Le Hevajra explique que le corps est le maṇḍala de la divinité. Les essences latentes (S. saṃvara) que sont Āli et Kāli, la Lune et le Soleil, Prajñā et Upāya, les centres (S. cakra) de la nature essentielle (S. dharmacakra), de délectation (S. saṃbhogacakra), de la création (S. nirmāṇacakra) et de la félicité universelle (S. mahāsukhacakra), ainsi que le Corps, la parole et l’Esprit, doivent être reconnues, rejointes et réactualisées. Le centre du Corps se situe dans l’organe génital, celui de la Parole dans la gorge et celui de l’Esprit dans le cœur.
Les centres étant au nombre de quatre, leur actualisation par des moyens yoguiques passe par des divisions quadruples : quatre moments : diversité (vicitra), mûrissement (vipāka), dissolution (vimarda) et sans signe (vilakṣaṇa). Les quatre nobles vérités ont leur correspondances aux centres. Ainsi que les quatre principes que sont le principe individuel (ātmatattva), le principe mantrique (mantratattva), le principe divin (devatātattva) et le principe intuitif (jñānatattva). Les quatre joies : la joie ordinaire (ānanda), la joie raffinée (paramānanda), la joie de la cessation (viramānanda) ainsi que la joie innée (sahajānanda). Les quatres écoles doctrinaires : Sthāvari, Sarvāsrivāda, Saṃvidī et Mahāsaṅghī...
Toutes ces tétrades sont associés aux quatre centres et actualisées dans ces quatres centres. « Tout marche par tétrades ». (evaṃ sarve catvāraḥ) dans le Hevajra-tantra. Cependant, au commencement du bouddhisme on raisonnait en termes de deux corps pour un Bouddha. D’abord son corps physique (rūpakāya ou vipākakāya), puis son corps (spirituel) de qualités (dharmakāya). A cela s’est ajouté un troisième corps (manomaya) qu’il utilisait à des fin de communication et qui a évolué en le corps de délectation (saṃbhogakāya). La délectation concerne celle des qualités acquises par un bodhisattva à travers la pratique des perfections (pāramitā).
Dans les tantras, ces trois Corps étaient associés aux trois centres (cakras). Mais le corps de délectation pouvait être encore sous-divisé en un corps de délectation de soi (sva-saṃbhogakāya) et un corps de délectation pour autrui (parasaṃbhogakāya). Par la règle de quatre, un quatrième corps, dit « corps inné » (sahajakāya), ou « corps de grande félicité » (mahāsukhakāya) fut ajouté et placé au-dessus du corps spirituel (dharmakāya). Comme nous avons vu cette règle de quatre était appliquée systématiquement dans le Hevajra-Tantra, mais, remarque Snellgrove[1], au moment de la rédaction/compilation initiale du Hevajra, il n’y avait que deux « mudrā » : « mudrā » et « mahāmudrā ». Ce sont les rédacteurs de commentaires ultérieurs qui ont introduit deux mudrā supplémentaires (dharmamudrā et samayamudrā) pour arriver aux quatre mudrā, qui devenaient désormais un critère. Snellgrove ajoute qu’il s’agit clairement d’un choix arbitraire vu le nombre de désaccords sur la disposition et les correspondances des quatre mudrā.
Ainsi, le fait qu’un texte mentionne deux, trois ou quatre mudrā peut être une indication permettant de le dater par rapport à d’autres textes. Un texte qui suit la règle des tétrades du Hevjara-Tantra a pu être composé ou mis à jour après l’époque de la composition initiale du Hevajra Tantra. Ceci n’est évidemment pas une règle absolue, mais il serait néanmoins intéressant de voir le nombre de textes datés avant le 9ème siècle qui passerait ce test. Le résultat mériterait de toute façon d’être mentionné en essayant de dater un texte spécifique.
***
[1] Snellgrove, Indo-Tibetan Buddhism, 2003, p. 252
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire