J’ai déjà eu l’occasion ici de parler du yogi voyageur indien Vairocanavajra/ Vairocanarakṣita (12ème siècle) à qui l’on doit l’introduction et la traduction tibétaine d’œuvres de mahāsidda inconnues avant lui. A ma connaissance, les originaux indiens des recueils de distiques traduits par Vairocanavajra n’ont pas été préservés. Vairocanavajra avait étudié huit années avec Surapāla, un arrière-disciple de Maitrīpāda. Dans sa besace, il avait également un recueil de distiques attribué à Tailopa (DG 3128), dont la traduction sera présentée ci-après.
La grande différence entre les systèmes de Mahāmudrā de Tailopa/Nāropa et celui de Maitrīpāda est que les premiers mettent l’accent sur la « voie des expédients » (S. upāyamārga), c’est-à-dire sur les techniques de hatha-yoga, de yoga sexuel et la pratique des divinités des yogatantras associés. Pour Maitrīpāda, le yoga sexuel (S. karmamudrā), les pratiques de l’état intermédiaire (T. bar do) et du transfert de la conscience (T. ‘pho ba) ne sont pas nécessaires pour la « réalisation de la Mahāmudrā » et peuvent même l’empêcher… Pour Tailopa et Nāropa, elles sont indispensables. Il s’agit de deux approches, l’une plus active, l’autre plus passive, dont il a souvent été question sur ce blog. On retrouve les mêmes tensions dans pratiquement toutes les religions.
Dans les distiques attribués à Tailopa, nous retrouvons les deux approches côte à côte. L’approche mystique de Maitrīpāda implique une critique féroce (voir son commentaire des distiques de Saraha DG 2268) de toutes les méthodes, y comprises celles appartenant aux yogatantras supérieurs. Maitrīpāda observe que les bouddhistes reprochent aux hindous de faire des pratiques de purification, des bains rituels et le culte des dieux etc., tout en suivant eux-mêmes des pratiques similaires ou des versions intériorisées des mêmes pratiques. Il est difficile de réfuter les critiques de Maitrīpāda. Elles ont été acceptées et intégrées dans le cursus spirituel officiel en précisant que la méthode de Maitrīpāda est efficace quand elle est utilisée pour des personnes bien préparées ou spirituellement prêtes. En attendant, il convient de bien se préparer et de manière progressive. Difficile à réfuter également. Qui est prêt ? Quand est-on prêt ? Il faut encore remarquer que la méthode de Maitrīpāda a été intégrée en la séparant en deux parties : la Mahāmudrā selon le système des sūtra (T. mdo lugs) et la Mahāmudrā selon le système du Coeur (T. snying po'i lugs). Selon les adeptes des yogatantra supérieurs, la Mahāmudrā qui suit le système des sūtra ne peut pas aboutir à la réalisation complète. Si toutefois, toujours selon le même point de vue, une personne suivant le système des sūtra atteint l'éveil complet, c'est parce que cette personne était prête. Ce type de réalisation est alors attribué au système du Coeur (T. snying po'i lugs).
Un texte attribué à Mahāvajradhara, (T. bka' yang dag pa'i tshad ma zhes bya ba mkha' 'gro ma'i man ngag S. Ājñāsaṃyakpramāṇa-nāma-ḍākinyupadeśa), qui aurait été traduit par Nāropa et Marpa, commence avec la déclaration suivante avant d’exposer la voie des expédients :
« Les individus se distinguent enMais la question n’en est pas uniquement une de méthode adaptée. Toute méthode a son objectif, et tout objectif est mental. Sortir du mental tout en tournant dans le mental n’est pas facile, voire impossible. Concevoir une progression et des degrés de progression au sein même du mental pour en sortir ou pour le transcender semble contradictoire. C’est du moins ce que croit Maitrīpāda, qui suivra un chemin de (re)connaissance plutôt qu’un chemin de transmutation.
Ceux qui procèdent progressivement et ceux qui procèdent simultanément
Ce qui est bénéfique à ceux qui suivent un chemin progressif
Est nuisible à ceux qui procèdent simultanément
Ce qui est bénéfique à ceux qui procèdent simultanément
Est nuisible à ceux qui procèdent progressivement
Aussi, à ceux d'ores et déjà prêts
Il faut enseigner la méthode simultanée »[1]
Les distiques de Tailopa comportent plusieurs éléments qui font croire à un texte post-Maitrīpāda. On y trouve les deux types de discours côte à côte. Comme Maitrīpāda l’avait observé dans son commentaire (distiques de Saraha), on ne peut pas reprocher aux hindous de pratiquer bains rituels, ascèse, ablutions, le culte de Brahmā, Viṣṇu et et Śiva tout en faisant des pratiques et des cultes similaires. Il ne suffit pas d’affirmer que les dieux hindous ne sont pas libérés/éveillés et que les bouddhas, bodhisattva, herukas et divinités bouddhistes le sont pour que leur culte soit justifié. Ce n’est pas l’objet du culte qui est remis en question, mais l'efficacité de ce culte.
Le texte comporte le terme « non-engagement mental » utilisé dans le sens de Maitrīpāda qui lui avait donné un sens particulier. Le texte est plus prudent que les tantras et comporte un avertissement rabat-joie contre une pratique trop enthousiaste : « Le yogi qui engloutit le monde (T. srid pa)/ Ne sera pas asservi aux plaisirs sensoriels (S. pañca kāmaguṇa)/ Mais yogi, ne déprécie (T. skur 'debs) pas les actes et leurs conséquences ! ». Soyez un heruka, mais un heruka qui respecte les lois du karma ! Cette attitude peut témoigner de la réintégration des pratiques transgressionnelles des yogatantra. (Ulrich Kragh (Culture and Subculture: A Study of the Mahâmudrâ Teachings of Sgam po pa).
La traduction ci-dessous peut être téléchargée ici en un fichier PDF à deux colonnes avec le tibétain (unicode).
Mise à jour suite au message de Dan Martin et ajout de la version en bengali ancien. Les vers en gras manquent dans la version indienne ou ont été ajoutés à la version tibétaine.
Mise à jour suite au message de Dan Martin et ajout de la version en bengali ancien. Les vers en gras manquent dans la version indienne ou ont été ajoutés à la version tibétaine.
En langue indienne : Dohākoṣa
En tibétain : do ha mdzod
En français : le recueil de distiques
Hommage à la glorieuse Vajradākinī
Les (cinq) agrégats, les éléments, les sources et les organes sensorielles
Apparaissent tous du Spontané (S. sahaja)
Et s'y résorbent
Je n'écrirai pas au sujet (S. kathā) des existants (S. vastu/bhāva) ou non-existants du Spontané
La vacuité et compassion sont dites avoir une saveur identique [en le Spontané]
Ne niez (S. apavāda) pas la nature originelle du non-engagement mental
Par des mensonges (S. mṛṣā)
Comme [le Spontané] est libre, il ne s'asservit pas
Tuez la Quiétude (S. nirvāṇa) par derrière dans la pensée !
[Le Spontané] s'engage dans les trois univers vides sans en être touché
La pensée entre alors dans une liberté/félicité pareille à l'espace
Et n'y verra pas d'objets sensoriels, même un seul instant
Il s'est abstenu d'un commencement, maintenant il s'abstient d'une fin
Le suprême guru vénéré enseigne la non-dualité
Quand la pensée est apaisée
Les énergies (S. prāṇa) se résorbent
Et le principe (S. tattva) de l'autoconnaissance (S. svasaṃvedana) en sera le fruit
Comment quelqu’un pourrait-il l’enseigner à quelqu'un autre ?
[Le Spontané] n’est pas dans les objectifs (S. gocara) des êtres confus tournés vers le monde
Il ne peut pas faire non plus l’objet d’instructions par les sages
Celui qui sert sont maître vénéré
Eh ! ce n’est pas non plus à la portée (S. gocara) de celui-là
[Le Spontané se situe] dans le fruit, le principe de l'autoconnaissance
Voilà ce que Tailopa a enseigné.
Tout ce qui tombe sous le coup du mental
N’est pas authentique (S. paramārtha)
La réalité ultime (S. tattva) ne peut pas être enseignée par les paroles d'un maître
Aussi comment un élève pourrait-il la comprendre ?
Le Spontané comme fruit est la saveur de l'immortel (S. amṛta)
De cette réalité (S. tattva), que pourrait-on bien montrer et à qui ?
Mais celui qui apaise le mental
Et qui fait se résorber le mental avec les énergies (S. prāṇa)
S'abstient de toutes les représentations (S. ākāra)
Tout en évoluant dans les trois univers
Gens confus, faites connaissance avec la nature originelle
Et coupez ainsi le filet de l'égarement
Entraînez-vous bien en l'esprit spontané (S. sahaja)
Vous réussirez alors à vous libérer dans cette vie avec ce corps
Partout où la pensée s'étend
Regardez comme on ne l'y trouve pas
Restez en la saveur identique, sans différencier
Cherchez bien la pensée et l'absence de pensée
Et vous réussirez cette vie même
Quand la pensée se replie
Les trois univers se résorbent
Soi-même et les autres étant égaux, tous sont le Bouddha vénéré
La pensée se réduit en espace et s'y dissout
A ce moment-là les cinq sens ainsi que leurs objets,
Les [cinq] agrégats, les [dix-huit] constituants se replient
Toutes les représentations du monde animé et inanimé
Sont vides et sans souillure (S. upalipta)
Ne les analysez pas
"J'ai compris cela", "Cela s'en va"
Celui qui comprend les distinctions dans leur ensemble
C'est dans la nature immaculée de la pensée
Qu'il s'y reconnaîtra
Le Soi est un être ordinaire, le Bouddha
Le Soi est sans souillure, sans engagement mental
Il ne s'en va pas et n'a pas de souillure
Le mental est le Seigneur, l'espace la Dame
Qui dansent jour et nuit, et se délectent du Spontané
Libres de toute naissance et du seigneur de la mort
Restez continuellement dans le mental spontané
Ne pratiquez pas les bains rituels et l'ascèse
Vous ne trouverez pas le bien-être par les ablutions et les rites de purification
Les dieux Brahmā, Viṣṇu et et Śiva
Ne les vénérez pas comme des êtres éveillés
Ne vénérez pas les dieux, ne prenez pas de bains rituels
On ne s'affranchira pas en vénérant les dieux
Vénérez le Bouddha par la pensée libre de discursivité (S. nirvikalpa)
N'évoluez ni dans l'Errance, ni dans la Quiétude
Entrez dans l'absorption (S. samādhi) de la perspicacité (S. prajñā) et des expédients (S. upāya)
Lorsque vous arrivez à une stabilité (T. brtan pa) immuable (T. mi gyo ba)
Vous aurez des expériences
Tout comme quelqu'un qui mange du poison
Et n'en meurt pas
Le yogi qui engloutit le monde (T. srid pa)
Ne sera pas asservi aux plaisirs sensoriels (S. pañca kāmaguṇa)
Mais yogi, ne déprécie (T. skur 'debs) pas les actes et leurs conséquences !
On atteint [le Spontané] dans les quatre moments et dans les quatre joies
Sachez distinguer les [4] moments et les [4] joies
On le connaîtra dans l'absence de prédicat définissant (T. msthan gzhi S. lakṣya) et de terme défini (T. mtshan nyid S. lakṣaṇa)
Eh ! Examine la joie sublime (S. paramānanda) et l'absence de joie !
Pratiquez cela tout en respectant le suprême maître vénéré
Celui qui pratique la joie sublime et l'absence de joie
Eh ! C'est à l'instant même qu'il accèdera au Spontané !
Apposez la coiffe (T. glad rgyas S. mastaka-luṅga) de qualités et richesses sur le front (T. dpral ba) et
Connaissez [le Spontané] à travers les anthères [du lotus] du partenaire sexuel (T. 'dod pa mo) Celui qui reconnaît le Spontané des [quatre] différents moments
Sera appelé « Yogi », pendant cette vie même
Il sera débarrassé [des notions de] "premier", "dernier", "objet" et "sujet"
Le suprême guru vénéré a enseigné la non-dualité
comme immuable, sans souillure, sans discursivité
Cette absence de toute apparition et disparition est le Cœur.
C'est [lui] que l'on appelle « Quiétude » (S. nirvāṇa)
C'est lui qui détruit constamment les présomptions du mental
A l'écart des défauts et des qualités, il est la réalité ultime (S. paramārtha)
Dans l'autoconnaissance, rien n'existe[2]
Pensée et non-pensée y sont absentes à jamais
Eh ! Il faut évoluer dans le Spontané !
Il n'y a ni naissance ni mort
Il n'y a ni racine, ni sommet
Il n'y a ni venue ni allée
Il ne se fonde sur rien
Pénétrez le Coeur par les instructions du guru
Il n'y a ni castes (S. varṇa) ni clans (S. kula)
Toutes les apparences sont au complet en lui
Tuez le mental et déracinez la pensée
Ne vous occupez pas des épines (T. zug rngu S. śalya) des reliefs/relents de la pensée
C'est en le [Coeur] que l'on trouve] les quatre Corps (S. kāya), les quatre mudrā
Tous les trois univers (cho=tsho dag) y sont authentiques (S. śuddha)
Il est vide d'un soi, d'êtres et des trois univers
Dans le Spontané immaculé
Il n'y a ni vertu, ni non-vertu
Où que le mental veuille aller
Il n'y aura pas de méprise
Avec des yeux non clos (T. mi 'dzums pa)
La concentration (S. dhyāna) est stabilisée.
Fin du recueil des distiques du grand ācārya Tailopa.
Le grand yogi érudit, Vairocanavajra, qui était né à Kosāla (sic !) au sud de l’Inde, l’a enseigné et traduit lui-même.
Texte tibétan Wylie
rgya gar skad du/ do ha ko Sha/
bod skad du/ do ha mdzod/
dpal rdo rje makha 'gro la phyag 'tshal lo/
/phung po khams dang skyed mched dbang po rnams/
/lhan cig skyes pa'i rang bzhin las/
/ma lus de las byung zhing der thim/
/lhan skyes dngos dang dngos med gtam mi 'dri/
/stong pa snying rje de ru ro myam 'dod/
/yid la ma byed gnyug ma'i rang bzhin la/
/brdzun pa rnams kyis skur pa ma 'debs shig/
/rang dbang yod pas rang nyid 'ching ma byed/
/sems la mya ngan 'das pa rgyab la sod/
/khams gsum stong pa gos pa med la 'jug/
/sems ni mkha' 'dra mnyam pa'i bde bar zhugs/
/dbang po yul rnams skad cig tsam ni der mi mthong/
/thog ma spangs shing 'di ru tha ma spangs/
/bla ma mchog gi zhabs kyis gnyis med bstan/
/sems ni gar du zhi gyur pa/
/de ni rlung yang thim par 'gyur/
/rang rig pa yi de nyid 'bras bu ni/
/su zhig la ni gang gis ji ltar bstan/
/rmongs pa'i 'jig rten 'gro ba rnams kyi spyod yul min/
/mkhas pa rnams kyis de nyid bgrod bya min/
/gang la bla ma'i zhabs ni mnyes pa yi/
/kye ho gang zag de yi spyod yul min/
/rang rig de nyid 'bras bur ni/
/te lo pa yis de skad bstan pa yin/
/yid kyi spyod yul du na gang gyur pa/
/de ni don dam ma yin no/
/de nyid bla ma’i gsung gis bstan par bya ba min/
/das na slob mas go ba lta yin no/
/lhan skyes ‘bras bu bdud rtsi’si ro/
/de nyid su zhig la ni ci zhig bstan/
/gang du yid ni zhi ba dang/
/yid dang rlung gnyis mnyam par zhu/
/der ni rnam kun spangs pa la/
/khams gsum de ru gnas pa yin/
/rmongs pa gnyug ma’i rang bzhin shes par gyis/
/de tshe gti mug dra ba ma lus chad par ‘gyur/
/lhan cig skyes pa’i sems ni legs par sbyongs/
/tshe ‘dir dngos grub thar pa lus ‘dis rnyed/ /gang du semns ni ‘gro ba der/
/der ni sems med par ltos/
/dbye ba med par ro mnyam gnas par gyis/
/sems dang sems med de ni legs par tshol/
/tshe ‘di nyid la dngos grub legs par gsal por rnyed/
/sems ni gang du zhi gyur pa/
/khams gsum po ni de ru thim/
/rang gzhan mnyam pas sangs rgyas rje btsun ‘gyur/
/sems ni nam mkha’i ngang du zhugs nas thim/
/de'i tshe dbang po lnga dang yul rnams dang/
/phung po khams rnams nang du zhugs nas song/ /gang zhig brtan dang gyo ba’i rnam pa kun/
/stong pa gos pa med pa ste/
/’di la dpyad par mi bya’o/
/’di ni bdag go’di ni ‘gro ba’o/
/gang zhig dbye ba yongs shes pa/
/dri med sems gyi rang bzhin la/
/gang zhig rang rig shes par bya/
/bdag nyid ‘gro ba bdag nyid sans rgyas te/
/bdag nyid dri ma med cing bdag nyid yid la mi byed pa/
/de la ‘gro ba med cing gos pa med/
/yid ni rje bstun nam mkha rje btsun ma/
/nyin mtshan du ni gar byed lhan cig skyes la rol/
/skye dang ‘chi bdag las grol bar ‘gyur/
/gnyug ma’i yid la rgyun du gnas par gyis/
/’bab stegs dka’ thub nags la ma brten cig/
/khrus dang gtsang sbras bde ba mi rnyed do/
/tshangs pa khyab ‘jug dbang phyug lha/
/byang chub yod bzhin gsum la bkur mi bya/
/lha rnams ma mchod ‘bab stegs ma ‘gro zhig/
/lha rnams mchod kyang tharpa thob mi ‘gyur/
/rnam par mi rtog sems kyis sangs rgyas mchod par gyis/
/srid dang mya ngan ‘das la gnas par ma byed cig/
/shes rab thabs kyi ting ‘dzin zhugs/
/gang tshe mi gyo bar ni brtan par byed nus na/
/de yi tshe nyams myong ‘grub par ‘gyur/
/ji ltar dug ni zos par gyur pa las/
/dug gis kyang ni ‘chi bar mi ‘gyur ba/
/de ltar srid pa zos kyang rnal ‘byor pa/
/’dod yon gyis ni ‘chin bar mi ‘gyur ro/
/kye’o rnal ‘byor pas ni las la skur mi ‘debs/
/skad cig bzhi dang dga’ ba bzhi ru de ru song/
/skad cig dga’ ba de yi bye brag shes par gyis/
/mtshan gzhi mtshan nyid spangs pa shes par gyis/
/kye’o mchog dang dga’ bral ‘di ni dpyad par bya/
/bla ma mchog gi zhabs la gus par gyis la legs par long/
/gang zhig dga’ ba mchog dang dga’ bral gyis/
/kye’o skad cig der ni lhan skyes rtogs par bya/
/yon tan rin chen dpral ba’i glad rgyas gzhag bya ste/
/’dod pa mo yi ze ‘bru las ni ‘di nyid shes par bya/
/skad cig bye brag de ru lhan skyes gang shes pa/
/de ni tshe ‘di nyid la rnal ‘byor par brjod do/
/thog ma tha ma gzung ba ‘dzin pa spangs/
/bla ma mchog gi zhabs kyis gnyis med bstan/
/mi gyo dri med rnam par rtog pa med/
/shar ba nub pa spangs pa ‘di ni snying po yin/
/’di ni mya ngan ‘das par rab tu brjod/
/yid kyi nga rgyal gang tu chad gyur pa/ /skyon dang yon tan spangs pa ‘di ni don dam mo/
/rang rig la ni gang yang med/
/sems dang sems med rtag tu spangs/
/kye’o lhan cig pa’i rang bzhin du ni gnas par bya/
/skye ba med cing ‘chi ba med/
/rtsa ba med cing rtse mo med/
/’ong ba med cing ‘gro ba med/
/gang du yang ni mi gnas so/
/bla ma’i man ngag gis ni snying la chud/
/kha dog spangs shing rigs med pa/
/snang ba thams cad de la rdzogs/
/yid ni gsod la sems ni rtsa ba med par gyis/
/sems kyi lhag ma zug rngu thong/
/’di ru sku bzhi phyag rgya bzhi/
/khams gsum ma lus de cho dag/
/bdag dang ‘gro ba khams gsum stong/
/dri ma med pa’i lhan cig skyes pa la/
/dge dang mi dge gang yang med/
/yid ni gang du ‘gro ‘dod pa/
/de la ‘khrul par mi bya’o/
/mig ni mi ‘dzums pa dag gis/
/bsam gtan gyis ni gnas par bya/
/slob dpon chen po tai lo pas mdzad pa’i do ha mdzod ces bya ba rdzogs so/
rgya gar lho phyogs ko sA lar sku 'khrungs pa'i rnal 'byor chen po mkhas pa dpal rnam par snang mdzad rdo rje'i zhal snga nas rang 'gyur du gsungs pa'o//
Version en apabrahmsa (Bengali ancien), d'après Roger Jackson, Three Tantric Treasures.
1
kandha [bhūa] āattaṇa indī.
sahajasahāveṃ saala vivindī.
2
sahajeṃ bhāvābhāva ṇa pucchaha
suṇṇakaruṇ[ā] tahi samarasa icchaha
3
māraha citta ṇivvāṇeṃ haṇiā
tihuaṇasuṇṇanirañjaṇa pasiā
4
amaṇasiāra ma dūsaha micche
appaṇuvandha ma karahu re icche
5
citta khasama jahi samasuha paiṭṭhai
[indīa-visaa tahi matta] ṇa dīsai
6
āirahia ehu antarahia
varagurupāa a[ddaa kahia]
7
tu maraj jahi pavaṇa tahi līṇo hoi ṇirāsa
saa [saṃ veaṇa tattaphalu] sa kahijjai kīsa
8
vaḍa aṇaṃ loa-agoara-tatta paṇḍialoa-agamma
jo gurupā[apasaṇṇa tahiṃ ki citta agamma]
9
saasaṃ veaṇa tattaphala tīlapāa bhaṇanti
[jo maṇagoara paiṭhṭhai so paramattha ṇa honti]
9a, 9b et 9c ajoutés au tibétain
10
sahajeṃ citta visohahu caṅga
iha jammahi siddhi [mokkha bhaṅga]
11
jahi jāi citta tahi suṇahu acitta
samarasaṃ [ṇimmala bhāvābhāvarahia]
11a, 11b ajoutés au tibétain
12
addaa cittataruara gau tihuaṇa vitthāra
karuṇā-phulia-phala-dhara ṇau parata uāra
13
para appāṇa ma bhanti karu saala nirantara vuddha
tihuaṇa ṇimmala paramapau citta sahāveṃ suddha
14
sacala ṇicala jo saalācara
suṇa nirañjaṇa ma karu viāra
15
ehuse appā ehu jagu jo paribhāvai
[ṇimmala cittasahāva so ki vujjhai]
16
haṃ u jagu haṃ u vuddha haṃ u nirañjaṇa
[haṃ u amaṇasiāra bhavabhañjaṇa]
17
maṇaha [bhaavā] khasama bhaavai
[divārātti sahaje rāhiai]
18
jammamaraṇa mā karahu re bhanti
[ṇiacitta tahiṃ ṇirantara honti]
19
tittha-tapovaṇa ma karahu sevā
[dehasucihi ṇa sānti pāvā]
20
vamhā vihṇu mahesura devā
[vohisattva ma karahu sevā]
21
deva ma pūjahu ti[ttha ṇa jāvā
devapūjāhi ṇa mokkha pāvā]
22
vuddha ārahāhu avikalacitteṃ
[bhavaṇivvāṇe ma karahu re thitteṃ ]
23
paggopāa-samāhi laggahu jahi
tahi diḍha kara aṇuttara siddhai
24
jima visa bhakkhai visahi paluttā
[tima bhava bhuñjai bhavahi ṇa juttā]
25
kamma mudda ma dūsaha joi
[khaṇa āṇanda bheu jāṇijjai]
26
lahu re parama virama viāri
ṇiuṇeṃ varaguru-caraṇa ārāhi
27
[parama āṇanda bheu jo jāṇai
khaṇahi sovi sahaja vujjhai]
27a ajouté au tibétain
28
khaṇa āṇanda bheu jo jāṇai
so iha jammahi joi bhaṇijjai
28a ajouté au tibétain
29
guṇadosa-rahia ehu paramattha
saasaṃ veaṇeṃ kevi ṇatha
30
cittācitta vivajjahu ṇitta
sahajasarūeṃ karahu re thitta
31
āvai jāi kahavi ṇa ṇai
guruuvaeseṃ hiahi samāi
32
vaṇṇa vi vajjai ākii-vihuṇṇā
savvāāre so saṃ puṇṇā
33
e maṇa mārahu [lahu citte] ṇimmūla
[tahiṃ mahāmudda tihuaneṃ ṇimmala]
34
hau suṇṇa jagu suṇṇa tihuaṇa suṇṇa
[ṇimmala sahaje ṇa pāpa ṇa puṇṇa]
35
jahi icchai tahi jāu maṇa etthu ṇa kijjai bhanti
adha ughāḍya āloaṇe jjhāṇe hoi re thitti
[1] gang zag blo yi khyad par gyis//
rim gyis pa dang cig car ba//
rim gyis pa yi sman chen 'di//
cig car ba yi dug tu 'gyur//
cig car ba yi sman chen 'di//
rim gyis pa yi dug tu 'gyur//
des na sbyangs pa'i 'phro can la//
cig car ba ni bstan par bya//
[2] « exister est être perçu » Berkeley
Dear J,
RépondreSupprimerThank you for this fascinating blog. (I prefer Italian for reading mystical poetry, but make out with French OK.)
Isn't this the same Tilopa text that exists in a critical edition, of 4 Tanjur versions, done by Fabrizio Torricelli, "The Tanjur Text of Tilopa's Dohâkosa," Tibet Journal, vol. 22 no. 1 (Spring 1997), pp. 35-57? (As often, the variants are mostly not earth-shakingly significant.) If I've noted correctly, he notes that this is the *only* work of Tilopa available in an Indic (Apabhramsha) version, although it had to be extracted from the larger context of its commentary. Is this the same Apabhramsha text Roger Jackson supplies in his *Tantric Treasures*? It may be our only chance to hear Tilopa in his original tongue. (Perhaps "proto-Bengali"?) I think this alone would make it outstandingly remarkable!
Yours,
D
Dear Dan, Thank you very much for your answer! I have Torricelli's translation of The Life of the Mahâsiddha Tilopa, but have no access to the article you mention. I will look into it, and probably will add an update to my blog. It probably shows that Vairocanavajra may have brought the apabhramsa originals of the doha texts with him. I had seen fragments of Jackson's translations on Amazon (at the time for Saraha's doha), but didn't have access to the whole book. I will look into that too. It is the same text. To be followed...
RépondreSupprimerJoy