Prajāpati est le "Seigneur de la génération", le générateur de toutes les créatures. "Prajāpati eut un désir : être multiple, se reproduire" (S.Br. VI,1,1, 8). Il y a différents mythes sur la façon de laquelle la création eut lieu. L'Aitareya Brāhmaṇa raconte qu'il fût pris de désir pour sa propre fille Rohiṇī ("gazelle, chevreuil"), qu'il approcha sous la forme d'un cerf, puisqu'elle avait adopté la forme d'un chevreuil. Les dieux, mécontents, voulaient punir Prajāpati et assemblèrent en un seul lieu toutes les formes les plus effrayantes. Ensembles, celles-ci devinrent Rudra, le Seigneur des esprits (S. Bhūtapati). Les dieux lui ordonnaient de transpercer Prajāpati. En échange de ce service, Rudra demanda la suzeraineté du bétail et devint Paśupati. Il transperça Prajāpati qui s'envola vers les cieux.
"Quand il eût émis les êtres, il s'éleva en haut... Car il n'y avait pas encore là d'autre que lui qui fût digne du sacrifice" (S.Br. X,2,2,1)
Tout cela est évidemment très symbolique et une métaphore pour la manifestation/création et/ou de la descente du Divin dans la manifestation. Le mot sanscrite mṛga a plusieurs sens. Dans le contexte du mythe de la création il signifie donc "gibier, animal sauvage paisible (opp. vyāla, fauve); not. antilope, gazelle", l'équivalent du mot tibétain ri dwags. Mais il peut aussi signifier "chercher, chasser, pourchasser | poursuivre, viser à | explorer"…
L'acte de création de Prajāpati est la descente du Divin dans la manifestation. L'Un devient multiple. Cette acte est puni, pour cause d'inceste. Pour faire une boutade, de quelle autre solution disposait l'Un pour Se reproduire ?... Après l'acte de la création, le Créateur Prajāpati fut isolé de sa création, par Paśupati (Śiva) et "'s'éleva en haut" ou "s'enfuit vers le ciel", où il est toujours visible. Le chercheur spirituel (S. yogi) est celui qui essaie de retrouver le Divin ou de rétablir la présence du Divin dans la création même. Il cherche, il traque, il chasse, il poursuit...
Ce qui rend le tout encore plus intéressant est la théorie de Stella Kramrisch (The Hindu Temple), que le dieu le plus ancien, le Dieu sauvage, est Raudra Brahman, que l'on retrouve entre autres dans Prajāpati. Dans l'hymne ancien du Dieu sauvage (RV 10.61), l'archer n'est pas Rudra mais Agni, contrairement à la version de l'Aitareya Brāhmaṇa. Il semble donc y avoir un lien très étroit entre Raudra Brahman et Rudra, s'ils ne sont pas identiques. Dédoublement d'identité, oubli ou mauvaise foi "C'était pas moi, c'était mon frère !"
On trouve dans la mythologie grecque le pendant du mythe de Prajāpati et de Rohiṇī, et on y retrouve la même constellation, celle d'Orion, le chasseur légendaire avec l'étoile Aldébaran (qui correspond à Rohiṇī, la gazelle), l'étoile la plus brillante de la constellation du Taureau. Orion est toujours accompagné de deux chiens de chasse, Canis Major et Minor.
Pour rappel, iconographiquement,
Pour les astrologues, Mṛgaśiras / Orion est l'étoile des chercheurs. "Des individus continuellement à la recherche de quelque chose. Ils sont agités, nerveux toujours en déplacement. Ce sont des collectionneurs toujours à la recherche d'une autre pièce (ou initiation...) à ajouter à leur collection. Comme les gazelles, ils sont doux, paisibles, tendres et ont des yeux larges (plus gros que le ventre ?...)"
Maitrīgupta avait longuement cherché son guru. Sa quête était désespérée car selon les gens du pays (les montagnes "Mahabhanga et Cittavishrama" ou Śrī Parvata selon les versions), Śavaripa avait disparu (il faut comprendre "était décédé" ou "passé à l'Action") il y a longtemps. Quand Maitrīgupta, pris de désespoir, était sur le point de se tuer, le guru lui est finalement apparu. Sous la forme d'un chasseur aborigène, sauvage, qui pouvait d'un seul coup et d'une seule flèche transperçer des milliers de créatures. Les symboles et les êtres symboliques ne meurent pas, comme Maitrīgupta venait de le découvrir.
Dans la forêt de l'ignorance (S. avidyā)Chant de Śavaripa.
Vivent (T. rgyu ba) les créatures de la saisie dualiste
Propulsée par l'arc de l'union des expédients (S. upāya) et de la lucidité (S. prajñā)
La flèche unique de la réalité intime (S. hṛdayārtha) vole
Ce qui meurt, ce sont les créations mentales (S. vikalpa)
La viande, c'est ce qui est dévoré dans l'indifférenciation (S. advayatā)
Sa saveur, est celle de la liberté universelle (S. mahāsukha)
Le résultat est la Mahāmudrā
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire