samedi 15 septembre 2018

Seigneur, accordez-moi de l'autodiscipline


Dalai-Lama, photo Julius Schrank, Volkskrant

Marije Vlaskamp du quotidien néerlandais De Volkskrant a publié le 10 septembre 2018 une interview avec le Dalaï-Lama sous le titre « De dalai lama toont zich verrassend mild over China » (le DL se montre étonnamment clément envers la Chine).

Ce qui m’a intéressé plus particulièrement dans cet article est le passage sur l’occident et l’attitude du DL envers l’occident, et puis, en creux, l’attitude du DL envers la religion et la foi. Ce qui transparaît clairement de ce passage est que le DL a un discours particulier (upāya ?) pour les Occidentaux. Il faudrait donc en tenir compte.

Face à la montée de la superpuissance chinoise, l’occident est en crise, « une crise mentale » dit le Dalaï-lama-Lama devant un public indien.[1] Aussi, le Dalaï-Lama se tournera davantage vers l’Asie, malgré quelques visites en Occident. La journaliste lui demande alors pourquoi l’Occident joue un moindre rôle dans son nouveau grand projet.
« Dans ce domaine, l'influence culturelle fait toute la différence. Il y a trois mille ans, l'Inde avait déjà le concept de méditation. Le Bouddha lui-même en fut le produit. Cette connaissance-là, je peux l’intégrer dans mes programmes éducatifs en Inde. Mais les cultures occidentales ont été fortement influencées par la tradition judéo-chrétienne, où il s’agit de la foi, pas de l'entraînement de l'esprit.

C'est pourquoi je me sens un peu en porte à faux quand j'enseigne en Occident. Une salle avec près de huit mille personnes, c'est un peu inconvenient. Ce sont des pays chrétiens, pas des pays bouddhistes. Y enseigner à quelques Européens, c'est bien, mais il ne s’agit pas d’y promouvoir la foi bouddhiste. Quand un prédicateur chrétien ouvre une église ici à Dharamsala, les Tibétains ne sont pas contents non plus.

C'est pourquoi, en Europe, j'insiste davantage sur l’aspect laïc. Par exemple, comment une bonne hygiène physique va de pair avec une bonne hygiène émotionnelle. Cela n'a rien à voir avec le bouddhisme ou la religion ; ma contribution est de nature strictement laïque. Vous n'avez en fait aucune tradition d'entraînement de votre esprit [sic]. Si vous avez des problèmes, vous vous tournez vers Dieu, et les musulmans vers Allah. Dieu ô Dieu, Allah-allah-allah-allah : je pense que cela doit embrouiller Dieu et Allah. Les deux camps prient leur dieu, tout en se battant entre eux. La grâce divine risquerait bien de tomber du côté de l’ennemi. »[2]
L’article contient ainsi plusieurs boutades sur les religions et leur attachement pour l’aspect extérieur des choses[3], comme si le bouddhisme, et notamment le bouddhisme tibétain, n’était pas une religion et ne serait pas attaché aux aspects extérieurs. Il explique :
« Comme tous les religieux, nous, bouddhistes, mettons parfois trop l'accent sur les aspects culturels superficiels, alors que toute notre attention devrait se porter sur les doctrines. Car seules leurs leçons auront un effet sur les émotions et l'esprit.

L'autodiscipline est importante dans la pratique de la religion. Prenez les leaders catholiques et la question des abus sexuels. Quand il y a de l'autodiscipline, ce genre de choses n'arrive pas. »[4]
Je rappelle que l’article avec l’interview date du 10 septembre 2018. Après les publications sur les divers abus sexuels dans le bouddhisme. Depuis (le 14/9/2018) une pétition a été offerte au Dalaï-Lama par une délégation de victimes d’abus sexuels par des maîtres bouddhistes. Le Dalaï-Lama a reçu les victimes et a déclaré que le sujet des abus sexuels sera mis à l’ordre du jour de la rencontre entre chefs bouddhistes en novembre 2018.

Il ne suffit apparemment pas qu’une religion ait des exercices d’entrainement spirituel dans son portefueille, encore faut-il que ceux-ci soient pratiqués, notamment par les enseignants…

Evidemment, la religion chrétienne a des exercices d’entraînement spirituel très semblables à ceux des bouddhistes, même si le plus souvent ils sont un héritage des écoles philosophiques de l’Antiquité. Et en fait, ce sont surtout ces exercices spirituels qui ont un effet sur les émotions et l’esprit. Des exercices que l’on peut pratiquer à tout moment et dans toutes les situations, et qui permettent de développer une véritable autodiscipline. Il n’y a pas mille façons différentes de pratiquer l’autodiscipline et la patience, il n’y a pas d’autre façon de s’exercer en la patience et l’autodiscipline que de les appliquer, au moment opportun. Si on me permet une petite boutade à mon tour, pas besoin pour cela de construire des maṇḍala de divinités, et d'adresser des offrandes et des prières aux dizaines de milliers de divinités du bouddhisme tibétain « Seigneur ô Seigneur, Lama ô Lama, accordez-moi la patience et l’autodiscipline ! ».


Source : Volkskrant, De dalai lama toont zich verrassend mild over China, 10 september 2018, 12:00 Marije Vlaskamp

***

[1] « Het grootse visioen past bij de trend van de Aziatische opkomst, de moderne supermachtstatus van China en de geschiedenis van India als bakermat van oosterse filosofie. Het Westen staat aan de zijlijn. Tijdens zijn audiëntie zette hij voor een Indiaas gehoor enthousiast uiteen dat Europa en de Verenigde Staten in een ‘mentale crisis’ zitten. »

[2] -Waarom speelt het Westen nauwelijks een rol in uw nieuwe grote project?

‘Hier maakt culturele invloed dus wel het grote verschil. Drieduizend jaar geleden had India al het concept van meditatie, Boeddha zelf is er een product van. Die kennis kan ik in India zo in onderwijsprogramma’s verwerken. Maar westerse culturen zijn sterk beïnvloed door de joods-christelijke traditie. Die draait om geloof, niet om het trainen van de geest.

‘Daarom voel ik me in het Westen licht ongemakkelijk als ik lesgeef. Zo’n grote hal met bijna achtduizend mensen, dat voelt een beetje onprettig. Het zijn christelijke landen, geen boeddhistische. Een paar individuele Europeanen lesgeven is prima, maar je moet het boeddhistisch geloof daar niet propageren. Als een christelijke prediker hier in Dharamsala een kerk opent, zijn Tibetanen daar ook niet blij mee.

‘Vandaar dat ik in Europa de seculiere kant benadruk. Bijvoorbeeld hoe lichamelijke hygiëne samengaat met emotionele hygiëne. Dat heeft niets te maken met boeddhisme of godsdienst, mijn bijdrage is strikt van wereldlijke aard. Jullie hebben immers geen traditie om je mind te trainen. Als jullie problemen hebben vragen jullie God om hulp en moslims gaan naar Allah. God-gottegod, Allah-allah-allah: ik denk dat God en Allah er danig van in de war raken. Beide kanten bidden tot hun god en ondertussen vechten ze met elkaar. Straks landt de goddelijke zegening nog aan de verkeerde kant.’

[3] « Met levendige gebaren vertelt hij hoe hij op werkbezoek in Mexico een kardinaal aansprak op zijn mijter.
‘Bepaalt kleding ons geloof? In je habijt ben je heilig, als je het uittrekt niet meer? Religie moet in het hart gedragen worden, niet in uiterlijkheden. »

[4] ‘Zoals alle religieuze mensen leggen wij boeddhisten soms te veel nadruk op oppervlakkige culturele aspecten, terwijl onze aandacht bij de leerstellingen moet zijn. Want alleen die lessen hebben effect op de emoties en de geest.
‘In godsdienstuitoefening is zelfdiscipline belangrijk. Neem die katholieke leiders met dat seksueel misbruik. Als er zelfdiscipline is, gebeuren dat soort dingen niet.’

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