lundi 21 mai 2018

Deuxième précepte sur le vol et la propriété

Mise en scène d'esclaves dans le Thai Human Imagery Museum 

Vol : Action de s'emparer frauduleusement de ce qui appartient matériellement à autrui. Dans le bouddhisme généralement défini comme prendre ce qui n’a pas été donné. C’est le deuxième des Cinq Préceptes (pañcaśīla) bouddhistes.

Le plein effet (karma) du vol est de renaître comme « preta », un « être affamé », un « démon famélique », ou un « esprit avide ». L’effet conforme à la cause est la pauvreté, lorsqu’on a pris naissance en tant qu’être humain. Le vol le plus grave consiste à s’emparer des possessions de son ami de bien ou des Trois Joyaux.[1]

La coproduction conditionnée (pratītyasamutpāda) est comme une loi universelle impersonnelle où les actes (spécifiques) ont des effets (spécifiques). Grâce à son omniscience, le Bouddha a pu découvrir les tenants et aboutissants de cette Loi et ses adeptes essaient de suivre scrupuleusement les préceptes qui en découlent tout naturellement.

La coproduction conditionnée est aussi omnisciente que le Bouddha et son Sangha, car elle semble savoir de façon infaillible ce qu’est la propriété, le statut social, le mérite, les punitions et les récompenses etc. Ainsi, elle nous aide à identifier ceux (les pauvres) portés sur le vol dans leurs existences précédentes et ceux (les riches) qui ont été généreux envers le Sangha et les pauvres.

Comme pour toutes les religions, il y eut des époques où les Lois divines ou la Loi du Karma étaient particulièrement en phase avec la société. C’est comme si ces sociétés anciennes, aux valeurs anciennes, et ces Lois étaient faites l’une pour l’autre. Une société où la femme connaissait sa place et se savait la propriété d’un homme (son père, son mari, son fils, le roi, le Sangha…). Une société où certains hommes et femmes étaient nés pour être au service d’autres, dont ils étaient la propriété. Les sociétés changent, contrairement aux Lois divines et universelles flottant dans l’espace des éons et des kalpas. Les sociétés dégénèrent, les gens ne savent plus leur place et le sens de la propriété se perd. On a perdu la notion de la femme comme un être qui reste à être « déterminé » par l’homme, ainsi que la notion de ceux nés pour jouer un rôle actif ou un rôle passif.

Le bouddhisme a toujours respecté la propriété d’autrui. Celle de ses bienfaiteurs évidement, mais aussi de façon général le concept même de la propriété, dont il a su tirer profit. On peut dire que le bouddhisme a toujours été à son service.

Ainsi, le Sangha a refusé qu’un esclave, qui ne s’appartient pas et qui est la propriété d’un autre, puisse être ordonné moine. Cela aurait été comme du vol, prendre ce qui n’est pas donné par son propriétaire légal ! Cela aurait constitué une offense (dukkaṭa) par rapport au Code monastique en particulier et par rapport à la Justice universelle du Karma en général. Même l’acte d’aider un esclave de s’échapper ou de le pousser à s’échapper eut été une offense[2].

Le Code monastique définit bien les objets que peut posséder un moine, ou le Sangha. La liste est beaucoup plus restreinte pour le moine individuel. Si un moine acceptait par exemple les perles, pierres précieuses, nourritures, femmes, filles, esclaves mâles et femelles, chèvres, cochons, éléphants, chevaux, biens immeubles etc., ces biens seraient considérés comme des objets d’offense (dukkaṭa-vatthu). Mais un Sangha bouddhiste pouvait les accepter sans problème, du moment qu’il s’agissait de biens donnés par leur propriétaire légal[3]. La propriété est sacrée ! Comment ces esclaves étaient devenus la propriété d’un autre vous demandez-vous ? Révisez votre Loi du Karma !

Comme la Loi du Karma est juste, ces pauvres malheureux ont la possibilité d’accumuler du mérite avec le peu qu’ils possèdent, en se montrant généreux, particulièrement envers le Sangha. C’est la seule façon d’accéder à davantage de propriété dans une existence ultérieure. Et s’ils ne possèdent absolument rien, ils peuvent toujours donner leur « pauvreté ».

Le chapitre XX du Soutra des sages et des fous (tib. mdo dzangs blun) met en scène Mahākātyāyana et une vielle esclave, incapable de lui donner quoi que ce soit, car rien n’est à elle ; tout est la propriété de sa maîtresse, y compris son propre corps et son jarre. Faire un don au moine reviendrait à donner quelque chose qui ne lui appartient pas. Le moine lui propose alors de lui vendre sa pauvreté. Mahākātyāyana lui propose de remplir son bol d’eau et de lui donner l’eau en pensant aux vertus du Bouddha. Mahākātyāyana demande si elle a un endroit à elle.

« La vieille femme répondit : « je n’ai pas d’endroit à moi, mais je passe mon temps dans l’endroit où je mouds le grain, mange et travaille. »
Le moine dit : « tu dois essayer de couper avec force toutes les pensées de ressentiment et de souffrance, qui viennent de tes actes négatifs. La nuit, après que tu aies dormi dehors, tu ouvriras doucement la porte de la maison de ta maîtresse, tu y entreras, mettra un peu de paille propre dans un coin, tu t’y assiéras, et en pensant continuellement au Bouddha, tu prieras. » (traduction de la version anglaise traduite du mongole)

La vieille esclave obéit à Mahākātyāyana, mourut et renaquit aussitôt dans le ciel des Trentre-trois (Trāyastriṃśa). Comme le dit Mère Theresa « Il y a quelque chose de très beau à voir les pauvres accepter leur sort, le subir comme la passion du Christ. Le monde gagne beaucoup à leur souffrance. »

Le livre History of Lanna de Sarasawadee Ongsakul raconte comment le monastère Wat Phra Dhatu Sri Chom Thong reçut 500 esclaves jusqu’au règne (1868 à 1910) du roi Rama V. Ce n’est qu’un exemple parmi des milliers. Après, peut-être sous l’influence des intellectuels anticléricaux français du XIXème siècle, des modernisateurs bouddhistes, bouddhistes protestants, néobouddhistes etc. certains bouddhistes asiatiques ont cédé à la pression et renoncé à pratiquer le bouddhisme comme le Bouddha l’aurait voulu.

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[1] Le Précieux ornement de la libération, Gampopa, Padmakara p.110

[2] « In the case of helping a slave to escape from slavery, if the slave follows one’s order or advice to escape, one is guilty of taking; but if one simply informs the slave of good ways to reach freedom or offers food or protection along the way, one incurs no offense. » The Buddhist Monastic Code

[3] According to the Mūlasarvāstivāda Vinaya at least, technically a bhikṣu cannot own slaves, but they can be held as common property of the sangha or vihāra. The bhikṣu as an individual does not receive precious metals, treasures, uncooked grains, gardens, livestock, chariots and slaves, but these can be received by the sangha.

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