"Chakras and energy channels" (source) |
Le corps subtil ou corps-vajra est trop à l'étroit dans son incarnation temporaire. Le coeur triadique du corps subtil consistant en trois canaux (nāḍī) reproduit schématiquement la triade de l’univers (tridhātu). Y aurait-il des correspondances avec les trois guṇa ?
Le canal central (avadhūti), le plus important, s'étend le long de la colonne vertébrale. Il est associé à la sagesse primordiale et au potentiel d'éveil. Le canal (rasanā) à droite du canal central, est de couleur blanche et s'enroule autour du canal central pour finir dans la narine droite. Il est associé à l'énergie solaire, aux fonctions corporelles et aux processus mentaux. Le canal de gauche (lalanā), rouge, correspond à l'énergie solaire et est situé à gauche chez l'homme et à droite chez la femme[1].
Le canal central est un tube de lumière, blanc à l'extérieur (symbole de la béatitude), rouge à l'intérieur (symbole de la luminosité) et bleu entre les deux (symbole de la vacuité). La triple expérience de la réalité lumineuse. Il inclut et transcende les deux autres canaux. Il est en lien direct avec la Lumière (t. ‘od gsal).
Les deux canaux latéraux, rasanā et lalanā, s'enroulent autour du canal central, avadhūti, créant des points de constriction appelés "noeuds". Ces noeuds empêchent la libre circulation des énergies vitales (prāṇa) des canaux latéraux vers le canal central. La purification des énergies des canaux latéraux est essentielle pour que le Cœur puisse être pleinement fonctionnel.
On pourrait dire que les deux canaux latéraux représentent ou causent “l’ignorance” au niveau du tube de lumière central, et les deux voiles, le voile de la connaissance dualiste (jñeyāvaraṇa) pour rasana, et le voile des passions (kleśāvaraṇa) pour lalanā. Le masculin correspond à rasanā, et le féminin à lalanā. Le canal central est neutre (Lumière et vacuité).
La vacuité, ou coproduction conditionnée, correspond à la part “physique” grossier (karmique), dans laquelle est contraint le corps subtil (corps-vajra) qui correspond à la Lumière. La Lumière est divine et pure et échappe à toute contrainte à l’état pur, mais associée à un corps physique, les limitations de ce dernier sont les siennes, s’il y a identification avec le corps grossier.
En plus de ces trois canaux principaux, le corps subtil est parcouru par un réseau de canaux secondaires, estimés à 72 000, dont 37 sont considérés comme principaux. Ces canaux distribuent les vents subtils dans tout le corps, assurant le bon fonctionnement des organes et des processus vitaux. Le chiffre de 70 000 voiles, symbolisant la multitude des obstacles à l'éveil, est cité chez Henry Corbin[2]. On pourrait y voir une correspondance avec les canaux secondaires, qui sont au fond autant de “voiles”, et qui doivent être purifiés yoguiquement. Les pratiques yogiques et la méditation visent à harmoniser les énergies des canaux latéraux[3] et à favoriser l'ascension des vents subtils dans le canal central. Cette ascension conduit à la réalisation de la nature lumineuse de l'esprit et à l'éveil.
L’expérience de la triade Lumineuse diffère selon l’ignorance et la connaissance (gnose) de chaque individu. Elle est le trikāya du Bouddha et le corps-parole-esprit d’un individu ignorant. Mais c’est la même triade Lumineuse. Pour le Bouddha, il n’y a pas de contraintes, pas de dualité, pas d’intérieur et extérieur. Son “corps subtil” est le corps-vajra indestructible actualisé, garanti sans “noeuds”. C’est le corps cosmique. Le vajradhara peut voyager à l’intérieur de son corps, tout en voyageant “quantiquement” à l’extérieur. “Comme ci-dessus, ainsi ci-dessous”, et vice-versa. La Lumière n’a pas de frontières dans le triple univers “and beyond”.
Dans le bouddhisme ésotérique “buddhadhātoḥ”, le tube lumineux est l’indissociabilité de la luminosité et de la vacuité, la composante principale étant la Lumière. La vacuité est comme la Pensée (t. dgongs pa) de la Lumière. La vacuité “gère”, telle la Nature, le mélange de la Lumière et de “la matière” ou d’un médium, l’incorporation de la Lumière. Cependant, logiquement, lors de “l’ascension”, quand l’incorporation cesse, et que la vacuité (coproduction conditionnée) cesse, il ne reste plus que la Lumière, et la vacuité en tant que “Pensée”. Logiquement, car théologiquement la Lumière est depuis toujours indissociable de la vacuité, et de l’incorporation (immanence). Dans ce sens, on pourrait dire que le bouddhisme ésotérique “buddhadhātoḥ” est un monisme de Lumière, où la Lumière est la seule dimension ultime. Au-delà du triple univers, la Lumière règne en maître. Sans le processus d’émanation dans ce système idéaliste, la vacuité n’aurait pas de rôle, mais elle peut tenir compagnie à la Lumière.
Sans le processus d’émanation et sans la vacuité, nous ne serions pas là ; une simple “lueur dans l’oeil de la Lumière” (“a twinkle in one's father's eye”).
[1] Chogyal Namkhai Norbu, Yantra Yoga, The Tibetan Yoga of Movement (2008)
[2] “Dieu a 70000 voiles de lumière et de ténèbres; s'il les dévoilait. Les éclats de sa Face incendieraient tout ce que rencontrerait son regard.” Ces voiles, c'est l'ensemble de tous les univers sensibles et suprasensibles (molk et malakût, shahâdat et ghaybat). Le chiffre qui en fixe qualitativement le nombre suivant la tradition ci-dessus, est de 70000. Mais il y a des variantes ; certaines traditions font état de 18000 mondes, d'autres de 360000 mondes (116). Or, tous ces mondes sont existants à l'intérieur de l'homme, dans son être subtil ou ésotérique (nahân = bâtin), lequel comporte autant d'« yeux » qu’il existe de ces mondes ; c'est par ces yeux qui leur correspondent, qu’il perçoit respectivement chacun de ces mondes, en vivant chaque fois l'état spirituel où ce monde s'épiphanise à lui.” Henry Corbin, L’homme de lumière dans le soufisme iranien, Editions Présence (1987)
“Le Continuum causal existe dans le corps de chacun comme “le Corps vajra” (rdo rje lus) avec ses 36 constituants, , incluant les agrégats, les éléments, les organes sensoriels, etc., ainsi qu’un réseau de 72 000 canaux subtils, dont 37 sont considérés comme principaux. Ce corps subtil, dans son état originel, reflète la pureté potentielle de l'état de Bouddha. L'association des 37 canaux aux 36 constituants du corps vajra et aux 37 facteurs de l'éveil met en lumière l'interdépendance entre le corps et l'esprit, ainsi que le rôle central du corps subtil dans le processus de libération.
Comprendre la condition authentique de l'esprit et du corps implique de reconnaître la nature lumineuse et vide de la pensée, de comprendre que le corps est l'expression de la Luminosité. En purifiant et transformant le corps et la pensée par les pratiques du Continuum de la méthode, Le Continuum résultant est réalisé, l'état de Bouddha.”
[3] “The Kyangma channel, red and corresponding to solar energy, is on the left side in men and on the right in women. Kyang means ‘sole’, and unlike the Roma, this channel is not connected with many secondary channels. Control of this channel is fundamental in order to cultivate the experience of emptiness.” BLOG L'étonnant Yangönpa.
Le canal central est un tube de lumière, blanc à l'extérieur (symbole de la béatitude), rouge à l'intérieur (symbole de la luminosité) et bleu entre les deux (symbole de la vacuité). La triple expérience de la réalité lumineuse. Il inclut et transcende les deux autres canaux. Il est en lien direct avec la Lumière (t. ‘od gsal).
Les deux canaux latéraux, rasanā et lalanā, s'enroulent autour du canal central, avadhūti, créant des points de constriction appelés "noeuds". Ces noeuds empêchent la libre circulation des énergies vitales (prāṇa) des canaux latéraux vers le canal central. La purification des énergies des canaux latéraux est essentielle pour que le Cœur puisse être pleinement fonctionnel.
On pourrait dire que les deux canaux latéraux représentent ou causent “l’ignorance” au niveau du tube de lumière central, et les deux voiles, le voile de la connaissance dualiste (jñeyāvaraṇa) pour rasana, et le voile des passions (kleśāvaraṇa) pour lalanā. Le masculin correspond à rasanā, et le féminin à lalanā. Le canal central est neutre (Lumière et vacuité).
La vacuité, ou coproduction conditionnée, correspond à la part “physique” grossier (karmique), dans laquelle est contraint le corps subtil (corps-vajra) qui correspond à la Lumière. La Lumière est divine et pure et échappe à toute contrainte à l’état pur, mais associée à un corps physique, les limitations de ce dernier sont les siennes, s’il y a identification avec le corps grossier.
En plus de ces trois canaux principaux, le corps subtil est parcouru par un réseau de canaux secondaires, estimés à 72 000, dont 37 sont considérés comme principaux. Ces canaux distribuent les vents subtils dans tout le corps, assurant le bon fonctionnement des organes et des processus vitaux. Le chiffre de 70 000 voiles, symbolisant la multitude des obstacles à l'éveil, est cité chez Henry Corbin[2]. On pourrait y voir une correspondance avec les canaux secondaires, qui sont au fond autant de “voiles”, et qui doivent être purifiés yoguiquement. Les pratiques yogiques et la méditation visent à harmoniser les énergies des canaux latéraux[3] et à favoriser l'ascension des vents subtils dans le canal central. Cette ascension conduit à la réalisation de la nature lumineuse de l'esprit et à l'éveil.
L’expérience de la triade Lumineuse diffère selon l’ignorance et la connaissance (gnose) de chaque individu. Elle est le trikāya du Bouddha et le corps-parole-esprit d’un individu ignorant. Mais c’est la même triade Lumineuse. Pour le Bouddha, il n’y a pas de contraintes, pas de dualité, pas d’intérieur et extérieur. Son “corps subtil” est le corps-vajra indestructible actualisé, garanti sans “noeuds”. C’est le corps cosmique. Le vajradhara peut voyager à l’intérieur de son corps, tout en voyageant “quantiquement” à l’extérieur. “Comme ci-dessus, ainsi ci-dessous”, et vice-versa. La Lumière n’a pas de frontières dans le triple univers “and beyond”.
Dans le bouddhisme ésotérique “buddhadhātoḥ”, le tube lumineux est l’indissociabilité de la luminosité et de la vacuité, la composante principale étant la Lumière. La vacuité est comme la Pensée (t. dgongs pa) de la Lumière. La vacuité “gère”, telle la Nature, le mélange de la Lumière et de “la matière” ou d’un médium, l’incorporation de la Lumière. Cependant, logiquement, lors de “l’ascension”, quand l’incorporation cesse, et que la vacuité (coproduction conditionnée) cesse, il ne reste plus que la Lumière, et la vacuité en tant que “Pensée”. Logiquement, car théologiquement la Lumière est depuis toujours indissociable de la vacuité, et de l’incorporation (immanence). Dans ce sens, on pourrait dire que le bouddhisme ésotérique “buddhadhātoḥ” est un monisme de Lumière, où la Lumière est la seule dimension ultime. Au-delà du triple univers, la Lumière règne en maître. Sans le processus d’émanation dans ce système idéaliste, la vacuité n’aurait pas de rôle, mais elle peut tenir compagnie à la Lumière.
Sans le processus d’émanation et sans la vacuité, nous ne serions pas là ; une simple “lueur dans l’oeil de la Lumière” (“a twinkle in one's father's eye”).
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[1] Chogyal Namkhai Norbu, Yantra Yoga, The Tibetan Yoga of Movement (2008)
[2] “Dieu a 70000 voiles de lumière et de ténèbres; s'il les dévoilait. Les éclats de sa Face incendieraient tout ce que rencontrerait son regard.” Ces voiles, c'est l'ensemble de tous les univers sensibles et suprasensibles (molk et malakût, shahâdat et ghaybat). Le chiffre qui en fixe qualitativement le nombre suivant la tradition ci-dessus, est de 70000. Mais il y a des variantes ; certaines traditions font état de 18000 mondes, d'autres de 360000 mondes (116). Or, tous ces mondes sont existants à l'intérieur de l'homme, dans son être subtil ou ésotérique (nahân = bâtin), lequel comporte autant d'« yeux » qu’il existe de ces mondes ; c'est par ces yeux qui leur correspondent, qu’il perçoit respectivement chacun de ces mondes, en vivant chaque fois l'état spirituel où ce monde s'épiphanise à lui.” Henry Corbin, L’homme de lumière dans le soufisme iranien, Editions Présence (1987)
“Le Continuum causal existe dans le corps de chacun comme “le Corps vajra” (rdo rje lus) avec ses 36 constituants, , incluant les agrégats, les éléments, les organes sensoriels, etc., ainsi qu’un réseau de 72 000 canaux subtils, dont 37 sont considérés comme principaux. Ce corps subtil, dans son état originel, reflète la pureté potentielle de l'état de Bouddha. L'association des 37 canaux aux 36 constituants du corps vajra et aux 37 facteurs de l'éveil met en lumière l'interdépendance entre le corps et l'esprit, ainsi que le rôle central du corps subtil dans le processus de libération.
Comprendre la condition authentique de l'esprit et du corps implique de reconnaître la nature lumineuse et vide de la pensée, de comprendre que le corps est l'expression de la Luminosité. En purifiant et transformant le corps et la pensée par les pratiques du Continuum de la méthode, Le Continuum résultant est réalisé, l'état de Bouddha.”
[3] “The Kyangma channel, red and corresponding to solar energy, is on the left side in men and on the right in women. Kyang means ‘sole’, and unlike the Roma, this channel is not connected with many secondary channels. Control of this channel is fundamental in order to cultivate the experience of emptiness.” BLOG L'étonnant Yangönpa.
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