Plaque à Lumbini, lieu naissance du Bouddha |
S’il existait un proto-bouddhisme, son premier principe serait sans doute comme pour la médecine “Primum non nocere”, qui signifie : “d'abord, ne pas faire de mal”. La même chose vaut pour le jaïnisme, une autre branche de Renonçants (śramaṇa). Le Bouddha prend souvent exemple sur la médecine et se compare parfois à un médecin.
Ce principe, dans une forme négative, marque toute la doctrine śramaṇa du bouddhisme, dont l’enseignement le plus ancien semble particulièrement friand de groupes de cinq (pentades). Le bouddhisme śramaṇa n’affirme pas l’être, en fait, elle n’affirme rien positivement, ni même le non-être. Son éthique est définie négativement, car “d'abord, ne pas faire de mal”, ce qui correspond à la non-violence (ahiṃsā).
Ces cinq préceptes de base (pañcaśīla) sont donnés à la négative.
1) s'abstenir de tuer toute créature vivante ;Le bouddhisme n’affirme pas positivement ce que l’absence de ses actes négatifs et leurs conséquences (dukkha) laisse en place (sukha). Pourquoi le ferait-il ? Ce serait comme vouloir placer une deuxième tête sur une tête déjà en place, comme on dit dans le ch’an, un acte en trop[1]. Une grande partie des méthodes bouddhistes vise justement à “enlever” cette deuxième tête artificiellement ajoutée à l’aide d’analyse et d’exercices mentaux. Ce qui a été ajouté par le mental, peut être enlevé par le mental. Ce qui reste est naturellement présent. On peut lui donner un nom, faire son éloge, se gargariser avec, mais cela ne lui sert à rien. On peut évidemment montrer que l’on est heureux en tapant dans ses mains, mais on était probablement déjà heureux avant de taper dans ses mains (“if you’re happy and you know it clap your hands”), cet acte n’y change rien, et ne fait pas partie du travail en lui-même.
2) s'abstenir de voler ;
3) s'abstenir d'inconduite sexuelle ;
4) s'abstenir de paroles fausses ;
5) s'abstenir d'user de drogues.
C’est la même chose avec la vacuité, que certains trouvent “trop vide”, et manquant de choses positives, de qualités etc. Pourtant rien ne manque à la vacuité. Vacuité est le nom que le bouddhisme (Nāgārjuna) a donné à l’abstention de s’investir mentalement dans un des extrêmes.
"Sans rien qui cesse ou se produise, sans rien qui soit anéanti ou qui soit éternel, sans unité ni diversité, sans arrivée ni départ, telle est la coproduction conditionnée, des mots et des choses apaisement béni. Celui qui nous l'a enseignée, l'Éveillé parfait, le meilleur des instructeurs, je le salue."Sans investissement dans un des huit extrêmes cités par Nāgārjuna, toute la coproduction conditionnée, toute la vacuité, toute notre expérience reste entière. Rien n’est détruit ou annihilé. Reste à vivre notre vie d’être social (avec bienveillance, compassion, sympathie, équanimité, et conformément aux consignes sanitaires...), en s’abstenant de ce qui peut nuire aux autres. Appelez cela comme vous voulez.
"Je vous le dis : il n'y a pas de Bouddha, il n'y a pas de Loi ; pas de pratiques à cultiver, pas de fruits à éprouver. Que voulez-vous donc tant chercher auprès d'autrui ? Aveugles qui vous mettez une tête sur la tête ! Qu'est-ce qui vous manque ? C'est vous, adeptes, qui êtes là devant mes yeux, c'est vous-mêmes qui ne différez en rien du Bouddha-patriarche ! Mais vous n'avez pas confiance, et vous cherchez au-dehors. Ne vous y trompez pas : il n'y a pas de Loi au-dehors ; il n'y en a pas non plus qui puisse être obtenue au-dedans de vous-mêmes. Plutôt que de vous attacher à mes paroles, mieux vaut vous mettre au repos et rester sans affaires. Ce qui s'est produit, ne le laissez pas continuer ; ce qui ne s'est pas encore produit, ne le laissez pas se produire. Cela vaudra mieux pour vous que dix années de pérégrinations." Les Entretiens de Lin-Tsi, Paul Demiéville.
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