L’impression que donne tout cela est un échange intensif entre l’Inde et la Chine. L’Inde exporte du bouddhisme et importe du taoïsme et du cinabre. Puis, les labos de cinabre de part et d’autre échangent leurs recettes. L’importation du cinabre ne se limitait pas à sa forme extérieure, l’intérêt indien se portait sur les trois pratiques principales des taoïstes : 1. Le « cinabre intérieur » (nei-tan), 2. Le « cinabre extérieur » (wai-tan) et 3. « la pratique de la Chambre à coucher » (fang-tchong). On s’intéressait à la « respiration embryonnaire » pour « nourrir le principe vital » et à « l’inversion du fleuve jaune » (huan-ching), ainsi qu’aux « champs de cinabre » qui font penser aux cakra.
Les alchimistes indiens, les siddha, ont exploité ces données de leur côté, ont fait leurs propres expériences et développé leurs propres théories et méthodes, qui, homologuées par le bouddhisme, furent de nouveau exportées en Chine (au 8ème siècle) par des moines tantristes tels que Śubhākarasiṁha, Vajrabodhi et Amoghavajra etc. Encore plus tard, ce seront les maîtres tibétains qui apporteront leur connaissance en immortalité à la cour impériale. Nāgārjuna le siddha[9], réputé pour avoir été un grand alchimiste, aurait habité la région de Nāgārjunakoṇḍa et d’Amaravati dans l’Andhra Pradesh, et serait né à Kāñci selon le dpag bsam ljon bzang[10]. Or, ces lieux étaient à la croisée d’une route maritime et terrestre, et les siddhas pourraient y disposer de tout le cinabre dont ils rêvaient. Un autre port sur la route maritime état Tamluk au Bengale-Occidental, à côté de Kāmarūpa (Assam), où habitaient les yogini qui avaient ensorcellé avec leurs charmes Matsyendranāth, l’ancêtre du Kaula[11] et par Gorakṣanāth qui aurait sauvé Matsyendranāth et par la même occasion le Kaula en le réformant en le mouvement Nātha.
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MàJ 16/10/2013
[2] David Gordon White, The Alchemical Body, p. 62
[3] Atilf : « Empr. au lat. impérial cinnabaris « cinabre », lui-même empr. au gr. κιννάβαρι « cinabre, sang de dragon, sorte de teinture; plante tinctoriale, garance », mot d'orig. orientale, prob. persane. »
[4] Joseph Needham, Science and Civilisation, vol. 5, pt. 4 (1980), pp. 351-53, 355. Référence donnée par David White.
[5] David White, p. 204
[6] David White, p. 62
[7] Taoïsme et yoga, p. 46
[8] Traduction faite par le pélérin Hsuan-tsang, qui ne fit apparemment pas que de la version mais aussi du thème…
[9] Selon la lignée de la Mahāmudrā, disciple de Saraha. Mais Saraha, du moins selon les Distiques rapportées par Maitrīpa, condamne l’alchimie (rasa-rasāyana).
[10] De Sum-pa Mkhan-po Ye-shes-dpal-'byor (1704-1788)
[11] On lui attribue le Kaulajñānanirṇaya
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