dimanche 15 octobre 2017

Louange de moi-même - Lama Zhangteun




Namo Guru

Le louange très étonnant de Lama Zhang à Lama Zhang


Toi, inégalable Lama Zhanggom
Tu as trouvé une existence humaine et rencontré le Dharma
Tu as pris l’ordination de bhikkhu, rare acte de renoncement,
Tu a pris l’engagement d’un religieux devant les saints
Mais n’appliquant pas les remèdes, tu es sous l’emprise de mauvaises habitudes, [658]
Sous l’emprise de la fierté des trois vœux,
Satisfait de ton savoir, ta sapience et ta méditation
Infatué de ta générosité, de ta noblesse (des pa) et de ton éthique
Plein de toi-même, tu te glorifies en rabaissant les autres
Ta vision de toi-même est en contradiction avec ta pratique religieuse
Tes quelques qualités se sont transformées en défauts
Et les défauts transformés en défauts, cela n’existe pas dans le Dharma…
Déprécier le gourou est en contradiction avec tes instructions
Déprécier tes compagnons vajra est en contradiction avec tes engagements
Déprécier les Bouddhas est en contradiction avec les sūtra et tantra
Déprécier les sages est en contradiction avec les traités
Sans pratiquer toi-même tu ridiculises les autres
Sans voir tes propres défauts tu dévoiles ceux des autres
Tu t’es engagé à pratiquer le Dharma, tout en faisant des choses inconvenables
Tu t’es promis de méditer, mais seule la distraction augmente
Tu as pris l’engagement de séjourner dans les montagnes, mais on te vois toujours en ville
Tu as fait vœu d’être un vénérable, mais tes transgressions ne se comptent plus
Tu as promis d’être sans attachement, [659] et pourtant tu n’as jamais assez de provisions
Toi, l’expert en hypocrisie, je ne te rends pas hommage !

« j’ai renoncé aux huit soucis mondains » dis-tu
Mais tous tes actes physiques, verbaux et mentaux
Ont pour but de contribuer à ta bonne image
Ta propre grandeur, ton statut social, ton confort et ton bonheur
Ta vie risque ainsi d’être sous le signe de choses matérielles et d’une bonne image
Et de se perdre dans ton statut social, ton confort et ta grandeur
J’espère que ces bonnes choses seront égales à ton mérite !
« Géshé Zhangteun a beaucoup de mérite ! »
Tu espères que les autres feront ainsi ton louange
Tu espères qu’ils diront que tu es un très bon contemplatif
Et que tu seras connu comme quelqu’un qui vit en accord avec le Dharma
« Il est sans aucune hypocrisie »
« Sa sagesse est énorme »
« Il est très inspiré par le Dharma »
« Il est expert en transmissions »
Toi, l’expert en relations publiques, je ne te rends pas hommage !

Tu n’as pas à l’esprit les choses qui ne concernent pas ta personne[1]
Tu ne penses jamais à la mort [660]
Ni aux souffrances qui t’affligeront après
Toi, un simple mouton, je ne te rends pas hommage !

En agissant de la sorte, tu penses que les hommes t’apprécieront
En agissant de la sorte, tu penses que tu seras très respecté
En étudiant parfois, parlera-t-on de moi ?
En méditant parfois, parlera-t-on de moi ?
En enseignant parfois, parlera-t-on de moi ?
En faisant parfois des rites au village, parlera-t-on de moi ?
En m’asseyant parfois sur un siège élevé, parlera-t-on de moi ?
En adoptant parfois une posture humble, parlera-t-on de moi ?
En parlant parfois de choses ordinaires, parlera-t-on de moi ?
Si parfois je montre mon érudition en instructions, parlera-t-on de moi ?
Si parfois je me mets en retraite, parlera-t-on de moi ?
Si parfois je montre mon visage en ville, parlera-t-on de moi ?
Si parfois je me montre en compagnie de mes élèves, parlera-t-on de moi ?
Si parfois je ne me montre plus, parlera-t-on de moi ?
Si parfois je raconte des histoires cochonnes (rtsing chos tho co), parlera-t-on de moi ?
Si parfois je dévoile (zhib) ma conduite en détail, parlera-t-on de moi ? [661]

En faisant quoi, mon mérite serait-il le plus grand ?
En faisant quoi, aurais-je le plus de disciples ?
En faisant quoi, aurais-je le plus de bienfaiteurs ?
En faisant quoi serais-je le plus célèbre ?

Motivé uniquement par tes désirs débridés
Quoi que tu fasses devient nuisible, ô porteur de mauvais actes !
En agissant uniquement dans l’intérêt de ta petite personne
Tout ce que tu fais est une aide pour Mara, ô porteur d‘actes mitigés
Rien de ce que tu fais n’a de sens, ô fou hyperactif !
Tu es fou (gti thug) en gaspillant ainsi ta précieuse existence humaine !
Avec ton éloquence futile (mdo med) et décousue[2]
Toi qui te détruis toi-même je ne te rends pas hommage !

L’existence humaine passe à chaque instant[3]
Les cycles annuels et mensuels passent et repassent
Les jours, les provisions et les nuits de sommeil se suivent les uns aux autres
Sans s’apercevoir que le Seigneur de la Mort t’attire vers lui
Tu n’aura pas de Dharma quand tu sera vieux ; à cause de tes mauvaises habitudes
Il ne te restera qu'à manger, à boire, des habits et un mental qui te lâche (shig)
Tu auras des mauvaises pensées, des paroles futiles, et tu ne cesseras de te plaindre
[662]La méditation sur tes douleurs aiguës te servira de śamatha
Et tes mauvaises conceptions de la douleur de vipaśyanā
Ayant à ton actif des actes négatifs, ta destination sera une des trois destinées malheureuses
Le Seigneur de la mort te tirant par le devant, et ton mauvais karma te poussant par derrière
Ayant atteint l’état ultime d’idiotie, je ne te rends pas hommage !

Tu comprends bien que tu as besoin du Dharma
Mais pensant que tu peux remettre cela au lendemain
Tu préfères préparer suffisamment de vivres pour tout de suite
Océan de désirs, je ne te rends pas hommage !

Tu fais bien un peu de pratique spirituelle
Mais ce que tu dois faire le matin peut très bien se faire le soir te dis-tu
Puis si le soir c’est pas possible, cela peut très bien attendre le matin
Si c’est toujours impossible le lendemain, tu trouveras bien à le faire ultérieurement
A coups d’aujourd’hui, de demain, de lendemain, et de surlendemain,
Ton devoir n’est pas fait et l’existence humaine passe sans porter de fruits
Continuellement au niveau de projets à cause de ta paresse substantielle[4]
Toi, l’expert en procrastination, je ne te rends pas hommage !

Tu fais des dons, mais tu donnes pour ta bonne image
Tu gardes l’éthique, mais tu la gardes pour ta bonne image
Tu pratiques la patience, mais tu la pratiques pour ta bonne image [663]
Tu étudies et tu développes la sagesse, toujours pour ta bonne image
Motivé par le désir, tu es vraiment très énergique !
Motivé par le désir, tu es tout à ta besogne
Motivé par le désir, tu fais semblant d’avoir une compassion ééénorme
Motivé par le désir, tu fais semblant de craindre les actes négatifs
Motivé par le désir, tu fais semblant d’avoir de moins en moins d’attachement
Motivé par le désir, tu fais semblant de ne pas être hypocrite
Motivé par le désir, tu fais semblant de maîtriser tes pensées
Motivé par le désir, tu fais semblant d’apaiser de plus en plus tes passions
Motivé par le désir, tu fais semblant de porter de te soucier de moins en moins de toi
Motivé par le désir, tu fais semblant de comprendre de plus en plus l’essence (tib. gnas lugs)
Toi qui ne sais pas ce qui est parfaitement inauthentique (bcos ma ma yin)
Grand fourbe, je ne te rends pas hommage !

Parfois tu chantes, parfois tu danses et parfois tu râles
Tu plaisantes, tu te fâches, tu éclates de rire ou tu pleures
Tu manques de vigilance dans tout ce que tu fais
Fou incontrôlé, je ne te rends pas hommage !

[664] Tu mets tes robes sans les attacher[5]
Et tu agis mal de façon éhontée
De ta bouche sortent des bêtises et un dharma inauthentique (rdol chos min)[6]
Avec ton regard fuyant, je ne te rends pas hommage !

Je ne te laisserai pas détruire la Doctrine du Bouddha
Où est-il expliqué que les moines doivent danser et chanter ?
Quelle tradition invite à dire n’importe quoi ?
Où est-il dit de suivre ses désirs sans vergogne ?
Dans la tradition des moines ordonnés peut-être ?
Dans les écritures, les traités, les transmissions ?
Dans les instructions d’un maître authentique ?
Non, nulle part est-il expliqué d’agir comme tu le fais !
Qui t’as enseigné la Doctrine du Bouddha, pour que tu la détruise ?
Qui t’as demandé de décourager (sun ‘byin) les gens ?[7]
Qui t’as demandé de pervertir la foi d’autrui?
Qui t’as demandé à orienter tes disciples vers des actes négatifs ?
Étant toi-même corrompu, qui t’as demandé de gouverner ?
Avec tout ce que tu fais sans qu’on te le demande
Tu me décevras toujours, je ne te rends pas hommage !

Parjure de samaya, destructeur de la Doctrine, je ne te rends pas hommage ! [665]
Maître pervers, je ne te rends pas hommage !
Moine bavard, je ne te rends pas hommage !
Arbre vénéneux, je ne te rends pas hommage !
Blanc de l’extérieur, noir à l’intérieur, je ne te rends pas hommage !
Tu es la honte (rkan ‘dren) des religieux, je ne te rends pas hommage !
Puissè-je ne plus jamais te rencontrer dans mes futures naissances !

De l’océan de tous tes défauts
Je n’ai mentionné qu’une seule goutte
Aussi, puissent les êtres ne pas suivre ton exemple,
Et une fois débarrassé de toi, puissè-je moi-même ne plus jamais te rencontrer !

Afin de se purifier de son mauvais chemin, le bienfaiteur Gouroub Réouokyi (gu rub re bo skyid) avait demandé à Lama Zhangteun d’écrire lui-même son propre louange. En pensant à lui-même, Lama Zhangteun fut très étonné par ce qu’il trouva, et composa le louange ci-dessus. Qu’il soit diffusé à tous. Écoutez-le, lisez-le, et qu’il rende chacun rouge de honte !

Iti


Bla ma zhang ston gyis/ bla ma zhang ston rang nyid la shin tu ngo mtshar ba’i sgo nas bstod pa/
gu ru re bo skyid kyis zhus pa'i khrel 'debs ma

Articles :

A Preliminary Survey of the Songs of Zhang Tshal pa, Carl Yamamoto

***

[1] Snying la tshe ‘di min pa mi dran cing*/

[2] Mdo med kha sbyang mkhas pa’i srad ma can. Srad (ma) can = fou, incontrôlé

[3] Mi tshe yad yud phyad dang phyod la skyel/

[4] Le lo’i gdos kyis btags pa’i thar du re/

[5] Référence classique à un moine sans discipline. Tib. dge slong ‘ban po sham thabs bye zhing*/ Chez Davidson : byi ba’i sham thabs can (traduit par robe en peaux de souris…). Il faut sans doute lire "bye ba’i sham thabs can". Tout comme on parle de “loose women” on pourrait parler de “loose monks”. Voir Il est des nôtres

[6] Dans le sens de dharma New Age, inventé, accommodé…

[7] ‘gro ba’i sems sun ‘byin du su yis bcol/


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