalisation spirituelle, les décalages étaient trop nombreux et trop grands. Les temps avaient changé. Il était visiblement mal à l’aise et a dû passer par une sorte de dépression.

En 2011, il était prêt à assumer son rôle et au mois d’avril congédia l'ancienne équipe de Kagyu Ling avec le soutien de Taï Sitou Rinpoché. Il mit en place une nouvelle équipe de lamas occidentaux. Certains membres de l'ancienne équipe étaient accusés de viol. Il y a eu des condamnations depuis. Fin septembre 2011, il parla pour la première fois des viols qu’il avait subis, dans sa jeunesse monastique.[4]

A part cela, et quelques décisions (HIV et éducation sexuelle) du gouvernement Bhoutanais qui s’appliquent (aussi) à des problèmes dans les monastères au Bhoutan, nous ne savons pas ce qui s’y passe réellement. Une des sources souvent citées est The Struggle for Modern Tibet: The Autobiography of Tashi Tsering par Melvyn Goldstein, William Siebenschuh, Tashi Tsering.
Le mot tibétain pour désigner un garçon dans ma situation est drombo. Dans notre langue, ce mot signifie littéralement "invité", mais c'est aussi un euphémisme pour "partenaire (passif) homosexuel". En raison du statut et de la visibilité de Wangdu, je suis devenu un drombo très connu, et ma réputation a parfois causé plus de problèmes que je ne pouvais en gérer. Par exemple, un jour, un moine puissant du monastère de Sera a été attiré par moi et a fait plusieurs tentatives avortées pour m'enlever pour son plaisir sexuel. Parmi les moines de Sera figuraient de nombreux dobdos célèbres, ou moines "punks". Il s'agissait de moines déviants acceptés qui portaient des armes et se pavanaient dans les rues, se distinguant dans la foule par leur agressivité ouverte et leur façon particulière de s'habiller. Ils étaient également connus pour se battre entre eux pour voir qui était le plus fort et pour leur prédation sexuelle sur les garçons laïcs. Tous les écoliers de Lhassa étaient des proies faciles pour ces dobdos, et la plupart d'entre eux essayaient de rentrer de l'école en groupe pour se protéger d'eux.[5]” (traduit avec www.DeepL.com).
Parfois, des universitaires me disent qu’il n’existe au fond que ce témoignage-là. C’est vrai, il n’y a pas beaucoup de témoignages à ce sujet. Il n’y a pas beaucoup de curiosité pour la situation des jeunes moines et les abus de ceux-ci dans les monastères bouddhistes tibétains. Je ne connais pas d’études à ce sujet, ni d'enquêtes ou de statistiques. Ni de la part des autorités religieuses, des gouvernements de pays bouddhistes ou du gouvernement en exil du peuple tibétain en Inde, ni même de la part des universitaires occidentaux, tibétologues, bouddhologues, anthropologues, etc. Et pourtant, nous savons que les abus et la pédocriminalité ont lieu dans tous les milieux, y compris religieux, et certainement depuis la publication du rapport CIASE sur les abus dans l’Eglise catholique en France.


Qu’est-ce qui explique ce manque d’intérêt pour la problématique des abus dans les monastères bouddhistes tibétains ? Les hiérarques tibétains et leurs représentants ne s’y intéressent pas et ne se sentent pas responsables, les journalistes (à quelques très rares exceptions près) ne s’y intéressent pas et brossent leurs invités bouddhistes tibétains dans le sens des poils Shangri-la. Les universitaires français et occidentaux ne s’y intéressent pas beaucoup[6] (je vous serais très reconnaissant de me contredire à ce sujet), les fidèles ne s’y intéressent pas, cette question les embarrasse le plus souvent. Dans ce grand silence, il ne reste donc que la propagande Shangri-La habituelle, qui continue son bonhomme de chemin, sans contradiction. Les monastères bouddhistes tibétains en Asie seraient des lieux d’amour, de compassion, d’altruisme par excellence, on n’y trouverait pas les mêmes tares qu’en Occident. Les moinillons continuent d’être heureux et souriants sur les photos, et si vous pouviez aider les monastères à continuer de les aider, et le rêve de Shangri-La (ou de lÂge dor) de se réaliser, ce serait vraiment très chouette.


Récemment, je tombais sur le site Shangpakagyu, qui représente les monastères de Sonada et Salugara de Kalou Rinpoché II. On y voit des photos de jeunes moines, avec des formules de sponsoring, “les enfants comptent sur vous”. Apparemment, Kalou Rinpoché II a changé d’avis, et continue désormais (de quand date la reprise ?) la tradition de prendre de tout jeunes enfants dans des monastères bouddhistes tibétains, en faisant appel à de généreux donateurs.

En attendant des statistiques sur le nombre d’enfants confiés aux monastères, librement ? Par leurs parents ? Pour quelles raisons ? Des raisons économiques, autres ? Quelle est l’éducation qu’ils y reçoivent ? Obtiennent-ils des diplômes utiles et généralement reconnus ? Combien parmi eux quittent le monastère ? Combien ? A quel âge ? Pourquoi ? Combien restent moine ? Comment se déroule leur carrière monastique ? Combien ont été victimes d’abus par des moines plus âgés ? Que s’est-il passé ensuite ? Comment les monastères luttent-ils contre les abus ?

Je reprends ici ma conclusion de mon blog Le prix à payer pour Shangri-La du 20 octobre 2021 :
C’est à se demander si plus on continue à faire miroiter la beauté, Shangri-La, d’un côté, et plus cela donne envie de l’autre, en créant une demande forte et une générosité forte. Placer des bémols à cette vision risquerait de faire s’effondrer cette demande et cette générosité dans l'exceptionnalisme bouddhiste, et à mettre en danger la “culture tibétaine traditionnelle en pleine vigueur”."
En attendant, un article dans Payul nous apprend le défroquage forcé et l’expulsion des monastères de jeunes moines (11-15 ans) en Amdo (Tibet). Pas de la bonne manière, pas forcément pour les bonnes raisons, et qu'est-ce qui se passent avec ces enfants ? Mais des musées à ciel ouvert ou des réserves de bouddhisme tibétains, avec enrôlement d'enfants ne sont plus une solution acceptable de nos jours.

***

[1] Leaving Om: Buddhism's lost lamas" / site mirror. Traduction française de l'article : Les lamas perdus du bouddhisme

[2] Blog Des anges oui, de langélisme non 30 mars 2013

[3] Blog Le silence incorrect 20 décembre 2015

[4]L’article wikipédia sur Kalour rinpoché nous apprend que c’est pendant la session de questions à la fin d’une conférence donnée à Vancouvert en automne 2011, que suite à une question posée par un étudiant sur l’abus sexuel et la sexualisation d’enfants en occident, Yangsi Kalou rinpoché parle pour la première fois des viols qu’il avait subi à l’âge de 12 et 13 ans (donc app. en 2002-2003). C’est suite à cette révélation, et « pour ne pas que cette histoire devienne une rumeur infondée » qu’il avait posté la vidéo sur youtube.” Blog Le silence incorrect 20 décembre 2015

[5]The Tibetan word for a boy in my situation is drombo. In our language the word literally means “guest,” but it also is a euphemism for “homosexual (passive) partner.” Because of Wangdu’s status and visibility, I became a very well-known drombo, and my reputation sometimes caused more trouble than I could handle. For example, once a powerful monk from the Sera Monastery became attracted to me and made several abortive attempts to abduct me for sexual pleasure. The monks of Sera included many famous dobdos, or “punk” monks. These were accepted deviant monks who carried weapons and swaggered through the streets, standing out in a crowd because of their openly aggressive manner and distinctive way of dressing. They were also notorious for fighting with each other to see who was toughest and for their sexual predation of lay boys. All schoolboys in Lhasa were fair game for these dobdos, and most tried to return from school in groups for protection against them.”

[6] Je parle plus précisément ici de la pédocriminalité au sein de monastères bouddhistes tibétains. Pour ce qui est des abus sur des adeptes bouddhistes occidentaux, il y a eu des publications, notamment en France, la thèse de Marion Dapsance sur Rigpa.

dimanche 20 décembre 2015

Le silence incorrect



Le monde du bouddhisme néerlandais avait été marqué en 2015 par les révélations sur les abus sexuels du moine thaïlandais Mettavihari (fondateur du mouvement vipassana aux Pays-Bas), leur médiatisation, la révélation d’autres affaires dans des communautés bouddhistes, la distanciation commune de Mettavihari par des enseignants vipassana et finalement la création d’un numéro vert pour les victimes d’abus sexuel dans les communautés bouddhistes. Ces révélations faisaient suite à celles concernant l’église catholique (et ailleurs dans le monde) en 2010 qui avait secoué toute la société néerlandaise. Un des principaux aspects qui était ressorti de l’affaire Mettavihari était le silence des autres enseignants vipassana, qui avait pu permettre (de 1974 à la mort de Mettavihari en 2007) la continuation des abus. Toutes proportions gardées, ce silence peut être comparée à une loi de silence (omertà). Mais dans les deux cas, le silence n’est pas vertueux. Le blogueur néerlandais Joop Romeijn (Boeddhisme blog) suggère d’inclure le « silence incorrect ») dans les actes verbaux à éviter dans le cadre de la parole correcte (samyag-vāc : ne pas mentir, ne pas semer la discorde ou la désunion, ne pas tenir un langage grossier, ne pas bavarder oisivement). On peut parler oisivement, mais on peut aussi se taire « oisivement », c’est-à-dire quand il est inopportun de se taire et qu’il serait plus opportun de parler ou d’agir.

Les abus sexuels se passant en secret, seule la victime est en droit d'en parler et éventuellement de demander réparation. En cas de sérieux soupçons, par principe de précaution une enquête serait sans doute à sa place.

En novembre 2011, l’actuel Kalou rinpoché (né en 1990) avait posté sur Youtube une vidéo, où il révélait avoir été victime de viols à répétition par des moines plus âgés, au début de son adolescence, au sein d’un monastère bouddhiste. En août 2012, il reviendra sur ses confessions dans une entrevue publiée dans l’article "Leaving Om: Buddhism's lost lamas" (Les lamas perdus du bouddhisme).
« Mais Kalu dit que dans les premières années de son adolescence, il a été abusé sexuellement par une bande de moines plus âgés qui se rendaient dans sa chambre chaque semaine. Quand j’aborde la notion d’ « attouchements », il éclate d’un rire tendu. C’était du sexe hard-core, dit-il, avec pénétration. « La plupart du temps ils venaient seuls », dit-il. « Ils frappaient violemment à la porte et je devais ouvrir. Je savais ce qui allait se passer, et après on finit par s’habituer ». C’est seulement après son retour au monastère après la retraite de trois ans, qu’il a réalisé à quel point cette pratique était incorrecte. Il dit qu’à ce moment-là le cycle avait recommencé sur une plus jeune génération de victimes. »
Le jeune Yangsi Kalou avait été éduqué par son père, Lama Gyaltsen Ratak (le neveu du premier Kalou rinpoché), jusqu’à la mort de celui-ci en 1999. Il avait alors 9 ans. Peu après, il fut décidé de son départ au monastère de Mirik, pour y étudier avec Bokar rinpoché. Il reçut de lui toutes les initiations et instructions de la lignée Shangpa et entra en retraite à l’âge de 15 ans (2005). Il sortit de retraite en septembre 2008 peu avant ses 18 ans. « Il dit qu’à ce moment-là le cycle avait recommencé sur une plus jeune génération de victimes. »…

L’article wikipédia sur Kalour rinpoché nous apprend que c’est pendant la session de questions à la fin d’une conférence donnée à Vancouvert en automne 2011, que suite à une question posée par un étudiant sur l’abus sexuel et la sexualisation d’enfants en occident, Yangsi Kalou rinpoché parle pour la première fois des viols qu’il avait subi à l’âge de 12 et 13 ans (donc app. en 2002-2003). C’est suite à cette révélation, et « pour ne pas que cette histoire devienne une rumeur infondée » qu’il avait posté la vidéo sur youtube.

Depuis, c’est le grand silence, médiatique du moins. Il ne me semble pas que Yangsi Kalou Rinpoché ait porté plainte. Il ne me semble pas non plus que le monastère, où les abus sexuels mentionnés par Yangsi Kalou Rinponcé auraient eu lieu (au moins jusqu'en 2008), ait fait une déclaration officielle. On peut espérer que, suite aux confessions de Kalou rinpoché, des mesures ont été prises en interne pour faire cesser « le cycle [qui] avait recommencé sur une plus jeune génération de victimes » et que les auteurs aient été sanctionnés. Mais on n’en sait rien à cause du silence (médiatique).

Ce phénomène n’est cependant pas rare dans les monastères bouddhistes. Le Bhoutan avait réagi (en 2013) en instaurant les droits de l’enfant et en créant un numéro vert pour les enfants des écoles monastiques, où ceux-ci pouvaient signaler des cas d’abus (source). Et afin d’éviter la propagation des maladies sexuellement transmissibles, on avait décidé de la distribution gratuite de préservatifs, y compris dans les écoles monastiques (source). Je ne sais pas si des mesures similaires aient aussi été prises dans les monastères indiens et népalais. Mais à défaut de traiter les véritables causes, on s’occupe de limiter les effets. Le tout quasiment sous silence, sans doute pour ne pas créer des vagues susceptibles de perturber la paix silencieuse de Shangrila.

***

samedi 30 mars 2013

Des anges oui, de l’angélisme non



Le Bhoutan vient de décider la mise à disposition gratuite de préservatifs dans ses monastères, afin de freiner la diffusion de maladies sexuellement transmissibles et le VIH (nombre de cas en hausse). Cela fait suite à un rapport de 2009 qui avertissait contre les dangers de pratiques sexuelles au sein des monastères. Notamment une forme spécifique répandue utilisant les cuisses (T. brla rgyag) d’un autre moine. Il n’est pas exclu que cette forme spécifique, considérée par le Code monastique (S. vinaya) comme une forme de masturbation, peut servir à masquer d’autres pratiques sexuelles avec pénétration et éjaculation. L'interdiction de la masturbation fait partie des treize vœux additionnels (T. lhag ma bcu gsum). C’est au bout de trois fois que le moine sera expulsé.

Un an après la publication du rapport, le Ministre de la santé s’était inquiété quand une douzaine de moines, parmi lesquels un moine de 12 ans, furent diagnostiqués avec des MST. Au moins cinq moins étaient porteur du virus du sida, le plus jeune ayant 19 ans. Le nombre de porteurs du sida avait augmenté en 2010 et en 2011 (pas de chiffres pour 2012). La décision semble faire suite à cette évolution.

Depuis février 2013, avec l’aide d’Unicef Bhutan, un service de la protection de l’enfant est rattaché aux écoles monastiques, et des droits sont accordés aux enfants. Désormais, les enfants dans les monastères ont la possibilité de déclarer les cas de violence, de négligence, de mal-traitement et de viol. Le service est en lien avec les monastères, la police et les services sociaux de l’état.

Quand le premier ministre de Sri Lanka voulait organiser une campagne de recrutement de 2000 enfants pour grossir les rangs des moines, Gananath Obeyesekere, anthropologue à l’université de Princeton, s’y était opposé. Une des raisons principales pour Obeyesekere était de les protéger contre le viol, qui est une pratique associée à toutes les formes de monasticisme institutionnalisé  La lutte contre le viol dans les monastères bouddhistes devait être menée de front avec lucidité. Le même type de problème existe en Thailande.

Yangsi Kalou Rinpoché avait publié un vidéo sur sa page Facebook en novembre 2011, dans lequel il disait avoir été la victime d’une série de viols pendant plusieurs années dans le monastère où il résidait, sans donner le nom du monastère. En août 2012, il revient sur les faits au cours d’une entrevue avec un journaliste américain (ici pour la traduction française). Les « attouchements » auxquels fait allusion le journaliste correspondent sans doute à la pratique "ladyak" (brla rgyag) mentionnée ci-dessus.
« Mais Kalu dit que dans les premières années de son adolescence, il a été abusé sexuellement par une bande de moines plus âgés qui se rendaient dans sa chambre chaque semaine. Quand j’aborde la notion d’ « attouchements », il éclate d’un rire tendu. C’était du sexe hard-core, dit-il, avec pénétration. « La plupart du temps ils venaient seuls », dit-il. « Ils frappaient violemment à la porte et je devais ouvrir. Je savais ce qui allait se passer, et après on finit par s’habituer ». C’est seulement après son retour au monastère après la retraite de trois ans, qu’il a réalisé à quel point cette pratique était incorrect. Il dit qu’à ce moment là le cycle avait recommencé sur une plus jeune génération de victimes. » 
Des viols systématiques, pendant des années, par une bande de moines plus âgés, et qui continuaient avec des nouvelles victimes... Il ne s’agit pas de quelques « pommes pourries », c’est le système qui est à revoir, ou qui doit être mieux encadré, ce que le Bhoutan a commencé à faire. Quid des monastères en Inde, où Kalou Rinpoché fut victime ? Des mesures ont-elles été prises ?

Dans le même interview, Yangsi Kalou Rinpoché parle de son projet d’école au Bhoutan :
« Il peste contre le coût humain du système monastique, qui consomme des milliers d’enfants, simples moines et tulkus vénérés, sans leur fournir d’éducation pratique ou de solution de repli, tout ça pour produire une poignée de maître spirituels commercialement brillants. « Le système des tulkus c’est comme des robots », dit-il. « Vous construisez 100 robots, et peut-être que 20 % réussiront alors que 80 % seront mis au rebut. » 
Lors d’une conférence publique à Marseille (janvier 2013), il avait expliqué que depuis 2010, on ne prenait plus de novices dans son monastère de Sonada. Il préfère que la voie monastique soit suivie par des personnes avec une pleine expérience de la vie qui la choisissent de plein gré et en connaissance de cause.

Avec cette nouvelle mesure, le Bhoutan est en avance d'autres pays, comme p.e. les Etats-unis, où des campus universitaires (p.e. Boston) peuvent encore de nos jours refuser la distribution de préservatifs, parce que cela va à l'encontre de la volonté de l'église catholique.