Le buddha (« l’éveillé ») qui est l’objectif ultime n’est pas « quelqu’un quelque part ». Le buddha est la véritable nature de l’esprit, la réalité telle qu’elle est, sans notion de sujet ni objet. L’élément réel de ce buddha est « l’élément des phénomènes » (S. dharmadhātu) purifié. Quand il n’est pas purifié, c’est-à-dire tant qu’il y a une notion de sujet et d’objet, il est l’élément mental qui connaît et raisonne en termes de « moi et mien ». L’expérience du buddha, si on peut parler d’expérience, dépasse la raison (S. buddhi) et ne peut être décrite, pensée, vue etc. sans « la » perdre. Ce buddha est le refuge ultime. C’est même le seul refuge. Le bouddha historique, Śākyamuni, le sage du clan des Śākya, disait « tathāgata[1] » quand il parlait de ce « buddha ». D’ailleurs, Le vénérable ajahn Liem explique que « Bouddho » signifie : « Ce qui sait et qui est éveillé »[2].
Cela n’a pas empêché les spéculations au sujet de l’état du bouddha qui furent très nombreuses. Il n’est pas toujours commode de distinguer entre une « personne » aussi éveillée soit-elle et son « buddha ». Le bouddha historique a d’ailleurs lui-même indiqué que le buddha n’est pas une apparence physique (S. rūpakāya), mais l’ensemble des qualités spirituelles (S. dharmakāya). Selon Maitripā, Gampopa et d’autres, le véritable buddha est l’ensemble des qualités spirituelles, ou corps spirituel (S. dharmakāya) selon une traduction suggérée par Edgerton [3].
Le bouddha historique a cependant bien continué à vivre après avoir obtenu l’éveil, après avoir définitivement rejoint son buddha. Tous voyaient son corps physique. Pour pouvoir exister et agir dans le monde, il fallait bien que le bouddha ait un corps ou une apparence physique. Quelle était la nature de ceux-ci ? C’est la question de la nature du libéré-vivant (S. jīvanmukti). Celui qui s’était libéré de la souffrance continuait de vivre dans un corps qui donnait l’impression de souffrir de douleurs qui le forçaient d’appuyer le dos contre un support. Il aurait souffert de migraines, et il est bien mort à la suite d’aliments avariés…
Une des solutions proposées est celle d’un bouddha, pouvant fonctionner de manière impersonnelle grâce à des intuitions (S. jñāna), c’est-à-dire sans intervention mentale et personnelle. Ainsi, un bouddha pouvait rester absorbé dans son buddha, tout en fonctionnant dans le monde. Celui qui est absorbé dans le buddha, n’éprouve ni de corps, ni de soi individuel, ni les autres. Pourtant les autres, du moins ceux qui ne sont pas absorbés dans le buddha, perçoivent toujours le corps du bouddha, ils entendent ses paroles et y attribuent un sens selon leurs capacités et dispositions. Absorbé continuellement dans le buddha, qui transcende les données sensorielles et intelligibles, un bouddha ne connaît plus ni naissance ni mort. Mais son activité altruiste (T. ‘phrin las) perdure naturellement et sans intention.
Ce bouddha est chacun de nous, tel que nous sommes au fond, tel que nous devraient ou voudraient être selon les opinions. Il est plus « intime que l'intime de nous-même » dirait Saint Augustin. C’est ce bouddha qui est l’objet du refuge et qui peut véritablement donner refuge. Si tout cela est trop positif, disons que le bouddha est la fin de toute méprise. Approche négative ou approche positive, tant qu’il y a approche, ce n’est pas le buddha.
Pour rester encore un peu dans les spéculations, comme dit ci-dessus l’ensemble des qualités spirituelles, le corps spirituel (S. dharmakāya), est le buddha véritable, l’élément spirituel (S. dhātu). Les corps formels ne le sont pas. Ils sont capables de guider les êtres, mais pour être libérés il faut bien que ceux-ci rejoignent le buddha. Une fois le buddha rejoint, les corps formels agissent de façon altruiste. Comme le bouddha et le libéré-vivant guident les autres.
« Il est nécessaire qu’il y ait trois corps, car le corps absolu sert au bien de celui qui le réalise, et les deux corps formels au bien des autres. »[4]
« Le corps fonctionnel ne disparaît pas, mais se manifeste sans interruption. Bien qu'il y ait une interruption d'instance similaire (tulya-jātīya), [ce corps] remplit sa fonction car il ne se produit qu'aux moments appropriés et c’est en cela qu’il est continu. »[5]
La différence avec les corps fonctionnels définis ci-dessus, est que ceux-ci n’ont pas besoin d’être reconnus et authentifiés comme des corps fonctionnels spécifiquement rattachés à tel ou tel maître décédé. Les corps fonctionnels sont comme l’énergie éveillée jaillissant continuellement de manière spontanée et allant là où elle peut aller. Ils peuvent se manifester dans des bouddhas, dans des artistes talentueux, des scientifiques, mais aussi dans des créatures ordinaires, p.e. comme un lapin. Pensez au Jātaka, les histoires des existences précédentes du Bouddha. Reconnus ou pas, ces corps fonctionnels fonctionnent.
L’introduction (T. ngo sprod) a pour but de sensibiliser le disciple au buddha, auquel celui-ci a déjà accès, et à ses trois corps.
[1] Le professeur Richard Gombrich a indiqué dans ses conférences Numata de 2006, que lorsque le terme -gata est utilisé pour former des mots composés du type de « tahātagata », il perd son sens primaire et signifie simplement « être ». Tathāgata signifierait alors « ce(lui) qui est ainsi ». « Cela revient à dire qu’il n’y a pas de mots qui puissent décrire son état, il peut simplement le montrer. » (Gombrich 2006 : conférence 6. Le plus souvent, ce terme est traduit par « ainsi-allé ». Dans ce cas gata est considéré être le participe passé de gam- "aller".
[2]http://www.dhammadelaforet.org/sommaire/liem/liem_questions_reponses.html
[3] Edgerton, Franklin, Buddhist Hybrid Sanskrit Grammar and Dictionary
[1] Le professeur Richard Gombrich a indiqué dans ses conférences Numata de 2006, que lorsque le terme -gata est utilisé pour former des mots composés du type de « tahātagata », il perd son sens primaire et signifie simplement « être ». Tathāgata signifierait alors « ce(lui) qui est ainsi ». « Cela revient à dire qu’il n’y a pas de mots qui puissent décrire son état, il peut simplement le montrer. » (Gombrich 2006 : conférence 6. Le plus souvent, ce terme est traduit par « ainsi-allé ». Dans ce cas gata est considéré être le participe passé de gam- "aller".
[2]http://www.dhammadelaforet.org/sommaire/liem/liem_questions_reponses.html
[3] Edgerton, Franklin, Buddhist Hybrid Sanskrit Grammar and Dictionary
[4] Le précieux ornement de la libération, éd. Padmakara, p. 316
[5] Le précieux ornement de la libération : sprul pa'i sku ni mi snang bar gyur nas kyang yang dang yang du ston pa ste/ rigs mthun rgyun chad kyang 'tshams pa'i dus las mi yol bar 'byung ba'i phyir bya ba byed pas rtag pa'o/
[6] Du même "quoi" est la grande question…
[5] Le précieux ornement de la libération : sprul pa'i sku ni mi snang bar gyur nas kyang yang dang yang du ston pa ste/ rigs mthun rgyun chad kyang 'tshams pa'i dus las mi yol bar 'byung ba'i phyir bya ba byed pas rtag pa'o/
[6] Du même "quoi" est la grande question…
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