samedi 18 octobre 2014

Science des origines, dégénération et régénération


L'Ogdoade (Akanistha, 'og min etc. ?)
Les éléments cosmogoniques, théogoniques et généalogiques des voies hermétiques sont peut-être les mieux connus à travers les écrits gnostiques, mais dépassent évidemment le cadre des écrits gnostiques historiques (Egypte, Babylone, Asie centrale, Inde…). Par facilité et à cause du rôle central d’une gnose salvatrice, quelque soit sa définition, j’utiliserai le terme « gnostique » pour faire allusion à ce fonds commun.

La cosmogonie gnostique raconte la création du monde à partir d’un couple primordial « Esprit-Matière », où la Matière est représentée par un Océan primordial (Noun) avec ses flots glacés, d’où jailliront ultérieurement les huit génies de l’Ogdoade (huitième sphère)[1]. Quatre couples de génies aquatiques, dont les entités masculines ont des têtes de grenouille et les entités féminines des têtes de serpents.

Au centre de l’Océan primordial se dresse la colline primordiale, sur lequel vient au monde le démiurge Rê-Atoum, qui est à l’origine de la multiplicité, à commencer par la naissance de huit dieux, avec lesquels il formera l’Ennéade (neuvième sphère).
« …ayant pris sa semence dans sa bouche, il cracha ou éternua, créant (2) Shou, le dieu de l'air, et (3) Tefnout, la déesse de l'humidité. Ils explorèrent le sombre Noun et furent perdus pour Rê-Atoum qui envoya à leur recherche son œil divin, une puissance brûlante considérée comme la fille du dieu Soleil. La déesse revint avec Shou et Tefnout et les premiers êtres humains furent formés par les larmes que Rê-Atoum versa en retrouvant ses enfants. » (Wiki)
On peut dire en spéculant que la traversée à l’aveugle de l’Océan primordial Noun par le couple Shou (air) et Tefnout (humidité), créé avec la semence du démiurge, ait pu servir à féconder l’Océan primordial Noun, et que c’est suite à cette fécondation que les huit génies aquatiques en ont jailli. On peut encore spéculer que cette traversée les ait peut-être imprégnée de l’eau primordiale. Quoi qu'il en soit, en revenant sur la colline primordiale, des larmes jaillissent de leur père Rê-Atoum, donnant naissance par la même occasion au genre humain.
« De l'union de Shou et Tefnout naquirent (4) Geb, le dieu de la Terre, et (5) Nout, la déesse du Ciel. » (Wiki)
« Ces derniers étaient si étroitement enlacés que rien ne pouvait circuler entre eux. Nout fut fécondée par Geb mais ses enfants ne parvenaient pas à naître. Leur père Shou, le dieu de l'Air, finit par séparer Geb et Nout. Aidé par huit êtres appelés les dieux Heh [Ogdoade], Shou souleva la déesse du Ciel au-dessus de la terre, créant ainsi un espace où les créatures pouvaient vivre et respirer. »
« Nout enfanta deux paires de jumeaux, (6) Osiris et (7) Isis, et (8) Seth et (9) Nephtys. » (wiki)
Les enfants (6, 7, 8 et 9) de Nout et Geb (Terre et Ciel) étaient destinés à gouverner la terre (Egypte...).

Astrologiquement parlant, l’Ennéade correspond à la neuvième sphère et l’Ogdoade à la huitième. Au-dessous se trouvent les sept sphères planétaires de l’Hebdomade, qui sont chacune régie par un « Gouverneur », un « chef d’essence »[2], un ousiarque,[3] amschaspand (esprit pur) en perse, archange dans le judaïsme et autres monothéismes.[4] Les créatures qui se trouvent au-dessous d’une sphère subissent leurs influences. « élever jusqu’à l’Ogdoade [la huitième sphère], cela signifie d’abord se libérer de l’influence des sept sphères planétaires de l’Hebdomade, pour accéder au monde supérieur où réside le divin. »[5]

L’Engendré se situe au niveau de la huitième sphère (Ogdoade) au dessus des sept ouisarques/sphères planétaires (Hebdomade). Au-dessus, au niveau de la neuvième sphère (Ennéade), siège l’Autoengendré (celui qui s’engendre lui-même), tandis que l’Inengendre siège à un niveau encore supérieur. Ces trois niveaux supérieurs l’Inengendré, l’Autoengendré et l’Engendré correspondent respectivement à la triade divine du gnosticisme historique, à savoir : Souveraineté absolue, Intellect et Verbe saint, « puisqu’il est ‘Fils de Dieu, issu de l’Intellect’ »
« L’Intellect enfante d’abord un Homme androgyne semblable à lui, demeurant dans le monde supérieur. En se reflétant dans la Nature humide du monde inférieur, ce premier Homme engendre une forme qui lui ressemble. Il donne ainsi naissance à un Homme double, androgyne, ‘mortel par le corps, immortel par l’Homme essentiel’. Ce dernier engendre Sept Hommes androgynes dans la matière de la Nature. Puis les sexes sont séparés, le temps se met en branle avec les sept sphères célestes, et c’est le début des générations humaines semblables aux nôtres. » [6]
En allant dans ce sens, vers le bas ou sous l’influence des sept sphères planétaires, on parle de « dégénération ». La « libération » gnostique consiste à se libérer de l’influence des sphères en remontant. Ce processus s’appelle la régénération. Et pour « entrer dans la voie de l’immortalité »,[7] on peut recourir à une initiation dans lequel un homme tient le rôle du divin régénérateur. Le rituel initiatique permet à l’initié de reconnaître dans l’initiateur la personne même de Trismégiste, dans le cas de la voie hermétique. L’initiation permet ainsi de reconnaître ce que l’on est réellement, sa part essentielle. Cette reconnaissance, cette « vision de soi », n’est pas forcément « immédiate et intuitive », et peut être le résultat de « tout un cheminement intellectuel ». Mais si elle est donnée tout d’un coup, « c’est une certitude fulgurante qui provoque la joie, l’étonnement, l’enthousiasme, l’extase et la crainte. »[8]

Quand l’Intellect enfante un Homme semblable à lui cela se passe au niveau de l’Ogdoade. C’est en se reflétant « dans la Nature humide du monde inférieur » qu’il engendre une forme qui lui ressemble dans l’Hebdomade. En considérant cette forme corruptible comme lui-même, il dégénère. En revanche, s’il considère sa part essentielle, il se régénère. Mais on ne se reconnaît pas dans l’Intellect (Ogdoade), comme on s’aperçoit dans un miroir, par une image réfléchie. L'homme peut se transformer ainsi dans l’Essence et 
« abolir la différence entre ‘l’homme matériel’, composé de quatre éléments, et ‘l’homme essentiel’ à l’image du Dieu Intellect ; on revient au moment où l’homme n’était pas encore incarné ni affecté par les sensations ou par les passions des sept planètes, mais demeurait encore dans l’Ogdoade. A ce moment-là, on se sent une faculté euphorique d’ubiquité, on s’élève au-dessus du temps, on devient éon comme Dieu. La vision de soi-même se change ainsi en vision du Tout. »[9]
Pour ne pas me rendre coupable de syncrétisme, je vous laisse faire vous-même tout rapprochement éventuel avec d’autres traditions …


***

[1] (1) Heh et (2) Hehet, l'infinité spatiale, (3) Kekou et (4) Kekout, les ténèbres profondes, (5) Noun et (6) Nounet, le couple de l'eau initiale et (7) Amon et (8) Amonet, ce qui est caché. (wiki)

[2] « b. Énumération des «chefs d'essence» et des «essences» sur lesquelles ils régnent Jupiter est l'ousiarque du ciel, qui produit le principe matériel de la vie. La lumière (spirituelle) est l'ousiarque du soleil, qui produit le principe matériel de l'illumination (bonum luminis). — Ces deux principes n'en font qu'un, car <pd>ç et Çiuf| sont l'envers d'une seule et mcme réalité dans tous les textes hermétiques, cf. supra, p. 418 — 19 (318.22-319.1). Pantomorphe est l'ousiarque des 36 astres fixes, appelés Horoscopes, qui sont cause que chaque individu d'une même espèce reçoit une forme différente à sa naissance. 19 (319.1-5). — Heimarménè est l'ousiarque des sept planètes toujours en mouvement qui sont cause de tous les accidents survenant après la naissance. 19 (319.5-9). Le nom de l'ousiarque de l'air est perdu et son rôle matériel nous échappe partiellement à cause du mauvais état du texte. Il est à la jonction des corps mortels et des principes immortels, 19 (319.9-12). » Colloque international sur les textes de Nag Hammadi: Québec, 22-25 août 1978 edited by Bernard Barc

[3] « Les dieux ousiarques sont des principes intelligibles qui commandent aux essences à la fois sensibles et intelligibles : grâce au gouvernement de ces principes, s'établit une continuité, d'un bout à l'autre de l'univers, entre l'intelligible et le sensible. 19 (318.17-21). » Colloque international sur les textes de Nag Hammadi: Québec, 22-25 août 1978 edited by Bernard Barc

[4] « Les Perses ont aussi leur ange Chur, qui dirige la course du Soleil ; et les Grecs avaient leur Apollon, qui avait son siège dans cet astre. Les livres théologiques des Perses parlent des sept grandes intelligences sous le nom d’Amschaspands, qui forment le cortège du dieu de la Lumière, et qui ne sont que les génies des sept planètes. Les Juifs en ont fait leurs sept archanges, toujours présents devant le Seigneur. Ce sont les sept grandes puissances qu’Avenar nous dit avoir été préposées par Dieu au gouvernement du Monde, ou les sept anges chargés de conduire les sept planètes ; elles répondent aux sept ousiarques, qui, suivant la doctrine de Trismégiste, président aux sept sphères. Les Arabes, les Mahométans, les Cophtes, les ont conservées. Ainsi, chez les Perses, chaque planète est surveillée par un génie placé dans une étoile fixe : l’astre Taschter est chargé de la planète Tir ou de Mercure, qui est devenu l’ange Tiriel, que les cabalistes appellent l’intelligence de Mercure ; Hafrorang est l’astre chargé de la planète Behram ou de Mars, etc. Les noms de ces astres sont aujourd’hui les noms d’autant d’anges chez les Perses modernes. » Dupuis - Abrégé de l’origine de tous les cultes, 1847 p. 60

[5] Ecrits gnostiques, La Pléiade, L’Ogodade et l’Ennéade, p. 940

[6] Ecrits gnostiques, La Pléiade, L’Ogodade et l’Ennéade, p. 941

[7] Ecrits gnostiques, La Pléiade, L’Ogodade et l’Ennéade, p. 943

[8] Ecrits gnostiques, La Pléiade, L’Ogodade et l’Ennéade, p. 943

[9] Ecrits gnostiques, La Pléiade, L’Ogodade et l’Ennéade, p. 944

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