mardi 24 août 2010

La Mahamudra et les quatre mudra

Denis écrit : “Pourquoi ne faites- vous pas figurer le karma-mudra ? Car comme disait Naropa : pas de karma-mudra, pas de maha-mudra ?

Il y a beaucoup à dire au sujet des quatre mudrā et de leur évolution dans le temps. Au départ, il n'y en avait que deux : la mudrā, le partenaire féminin consacré, et la Mahāmudrā, l'expression de la vérité absolue réalisée à travers elle (voir entre autres Snellgrove, Indo-Tibetan Buddhism, p. 265).

Les quatre mudrā s'inscrivent dans le cursus yogatantrique. Dans ce cadre, la karmamudrā est la purification de l'illusion des cinq perceptions sensorielles et le développement de la gnose tout-accomplissante. Il est certain que sans la purification de l'illusion des cinq perceptions sensorielles, la Mahāmudrā ne sera pas atteinte.

Il existe différentes méthodes pour réaliser cela. Nāropa en avait enseigné quelques-unes, plutôt haṭhayoguiques et yogatantriques, Maitrīgupta en enseigné une autre, qui en apparence comporte moins de "méthode" et que Gampopa avait diffusée, puis il en existe encore d'autres…

La Mahāmudrā, telle qu'elle est utilisée dans le bouddhisme, est un terme qui a son origine dans les tantra. Elle désigne la plus haute réalisation. Il y eut de nombreuses polémiques sur l'efficacité des méthodes "non-tantriques" pour arriver à la plus haute réalisation. Maitrīgupta et Gampopa ont enseigné une méthode hors du cadre des yogatantra supérieurs, que Gampopa nomma "Mahāmudrā". La Mahāmudrā (l'alliance des deux vérités) est la Mahāmudrā, quelle que soit la méthode ou l'absence de méthode pour la rejoindre. Suite aux polémiques et pour faire la distinction entre les méthodes "tantrique" et "sutrāyānique", les quatre mudrā sont devenus emblématiques de la méthode tantrique, censée être la seule susceptible de conduire à la plus haute réalisation. Comme celles-ci s'inscrivent dans le cadre des consécrations des yogatantras supérieurs, les méthodes où elles ne figurent pas ne conduiront logiquement pas à la plus haute réalisation... Par la suite, lorsque cette opinion se généralisait, on voyait apparaître alors dans divers commentaires des interprétations et des réinterprétations de textes canoniques, pour montrer que les "quatre mudrā" y figurent bien.

Tout cela est une question de perspective et de disposition individuelle. Il n'y a pas de méthode supérieure ou inférieure, si celle-ci n'est pas adaptée à la personne qui la suit.

"Certains pourraient se demander : "Si votre Mahāmudrā [kagyupa] est l'ultime des quatre mudrā et que les trois premiers mudrā ont dû être pratiquées au préalable, pourquoi vous ne l'enseignez pas dans cet ordre? D'après les tantra, les élèves les plus doués qui ne s'intéressent pas aux siddhis des mondes du désir et des formes, peuvent s'engager dans la pratique de la Mahāmudrā dès le départ. A ce sujet le Kālacakra :

"Se dispensant totalement de karmamudrā et
Abandonnant la jñānamudrā imputée,
En vous appliquant sans relâche
Méditez sur l'aspect du Mahāmudrā."

Kālacakrapāda (T. dus zhabs pa) dit dans l'ārya-kālacakrapāda-sampradāya-nāma-saḍaṇgayogopadeśa (Les instructions sur les 6 yogas du kālacakra) :

"Se dispensant totalement de karmamudrā et
Abandonnant entièrement le jñānamudrā,
La perfection naît de la Mahāmudrā
L'inné (S. sahaja) ne s'unit pas avec d'autres."

etc.[1]

Selon Pema karpo (T. pad ma dkar po), Nāropa était Kālacakrapāda le jeune.

***

[1] Mahamudra Teachings of the Supreme Siddhas by The 8th Tenpa'i Nyinchay pp 101-102

1 commentaire:

  1. Bonjour,
    A force de lire les écrits des différents maîtres j'ai l'impression que les pratiquants du sutra mahamudra comme ceux du dzogchen n'ont jamais délaisser les pratiques de skye rim et rdzogrim, comme ci celles ci restaient néanmoins nécessaires. J'en viens à me demander si l'existe un maître qui n'aurait jamais pratiquer les yoga tantriques mais seulement le sutra mahamudra. Si vous en connaissez un je serai très heureux que vous me le disiez.
    D'autre part je vous informe M. Klaus-Dieter MATHES, Université de Vienne (Autriche) donnera un cycle de conférence à paris concernant
    The Madhyamaka Position of Non-Abiding in Maitripa’s (ca. 1007 - ca. 1085) cycle of Amanasikara-Works.

    Bien à vous

    NIcolas

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