vendredi 23 mars 2012

Paul Diel et l'introspection



Après une petite boutade sur le manque du troisième guṇa chez Freud, place à Paul Diel qui "réhabilitera l'introspection en montrant qu'elle est une fonction naturelle dont la maturation donne son sens à l'évolution humaine (La peur et l'angoisse)".
"L'originalité de Paul Diel est d'avoir rétabli l'introspection comme un moyen fondamental pour accéder à la connaissance de soi. Il en fait même l'outil principal de sa thérapie. Car pour lui l'esprit, loin d'être insaisissable, peut s'étudier scientifiquement comme la matière, avec méthode et logique. C'est dans ce cadre de pensée qu'il conçoit l'introspection. Il explique son origine à partir de sa manifestation la plus primitive : la faculté que possèdent les êtres unicellulaires à réagir au milieu ambiant, par un réflexe d'excitabilité-réactivité qui a un sens : celui de la satisfaction. L'amibe absorbe un corps étranger s'il peut lui servir, et se ferme devant celui qui risque de lui nuire. Au fil de l'évolution, cet acte réflexe s'est ralenti, il y a eu un décalage temporel entre l'excitation et la réaction. L'information venue de l'extérieur s'est transformée en images mentales chargées d'émotion, grâce à l'aptitude croissante du vivant à retenir volontairement l'énergie produite par les excitations du monde extérieur. L'imagination est née, faculté de se représenter mentalement le monde extérieur et d'en jouer (le chat rêve qu'il chasse une souris). Ce jeu imaginatif est appelé par Diel la " délibération ". Il est permanent et semi-conscient, va et vient entre le monde réel et le monde imaginé. Pour que la délibération deviennent consciente, il faut calmer la folle du logis et adopter une attitude lucide et honnête. Mais il est nécessaire aussi de savoir ce que l'on cherche. Pour Diel, le connais-toi toi-même rime avec connais tes désirs, puisque l'homme est porté comme tout le vivant par un élan vital de satisfaction. Au stade humain, la pleine satisfaction passe par l'harmonisation de nos désirs matériels et spirituels et par leur réalisation concréte. Ces objectif sont atteints grâce à la délibération consciente, considérée par Diel comme un moyen d'adaptation supérieur qui permet à l'homme de s'éveiller à la conscience de son identité." [En Marge, Martine Marie-Céleste Castello]
Ci dessous une citation tiré de son livre intéressant "La Divinité" sur le symbole Dieu, " Dieu n'est pas une illusion ni une réalité, c'est un symbole mythique : la réponse émotive et imagée à la question sans réponse, mais qui ne cessera jamais de se poser à l'être humain. "

"La tentation est grande de prétendre que seul Dieu existe et que le monde existant n'est qu'une apparence. Or, rien ne préexiste à l'existence et c'est précisément là le mystère de l'origine de l'existence. Seule l'existence existe. Elle n'est pas une apparence. Elle est l'apparition manifeste du mystère. Le mystère n'est pas mystère tout court. Il se révèle, il se manifeste, il apparaît. Tous les attributs de l'existence, toutes ses modalités et ses modifications, sont des révélations du mystère d'où il vient qu'on est en droit de les attribuer à Dieu symbole du mystère à condition toutefois qu'on les retire en même temps, parce que la projection est anthropomorphe.

La symbolique, par sa double façade, projette des attributs en dieu — il existe, il a des intentions à l'égard de l'homme — tout en les retirant par la signification sous-jacente : mystère insondable. La philosophie est spéculative parce que : théiste elle s'efforce de prouver l'existence de Dieu, ou athée : elle prouve sa non-existence tout en oubliant le mystère. Le fait est qu'il s'agit là d'un jeu et d'un contre-jeu qui s'opère entre imagination et réflexion. Il est possible à l'homme de se faire une image attributive à l'aide des modalités de l'existence et de personnaliser ainsi le mystère. Mais la réflexion devrait toujours à nouveau dissoudre les projections surdimensionnées pour ne pas en être dupe. (Le mystère n'est ni Esprit absolu, ni Matière absolue, ni esprit, ni matière; il est la limite de la compétence de l'esprit humain.) Le mystère n'est ni infini ni fini, c'est pourquoi il est indéfinissable. Il n'est ni existant ni inexistant : il existe, mais uniquement pour l'esprit humain en tant qu'impénétrable mystère de l'existence. Il n'est ni éternel ni temporel, car il n'est pas le fait apparent d'un écoulement sans fin du passé vers le futur; l'éternité ne peut être imaginée que par l'image inimaginable d'une éternelle présence. Le mystère n'est ni immanent ni transcendant à l'existence spatio-temporelle: il est

TRANSCENDANT A LA RÉFLEXION ET IMMANENT A L'ÉMOTION.

Et ainsi de suite pour toutes les attributions à la fois vraies et fausses. L'esprit humain, obligé de basculer entre imagination et réflexion, devrait admettre que le mystère existe, mais que son mode d'existence est inimaginable et impensable. Encore que même cette réflexion est une imagination anthropomorphe du mystère nommé Dieu. Seule la métaphysique symbolique des mythes n'est pas spéculative car elle est une imagination sur-consciente et non pas un raisonnement irraisonnable.

La théologie n'est qu'une réflexion logique, une rationalisation imaginativement faussée. C'est pourquoi elle est obligée de chercher appui dans les spéculations métaphysiques de la philosophie dans l'espoir d'y trouver des preuves concluantes pour l'existence personnelle de Dieu.

Seul l'incessant auto-contrôle de l'esprit, éliminant toujours à nouveau toute attribution et toute conclusion, est à même d'ouvrir l'accès à l'émotion devant la profondeur mystérieuse de l'existence et de la vie, incluses la vie humaine et la vie de l'individu."

[Paul Diel, La Divinité, Petite Bibliothèque Payot, 140-141]

Emission France Culture

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