jeudi 11 avril 2013

Des visionnaires occidentaux se réclamant du Bouddha



Certains philosophes de l’occident avaient accueilli le Bouddha comme une sorte de héro des Lumières et son culte comme un culte du néant. Ce n’était pas le seul type d'accueil que l'on fit au bouddhisme en occident. Kant s’était opposé à Swedenborg (1688-1772) (Träume eines Geistersehers, Rêveries d’un visionnaire) qu’il appelait « un chasseur de fantômes ». Ce dernier avait ses propres fans et sa propre filière de candidat-visionnaires, parmi lesquels on trouve Madame Blavatsky (1831-1891), qui avait fondé la Société théosophique en 1875 avec Henry Steel Olcott (1832-1907). Elle avait les objectifs suivants :
« -Former un noyau de la Fraternité Universelle de l'Humanité, sans distinction de race, credo, sexe, caste ou couleur ;
-Encourager l'étude comparée des religions, des philosophies et des sciences ;
-Étudier les lois inexpliquées de la nature et les pouvoirs latents dans l'homme. »
Ce dernier objectif prit corps dans « l’école ésotérique » du mouvement. Tout le monde pouvait devenir membre du mouvement simplement en affirmant sa croyance en la Fraternité Universelle de l'Humanité et en l’équivalence de toutes les religions, mais ceux qui voulaient avoir accès à l’enseignement de « l’école ésotérique », devait d’abord prouver leur loyauté au mouvement et leur sincérité.

Les enseignements de « l’école ésotérique » étaient principalement ceux qui provenaient des « Maîtres » (Mahātmā), des êtres spirituels supérieurs (de préférence hindous ou bouddhistes), membres de la Fraternité blanche/Grande Loge Blanche. Ils s’étaient libérés de "la roue du Karma", mais préféraient rester en contact avec les humains afin de les faire avancer sur le chemin de l’évolution. Ils étaient nombreux, mais deux parmi eux jouèrent un rôle important dans le mouvement théosophique. Il s’agissait des Maîtres « Morya » et « Kout Houmi », qui avaient pris une forme humaine et vivaient "dans un ravin au Tibet" (Ladakh ?). Mais ils avaient également le pouvoir de manifester ailleurs et d’entrer en contact avec les dirigeants du mouvement. Madame Blavatsky aurait vécu pendant six mois auprès de ces Maîtres au Tibet, où elle aurait reçu un entraînement occulte, qu’elle expose dans Isis Dévoilée et La doctrine secrète.

Dans la hiérarchie des êtres spirituels, les deux Maîtres se tenaient en dessous de Maitreya, le bodhisattva, dont le mouvement attendait une nouvelle entrée imminente dans un "véhicule humain". Maitreya serait dejà apparu auparavant en la figure de Jésus. Le Bouddha était le supérieur hiérarchique de Maitreya.

Après la mort de Blavatsky et Olcott, Annie Besant fut choisie comme présidente du mouvement, assisté par Charles Webster Leadbeater, qui fondèrent en 1911, l’ordre de l’étoile d’orient. Les deux se dirent clairvoyants.  Cette clairvoyance passa notamment par les messages qu’ils reçurent des deux Maîtres du mouvement. Besant était en contact avec Morya et Leadbeater avec Kout Houmi. Selon Leadbeater, les deux Maîtres n’allaient plus quitter "le ravin au Tibet" où ils séjournaient, et pour recevoir leurs enseignements, il fallait s’y rendre dans le corps astral, pendant son sommeil. Cette charge incombait à Leadbeater, qui devait accompagner les candidats, pendant leur sommeil, en son propre corps astral, et qui devait affirmer le lendemain, si les candidats avaient réussi ou non...

Après 1906, Leadbeater perdait momentanément sa position officielle dans le mouvement, suite à un scandale sexuel où furent impliqués deux garçons de Chicago, mais il continua de jouer un rôle important. Notamment dans la reconnaissance du nouveau « véhicule humain » de Maitreya. Une première fois (1907), il avait cru reconnaître ce véhicule dans un jeune éphèbe de onze ans, Hubert van Hook, fils d’un membre américain du mouvement[1], dont il devrait prendre en charge l’apprentissage à Ayar. Mais finalement (1909), ce serait Krishnamurti. Pour son initiation, Leadbeater le conduisait "dans son corps astral" au séjour de Maître Kouthoumi, dont Krishnamurt écrirait les instructions le lendemain matin. En 1910, Leadbeater obtint la permission de s’enfermer pendant trois jours seul avec Krishnamurti, pour l'amener à Shambala, où il serait accepté comme disciple par Kout Houmi et initié. Au bout des trois jours, Krishnamurt se serait écrié selon Leadbeater : « Je me souviens, je me souviens ! ». Dans ses notes, Krishnamurti avait écrit que dans l'habitation de Kout Houmi furent également présents Maître Morya, Annie Bessant et Leadbeater, et que tous étaient aller voir Maitreya ensemble. A la fin de la cérémonie avec Maitreya, Krishnamurti fut admis à la Fraternité blanche/Grande Loge Blanche. En sortant de ses trois jours d'enfermement avec Leadbeater, il fut salué comme le Maître du mouvement. Leadbeater continua cependant de se charger de l’éducation de Krishnamurti en suivant scrupuleusement les ordres de Kout Houmi...

"Par ailleurs, la théosophie aurait touché dans sa jeunesse londonienne l'exploratrice et tibétologue Alexandra David-Néel et l'aurait incitée à explorer l'Asie.  Elle aurait même vécu un certain temps dans une maison au siège international de la Société théosophique à Adyar en Inde, dont elle décrit les adeptes avec une certaine ironie dans un livre posthume, Le sortilège du mystère." (Wikipedia)

Le reste est connu, Krishnamurti prendrait ses distances avec les différents clans qui se commencèrent à se former au sein du mouvement. La mort de son frère Nitya en 1925, lui aurait fait perdre toute foi en les Maîtres tels qu’ils furent présentés par Leadbeater. Il garda néanmoins foi en Maitreya et en sa propre mission.[2] Au camp d’été d’Eerde (Pays-Bas), il rendit public son point de vue.[3] « En août 1929, il décida de dissoudre l'organisation mondiale, établie en 1913, pour le soutenir et qui avait été appelée « l'Ordre de l'Étoile du Matin », déclarant à cette occasion : « La Vérité est un pays sans chemins, que l'on ne peut atteindre par aucune route, quelle qu'elle soit : aucune religion, aucune secte. ». Il considérait que les rituels et exercices spirituels de cet ordre étaient au mieux dénués d'intérêt et au pire absurdes. Il déclara aussi que dans cet ordre, la seule personne réellement sincère était Annie Besant. Son opposition à toute notion de sauveur, de gourou ou de tout médiateur pour faire l'expérience de la « réalité » allait devenir sa ligne directrice. Selon Mary Lutyens, le dernier lien avec la société théosophique fut rompu avec la mort d'Annie Besant en 1933 » 

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Photo : Krishnamurti, Leadbeater, Besant

[1] De levensweg van Krishnamurti, Mary Luytjens, p. 23. Hubert van Hook garda toute sa vie une rancune contre Leadbeater. note p. 23  Wikipedia : Mary Lutyens states: "Hubert later swore to Mrs Besant that Leadbeater had 'misused' him, but as he was extremely vindictive by that time, his testimony, though unshaken, was perhaps not altogether reliable."

[2] Luytyens, p. 71

[3] Luytyens, p. 81

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