L’hagiographie du yogi amateur de femmes Lingrépa Pema Dorjé (1128 – 1188) est intéressante pour elle-même, mais elle contient une anecdote qui implique son maître Pamodroupa (Phag mo gru pa 1110 – 1170), qui en dit long sur la position de la femme en général et des mudrā en particulier. Elle est racontée dans les Annales Bleus (p. 662-663).
Lingrépa avait commencé sa carrière spirituelle comme novice, mais avait dû abandonner ses vœux quand il rencontra une femme portant le nom significatif « sman mo », qui désigne en tibétain un genre de sorcière… et qui était de bonne famille, ce qui leur permettait de vivre dans un certain confort. Avec le soutien de sa belle-famille, Lingrépa et Mènmo, habillés avec du cotton blanc comme les disciples de Milarépa, avaient entrepris l’étude de la transmission orale de Réchungpa (T. ras chung snyan rgyud) auprès de différents maîtres. Quand ils étaient en retraite, ils entendaient parler de Pamodroupa et avaient envie d’étudier auprès de lui. Pamodroupa était un moine, qui prenait très au sérieux la discipline du vinaya et avait fait le vœu de ne pas rentrer dans le foyer d’un homme laïc, même s’il s’agissait d’un roi. [1]
Quand le couple arriva en présence de Pamodroupa, celui-ci dit à Lingrépa : « Renvoie la femme ! ». Lingrépa répliqua : « J’ai déjà essayé de la renvoyer à plusieurs reprises, mais elle ne veut pas ! ». Pamodroupa répliqua « Cette fois-ci elle partira, alors renvoie-la ! Je ferai un rituel ! » Il renvoya alors Mènmo en se justifiant : « Je n’ai pas trop gaspillé la fortune de tes parents. Rentre chez toi et profite de la prospérité de tes parents. »
Plus tard, il réprit une autre femme de Zangri (zangs ri) comme sa mudrā, mais il le regretta par la suite. Il la renvoya en lui disant de ne pas le suivre. Comme elle le suivait quand même, il s’est enfui au Kham. Elle avait par la suite tenté de le suivre là-bas, mais mourut en chemin.
Mais le sort d'une mudrā ou d'une muse n'est pas nécessairement l'abandon ou la mort, elle peut aussi être généreusement offerte d'un maître à un autre. Voir le cas où rngog chos rdor offre sa belle mudrā à Ram tsan can en échange d'instructions dans le cycle du Hevajra tantra (BA p. 407).
Mais le sort d'une mudrā ou d'une muse n'est pas nécessairement l'abandon ou la mort, elle peut aussi être généreusement offerte d'un maître à un autre. Voir le cas où rngog chos rdor offre sa belle mudrā à Ram tsan can en échange d'instructions dans le cycle du Hevajra tantra (BA p. 407).
Lingrépa est l’auteur d’une série de compositions assez originales, inspirées selon lui par une ḍākinī, mais des mauvaises langues contemporaines disaient qu’elles étaient ses propres inventions (T. rang bzor byed pa). Lingrépa est à l’origine de l’école Lingré kagyu (T. gling ras bka’ brgyud) et fut le maître de Tsangpa Gyarepa (gtsang pa rgya ras 1161 - 1211), le fondateur de l’école droukpa kagyu.
Pour la position de la femme et des mudrā, voir le livre de June Campbell, Traveller in Space : Gender, Identity and Tibetan Buddhism (article Tricycle) Extraits du livre : 1, 2, 3
Illustration : thangka peint par Edward Thomas
[1] BA p. 560
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