Sphinx funéraire archaïque, vers 570 av. J.-C., Musée national archéologique d'Athènes |
Un monstre est "une créature légendaire, mythique, dont le corps est composé d'éléments disparates empruntés à différents êtres réels, et qui est remarquable par la terreur qu'elle inspire" (Atilf)
Ainsi le sphinx ou la sphynge de la mythologie grècque, « un monstre fabuleux (né de Typhon et d'Échidna), à tête et buste de femme, à corps de lion et ailes d'aigle, qui proposait des énigmes aux passants près de Thèbes, et qui dévorait ceux qui ne parvenaient pas à les résoudre. » (atilf). Le Sphinx est un monstre "dont le corps est composé d'éléments disparates empruntés à différents êtres réels" : homme/femme/androgyne/chérubin, taureau, lion et aigle.
Fresque tétramorphe dans l'un des monastères desMétéores en Thessalie |
Ces quatre éléments se retrouvent aussi dans la représentation symbolique des quatre évangélistes[2] (tétramorphe), qui est présentée comme une invention des Pères de l'Église. Ces quatre êtres correspondraient aux quatre « animaux » « ailés tirant le char de la vision d'Ezéchiel » (Ez 1 ; 1-14).
« 1:5 Au centre encore, apparaissaient quatre animaux, dont l'aspect avait une ressemblance humaine.
1:6 Chacun d'eux avait quatre faces, et chacun avait quatre ailes.
1:7 Leurs pieds étaient droits, et la plante de leurs pieds était comme celle du pied d'un veau, ils étincelaient comme de l'airain poli.
1:8 Ils avaient des mains d'homme sous les ailes à leurs quatre côtés ; et tous les quatre avaient leurs faces et leurs ailes.
1:9 Leurs ailes étaient jointes l'une à l'autre ; ils ne se tournaient point en marchant, mais chacun marchait droit devant soi.
1:10 Quand à la figure de leurs faces, ils avaient tous une face d'homme, tous quatre une face de lion à droite, tous quatre une face de boeuf à gauche, et tous quatre une face d'aigle.
1:11 Leurs faces et leurs ailes étaient séparées par le haut ; deux de leurs ailes étaient jointes l'une à l'autre, et deux couvraient leurs corps.
1:12 Chacun marchait droit devant soi ; ils allaient où l'esprit les poussait à aller, et ils ne se tournaient point dans leur marche.
1:13 L'aspect de ces animaux ressemblait à des charbons de feu ardents, c'était comme l'aspect des flambeaux, et ce feu circulait entre les animaux ; il jetait une lumière éclatante, et il en sortait des éclairs.
1:14 Et les animaux couraient et revenaient comme la foudre. »[3]
Lamassu assyrien 883–859 B.C. |
Ézéchiel, « fils de Buzi, le sacrificateur », eut cette vision « dans le pays des Chaldéens, près du fleuve du Kebar (Khabur) ». Est-ce un hasard ? Ézéchiel aurait vécu au 6ème siècle av. JC. Chez les néo-assyriens (9ème-7ème av.JC), on trouve le lamassu/shedu, une sorte de divinité protectrice qui a le corps d’un bœuf (ou d’un lion), les ailes d’un aigle et la tête d’un homme ou d’une femme (apsasû), utilisé comme gardien de porte, au service d'une divinité supérieure. A l’origine, les lamasu furent des divinités féminines.
Il existe également des interprétations plus spirituelles de la fonction du lamasu :
« Furthermore it can be said in this connexion that the Akkadian texts several times speak of a vital and activating force (lamassu) inherent in man and probably conceived of as divine (s. W. von Soden, BagM 3, 148ff.), while reference might also be made here to the conception of the measure of good and bad fortune (šīmtum) probably awarded to everyone on his birth (A. L. Oppenheim). A. L. Oppenheim interprets the ilu of man (often translated as “personal (patron) god”) as “some kind of spiritual endowment which is difficult to define but may well allude to the divine element in man”; ištaru as “his fate”; lamassu as “his individual characteristics” and šedu as “his élan vital”. »[4]Typiquement, une sorte de véhicule, chariot, trône ou monture, un élan ailé capable de transporter le « véhiculé », dans tous les sens du mot, vers les plus hautes sphères.
« L'aspect de ces animaux ressemblait à des charbons de feu ardents, c'était comme l'aspect des flambeaux, et ce feu circulait entre les animaux ; il jetait une lumière éclatante, et il en sortait des éclairs.»(Ez 1 ; 1-14)
Langage poétique, imagé, symbolique, à ne pas mettre entre toutes les mains... Certainement pas entre les mains assoiffés de pouvoir qui en feraient des simples gardiens de porte, pourrait-on se dire, mais il se trouve que c’est justement ces gens très pratiques là qui aiment s’en servir…
« Car il ne faut pas imaginer avec l’ignorance impie du vulgaire fine ces nobles et pures intelligences aient des pieds et des visages, ni qu’elles affectent la forme du bœuf stupide, ou du lion farouche, ni qu’elles ressemblent en rien à l’aigle impérieux, ou aux légers habitants des airs. Non encore ; ce ne sont ni des chars de feu qui roulent dans les cieux, ni des trônes matériels destinés à porter le Dieu des dieux, ni des coursiers aux riches couleurs, ni des généraux superbement armés, ni rien de ce que les Écritures nomment dans leur langage si fécond en pieux symboles. Car, si la théologie a voulu recourir a la poésie de ces saintes fictions, en parlant des purs esprits, ce fut, comme il a été dit, par égard pour notre mode de concevoir, et pour nous frayer vers les réalités supérieures ainsi crayonnées un chemin que notre faible nature peut suivre. »
« Quiconque applaudit aux religieuses créations sous lesquelles on peint ces pures substances que nous n’avons ni vues, ni connues, doit se souvenir que ce grossier dessein ne ressemble pas à l’original, et que toutes les qualifications imposées aux anges ne sont, pour ainsi dire, qu’imaginaires. » Pseudo-Denysl'Aréopagite
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[1] « L’Énigme » La France Antimaçonnique, n° du 29 janvier 1914. Signé « Le Sphinx »
[2] « L’homme est Matthieu : son évangile débute par la généalogie humaine de Jésus. Le lion est Marc : dans les premières lignes de son évangile, Jean-Baptiste crie dans le désert (« un cri surgit dans le désert »). Le taureau est Luc : aux premiers versets de son évangile, il fait allusion à Zacharie qui offre un sacrifice à Dieu, or dans le bestiaire traditionnel, le taureau est signe de sacrifice. L’aigle est Jean : son évangile commence par le mystère céleste. » (Wikipédia)
[3] "In his Commentary on Ezekiel (ca. 410 AD), St. Jerome specifically related the Chariot-Throne image to Plato's psychology. In Jerome's analysis: the human face corresponds to the Platonic logistikon, the soul's reasoning faculty (i.e., the Phaedrus' charioteer); the lion to Plato's thumos element (white horse); and the bull to concupiscence, epithumia (dark horse). (Though most English translations say ox here, the Hebrew word, showr, as means either bull or ox.) The eagle, however, has no obvious counterpart in Plato's psychology or chariot analogy. Jerome, picking an eagle's keen vision as the defining attribute, saw it as representing a transcendent part of the psyche, something that hovers above the others, able to scrutinize and discern things. This is a rather remarkable insight on Jerome's part, though whether it originated entirely with him or was mentioned by other writers before him is perhaps open to speculation." Source
[4] Historia Religionum, Volume 1 Religions of the Past edited by Claas Jouco Bleeker, Geo Widengren, Religion of ancient Mesopotamia, p. 117
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