samedi 12 novembre 2011

Les Suiveurs de la Conscience




[3.4 Les Suiveurs de la Conscience (T. sems phyogs). Chengdu 212; Roerich 167)]

Sur les Suiveurs de la conscience.

[3.4.1 Introduction générale et défense des Suiveurs de la Conscience (Chengdu 212; Roerich 167)]

En ce qui concerne la « Section de la Conscience » (T. sems sde) de la Grande complétude, elle avait été enseignée par le Seigneur Mañjuśrīghoṣa, qui était le maître d'ācārya Buddhajñānapāda, au(x) moine(s) marié(s) (T. ban de chung ma can)[1].

La source des cycles d'instructions de [Buddha]jñānapāda, comme p.e. les Traditions orales (T. zhal lung) (S. Dvikramatattvabhāvana-mukhāgama), est le pandit Śrī Siṃha (paN+Di ta sing+ha) qui les étudia auprès du même Mañjuśrīmitra. Par la suite, Vairocana les étudia auprès de celui-ci [Śrī Siṃha]. Quand Vairocana était venu au Khams, il les avait enseignées partout[2].

De manière générale, le cycle des Traditions orales (T. rim pa gnyis pa'i de kho na nyid sgom pa zhes bya ba'i zhal gyi lung S. Dvikramatattvabhāvana-mukhāgama D715 et D716) de Buddhajñānapāda, les Suiveurs de la Conscience (T. sems phyogs) et les Suiveurs des préceptes (T. man ngag gi sde) ont beaucoup de points communs, mais quand ‘Bri gung dpal ‘dzin (14ème s.) (T. dpal 'dzin) [213] les corrigea (T. dag brjod) [Il avait publié une lettre circulaire autour de 1400], il avait dit que dans les commentaires, les pratiques (S. sādhana) et les instructions des nouveaux tantras même le nom « Grande complétude » (S. mahāsanti) ne figurait pas.

Cela montre combien sa vision était limitée, car il est écrit dans la Tradition orale de la culture de la réalité de l’état quiétif (S. Dvikramatattvabhāvana-mukhāgama[3] T. 'jam dpal zhal lung en abrégé, titre complet :  rim pa gnyis pa'i de kho na nyid sgom pa zhes bya ba'i zhal gyi lung)
« La Grande complétude est l'incarnation de l'intuition universelle[4]».
Fin de citation.Vitapāda (T. sman zhabs) [auteur du commentaire du Zhal lung] explique en outre que cela correspond à "la réalité telle quelle" (T. ji lta ba'i don).[5]

Le nom « Grande complétude » figure aussi dans l'Explication de la pratique (S. sadhāna) de Samantabhadrī (T. yan lag bzhi pa'i sgrub thabs kun tu bzang mo zhes bya ba'i rnam par bshad pa S. Caturaṅgasādhanasamantabhadrī-nāma-ṭīkā TG 1872) composée par [Buddha]jñānapāda, et dans le Trésor des siddhi (T. dpal gsang ba 'dus pa'i sgrub pa'i thabs dngos grub 'byung ba'i gter S. Śrī-Guhyasamājasādhanasiddhisaṃbhavanidhi-nāma TG 1874) composé par Vitapāda.
Et aussi dans le Commentaire des Traditions orales (T. mdzes pa'i me tog ces bya ba rim pa gnyis pa'i de kho na nyid bsgom pa zhal gyi lung gi 'grel pa TG 1866), il est fait mention des cinq consécrations des Puissances (T. nus pa'i dbang lnga po) enseignées dans le Guhyagarbha Tantra (T. gsang ba'i snying po)[6]. Cela correspondrait également à ce qui est enseigné dans les Mahāyoga tantras.

Il est d'ailleurs dit dans la Tradition orale (T. rim pa gnyis pa'i de kho na nyid sgom pa zhes bya ba'i zhal gyi lung S. Dvikramatattvabhāvana-mukhāgama D715[de [Buddha]jñānapāda] :
« Recommandé par toutes les lumières du triple monde
Le coeur de tous les phénomènes (S. dharma) qui est l'accomplissement (S. siddhi), le Réel (S. tathatā),
Qui détourne les eaux empoisonnées de l'existence et brille au-dessus de l'intérieur putride du triple [monde]
Sera expliqué pour y donner accès à travers la tradition de Mañjuguru. »
 Fin de citation. Et encore, dans « L'Or fondu qui se répand » (T. rdo la gser zhun), le premier des dix-huit traités sur la conscience (T. sems sde)[7] :
« Parfaitement et également recommandé par tous les guides qui sont les lumières du monde
Ce qui constitue le coeur des phénomènes dans les phénomènes est l'essence (tattva) du coeur de Mañjuśrīkumāra
Comme elle (tattva) est la mère de tous les Bienheureux (S. sugata), elle est l'unique chemin de tous les Vainqueurs
Ainsi que le Champs de tous les océans de l'ascèse des Perfections comme l'éthique etc. »
 L'usage des mots dans ces citations semble en effet très similaire. Dans le cas présent,
« Ainsi que la base (T. gzhir au lieu de zhing précédemment) de tous les océans de l'ascèse des Perfections comme l'éthique etc. »
cela refute les Suiveurs des Techniques (S. upāya-caryā) de la Grande complétude et ne les affirme clairement pas. Il est d'ailleurs dit dans la Tradition orale [de [Buddha]jñānapāda] :
« Les phénomènes, telle la matière (S. rūpa) etc.
Sont de la nature de l'Omniscient (S. sarvajñā)
Authentique comme le centre de l'espace
Tel est l'intuition de la non dualité de ce qui est sous-jacent et apparent. »
Fin de citation.
Si on en développe le sens,
« A l'abri de toute construction mentale
Elle ne peut être ni conçue ni exprimée
Elle s'étend partout comme le ciel découvert
Et est appellée [pour cette raison] « le principe sous-jacent libre d'imagination  (S. akalpita?) »
Dotée de la forme/substance de la Mahāmudrā
Elle apparaît comme un arc-en-ciel irréel (S. māyā)
Quand l'esprit de soi et autrui est purifié
Il s'appelle « manifestation authentique »
Voilà ce qui est écrit dans Guhyasamāja muktitilaka (D721)[8].

Par conséquent, les Suiveurs de la Conscience (T. sems phyogs pa rnams) [n'affirment] pas la non existence totale (S. atyant-oparama = atyanta-a-parama) du rayonnement [de la conscience][9], mais ils mettent plutôt (T. shas che bar snang) l'accent sur l'aspect de la réalité sous-jacente (T. zab mo'i phyogs).Les Suiveurs des préceptes (T. man ngag pa rnams) en revanche [affirment] bien l'aspect de la réalité sous-jacente, mais mettent plutôt l'accent sur le rayonnement [de la conscience]. Les Suiveurs de la Nature[10] (T. klong gi skor rnams S. āvarta, nisarga) expliquent l'importance égale de la réalité sous-jacente et le rayonnement [de la conscience].

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Il s’avère de ce passage des Annales bleues, qualifié par Samten G. Karmay de « première fois que l’on mette en question l’existence de Dzogchen dans les nouveaux tantras en réponse aux attaques de dpal ‘dzin (1400) », que la source première canonique de la Section de la Conscience du Dzogchen serait [Buddha]jñānapāda et plus précisément ses Traditions orales (T. rim pa gnyis pa'i de kho na nyid sgom pa zhes bya ba'i zhal gyi lung S. Dvikramatattvabhāvana-mukhāgama).

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Illustration : Geu lotsawa

MàJ081012 Selon Sam van Schaik (The Early Days of the Great Perfection, p. 167, n.6), le terme sems sde apparaît pour la première fois au 11ème siècle.

[1] Roerich traite ban de chung ma can comme un nom propre, et suggère Dārika (le siddha-roi vendu à une prostituée et qui la servait pendant 12 ans. Identifié quelquefois à Matsyendra ou à son « fils » Mīnanāth. Selon les sources tibétaines, quand le pécheur meurt, il renaît comme Dārika   ). On peut aussi le prendre comme un groupe nominal et traduire par « moine(s) marié(s) ». Quand Vitapāda (T. sman thabs) raconte la rencontre entre Buddhaśrījñāna et Mañjuśrīmitra, il précise que ce dernier avait une femme et qu’il porta une robe ouverte, un turban sur la tête…
[2] Voici ce qu’écrit ‘Gos. J’y attache personnellement peu d’importance. « On dit (T. grags) que Vairocana les a expliquées en deux temps et à trois reprises au Khams. Une première fois dans l'ermitage mGon po'i dgon pa à rGyal mo rong gi brag à la reine (T. rgyal mo) g.Yu sgra snying po). Il les aurait enseignées à gSang ston ye shes bla ma, dans l'ermitage stag rtse mkhar gyi dgon pa à tsha ba rong. Puis au mendiant sangs rgyas mgon po dans l'ermitage brag dmar gi dgon pa à stong khung rong. Dans le passé, il les aurait encore enseignées au roi et plus tard, il les enseignerait encore à la nonne La zi shes rab sgron ma. Cela fait cinq fois en tout. »
[3]  Karmay écrit : However, the work in question was probably translated only in the eleventh  century A.D. and it is not easy to guess what the original Sanskrit term  was in the line.
[4] rdzogs pa chen po ye shes spyi gzugs can/ La citation complète : rdzogs pa chen po ye shes spyi yi gzugs// yongs su dag sku rdo rje 'chang chen po// dpal ldan kun gyi ngo bo rim gnyis 'dis// sdug bsngal lam bcas bskal ba gsum du yang// rang gi rjes mthun byang chub bla dang bcas// thob nas de bde cung tzam rab tsogs pa// rnal 'byor de yis ci phyir de mi sgom// dad dang brtzon 'grus ting 'dzin shes rab dang// dran pa'i blo yis gong gi rim pa ltar// yid dga'i gnas brten kun du bzang po mchog /lam 'di bsgom par bya 'kho na'o/
[5] Karmay : ’Gos Lo-tsà-ba gZhon-nu-dpal without giving any  references states that Vitapàda (sMan-zhabs) explained the term rdzogs chen as “meditation  on the ‘proper object’” and this explanation according to G.N. Roerich (BA p. 168) is in  Caturangasādhanasamantabhadrìnàmatika of Vitapàda (Vol. 65, No. 2735), but in this work there  is no such explanation, see p. 201–1–1 where there is a discussion on the term rdzogs chen.  On the other hand, in his mDzes pa’i me tog ces bya ba’i rim pa gnyis pa’i de kho na nyid sgom  pa zhal gyi lung gi ’grel ba (Vol. 65, No. 2729, p. 68–4–3), Vitapàda explains that the term  rdzogs chen refers to rim pa gnyis pa (i.e. rdzogs rim): rdzogs pa chen po zhes bya ba ni rim pa gnyis  pa’o/.
[6] Je n’ai pas trouvé de terme « cinq consécrations des Puissances » dans l’outil de recherche d’ACIP. Selon Rigpawiki : five empowerments conferred as an entry point to the practice of Mahayoga in order to ripen students who have energy.
the empowerment of Ratnasambhava concerning listening
the empowerment of Akshobhya concerning meditation
the empowerment of Amitabha concerning teaching
the empowerment of Amoghasiddhi concerning enlightened activity
the empowerment of the five buddha families concerning the infinite teachings of the vajra king. Références : Jamgön Kongtrul, The Treasury of Knowledge, Book Six, Part Four: Systems of Buddhist Tantra, translated by Elio Guarisco and Ingrid McLeod (Ithaca: Snow Lion, 2005), page 315.
Longchenpa, Dispelling Darkness in the Ten Directions, pages 372-376.
[7] Geu cite ici un des dix-huit traités de la section de la conscience, « L'Or fondu qui se répand » (T. rdo la gser zhun), qui ne serait sans doute pas reconnu comme une source authentique par dpal 'dzin. Selon la hagiographie de Vairocana, il s'agirait du compte-rendu écrit par Mañjuśrīmitra des instructions que celui-ci avait reçu de 'dGa' rab rdo rje. Source : Samten G. Karmay, The Great Perfection, p. 19. Détail, Mañjuśrīmitra le disciple de Garab Dordjé est Mañjuśrīmitra l'ancien, tandis que le maître de [Buddha]jñānapāda est Mañjuśrīmitra le jeune.
[8] toh: 1870), attribué à Vitapāda
[9] Qui correspond à la phase de création selon le commentaire de Vitapāda « gsal ba zhes pa ni bskyed pa'i rim pa'o/ ches gsang ba zhes pa ni dngos po thams cad kyi de bzhin nyid do// de rnams ston par byed pa'i gong na med pa'i lung chen po ni 'dus pa'o ». « Kula est le mystère au-delà des états quiescents et émergents » Silburn
[10] Sur le terme « klong », souvent et apparemment par facilité traduit par « Espace ». En sanscrit : āvarta ou nisarga : [ni-sarga] m. évacuation; défécation | abandon; don, récompense | condition naturelle, nature innée. Entrée de Dan Martin : [= klongs]. receptive centre. Skt. āvarta, 'spiral inward' [M.Vy.], 'turning-place, whirlpool.' Nisarga [http://sanskrit.inria.fr/DICO/36.html#nisarga], 'array, nature.' Vipula, 'large, extensive, vast.' Stein. 75 2. See Germano, Poetic Thought 937, for the cowardly translation 'space.' This seems quite close to Sino-Tibetan words for 'middle' (related to Tib. gzhung); Coblin, Sinologist's 53. nags klong ni nags tshal chen po'i khrod. chu klung ni chu chen po. dba' klong ni rba rlabs. Utpal 11.2. Achard, L'Essence 88 n. 41.
[11] rtza ba'i rgyud kyi snying po 'dus pa nges par brjod pa'i rgyud bla ma rtza ba rtza ba'i 'grel pa (tg 1414) dans la cadre de la pratique avec dūtī, dbang gi cho ga'i rim pa zhes bya ba (tg 1535), dpal gsang ba 'dus pa'i dkyil 'khor gyi cho ga'i 'grel pa (tg 1871)(dans le cadre des pāramitā), mtsan yang dag par brjod pa'i 'grel pa tsul gsum gsal ba zhes bya ba (tg 2091), yang chub kyi sems bsgom pa don bcu gnyis bstan pa  (tg 2578) (theg pa chen po'i thabs kyi spyod pa)

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